CA Lyon, 3e ch. A, 28 avril 2016, n° 14-09267
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
DT Distribution (SARL)
Défendeur :
Décor H. France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Expose du litige
La société Décor H. France (H.) a développé un concept de magasin de produits de fenêtres en conception sur mesure et d'accessoires de décoration d'intérieur et, afin d'accélérer son développement sur le territoire français, elle a décidé en 2009 de recourir à la franchise, ayant en France 101 magasins succursales.
Lors de l'édition 2009 du salon de la franchise, la société H. est entrée en relations avec Madame M., gérante de la société DT Distribution qui exploitait auparavant un magasin sous enseigne Casa, et lui a remis un prévisionnel de chiffre d'affaires de 700 000 euro en année 1, avec 91 000 euro de travaux d'aménagement du magasin.
Le 27 octobre 2010, les parties ont signé un contrat de franchise pour 5 ans concernant le magasin de la société DT Distribution situé à Touques (près de Deauville). La redevance était de 6 % du chiffre d'affaires avec une redevance informatique de 500 euro.
Rapidement après l'ouverture, des différends sont nés entre les parties, la société DT Distribution évoquant notamment un chiffre d'affaires très loin des budgets prévisionnels fournis par la société H., de l'ordre de 50 %, ayant entraîné de lourdes pertes, et la société H. faisant état de plusieurs factures de marchandises impayées, 100 000 euro en novembre 2011, puis 282 202,69 euro en novembre 2012, avant d'atteindre 316 167,84 euro au moment de l'assignation au fond.
Par ordonnance du 6 décembre 2012, la société H. a été autorisée à prendre une inscription de nantissement judiciaire provisoire sur le fonds de commerce de la société DT Distribution pour une somme de 288 796,05 euro par le président du tribunal de commerce de Lisieux.
Aucun accord n'étant intervenu notamment quant au règlement de la dette de la société DT Distribution, la société H. l'a, par acte du 15 mars 2013, assignée devant le Tribunal de commerce de Lyon en paiement des marchandises impayées.
Par courriers des 26 juin, 12 et 24 juillet 2013 la société DT Distribution a informé la société H. qu'elle souhaitait mettre fin au contrat de franchise avec effet au 5 octobre 2013.
La société H. a réclamé en cours d'instance des dommages intérêts pour résiliation fautive du contrat de franchise à hauteur de 49 587,04 euro, et en restitution des signes distinctifs conservés jusqu'au 28 février 2014, date de la cession du bail.
De son côté, la société DT Distribution a sollicité l'annulation du contrat de franchise pour dol et erreur ou la résiliation du contrat aux torts de la société H. ;
Par jugement en date du 14 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- annulé le contrat de franchise signé par les sociétés Décor H. France et DT Distribution,
- débouté en conséquence la société Décor H. France de sa demande de paiement de 49 587,07 euro au titre de la résiliation fautive du contrat de franchise,
- condamné la société DT Distribution à payer la somme de 272 296,13 euro à la société Décor H. France, au titre des marchandises (après déduction des redevances liées au contrat de franchise)
- ordonné à la société DT Distribution de restituer les signes distinctifs H. et rejeté la demande d'astreinte,
- condamné la société Décor H. France à payer la somme de 47 500 euro à la société DT Distribution au titre des travaux spécifiques réalisés à la demande de la société Décor H. France,
- débouté la société DT Distribution de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,
- dit n'y avoir pas lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté, compte tenu des circonstances de l'instance, la demande d'exécution provisoire,
- fait masse des dépens comprenant la totalité des frais de l'expertise judiciaire qui seront supportés par moitié par chacune des parties.
