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Décisions

CA Douai, 3e ch., 14 mars 2013, n° 12-01078

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Wright Medical France (SAS)

Défendeur :

Mme C. épouse D., Ceramtec Gmbh (Sté), Groupe H. (Ets), Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dagneaux

Conseillers :

Mmes Andre, Robin

TGI Béthune, du 29 nov. 2011

29 novembre 2011

Le 14 janvier 2003, Marie C. épouse D., née le 22 août 1957, a été opérée d'une arthroplastie totale de la hanche droite consistant en la mise en place d'une prothèse en céramique, par le Docteur C., exerçant au sein de l'Institut C. à Berck-sur-Mer et salarié du Groupe H..

La sphère fémorale de la prothèse s'est fracturée le 24 octobre 2003 et a nécessité l'hospitalisation en urgence de Marie D. et une seconde intervention chirurgicale, réalisée le 28 octobre 2003 par le Docteur C., pour procéder au changement complet de la prothèse.

La prothèse de hanche, fabriquée par la société Wright Medical France, était constituée d'une tête en céramique acquise par cette dernière auprès de la société Ceramtec.

Saisi par Marie D., le Juge des référés du tribunal de grande instance de Béthune a par ordonnance du 1er décembre 2004 confié une expertise médicale au Docteur M., remplacé par le Docteur C., et l'a déboutée de sa demande de provision.

La société Wright Medical France a assigné en intervention forcée la société Ceramtec aux fins de lui rendre opposable les opérations d'expertise.

Le rapport d'expertise a été déposé le 15 janvier 2008.

Par acte du 2 octobre 2008 , Marie D. a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Béthune la société Wright Medical France, le Groupe H. et la CPAM de Lens aux fins de voir les deux premières condamnées à réparer solidairement son préjudice corporel.

Par acte du 17 novembre 2008, la société Wright Medical France a appelé la société Ceramtec en intervention forcée et a sollicité sa garantie pour toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de Marie D..

Selon jugement du 29 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Béthune a :

- rejeté comme étant irrecevable l'action intentée par Marie D. à l'encontre du Groupe H., et l'a mis hors de cause ;

- dit que la société Wright Medical France et la société Ceramtec ont engagé solidairement leur responsabilité à l'égard de Marie D. en leur qualité de producteur sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et les a condamnés solidairement à réparer le préjudice corporel subi par la victime ;

- dit que dans leurs rapports, la société Wright Medical France et la société Ceramtec seront tenues chacune pour moitié du montant des condamnations prononcées aux termes du jugement ;

- fixé à la somme de 80 456,54 euro le montant du préjudice corporel subi par Marie D. découlant de la défectuosité de la prothèse ;

- condamné solidairement la société Wright Medical France et la société Ceramtec à payer à la CPAM de Lens la somme de 47 339,15 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2009 ;

- condamné solidairement la société Wright Medical France et la société Ceramtec à payer à Marie D. la somme de 33 117,39 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Wright Medical France et la société Ceramtec in solidum à payer au titre de leurs frais irrépétibles les sommes suivantes :

* 5 000 euro à Marie D. ;

* 2 000 euro au Groupe H. ;

* 1 000 euro à la CPAM de Lens ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Wright Medical France et la société Ceramtec in solidum aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

La société Wright Medical France a formé appel de cette décision contre l'ensemble des parties par déclaration du 21 février 2012.

Par ses dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2012, elle demande à la Cour de constater l'interruption de l'instance et sa reprise par Maitre C. es qualités de suppléante de Maitre Q. à la suite de son omission du 1er juin 2012, et, par réformation, de :

- dire que Marie D. ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre le dommage subi et la défectuosité de la prothèse de hanche, et mettre la société Wright Medical France hors de cause ;

A titre subsidiaire,

- dire que seule la société Ceramtec en qualité de fabricant de la tête de prothèse est susceptible d'engager sa responsabilité et mettre la société Wright Medical France hors de cause ;

A titre très subsidiaire,

- condamner la société Ceramtec à la relever et garantir des condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de Marie D. ;

