CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 mai 2016, n° 14-22005
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ailam, Giffard (ès qual.), Lamtrans (SARL)
Défendeur :
Etablissements Darty et Fils (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dabosville
Conseillers :
M. Loos, Mme Schaller
Avocats :
Mes Samama Samuel, Boccon Gibod, Meyrier
Faits et procédure
La société Lamtrans, spécialisée dans la location de véhicules et le transport de marchandises, a conclu le 25 octobre 2006 un contrat d'entreprise avec Darty.
Par cet acte, Lamtrans s'engageait à l'égard de Darty, sans aucune exclusivité, à fournir les prestations suivantes :
- transporter et livrer la marchandise à l'adresse de l'acquéreur de la dite marchandise.
- installer la marchandise à son domicile.
Entre 2006 et 2012, Darty aurait représenté entre 93 % et 100 % du chiffre d'affaires de Lamtrans.
Les prestations se recoupaient en deux missions contractuellement convenues, une mission simple à deux personnes/livraison, et une mission " americain ", qui consistait en la livraison de réfrigérateurs de type américain par équipage de trois personnes pour un montant de 92 euro.
A partir d'août 2009, le prix de la mission " americain " est passé de 93 à 70, puis il a été revalorisé à 75 au moins de novembre 2011.
En 2012 la société Lamtrans a déposé son bilan, le Tribunal de commerce de Bobigny prononçant sa liquidation judiciaire le 21 juillet 2012.
S'estimant victime d'une rupture brutale de la relation commerciale entretenue avec Darty, relevant d'une situation de dépendance économique vis-à-vis de ce client principal, la société Lamtrans, représentée par son liquidateur, a saisi le Tribunal de commerce de Paris par assignation du 1er octobre 2013.
Par jugement en date du 6 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- Débouté Me Frédérique Giffard, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lamtrans et M. Kamel Ailam de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamné Me Frédérique Giffard, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lamtrans et M. Kamel Ailam in solidum à payer à la société Etablissements Darty et fils la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du CPC.
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
- Laissé les dépens à la charge de Me Frédérique Giffard, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lamtrans, et de M. Kamel Ailam, in solidum, qui seront employés en frais de liquidation judiciaire.
Vu l'appel interjeté par Maître Giffard et M. Ailam Kamel contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par Maître Giffard et M. Ailam Kamel le 23 mai 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce rendu le 6 octobre 2014,
- Constater la rupture abusive des relations commerciale entre Lamtrans et Darty à l'initiative de cette dernière ;
- Constater la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la société Lamtrans vis-à-vis de la société Darty ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger comme abusive la rupture de la relation commerciale à l'initiative de Darty ;
En conséquence de :
- Condamner la société Darty au paiement d'une somme de 246 564,30 euro sur le fondement de l'article 442-6-I du Code de commerce correspondant à la moyenne des marges brutes des années 2009, 2010 et 2011 ;
- Condamner la société Darty au paiement d'une somme à Monsieur Kamel Ailam, d'une somme de 22 945 euro à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de salaire ;
- Condamner la société Darty, en tout état de cause, au paiement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Darty aux entiers dépens de l'instance ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Vu les dernières conclusions signifiées par Etablissements Darty & Fils le 13 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Confirmer intégralement le Jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Paris, le 6 octobre 2014 et, partant,
- Dire et juger que la société " Lamtrans " et Monsieur Ailam ont, en se refusant du jour au lendemain, à honorer les commandes qui leur étaient passées par " Darty ", rompu brutalement les relations commerciales ayant unies " Darty " à " Lamtrans " et, partant,
- Débouter purement et simplement Maître Giffard E.Q. et Monsieur Ailam de l'intégralité de leurs demandes, fins et moyens.
- Condamner, conjointement et solidairement, Maître Giffard E.Q. et Monsieur Ailam, à verser à " Darty ", au titre des frais irrépétibles supportés devant la cour de céans, la somme de 12 000 au titre de l'article 700 du CPC.