Par déclaration reçue le 25 novembre 2014, la société DT Distribution a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 8 janvier 2016, la société DT Distribution demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 octobre 2014 en ce qu'il a :
annulé le contrat de franchise signé par les parties le 27 octobre 2010,
débouté la société Décor H. France de sa demande de paiement de la somme de 49 587,07 euro au titre de la résiliation fautive du contrat de franchise,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 octobre 2014 en ce qu'il a :
condamné la société DT Distribution à payer la somme de 272 296,13 euro à la société Décor H. France,
débouté la société DT Distribution de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,
débouté la société DT Distribution de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,
fait masse des dépens,
et statuant de nouveau,
à titre principal,
- condamner la société Décor H. France à payer à la société DT Distribution en conséquence de la nullité :
la somme de 85 125 euro au titre des restitutions subséquentes à la nullité du contrat de franchise,
la somme 466 299 euro de pertes cumulées aux bilans des exercices 30/4/2011 à 30/4/2014 (déduction faite de la cession du bail) au titre de la remise en état antérieur. Subsidiairement, condamner la société Décor H. France à payer à la société DT Distribution :
- la somme de 127 785 euro au titre des investissements spécifiques à la franchise de la société DT Distribution,
- la somme de 56 221 euro au titre de la dette en compte courant que la société DT Distribution a contracté auprès de Mme M.,
- la somme de 26 376, 86 euro au titre du découvert bancaire dont la société DT Distribution est débitrice,
- condamner la société Décor H. France à payer à la société DT Distribution à titre de dommages et intérêts pour dol :
payer à la société DT Distribution la somme de 401 000 euro, soit une année de marge brute prévue par les comptes d'exploitation prévisionnels conçus par la société H.,
supporter la somme de 304 261,28 euro de créances marchandises que Décor H. France a livrées à DT Distribution en application d'un contrat nul, marchandises qu'elle a accepté de livrer en sachant qu'elle n'en serait pas payée à cause des conditions d'exploitation déficitaires de DT Distribution dont Décor H. France était responsable,
débouter la société Décor H. France de sa demande de paiement de la somme de 11 906,56 euro au titre de redevances de franchise non payées, résultant d'un contrat nul et donc, dépourvues de cause,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que la résiliation anticipée du contrat est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société Décor H. France,
- en conséquence, condamner la société Décor H. France à indemniser DT Distribution du montant des pertes subies, soit la somme 466 299 euro de pertes cumulées aux bilans des exercices 30/4/2011 à 30/4/2014 (déduction déjà faite de la cession du bail). Subsidiairement, condamner la société Décor H. France à payer à la société DT Distribution :
127 785 euro au titre des investissements spécifiques à la franchise de la société DT Distribution, faits en pure perte,
56 221 euro au titre de la dette en compte courant que la société DT Distribution a contracté auprès de Mme M.,
26 376, 86 euro au titre du découvert bancaire dont la société DT Distribution est débitrice,
- condamner la société Décor H. France à payer à la société DT Distribution la somme de 863 000 euro au titre du gain manqué,
- débouter la société Décor H. France de sa demande de paiement de la somme de 11 906,56 euro au titre de redevances de franchise non payée, dépourvue de la contrepartie et à titre de dommages et intérêts pour la sanctionner ses fautes,
- supporter, à titre de dommages et intérêts, la somme de 304 261,28 euro de créances marchandises qu'elle a livré à DT Distribution en sachant qu'elle n'en serait pas payée à cause des conditions d'exploitation déficitaires de DT Distribution et dont Décor H. France était responsable,
en tout état de cause,
- débouter la société Décor H. France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire que les condamnations contre Décor H. France porteront intérêt au légal capitalisés à compter du 28 juin 2013, date du dépôt des conclusions en défense en première instance,
- condamner la société Décor H. France au paiement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens, dont les distractions de l'article 699 du CPC au profit de Maître Charles-Henri B..
La société DT Distribution fait valoir, sur la nullité ou la responsabilité de la société H. que celle-ci n'a pas rédigé et ne lui a pas remis 20 jours avant la signature du contrat le document d'information pré-contractuelle (DIP) prévu à l'article L. 330-3 du Code de commerce et conforme aux dispositions de l'article R. 330-1 du même Code, le DIP invoqué par la société H. étant incomplet et inexact, notamment sur l'état des marchés nationaux et locaux.