A titre infiniment subsidiaire,

- constater qu'elle s'en rapporte à justice quant à la demande formée par la CPAM au titre des dépenses de santé qu'elle a acquittées,

- constater qu'elle s'en rapporte à justice quant à la demande formée par Marie D. au titre de ses préjudices patrimoniaux avant consolidation, au titre de sa perte de gains professionnels, au titre de son incapacité temporaire totale de travail, de son déficit fonctionnel permanent, de son préjudice d'agrément et de son préjudice esthétique temporaire,

- rejeter les demandes formées par Marie D. au titre de l'incidence professionnelle, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel et au titre de sa dépression ;

- limiter l'indemnisation au titre des souffrances endurées à 3 000 euro ;

En tout état de cause,

- condamner la ou les parties succombantes aux dépens et à lui verser la somme de 3 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile .

Elle expose avoir acquis auprès de la société Ceramtec la tête de prothèse en céramique qui s'est fracturée, neuf mois après la pose de la prothèse de hanche sur Marie D..

Elle estime que sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors que l'origine de la rupture de la tête de prothèse n'a pas été déterminée, et rappelle qu'aucune présomption de responsabilité ne pèse sur le producteur et relève que Marie D. n'établit pas la preuve d'un lien de causalité entre son dommage et le défaut du produit.

Elle fait observer que l'expert, après avoir noté que la série à laquelle appartenait la sphère céphalique de la prothèse n'était pas répertoriée comme posant des problèmes de structure, a conclu à un aléa thérapeutique.

Elle reproche au Tribunal de s'être fondé sur de simples suppositions, ainsi que l'a fait l'expert, selon lesquelles le Docteur C. n'aurait commis aucune faute, sans éliminer de façon certaine un mauvais positionnement de la tête de prothèse ou l'interposition d'un corps étranger entre les deux éléments constitutifs de la prothèse ou des manipulations non appropriées au cours de l'assemblage par le chirurgien.

Sur sa demande subsidiaire en garantie, elle fait valoir que le fabricant d'une partie composante d'un produit est considéré comme un producteur au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil et que la société Ceramtec qui a fourni la tête de prothèse doit recevoir la qualification de producteur ; que ces dispositions sont plus protectrices pour le consommateur que celles de la Directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 qui adopte une définition restrictive du fabricant.

Elle ajoute que seule la tête en céramique s'est brisée à l'exception de tout autre élément constitutif de cette prothèse ; que le producteur de la partie composante est tenu vis-à-vis de la victime solidairement avec le producteur ayant réalisé l'incorporation en application de l'article 1386-8 du Code civil ; qu'entre producteurs, celui à l'origine de la partie composante défectueuse est tenu de garantir intégralement celui qui n'a fait que l'incorporer dans le produit composite.

Elle soutient que la seule réalisation de tests qualité ne permet pas de démontrer l'absence de défectuosité du produit.

Subsidiairement, elle développe différents arguments quant à la réduction des prétentions indemnitaires de Marie D.

Par ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2012, Marie D. demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* jugé que la responsabilité des sociétés Wright Medical France et Ceramtec était engagée à son égard, en leur qualité de producteur ;

* condamné solidairement les sociétés Wright Medical France et Ceramtec à réparer son préjudice corporel.

Formant appel incident, elle demande à la Cour de dire que le Docteur C. a commis une faute dans la réalisation de la pose de la prothèse, que la prothèse de hanche en céramique est défectueuse et sollicite en conséquence :

- la condamnation in solidum du Groupe H. et des sociétés Wright Medical France et Ceramtec à réparer son préjudice dans les conditions suivantes :

* préjudices patrimoniaux temporaires :

* dépenses de santé, dont à déduire les frais de sécurité sociale : 41 690,01 euro

* perte de gains professionnels actuels : 4 206,33 euro

* préjudices patrimoniaux définitifs :