- Condamner Maître Giffard E.Q. et Monsieur Ailam aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.
Cela étant exposé LA COUR
Sur l'intervention de Monsieur Ailam
La société Darty souligne que cette démarche traduit une rupture de l'égalité entre les créanciers de Lamtrans dès lors que l'intéressé, créancier à la liquidation il ne peut agir à titre personnel ;
Ce moyen est fondé : M. Ailam réclame la condamnation de la société Darty à lui verser les salaires que Lamtrans aurait dû lui verser et son action ne peut accompagner celle du liquidateur, seul habilité à représenter la société Lamtrans.
Sur la rupture abusive des relations commerciales :
L'appelant développe longuement le cadre des liens unissant les parties et la notion de relation commerciale établie entre les sociétés Lamtrans et Darty, témoignant d'une durée certaine de presque 6 ans, d'une stabilité avérée, et au terme de laquelle la société Darty procurait régulièrement des missions permettant à la société Lamtrans d'être rentable : soit une moyenne de 240 livraisons mensuelles pour les années 2008 à 2011 inclus ; d'un volume du chiffre d'affaires d'une moyenne de 250 000 euro ; d'une intensité incontestable eu égard notamment à la distinction du Diable d'or décernée à la société Lamtrans en raison de ses qualités de prestataires en matière de missions americain ;
Mais ce rappel ne se heurte à aucune contestation de la part de la société Darty ;
En revanche l'analyse du processus ayant conduit à la liquidation de la société Lamtrans constitue l'objet du litige :
- Selon la société Lamtrans, entre 2006 et 2012, Darty aurait représenté entre 93 % et 100 % du chiffre d'affaires de l'entreprise dont la livraison de réfrigérateurs de type américain constituait la source de revenu principale jusqu'en janvier 2012 ; la société Lamtrans soutient ainsi qu'elle a été victime d'un abus de dépendance économique ;
- A partir d'août 2009, Darty aurait baissé de façon unilatérale le prix de la mission américain de 93 à 70 , puis l'aurait revalorisé à 75 au moins de novembre 2011, Darty, prétendant que cette baisse était consentie par les parties en raison de l'évolution de la technologie et de la baisse du poids des réfrigérateurs " américains " qui ne nécessitaient, pour leur transport, plus qu'un équipage de 2 salariés au lieu de 3 auparavant ;
- Et, à compter de mars 2012, le nombre de livraisons confiées par Darty aurait, selon la société Lamtrans, fortement diminué, la conduisant à déposer son bilan ;
- La société Lamtrans explique cet échec par l'existence de deux ruptures, sanctionnables au regard des dispositions de l'article L. 442 6-5° du Code de commerce qui dispose " qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée " - ce qui n'a pas été le cas, aucun préavis n'ayant été donné ;
- La société Lamtrans rappelle en outre que, selon l'article 442-6 I.5° du Code de commerce, doit être condamnée toute rupture préjudiciable des relations commerciales, à savoir la partie qui a agi de mauvaise foi, sans raison légitime, unilatéralement et brusquement alors qu'elle a laissé se créer chez son partenaire une confiance dans la conclusion ou le renouvellement du contrat ;
Que les dispositions de l'article 442-6 du Code de commerce, imposent une obligation de loyauté à celui qui souhaite mettre fin à une relation commerciale établie dans la rupture avec son partenaire économique, à défaut celui-ci engageant inévitablement sa responsabilité et se voyant contraint à réparer le préjudice subi.