Elle soutient que la société H. n'a fait ni d'étude, ni d'état de marché, et encore moins de ses perspectives de développement, ne respectant pas ainsi les dispositions de l'article R. 330-1 4° al 2 du Code de commerce, précisant qu'elle exploitait jusque-là une enseigne Casa, d'activité totalement différente et que la zone de chalandise de Touques était inadaptée au concept H. (zone rurale occupée par des résidents parisiens, résidents permanents s'approvisionnant sur Caen)
Elle affirme que la société H. lui a remis des chiffres d'affaires qui ne correspondaient à aucune réalité locale et qui ne reposaient sur aucune étude du marché local des produits, cette société ayant surévalué de 48 % le marché réel de ses produits, faussant ainsi son appréciation de la rentabilité de la franchise, élément, par nature, déterminant de son consentement.
Elle estime que la société H. n'avait pas le savoir-faire franchissable de son concept en France puisqu'à la date des faits cette société n'avait ni testé ni expérimenté son concept avec un site pilote, son expérience en succursales, dont la rentabilité au demeurant n'est pas précisée, n'étant pas transposable à un magasin franchisé dont les conditions d'exploitation sont radicalement différentes. Elle relève que le franchiseur l'a étouffée en lui imposant dès le début de la relation contractuelle un approvisionnement automatique, qui a très vite occasionné un stock trop important et une trésorerie vite absorbée conduisant aux premiers impayés dès août 2010. Elle fait observer que même le réseau de succursales a largement diminué en France et qu'elle est restée la seule franchisée, jusqu'à ce que la société H. revoie son concept et transforme des succursales en franchises, dans des grandes villes.
Elle soutient que la société H. n'a pas respecté ses obligations d'assistance et de conseil, cette société ne s'étant jamais déplacée dans son point de vente et ne lui ayant jamais proposé de solution pérenne pour qu'elle puisse retrouver un équilibre, notamment en passant en commission affiliation, et qu'elle n'a pas respecté l'engagement essentiel de créer un réseau de franchise.
Elle affirme que la société H. ne lui a pas assuré le coefficient de marge de 2,2 prévu à cause de la politique commerciale de cette société reposant sur de fréquentes promotions, sans diminution du prix de cession de sa part.
Elle indique à titre principal que les manquements de la société H. l'ont trompée et qu'elle n'aurait pas signé de contrat si elle avait su que les chiffres qui lui étaient communiqués étaient faux et que la société H. ne créerait pas de réseau de franchise., et sollicite subsidiairement la résiliation du contrat aux torts de la société H..
Elle expose que l'annulation du contrat impose que la société H. lui restitue les redevances qu'elle a reçues au titre du contrat, sans compensation avec la demande de restitution en valeur des prestations non fournies et que cette société répare les pertes qu'elle n'aurait pas subies si le contrat n'avait jamais été conclu (466299 euro de pertes cumulées sous déduction de la cession du bail).
Subsidiairement, elle demande le remboursement des investissements réalisés spécifiques à la franchise soit 127 785 euro, la dette de compte courant d'associé alimenté par la gérante pour 56 221 euro, le découvert bancaire de 26 376,86 euro dont Madame M. est caution.
Elle estime, qu'ayant été victime de dol, la société H. doit lui verser une année de marge brute à titre de dommages et intérêts pour perte du fonds (soit 401 000 euro selon les comptes provisionnels et conserver à sa charge la créance qu'elle détient sur elle au titre des redevances impayées, comme l'a retenu le tribunal, mais aussi des marchandises livrées en sachant que le franchisé ne pourrait pas les payer.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 4 février 2016, la société Décor H. France demande à la cour de :
- déclarer la société Décor H. France recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la société DT Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 13 octobre 2014 en ce qu'il a condamné la société DT Distribution à payer à la société Décor H. Centrale les factures de marchandises impayées,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 13 octobre 2014 dans ses autres dispositions,
statuant à nouveau,
- condamner la société DT Distribution à payer à Décor H. France la somme de 316 167,84 euro TTC au titre des factures impayées dues en exécution de son contrat de franchise, augmenté des intérêts,
- constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société DT Distribution,
- condamner la société DT Distribution à payer à la société Décor H. Centrale la somme de 49 587,04 euro TTC au titre de la résiliation fautive de son contrat de franchise,
- condamner la société DT Distribution à payer à la société Décors H. France la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner la société DT Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société H. fait valoir au visa de l'article L. 330-3 du Code de commerce, que le seul manquement aux obligations d'information pré-contractuelle, n'emporte pas automatiquement la nullité du contrat que la société DT Distribution ne rapporte pas la preuve que le consentement de sa gérante ait été vicié puisque celle-ci connaissait la zone d'exclusivité pour avoir déjà exploité le local sous une autre enseigne de décoration et pour exploiter plusieurs autres sociétés de décoration dans la région, elle était habituée aux contrats de distribution et elle a disposé de plus d'un an entre la remise du prévisionnel et la signature effective du contrat de franchise.