* perte de gains professionnels : 5 143,06 euro

* incidence professionnelle : 28 968 euro déduction faite de la rente invalidité

* préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

* déficit fonctionnel temporaire total : 3 668 euro

* déficit fonctionnel temporaire partiel : 100 euro

* préjudice esthétique temporaire : 3 000 euro

* souffrances endurées : 18 000 euro

* préjudices extra-patrimoniaux permanents ou évolutifs :

* déficit fonctionnel permanent : 800 euro

* préjudice esthétique permanent : 5 000 euro

* préjudice d'agrément : 10 000 euro

* préjudice sexuel : 10 000 euro

* préjudice permanent exceptionnel lié à la survenance d'une dépression : 15 000 euro ;

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamnation in solidum du Groupe H. et des sociétés Wright Medical France et Ceramtec au paiement de la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de la procédure en ce compris les frais d'expertise.

Marie D. expose que dix mois après la mise en place de la prothèse, la sphère fémorale de celle-ci s'est fracturée sans aucun élément causal extérieur ; qu'à la suite de cet événement et de l'obligation de procéder à une nouvelle intervention, elle a été dans l'incapacité de reprendre toute activité professionnelle, a présenté un syndrome dépressif réactionnel et a été admise dans un service psychiatrique ; qu'un dossier de matério-vigilance a été déposé après déclaration à l'AFSSAPS, étant donné l'absence d'origine évidente de la rupture de la tête de prothèse. Elle précise qu'il convient de ne pas confondre la pathologie dont elle souffre qui affecte sa hanche droite, et l'affection dégénérative de son genou gauche.

Elle estime que l'expertise a été très partiale en faveur du Groupe H. et de son salarié, le Docteur C., en procédant par affirmations et approximations et en évoquant la notion d'aléa thérapeutique sans se livrer à une véritable analyse ; que l'AFSSAPS n'a pu examiner la pièce litigieuse qui a été conservée par le chirurgien, ni les radiographies ; que le Docteur C. a pu mettre en œuvre une technique inappropriée pour enfoncer la tête de prothèse ; qu'il a en réalité commis une faute durant l'intervention qui justifie la responsabilité du Groupe H..

Elle ajoute que le praticien est soumis à une obligation de sécurité de résultat en raison du défaut d'un produit de santé, comme la fourniture d'une prothèse, et ne peut s'en exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère. Elle fait valoir que si aucune faute n'a été commise par le Docteur C., l'accident résulte incontestablement du défaut de la prothèse au vu de l'absence d'élément causal extérieur ; que contrairement aux affirmations de l'expert, trois incidents sur le lot auquel appartenait la tête de la prothèse ont été relevés ; que la tête de prothèse ne présentait donc pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Quant à la responsabilité des sociétés Wright Medical France et Ceramtec, elle indique que la première a la qualité de fabricant du produit fini, tandis que la seconde est le fabricant d'une partie composante du produit, en l'espèce la tête de prothèse ; que le défaut de la prothèse et plus particulièrement de la tête est établi puisqu'elle s'est rompue en l'absence de faute du chirurgien et d'un élément causal extérieur ; que le dommage consiste en la désintégration de la première prothèse, ayant nécessité une seconde intervention ; que le lien de causalité entre le défaut et le dommage est incontestable puisqu'il a été nécessaire de procéder à une nouvelle intervention à la suite de la rupture.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 16 juillet 2012, le Groupe H. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mis hors de cause et demande à la Cour, au visa des articles 1142-1 du Code de la santé publique et 1386-1 et suivants du Code civil, de :

- rejeter toutes les demandes de Marie D. et de la CPAM ;

- entériner le rapport d'expertise judiciaire ;

- dire que le comportement défectueux du produit de santé n'est pas établi ;

- le mettre hors de cause, les fabricant et producteur du produit ayant été attraits dans la procédure et devant seuls répondre d'un éventuel manquement à l'obligation de sécurité du produit ;

- dire que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec devront relever indemne le Groupe H. de toute condamnation éventuellement mise à sa charge ;

- plus subsidiairement encore, dire qu'il n'existe pas de lien de causalité établi entre les séquelles actuelles et le geste chirurgical réalisé au sein du Groupe H. ;

- en tout état de cause condamner Marie D. au paiement d'une somme de 2.500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile .

