CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 6 mai 2016, n° 14-24802
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Renault (Sté)
Défendeur :
Actena Automobiles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Greff-Bohnert
Conseillers :
Mmes Chesnot, Hecq-Cauquil
Le 20 mars 2009, Monsieur Almir P. a acquis, auprès de la société ACTENA AUTOMOBILES, un véhicule RENAULT ESPACE immatriculé 104 CVJ78 depuis sa première immatriculation le 10 juillet 2003, pour un montant de 12 541 euro, ramené à une somme de 9 541 euro compte tenu de la reprise pour 3 000 euro de son ancien véhicule.
Monsieur P. a souscrit une garantie auprès de la société Direct Assurance et a adhéré à la garantie contractuelle vendeur souscrite auprès de la société ICARE.
Plusieurs anomalies ont contraint Monsieur P. à faire appel à son assureur, la société ICARE, en remboursement des différentes réparations.
Le 26 janvier 2010 le véhicule nécessitant de nouvelles réparations a été déposé au garage RENAULT RETAIL GROUP BOULOGNE qui a chiffré les réparations à la somme de 7 253,35 euro TTC que la société ICARE a refusé de prendre en charge de sorte que le véhicule est resté immobilisé dans ce garage à compter du 20 janvier 2010.
Le 17 février 2010, la société ICARE a confié une mission d'expertise à la société EXASS aux fins de déterminer la cause des désordres. Dans son rapport du 3 novembre 2010, l'expert a noté l'antériorité à la vente des désordres qu'il a pu constater.
Par un jugement rendu le 6 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré nulle et de nul effet la vente intervenue le 20 mars 2009 entre la société ACTENA AUTOMOBILES et Monsieur Almir P. d'un véhicule RENAULT ESPACE immatriculé 104 CVJ 78 depuis sa première immatriculation le 10 juillet 2003,
- condamné la société ACTENA AUTOMOBILES à lui rembourser la somme de 12 541 euro, montant du prix de la vente, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2012,
- la condamne en outre à payer à Monsieur P. la somme de 3 858,24 euro (2 078 euro + 267,84 euro + 443,40 euro +1 069 euro),
- la condamne à payer à la société RENAULT RETAIL GROUP BOULOGNE, à titre de frais de parking la somme de 10 euro par jour à compter du 19 avril 2010,
- la condamner à payer à Monsieur P. la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à la société RENAULT RETAIL GROUP la somme de 1 000 euro au même titre,
- la condamne aux dépens,
- dit que la société RENAULT sera tenue de garantir la société ACTENA AUTOMOBILES de toutes condamnations prononcées contre elle par le présent jugement.
Par un acte du 8 décembre 2014 la société Renault a interjeté appel de ce jugement.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2015, la société RENAULT demande à la cour, au visa de l'article 1641 du Code civil, de :
- constater que la preuve de l'existence d'un défaut de fabrication comme étant à l'origine de l'immobilisation du véhicule dont s'agit, n'est pas rapportée, conformément aux dispositions de l'article 1641 du Code civil, ainsi qu'à la jurisprudence de la cour de cassation en la matière,
En conséquence,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à l'action récursoire introduite par la société ACTENA AUTOMOBILES, à l'encontre de RENAULT SAS ;
Et statuant à nouveau,
- débouter la société ACTENA AUTOMOBILES de son action récursoire à l'encontre de RENAULT SAS ;
- prononcer la mise hors de cause de RENAULT SAS,
- débouter Monsieur P. de ses demandes de dommages intérêts au titre du remboursement des frais d'assurance ainsi qu'au titre de son prétendu trouble de jouissance,
- condamner la société ACTENA AUTOMOBILES à verser à RENAULT SAS une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Pierre G., avocat aux offres de droit.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2015, Monsieur P. demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de confirmer le jugement déféré, actualiser les demandes faites au titre de l'assurance pour une somme complémentaire de 1 233 euro et condamner la société ACTENA AUTOMOBILES à lui payer une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment les timbres fiscaux de 35 et 225 euro dont distraction au profit de maître Florence T., avocat aux offres de droit.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2015, la société RENAULT RETAIL GROUP demande à la cour au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, de :
- donner acte à la société RENAULT RETAIL GROUP de ce qu'elle s'en rapporte à justice en ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé des demandes présentées par la société RENAULT SAS dans le cadre de son appel,
- confirmer en tout état de cause la condamnation de la société ACTENA AUTOMOBILES ou de tout succombant à payer à la société RENAULT RETAIL GROUP le montant des frais de gardiennage du véhicule depuis la date du 19 avril 2010 jusqu'à celle du retrait effectif du véhicule des locaux de la société RENAULT RETAIL GROUP sur la base d'une somme journalière de 10 euro TTC,