Sur le moyen tiré de l'abus de dépendance économique
Au terme de l'article L. 420-2 du Code de commerce :
" Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme. " ;
Au regard de ces dispositions, la société Lamtrans soutient que, quand bien même le contrat conclu entre Darty et Lamtrans ne prévoyait aucune exclusivité, il s'agissait pourtant d'une exclusivité de fait puisque les nombreuses missions confiées par Darty à Lamtrans pendant presque 6 ans monopolisaient les deux camions et l'ensemble du personnel de cette dernière de sorte qu'il lui était impossible de répondre favorablement à un autre client, que d'ailleurs le montant du déficit de Lamtrans pour l'année 2011 ne lui permettait pas de faire l'acquisition d'autres véhicules ou bien d'embaucher du personnel, et qu'ainsi c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il lui appartenait de diversifier son activité ; que face à la baisse déjà significative de son chiffre d'affaires, la société Lamtrans ne pouvait compenser celle-ci par d'autres activités eu égard à son secteur d'activités dense et très concurrentiel (Transport, livraison), et qu'il lui était impossible de réorienter radicalement ses activités, ce d'autant que c'est l'ensemble du personnel de la société qui était utilisé pour assurer les missions confiées par Darty ;
Par ailleurs la société Lamtrans argue de ce que de la baisse de rémunération des prestations de livraison dite "américaine" en juillet 2009, effectuée de manière unilatérale, alors qu'elle portait sur un élément essentiel du contrat, constituait une rupture partielle des relations commerciales relevant d'un abus flagrant de dépendance économique ; que Darty ne rapporte pas pour cette décision la preuve des concertations entre sous-traitants qu'elle allègue, et qu'elle ne pouvait donc, sans manquer à son devoir de bonne foi, modifier la rémunération des prestations de ces derniers, alors que la baisse du prix de la tournée " américaine " a eu un impact considérable sur le chiffre d'affaires ;
La dépendance s'apprécie objectivement en déterminant si l'entreprise se trouve dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés dans des conditions techniques et économiques comparables ;
Force est de constater que, en l'espèce, la société Lamtrans est défaillante à démontrer que, après s'être placée en état de dépendance du marché Darty, elle était dans l'impossibilité de développer sa clientèle sur un même secteur ; la société Darty est fondée à objecter qu'elle-même n'était pas en position dominante sur le marché intérieur du transport de marchandises, lequel ne correspond pas à son activité principale, de telle sorte qu'il était parfaitement loisible à Lamtrans de pallier une situation dont son dirigeant ne pouvait ignorer le risque ;
Preuve en est que l'appelant est du reste contraint de tenter la démonstration que cette dépendance a été effective en 2009 et qu'elle découlerait de son incapacité financière à acquérir du matériel ; en réalité il est patent que tant le matériel que le personnel pouvaient facilement être utilisés au profit d'autres donneurs d'ordre, à condition d'en faire la démarche ;
En conséquence le moyen n'est pas fondé ;
En découle que la qualification d'abus de dépendance économique ne peut être appliquée à la négociation des tarifs effectuée en 2009.
Sur la rupture partielle
Si la société Lamtrans soutient, sans en apporter la preuve, que la renégociation de 2009 lui a été imposée - bien qu'elle n'ait pas protesté ni dans l'immédiat ni au cours des années suivantes et que, surtout, elle n'a, ainsi qu'il l'a été relevé, nullement cherché de nouveaux débouchés, elle estime que ce qu'elle qualifie de rupture partielle a mis en cause la rentabilité de l'entreprise laquelle " ne s'en remettra pas " ; elle mentionne par ailleurs que cette baisse du prix de la tournée " américain " a eu " un impact considérable sur le chiffre d'affaires " ce qui n'a pas la même signification ;
Or, la baisse des tarifs liée au fait que les livraisons de la tournée " américain " ne soient désormais plus réalisées que par des équipages de 2 personnes, et non de 3 conduit logiquement conduit à diminuer le prix de chacune des livraisons ; la société Lamtrans ne s'explique pas sur ce point qui paraît relever de l'évidence ;
Et, pour autant la société Lamtrans explique ensuite que c'est le refus de Darty de lui fournir des prestations à partir de mars 2012 qui a causé la chute de l'entreprise ;
Elle se prévaut ainsi de la comparaison avec les chiffres antérieurs, de novembre 2006 à janvier 2012 - lesquels ne trahissent manifestement pas que trois ans après la baisse des tarifs la société Lamtrans ait été placée en état de survie, ce qui, sur une pareille durée, contrarie l'existence même d'une rupture partielle ; la société Darty relève ainsi sans être démentie que, le chiffre d'affaires de 2010 n'avait subi qu'une perte de 4 000 sur un montant de 232 753 et qu'au cours de l'année 2011, le chiffre d'affaires HT réalisé par Lamtrans s'est trouvé en légère progression par rapport à celui de 2010 ;
L'existence d'une rupture partielle est en conséquence démentie.