Elle soutient qu'elle a remis un document d'information précontractuel par courriel du 9 novembre 2009 et par courrier du 10 novembre 2009 et que la société DT Distribution a reconnu dans le contrat de franchise avoir été parfaitement informée et conseillée avant la signature du contrat de franchise.
Elle indique qu'elle ne nie pas que le franchiseur est tenu en vertu de l'article L. 330-3 du Code de commerce de remettre un état de marché général et local mais affirme qu'il ne pèse sur le franchiseur aucune obligation lui imposant d'établir une étude de marché.
Elle affirme que le prévisionnel qu'elle a transmis n'est pas fantaisiste et ne saurait engager sa responsabilité puisqu'elle a indiqué à la société DT Distribution qu'elle était inexpérimentée en franchise sur le territoire français et qu'elle a remis le prévisionnel du magasin de Touques qui est cohérent avec les chiffres d'affaires du réseau, la société DT Distribution ne pouvant ignorer que les prévisionnels ne pouvaient avoir de valeur contractuelle et la non-atteinte des prévisionnels se justifiant par le manque d'investissement et par l'attitude de la société DT Distribution qui a soulevé des difficultés dès le début de la franchise.
Rappelant que la charge de la preuve incombe au franchisé, elle prétend avoir développé un savoir-faire franchisable, comme le confirme la réussite de la franchise en Belgique et désormais en France (12 en 2015), et soutient qu'aucun texte légal ou réglementaire ne lui imposait de constituer un site pilote préalablement au lancement de son réseau en France.
Elle soutient que la société DT Distribution ne peut solliciter l'indemnisation de la totalité des pertes, faute pour elle de démontrer un lien de causalité entre le montant sollicité et la faute alléguée, ni le remboursement des investissements spécifiques à la franchise, aucune des dépenses en cause n'ayant été exigées par elle au titre de la mise en place du concept, ni le remboursement des comptes courants, les associés composant le capital de la société DT Distribution n'étant pas parties à la procédure, ni le remboursement du découvert bancaire, la société DT Distribution ne rapportant pas la preuve de sa responsabilité dans la mise en place de ce découvert bancaire.
Elle affirme que la société DT Distribution ne peut lui demander le versement d'une année de marge brute, la perte du fonds de commerce étant uniquement due à la mauvaise gestion de cette société, pas plus qu'elle ne peut lui demander de conserver à sa charge sa créance au titre des redevances impayées et des marchandises, les redevances étant la contrepartie de ses prestations et cette société ne pouvant lui opposer une prétendue faute dans l'exécution du contrat de franchise pour s'opposer au paiement du prix des marchandises.
Sur la demande subsidiaire en résiliation du contrat à ses torts, elle relève que les griefs sont tardifs prétend avoir respecté ses obligations d'assistance, de conseil et d'adaptation de son savoir-faire et avoir développé son réseau de franchise bien qu'elle n'ait pas pris un tel engagement.
Elle affirme avoir bien respecté le coefficient de marge 2,2, le coefficient étant appliqué même en période de promotion, le risque portant sur les commandes antérieures aux promotions.
Elle soutient que le contrat a été résilié aux torts exclusifs de la société DT Distribution qui n'a pas payé les marchandises et décidé de résilier unilatéralement le contrat. Elle relève qu'en aucun cas le manque à gagner ne peut être calculé sur un prévisionnel.
Elle indique détenir une créance sur la société DT Distribution au titre des redevances et marchandises impayées, dette ayant été reconnue par cette société, dans la convention de nantissement et estime être en droit de solliciter la somme de 49 587,04 euro en indemnisation de son préjudice pour résiliation anticipée du contrat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 février 2016.