- condamner Monsieur P. ou tout succombant à payer à la société RENAULT RETAIL GROUP une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Véronique V., avocat aux offres de droit.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2015, la société ACTENA AUTOMOBILES demande à la cour, au visa des articles 1149, 1641 et suivants du Code civil, de:
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule,
- dire et juger que l'existence d'un vice caché justifiant une résolution de la vente n'est
pas démontrée,
- en conséquence, débouter Monsieur P. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire dans l'hypothèse où le jugement serait confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé la somme de 12 541 euro et réduire ce montant à la somme de 9541 euro,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur P. de remboursement du coût des réparations effectuées en juin et juillet 2009 par le Garage RENAULT RETAILGROUP ,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande Monsieur P. de remboursement des frais d'assurance engagés, en ce qu'ils, constituent des frais fixes,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RENAULT à relever et garantir la Société ACTENA AUTOMOBILES des condamnations prononcées à son encontre au titre de la restitution du prix de la ente du véhicule litigieux et des préjudices annexes ,
En toutes hypothèses :
- débouter Monsieur P. et le Groupe RENAULT RETAIL GROUP de leurs
demandes tendant au versement des frais de gardiennage, subsidiairement réduire ce montant à la somme de 1 000 euro,
- condamner Monsieur P. ou tout 'succombant à verser à la concluante la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre
les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par application de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2016 avant l'ouverture des débats le 10 mars 2016.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR:
Sur la garantie des vices cachés:
Considérant que l'article 1641 du Code civil dispose que: "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus."
Considérant que le tribunal a justement rappelé qu'en matière de vente d'automobile d'occasion, la garantie ne peut s'appliquer qu'à des défauts d`une particulière gravité échappant à tout examen attentif au moment de la vente et rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il était normalement destiné en tant que machine d'occasion et relevé qu'il n'est pas contesté que le véhicule objet de la vente litigieuse a fait l'objet de multiples interventions effectuées par la société ACTENA AUTOMOBILES, vendeur, et prises en charge par la société ICARE au titre de la garantie contractuelle, notamment :
- le 3 avril 2009 pour remplacement de la transmission avant-droite en raison d'un bruit anormal
- le 15 juin 2009, pour remplacement du tuyau d'alimentation d'émetteur d'embrayage (coût non pris en charge par la société ICARE de 267,84 E TTC)
- le 16 juin 2009, pour remplacement du palier de transmission avant droit ainsi que du roulement, le bruit ayant persisté,
- le même jour, il a dû être remédié à un défaut de boîte de vitesse dont les réparations, d`un montant de 2 949, 95 euro, ont été prises en charge par la société ICARE.
- le 30 juin 2009, seconde intervention de la société ACTENA AUTOMOBILES pour le remplacement de la transmission avant-droite (coût pris en charge par la société ICARE de 423,75 euro TTC),
- le 1er juillet 2009 pour remplacement des disques de freins en raison de bruits anormaux (443,40 euro non pris en charge par ICARE),
- le 10 juillet 2009 pour remplacement de la pompe de direction assistée (740,56 euro TTC) ;
Qu'il n'est pas davantage contesté que le 26 janvier 2010, Monsieur P. a déposé son véhicule au garage RENAULT RETAIL GROUP BOULOGNE pour les anomalies suivantes : voyant injection allumé, perte de puissance, bruit en roulant, vibrations au freinage ;
Que le garage a établi un devis pour un montant de 7 253,35 euro TTC qui n'a pas été accepté de sorte que depuis cette date, le véhicule est resté immobilisé, en partie démonté dans les locaux de ce garage ;
Qu'il convient de noter que le véhicule n'avait effectué que 3 249 kilomètres depuis la vente ;
Considérant que dès lors le tribunal, qui a mis l'accent sur cette succession de réparations et le constat que le véhicule n'avait pu être normalement utilisé depuis la date de son achat, n'a pas fondé sa décision uniquement sur le rapport amiable de Monsieur N. expert du Cabinet EXASS missionné par la société ICARE ;
Considérant que par ailleurs cette expertise amiable a été effectuée au contradictoire du garage RENAULT RETAIL GROUP BOULOGNE, de la société ACTENA et de Monsieur P. ;
Que Monsieur N. a conclu à la préexistence des vices qu'il a pu lui-même constater ; que Monsieur B., expert mandaté par la société ACTENA, a estimé dans un courrier envoyé à Monsieur N. que les défauts n'existaient pas lors de la prise de garantie auprès d'ICARE, donc lors de la vente contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;