Sur la rupture de mars 2012
Selon la société Lamtrans, à partir de mars 2012, le nombre de missions confiées à Lamstrans est devenu dérisoire (292 livraisons en février 2012, puis seulement 4 en avril 2012) ce qui : " selon la jurisprudence... peut constituer une rupture partielle " ou " a minima partielle. ". Pour autant elle " demande à la cour de constater le caractère total de la rupture ayant occasionné un préjudice financier irréversible à la société Lamtrans " ;
De fait, compte tenu des conséquences imputées à cette rupture c'est sous ce dernier angle qu'il convient de l'examiner ;
Est produit le tableau des livraisons pour 2012 :
Janvier : 300
Février : 296
Mars : 106
Avril : 4
Mai : 0
Juin : 0
Juillet : dépôt de bilan ;
La société Darty explique cette situation en se référant d'abord aux choix de gestion de M. Ailam, lequel s'était refusé à travailler au départ d'une nouvelle plate-forme de livraison située à Chilly-Mazarin, soit à 52 Km (dont 46 Km de voie rapide) de Mitry-Mory, proposition dont Darty l'avait saisie le 8 février 2010, de même qu'elle demandait à ses sous-traitants qu'ils veuillent bien exercer également leur activité au départ de cette nouvelle plate-forme qui, d'une part, leur permettrait de continuer à bénéficier de commandes aussi constantes que possible et, d'autre part, pourrait même leur permettre d'accroître leur activité ; cette proposition a été refusée par M. Ailam le 9 mars 2010, en raison de la " situation géographique de (mon) personnel " ;
La société Darty en tire argument que M. Ailam était pleinement informé de la baisse à venir des livraisons sur la plate-forme de Mitry-Mory, ce qu'il aurait été en mesure de pallier par un simple changement de ses habitudes ;
Elle relève ainsi que les statistiques de livraisons sur la plate-forme de Mitry-Mory permettent de constater que le nombre de livraisons réalisées mensuellement par les sous-traitants de Darty a chuté, ainsi qu'elle les en avait informés, alors que les statistiques de livraison de la nouvelle plate-forme de Chilly-Mazarin démontrent que, dès son ouverture, celle-ci a engendré 7 697 livraisons mensuelles au bénéfice des sous-traitants ayant accepté d'y réaliser leurs prestations, et qu'il n'est pas étonnant qu'en conséquence du refus de M. Ailam de préserver voire d'accroître son activité, son chiffre d'affaires ait " très légèrement baissé " ;
Pour autant selon la société Darty, au cours des deux premiers mois de l'année 2012, et avant que Lamtrans n'initie elle-même, au mois de mars, la rupture de ses relations avec Darty, cette société avait d'ores et déjà perçu la somme mensuelle moyenne de 23 642,26 TTC, soit une facturation tout à fait conforme à celle réalisée par le passé entre les parties, la société Darty soulignant que la période de mars, située entre les fêtes de fins d'années et les vacances d'été, est une période creuse, les pièces versées aux débats démontrant une constante baisse d'activité à cette période ;
Selon la société Darty les appelants s'abstiennent de verser aux débats, l'intégralité des feuilles d'activité de Lamtrans du mois de mars 2012, mais les pièces complémentaires versées aux débats par ses soins permettent de démontrer que Lamtrans a réalisé en mars 2012 bien plus de livraisons qu'elle ne l'affirme ;