Le Groupe H. rappelle que l'expert a relevé les éléments suivants :

- l'intervention du Docteur C. est sans défaut sur le plan technique et aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- la rupture de la sphère céramique de la prothèse constitue un accident isolé et aucune autre rupture de ce matériel n'a été signalée pour la série de fabrication concernée ; il s'agit d'un accident médical tenant de l'aléa thérapeutique ;

- l'infection du genou gauche de la patiente est sans lien avec la rupture de la sphère et relève plutôt d'une infection congénitale malformative.

Il conclut à l'absence de défaut du produit de santé au vu de l'expertise, s'agissant d'un aléa thérapeutique, rappelle que ce défaut ne se présume pas et que l'article 1386-7 du Code civil relatif à l'obligation de résultat de l'établissement de santé ou du médecin dans sa rédaction applicable à l'époque ne trouve pas à s'appliquer.

Il ajoute qu'en tout état de cause la loi 2006-406 du 5 avril 2006 a précisé les conditions dans lesquelles la responsabilité d'un établissement de soins ou d'un médecin pouvait être engagée du fait de la fourniture d'un produit de santé défectueux ; qu'en l'espèce, le producteur étant parfaitement identifié et mis en cause, Marie D. n'est pas fondée à agir contre l'établissement de soins.

Il soutient également que sa responsabilité ne peut donc dans ces circonstances être engagée qu'en cas de faute ; que l'expert n'est pas approximatif mais a affirmé que ni le Docteur C. ni son commettant le Groupe H. ne pouvaient être tenus comme à l'origine de la rupture de la prothèse ; que Marie D. ne démontre pas l'existence d'une faute du praticien.

Enfin, sur le lien de causalité, il fait valoir que l'expert a relevé que l'essentiel des séquelles présentées par la patiente était à mettre en relation avec une affection dégénérative du genou gauche d'origine héréditaire.

Par ses dernières conclusions signifiées le 5 octobre 2012, la société Ceramtec sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour :

A titre principal,

- de dire que sa responsabilité dans la rupture de la prothèse de hanche n'est pas établie ;

A titre subsidiaire,

- de constater qu'elle n'est pas le fabricant de la prothèse de hanche de Marie D. et débouter la société Wright Medical France de ses demandes à son encontre,

Si par extraordinaire la Cour devait considérer que la prothèse était affectée d'un défaut :

- de condamner la société Wright Medical France à réparer l'entier dommage de Marie D. ;

A titre très subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de Marie D. au titre de l'incidence professionnelle, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et du préjudice moral ;

- constater qu'elle s'en remet à justice s'agissant des demandes formées au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs, du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent ;

- rejeter la demande au titre du préjudice esthétique permanent ;

- dire que les prétentions de Marie D. au titre des souffrances endurées ne sauraient dépasser la somme de 3 000 euro et au titre du préjudice esthétique permanent celle de 1 000 euro ;

En tout état de cause,

- condamner la ou les parties succombantes aux dépens et à lui verser la somme de 10 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ceramtec conclut en premier lieu à son absence de responsabilité dans la rupture de la tête prothétique. Elle relève que l'expert n'a pu déceler un élément quelconque qui soit de nature à indiquer un défaut de la tête ou de la prothèse, a clairement conclu à l'absence de tout défaut de fabrication, et dit que la rupture de la tête prothétique relevait d'un aléa thérapeutique. Elle précise qu'elle a réalisé des tests de qualité, de compatibilité et de conformité sur l'intégralité de ses produits, et que ses produits sont en tous points conformes aux spécifications requises, ce qui exclut tout défaut de sécurité.

Elle reproche au tribunal d'avoir considéré que la prothèse serait défectueuse du seul fait qu'elle s'est rompue, alors que le produit est considéré comme défectueux s'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Elle fait également valoir qu'il appartient au demandeur d'apporter la preuve du rôle causal exclusif de la partie en céramique fournie par elle pour la voir condamnée, preuve qui n'est pas établie.