Considérant que cependant il n'est pas contestable, ainsi que le relève Monsieur N. que le processus d'encrassement de la vanne EGR sur laquelle deux interventions avaient déjà été réalisées le 12 novembre 2004 et le 19 septembre 2005 étaient antérieurs à la vente ; qu'il a également constaté que la pipe d'admission faisant office de couvre culasse présente une fuite consécutive à la surpression du circuit d'huile qui a engendré une fuite des joints d'arbre à cames et précisé que ce dysfonctionnement est connu du constructeur et relativement fréquent sur ce modèle ; que l'expert a indiqué qu'à son avis il s'agit d'un défaut de conception ;
Considérant que c'est par une juste appréciation de cette succession de réparations non exhaustives que le tribunal a retenu que le véhicule était entaché de vices cachés préexistant à la vente l'empêchant de circuler dans des conditions normales de sécurité ; qu'il ne peut être soutenu que le vice pouvait être aisément réparé par des réparations raisonnables, même si le démontage partiel du véhicule a empêché certaines vérification ;
Considérant que dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé la vente du véhicule Renault Espace et condamné la société ACTENA à rembourser le prix de vente soit la somme de 12 541euro, la reprise du véhicule de l'acquéreur restant acquise ;
Considérant que selon les termes de l'articles 1645 du Code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix reçu, à tous les dommages et intérêts envers l'acheteur;
Considérant qu'il convient de confirmer le remboursement de réparations de 267,84 euro et de 443,40 euro, engagés inutilement du fait de l'annulation de la vente ainsi que des frais de location d'un véhicule de remplacement justifiés pour 1 069 euro ;
Considérant que s'agissant du remboursement des billets d'avion ayant permis à la famille de se rendre au Monténégro pendant les vacances d'été 2009,2010 et 2011, il convient au regard la distance à parcourir et le jeune âge des enfants, de retenir avec le tribunal qu'il n'est pas justifié que ces voyages auraient été fait en véhicule automobile si l'état de celui-ci l'avait permis ;
Considérant que le tribunal a accordé à Monsieur P. une somme de 2 078 euro en remboursement des frais d'assurance du véhicule exposés inutilement la vente étant réputée n'avoir jamais eu lieu ; que celui-ci actualise sa demande de ce chef et sollicite une somme supplémentaire de 1 233 euro ;
Que les sociétés ACTENA et RENAULT font valoir que les frais d'assurance représentent une charge fixe non indemnisable dans la mesure où l'assurance automobile est obligatoire ;
Considérant que l'assurance d'un véhicule est une obligation légale, le propriétaire étant tenu d'assurer le véhicule tant qu'il est roulant ; qu'il appartenait à Monsieur P., une fois le véhicule immobilisé et démonté de faire suspendre l'assurance ou à tout le moins de demander l'application d'une garantie minimale pour un véhicule stationné dans un parking fermé ; que l'indemnisation de ce chef sera limité à la somme de 464 euro correspondant à la première année d'assurance ;
Considérant que le véhicule est resté immobilisé depuis le 26 janvier 2010 dans les locaux du garage RENAULT RETAIL GROUP BOULOGNE qui sollicite à ce titre une somme de 20 euro par jour à compter du 19 avril 2010 ainsi qu'il en avait averti Monsieur P. dans un courrier du 6 avril 2010 ;
Considérant que la société RETAIL qui vend et répare des véhicule de la marque RENAULT ne justifie pas de ses tarifs de gardiennage ce qui n'est manifestement pas une des ses activités principales ; que la vente ayant été annulée, les frais de gardiennage du véhicule doivent être supportés par la société ACTENA AUTOMOBILES sur la base de 5euro par jour ; que le jugement déféré sera réformé dans cette proportion ;
Sur la garantie du constructeur RENAULT:
Considérant que RENAULT SAS a été appelée dans la cause par la société ACTENA AUTOMOBILES ; qu'elle a été convoquée à l'expertise amiable le 2 juillet 2010 à "RENAULT SAS SERVICE RELATION CLIENTÈLE 92109/ BOULOGNE CEDEX"; que l'adresse exacte [...] n'est pas mentionné de sorte que la société n'a manifestement pas été destinataire de cette convocation ; que dès lors l'expertise amiable n'a pas été établie à son contradictoire ; que le seul avis de l'expert amiable, non étayé par des études chiffrées ne permet pas de tenir pour démontré le vice de conception ou de fabrication allégué ;
Qu'il appartenait à la société ACTENA de s'assurer de la présence du constructeur à cette expertise et dans la négative d'initier une mesure d'expertise judiciaire au besoin en assignant en référé ;
Que dans ces conditions, la société ACTENA sera déboutée de sa demande de garantie;
Sur les autres demandes:
Considérant que chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais irrépétibles, les entiers dépens étant à la charge de la société ACTENA AUTOMOBILES ;