La société Darty soutient également que les relations entre les parties auraient perduré jusqu'à ce que, à compter du 8 mars 2012, M. Ailam ait, soudainement mais systématiquement, refusé toute nouvelle commande émanant de Darty : à cette date M. Ailam aurait contacté Darty afin de faire savoir qu'il n'entendait plus honorer ses commandes si deux tournées " américaines " ne lui étaient pas passées quotidiennement et, faute d'aucune certitude quant au nombre de livraisons quotidiennes pouvant être réalisée, les responsables de la plate-forme ont rappelé à M. Ailam que par le passé jamais Lamtrans n'avait systématiquement bénéficié de deux tournées américaines quotidiennes, et que lui assurer systématiquement un tel privilège reviendrait à, soudainement, priver d'autres sous-traitants de tournées, auxquelles ils pouvaient également prétendre ;
L'explication en résiderait dans la création d'une toute nouvelle société de transports (la troisième) dont M. Ailam aurait proposé les services à Darty ; Monsieur Ailam aurait ainsi souhaité de toute pièce créer un contentieux, en cessant d'honorer les commandes lui étant passées, afin de permettre ultérieurement à sa nouvelle société " BK Transports " de profiter en lieu et place de " Lamtrans ", de commandes que " Darty " souhaitait lui confier ;
La société Lamtrans conteste cette version des faits qui ferait de la création de la société BK Transports un moyen frauduleux qu'aurait utilisé M. Ailam afin d'exercer une activité commerciale vierge de tout passif, alors que cette société a été créée par M. Belaid Leveau, ancien salarié de Lamtrans devenu capacitaire, qui souhaitait devenir son propre patron et qui a souhaité s'associer à M. Ailam qui bénéficiait d'une première expérience en qualité de gérant de société ; est contesté également le fait que Monsieur Ailam se serait présenté au mois de juin 2012, sur la plate-forme de livraison Darty, située à Sucy en Brie, afin de proposer à cette dernière d'avoir recours au service de sa nouvelle société, BK Transports, cette démarche ne relevant, selon les appelants, que d'un simple questionnement sur un lien entre les sociétés Lamtrans et BK Transports ;
La société Lamtrans oppose également que, aux vues des statistiques de livraisons pour le site de Mitry, la création de la plate-forme de Chily Mazarin n'a eu aucun impact concernant les prestations de sous-traitance et qu'en réalité l'effondrement des livraisons ne serait pas dû au refus de la société Lamtrans de les honorer (elle aurait dû travailler à perte si elle acceptait les conditions proposées par Darty) mais du fait de Darty qui connaissait sa situation financière en aurait profité pour se débarrasser d'un sous-traitant avec lequel elle ne voulait plus travailler ; la société Lamtrans souligne qu'à partir du mois de mars, elle ne s'est plus vu proposer que des livraisons éloignées et à perte alors qu'elle se voyait refuser la réalisation de 5 à 6 tournées américain quotidiennes, qu'elle était pourtant parfaitement en mesure d'effectuer, comme dans le passé ;
Cependant la cour relève que les données comptables produites et non discutées par les parties, soit le nombre des commandes mentionnées plus haut, démentent la thèse d'une éviction programmée ou inéluctable de Lamtrans par son donneur d'ordres et il a déjà été souligné que la société Lamtrans ne faisait pas preuve de cohérence sur l'énumération des ruptures partielles ou totales invoquées et sur leurs causes, notamment quant à la baisse des tarifs qui n'a pas empêché Lamtrans de travailler durant les trois années qui ont suivi ;
De fait le point de rupture se situe en avril 2012 et, devant la brutalité d'un tel phénomène, les débats sur l'influence de la nouvelle plate-forme de Chily Mazarin n'apportent pas de réponse logique ; en revanche le mois de mars est abondamment commenté de part et d'autres comme période de référence d'une rupture annoncée ;