Motifs de la décision
Selon l'article 330 -3 du Code de commerce " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi -exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.
Ce document dont le contenu est fixé par décret précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent ".
Selon l'article 4330 -1 du même Code, le document prévu à l'article L. 330-3 doit contenir les informations suivantes : la date de création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, une présentation du réseau d'exploitants, la présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché, la nature et le montant des investissements spécifiques.
Sur la demande principale en nullité du contrat de franchise pour dol, erreur ou défaut de cause
C'est à la société DT Distribution qui invoque pour ces motifs la nullité du contrat de franchise d'établir la réalité des manœuvres ou omission dolosives qu'elle impute à la société H., et en quoi celles -ci ont vicié son consentement par erreur provoquée, en ce que sans elles, elle n'aurait pas conclu le contrat de franchise.
En matière de contrat de franchise, le défaut d'information pré-contractuelle, stipulée par les dispositions légales rappelées ci-dessus, dans le but de protéger le franchisé, n'emporte pas de plein droit la nullité du contrat de franchise et il incombe à ce dernier de démontrer que les manquements du franchiseur dans cette phase pré-contractuelle, ont vicié son consentement.
En l'espèce, la société DT Distributions se plaint de ne pas avoir reçu de DIP dans le délai de 20 jours avant la signature du contrat et de n'avoir été destinataire antérieurement que d'un document très incomplet ne contenant notamment, ni état de marché national et local ni étude du marché local et de ses perspectives de développement.
Le document établi et remis le 9 novembre 2009, soit un an avant la signature du contrat de franchise le 27 octobre 2010, ne comporte effectivement pas 'l'état général et local des produits objets du contrat et de ses perspectives de développement ' et le projet de contrat qui est joint, ne correspond pas exactement à celui signé par la société DT Distributions.
Mais la société DT Distributions qui a disposé de ce document sur un laps de temps important, et dont la gérante exploitait à l'emplacement même de la future franchise H., mais sous une autre enseigne, un magasin de décoration et d'ameublement, n'établit pas en quoi ce manquement dans l'information pré-contractuelle aurait vicié son consentement, sachant qu'il lui appartenait seule, en tant que commerçante indépendante, de procéder à une étude du marché local, qu'elle était la mieux à même de connaître et dont elle a fait d'ailleurs une analyse très pertinente dans ses divers courriers postérieurs à la signature du contrat .
La société DT Distributions n'établit pas non plus en quoi ce défaut d'information serait constitutif d'une réticence dolosive délibérée de la part de la société H., faute d'interrogation spécifique de sa part dans la phase de pourparlers qui a duré une année, ni en quoi la non reproduction exacte, au moment de la signature, du modèle de contrat de franchise transmis en novembre 2009, l'aurait induite en erreur sur la portée de ses engagements.
La société DT Distribution reproche également à la société H. de lui avoir transmis dans le cadre de ces pourparlers pré-contractuelle, un état prévisionnel qui s'est avéré totalement irréaliste et gravement erroné, sa non réalisation ne suffisant pas à constituer cette preuve.
Sachant que les comptes prévisionnels transmis par le franchiseur n'ont pas valeur d'engagement contractuel de sa part, et qu'ils ne peuvent, le cas échéant, constituer un vice de consentement ou engager la responsabilité contractuelle de celui-ci que s'ils sont gravement et délibérément mensongers, force est de constater que le document figurant sous forme de tableau parmi les documents transmis en novembre 2009, n'est pas, à proprement parler, un prévisionnel sur 6 ans sur la franchise de Deauville, comme le prétend la société DT Distribution, mais, selon son intitulé, 'un compte de résultat type -Franchises France ' certes sur la franchise de Deauville pour la première année , mais sur comptes de résultats type et purement indicatifs sur les années suivantes, la société DT Distribution première franchisée en France de la société n'ignorant pas que la société H. ne disposait pas sur ce territoire d'éléments de comparaison, ce qui était clairement indiqué dans le document pré-contractuelle avant que la société H. ne vienne visiter les lieux, et ayant disposé, elle-même, de tout le temps nécessaire pour établir son propre prévisionnel, en tant que commerçante indépendante.