Subsidiairement, si la défectuosité de la prothèse était reconnue, la société Ceramtec estime qu'elle relève de la responsabilité de la société Wright Medical France. Elle affirme que cette dernière est en charge et donc responsable de la bonne adaptation et compatibilité des différents sous-éléments entre eux ainsi que de la commercialisation de l'ensemble sur le marché ; qu'en vertu de l'article 1386-11 du Code civil , le fabricant d'une partie composante n'est pas responsable s'il établit que le défaut est imputable à la fabrication du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

Elle précise que la société Wright Medical France devait s'assurer que la gamme de têtes fémorales livrées par la société Ceramtec était compatible avec sa propre gamme de tiges fémorales ou d'inserts cotyloïdiens, qu'elle est aussi responsable de la conception des sous-éléments qu'elle fabrique, et que rien ne permet d'exclure un éventuel défaut de conception de ces pièces qui aurait pu fragiliser les pièces livrées par la société Ceramtec. Elle observe que la société Wright Medical France n'a fourni aucune information sur les études et tests qu'elle réalise quant à la compatibilité et à l'usure des sous-éléments.

Elle ajoute que la responsabilité de la société Wright Medical France doit être retenue dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve de l'absence de tout défaut de fabrication des sous-éléments qu'elle produit ni d'un défaut de compatibilité avec les produits de la société Ceramtec ; qu'en tout état de cause, si la Cour devait entrer en voie de condamnation à son égard, elle devra retenir une responsabilité solidaire de la société Wright Medical France en sa qualité de fabricant de la prothèse commercialisée en son nom sur le marché.

Elle conclut ensuite très subsidiairement sur la réparation des différents chefs de préjudice sollicités par Marie D., relevant que certaines des demandes sont infondées ou à tout le moins procèdent d'un chiffrage disproportionné. Elle rappelle que les préjudices relevant de la maladie initiale de Marie D. ainsi que ceux émanant de la première intervention pratiquée par le Docteur C., sans rapport potentiel avec la pose de la prothèse litigieuse, ne peuvent être imputés aux défenderesses, pas plus que les problèmes qu'elle a eus avec son genou gauche.

Par ses conclusions signifiées le 28 août 2012, la CPAM de l'Artois, anciennement dénommée CPAM de Lens, demande à la Cour de :

- débouter l'appelant principal de toutes ses demandes,

- recevoir Marie D. en son appel incident,

- condamner solidairement les sociétés Wright Medical France et Ceramtec à payer à la CPAM :

* la somme de 47 838,11 euro conformément aux débours avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2009, date de ses premières conclusions ;

* la somme de 1 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les mêmes parties aux dépens.

Maitre C., avocat au barreau de Douai, a fait signifier des conclusions de reprise d'instance au nom de la société Wright Medical France, le 18 janvier 2013, à la suite de la démission du tableau de l'Ordre des avocats de Maitre Q., et de l'interruption d'instance.

Maitre D., avocat au barreau de Béthune, a fait signifier des conclusions de reprise d'instance au nom de la CPAM de l'Artois, le 12 décembre 2012, se constituant à la suite de Maitre S..

Par ordonnance du 30 janvier 2013, le Conseiller de la mise en état a relevé la CPAM de l'irrecevabilité de ses conclusions de reprise d'instance.

Sur ce :

Attendu qu'il est établi que le Docteur C. a diagnostiqué chez Marie D. en septembre 2002 une coxarthrose engainante et posé l'indication d'une prothèse totale en céramique de la hanche droite ; qu'il a procédé à une arthroplastie prothétique sur la patiente le 14 janvier 2003 ; que le 23 octobre 2003, Marie D., alors qu'elle était debout, a senti un craquement dans la hanche droite suivie d'une douleur très intense dans la région trochantérienne ; que la radiographie réalisée le même jour a mis en évidence la fragmentation de la tête fémorale de la prothèse ; que le Docteur C. est à nouveau intervenu le 28 octobre 2003 pour procéder à l'ablation totale de la prothèse et des fragments de céramique visibles et à la mise en place d'une nouvelle prothèse ; que par la suite, la fonction du genou gauche s'est dégradée ce qui a conduit à pratiquer une ostéotomie tubérositaire de transposition le 5 janvier 2005, se compliquant d'un syndrome neuro-algodystrophique ;