Des écritures mêmes des parties ressort l'exigence de M. Ailam, revendiquée par la société Lamtrans, d'avoir l'assurance d'un surplus de tournées américaines ; la société Lamtrans explique ainsi que sur le mois de mars elle n'a eu que 2 missions de ce type de 5 livraisons chacune au regard de 6 autres missions - ce qui du reste traduit un flux cohérent, peu en rapport avec une volonté prêtée à Darty de se séparer de Lamtrans ; pour autant la société Lamtrans se prévaut longuement de ce que l'expert comptable de l'entreprise, M. Tomei, avait alerté sur l'absence de travail des chauffeurs depuis le 7 mars et sur les risques de dépôt de bilan ; force est de constater que le fondement de cette démarche est démenti par les chiffres de Lamtrans qui témoignent des livraisons sur l'ensemble du mois de mars ;
La réponse de la société Darty n'est elle-même pas totalement cohérente dès lors que, tout en affirmant le refus de M. Ailam, dès le 8 mars 2012, de nouvelles commandes, elle présente un tableau démontrant le contraire ;
En revanche il n'est pas discutable qu'en avril le chiffre de ces livraisons est devenu quasi inexistant ;
La société Lamtrans se prévaut à cet égard d'une mise en demeure du conseil de l'entreprise délivrée à la société Darty le 6 avril, or ce courrier n'est pas réellement en sa faveur dès lors que, sur la foi des informations qui lui ont été données, cet avocat interpelle la société Darty sur le fait que " brusquement sans le moindre préavis début janvier vous avez notifié la rupture des relations commerciales ", le document revenant en outre à la baisse de prix des livraisons - dont il a été rappelé qu'il remonte à 2009 ;
La société Darty a fermement protesté à cette mise en demeure le 25 avril suivant en arguant, entre autres arguments, du refus de M. Ailam de donner suite à ses appels : " Nous vous remercions de bien vouloir également lui confirmer que nous souhaiterions vivement qu'elle recommence à honorer les commandes que nous lui passons, même si, encore une fois, nous ne pouvons, par définition, avoir de certitude quant à leur volume, modalité et périodicité.
En effet, l'absence de réponse de votre cliente, ou ses refus, nous placent systématiquement dans une situation préjudiciable, dès lors que nous devons, dans l'urgence, afin de palier sa carence, recourir à d'autres prestataires " ;
Il est fait état dans un mail de M. Tomei du 22 avril de propos de ce dernier visant l'attitude du chef de groupe de Darty qui obligerait sa cliente à travailler à perte en la privant d'une tournée américaine ; mais il n'existe aucune preuve d'une telle attitude et, de son côté, la société Darty produit les nombreux messages envoyés au mois d'avril à Lamtrans se plaignant de l'absence ou des silences de l'entreprise lors des tournées proposées ou programmées ; ces messages confirment également que, répondant à l'exigence de deux tournées américaines, la société Darty opposait avec pertinence que sa réponse dépendait de l'activité en cours ; en revanche un mail du 20 avril démontre que Lamtrans n'était pas exclue de ces tournées lorsqu'elles étaient possibles ;
S'évince de ce qui précède que la rupture sur cette période de mars avril 2012 n'est pas imputable à la société Darty mais à la seule attitude de la société Lamtrans ;
Le jugement est en conséquence confirmé ;
L'équité commande d'allouer à la société Darty la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et de rejeter la demande de la société Lamtrans de ce chef.
Par ces motifs Dit irrecevable l'intervention de M. Ailam. Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne Me Frédérique Giffard, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lamtrans à payer à la société Darty la somme de 5 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne Me Frédérique Giffard, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lamtrans aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.