Le chiffre d'affaires provisionnel sur les douze premiers mois d'exploitation, soit 837 000 euro, est, au demeurant, en cohérence avec le chiffre d'affaires moyen des succursales H. en France, seule base de référence dont disposait, en toute bonne foi, cette dernière et le seul fait que la société DT Distribution ne l'ait atteint qu'à 50 % ne suffit pas à démontrer l'erreur sur un élément substantiel du contrat, provoquée, donc excusable, qui en serait résulté pour cette dernière, qui a une part active dans la réalisation de ce chiffre d'affaires et qui se trouvait à l'époque dans l'obligation de trouver une nouvelle franchise en remplacement de celle de Casa.
Succombant dans la preuve qui lui incombe d'un vice du consentement rédhibitoire, la société DT Distribution doit être déboutée également de sa demande de nullité du contrat de franchise pour inexistence d'un savoir-faire franchisable, pour défaut d'expérience et de mise en place d'une unité pilote. En effet aucun texte du droit français ou communautaire, n'exige d'un distributeur, de mettre en place, avant la constitution de son réseau de franchise, un ou plusieurs centres pilotes pour tester son savoir-faire, seule comptant l'existence d'un savoir-faire résultant d'une expérience et de connaissances pratiques transmissibles, conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel, et à celui auquel il est transmis, la chance, mais non la garantie, de la réitération d'un succès.
A cet égard, la société DT Distribution, qui a utilisé la marque à titre d'enseigne, commercialisé, selon la formation dispensée et le manuel de savoir-faire qu'elle déclare avoir reçu, les produits de marque H., dans un magasin réalisé conformément au cahier des charges de celle-ci, n'apporte aucun élément caractérisant une absence de savoir-faire franchisable, la société H., créée en Belgique depuis 1967 justifiant posséder plusieurs succursales et franchises tant en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, que désormais en France où elle possède 12 franchisés, peu important l'évolution donnée à son concept dans ces nouvelles franchises, ce qui ne disqualifie pas celui transmis au moment de la souscription du contrat, ou la fermeture parallèlement de 153 succursales.
Le moyen tiré de ce que la société H. aurait imposé, dès le début de la collaboration, un approvisionnement automatique qui a noyé la société DT Distribution sous un stock, en grevant sa trésorerie, est étranger à la question de l'existence ou non d'un savoir-faire transmissible, n'est étayé par aucune pièce, et relèverait plutôt d'un manquement dans l'exécution du contrat.
Le jugement qui a accueilli la demande de nullité du contrat formée par la société DT Distribution doit être infirmé, et cette dernière déboutée de ce chef de demande et de ses demandes de rétablissement et d'indemnisation subséquentes.
Sur l'imputabilité de la résiliation du contrat de franchise
Par lettre en date du 12 juillet 2013, faisant suite à son assignation en paiement de marchandises par la société H., la société DT Distribution a résilié le contrat de franchise dont le terme était fixé au 27 octobre 2015.
C'est donc à celle-ci qui invoque, à titre subsidiaire, une résiliation aux torts de la société H. d'établir l'existence de manquements suffisamment graves de cette dernière pour justifier une résiliation anticipée du contrat.
Indépendamment du caractère tardif d'une telle démarche, puisque si tous les échanges de courrier entre les parties confirment des difficultés en termes de gestion des stocks, ils reflètent également leur volonté commune de poursuivre la relation contractuelle par renégociations successives (deux avenants avec moratoire, un accord de nantissement sur le fonds, une demande de commission affiliation ), ceci sans rupture d'approvisionnement même pendant le préavis, il incombe à la société DT Distribution d'établir, comme elle le prétend, que la société H. a manqué à son obligation d'assistance et de conseil en cours d'exécution du contrat, preuve non rapportée dès lors qu'elle ne justifie pas s'être jamais plainte d'une absence de visite sur les lieux, ou d'une absence de réponse à ses interrogations et encore moins d'une insuffisance de formation ou d'information sur les produits .
Aucune preuve n'est par ailleurs rapportée de ce que la société H. serait à l'origine de la décision initiale d'approvisionnement automatique, qui n'a d'ailleurs pas perduré ou que celle-ci aurait, de mauvaise foi, refusé un système de commission affiliation sollicité par la société DT Distribution, qui ne répond pas à l'économie d'un contrat de franchise, où le franchisé définit librement le volume de ses commandes et a donc, seul, la maîtrise de son stock.
Dans un contexte d'augmentation constante des impayés de marchandises, jusqu'à atteindre un arriéré de plus de 300 000 euro, la société DT Distribution, commerçante indépendante, ne peut sérieusement reprocher à la société H. de l'avoir 'étouffée' financièrement, alors que par deux avenants et un accord de nantissement, cette dernière a accepté un ajournement des paiements, un maintien du taux de 2,2, sur la deuxième année, puis un encours de 150 000 euro avec prise de garantie sur le fonds, qui n'a pas été suivi d'effet puisqu'une autorisation de nantissement judiciaire provisoire a dû être mise en œuvre 6 mois après .
La société DT Distribution reproche enfin à la société H. de ne pas lui avoir assuré le coefficient de marge de 2,2 à cause de sa politique commerciale reposant sur de fréquentes promotions. Or ce coefficient n'était prévu initialement que sur la première année puis, sur la 2ème année mais la société DT Distribution ne démontre par aucune pièce que ce coefficient n'ait pas été assuré de fait , alors que le contrat de franchise prévoyait précisément à l'article 2 de ses conditions particulières: 'le prix d'achat du produit tient compte des promotions en cours : le système informatique de H. est tel que le réapprovisionnement en période de promotion se fera au tarif réduit ' et que ce taux dépend, en grande partie, de la régulation de ses commandes .
Là encore, ce grief, s'il était établi, ne saurait entraîné la résiliation aux torts de la société H., au regard de la gravité du manquement de la société DT Distribution elle-même en terme de non-paiement à hauteur de 300 000 euro de marchandises impayées, mais revendues puisque l'inventaire à la cession du fonds est quasiment nul, sachant que la société DT Distribution a également conservé les signes distinctifs de la marque H. jusque fin décembre 2013.
Enfin la société DT Distribution reproche à la société H. de ne pas avoir créé le réseau de franchisés, ce qui est certes de l'essence même de la franchise, mais ce grief est sans rapport avec les difficultés rencontrées par la société DT Distribution, liées comme elle l'indique elle-même, au défaut de notoriété de la marque sur le secteur (dit rural) de chalandise, sur quoi les échanges de correspondances, démontrent que la société H., comme la société DT Distribution, ont pris leur part pour en corriger les effets (distribution locale de flyers, de catalogues par cette dernière, publicités nationales pour le franchiseur).
La société DT Distribution, défaillante dans la preuve des manquements contractuels de son franchiseur dans l'exécution du contrat, doit assumer ses propres obligations contractuelles et les conséquences de sa résiliation anticipée du contrat.
Elle doit être ainsi condamnées à payer à la fois les redevances de franchise échues et impayées, qui sont la contrepartie des prestations apportées par le franchiseur, et les marchandises livrées par ce dernier, soit, selon décompte produit et non contesté, la somme de 316 167,84 euro TTC, intérêts contractuels de retard compris.
Faute de demande formulée sur ce point dans le dispositif des conclusions, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2013, date de l'assignation.
La société DT Distribution doit être également condamnée pour résiliation fautive du contrat avant son terme à payer à la société H. une indemnité correspondant au gain manqué sur les redevances restant à percevoir par celle-ci jusqu'à l'expiration du contrat, pour un montant non contesté de 49 587,04 euro, calculé sur la base de la moyenne des chiffres d'affaires mensuels des 12 derniers mois et du taux contractuel de 6 % sur le chiffre d'affaires.
L'équité commande en revanche qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'aucune partie.
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau, Déboute la société DT Distribution de sa demande de nullité ou de constatation de la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Décor H. France ; Condamne la société DT Distribution à payer à la société Décor H. France les sommes suivantes - 316 167,84 euro outre intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2013; - 49 587,04 euro outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société DT Distribution aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.