Attendu que le Docteur C. dans son rapport d'expertise a relevé que :

- l'intervention du 23 octobre 2003 s'est déroulée sans problème particulier ; la prothèse a été implantée selon les règles de l'arthroplastie totale de hanche ; la réalisation technique ne souffre pas de critiques ; les suites paraissent correctes ; après rééducation la reprise de l'activité professionnelle s'est faite à mi-temps thérapeutique à compter du 20 mai 2003 ;

- la rupture de la sphère fémorale s'est produite en l'absence de traumatisme et d'élément causal extérieur ;

- la fiche de renseignements établie par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en septembre 2005 à la suite de la déclaration de matério-vigilance note que les renseignements de fabrication sur le lot relatif à la tige fémorale implantée ne démontrent pas de non-conformité et conclut qu'il s'agit " d'un incident isolé " compte-tenu du nombre d'incidents enregistrés (un en 2001 et trois autres en 2003) et du nombre moyen de tête en alumine implantées (supérieur à 2000 par an) ;

- le couple " céramique/céramique " de ce type de prothèse permet d'éviter une usure ou une détérioration trop précoce de la prothèse chez les patients jeunes mais on observe de temps à autre la rupture isolée d'une pièce ;

- plusieurs arguments s'opposent à la prise en charge au titre des conséquences de la rupture des problèmes qui sont survenus au niveau du genou gauche, postérieurement à la réintervention : d'une part la patiente présente une dysplasie fémoro-patellaire (affection congénitale malformative qui est antérieure et ne peut que se détériorer), d'autre part le Docteur W., chirurgien qui a corrigé cette anomalie le 5 janvier 2005, a certifié l'absence de tout lien entre cette pathologie et ce qui s'est passé au niveau de la hanche ;

Attendu que l'expert a conclu qu'il " était difficile de reprocher quoi que ce soit au Docteur C. " en ce que :

- l'indication opératoire est parfaitement justifiée ;

- le Docteur C. a satisfait à son obligation d'information à l'égard de la patiente et notamment sur les risques spécifiques de ce type d'arthroplastie à savoir la rupture d'un des composants ;

- il n'apparait pas d'anomalie dans la technique opératoire ; le Docteur C. n'a mentionné dans son compte-rendu opératoire aucun problème d'installation de la sphère céramique sur le cône métallique de la prothèse ; les radiographies postopératoires confirment le très bon positionnement de celle-ci ; on peut a priori éliminer un problème lié à une malposition ou à un corps étranger " dur " situé entre les deux composants ;

- les suites opératoires ont été assurées de façon précise, sans problème particulier ;

Attendu que s'agissant du rôle du fabricant et du distributeur de la prothèse, l'expert précise qu'il ne peut donner un avis technique sur les causes de la désintégration de la prothèse ; qu'il n'a pu se faire remettre les éléments de la prothèse litigieuse, mais que leur analyse n'apporte en général pas beaucoup de renseignement ; qu'il conclut que les données techniques en sa possession l'incitent à qualifier d'incident isolé et d'aléa thérapeutique la rupture de la sphère, qui faisait partie d'une série n'ayant donné lieu à aucun problème particulier ;

Qu'il ajoute le processus de fabrication des implants, organisé par le fabricant et le distributeur, n'a pas permis de mettre en évidence d'anomalie ;

Attendu qu'il précise enfin qu'il ne peut se prononcer de façon formelle sur les responsabilités encourues, mais affirme que le Docteur C. et le Groupe H. ne peuvent être tenus comme à l'origine de la rupture de la prothèse ;

Sur la responsabilité du Groupe H. à l'égard de Marie D.

Attendu que Marie D. recherche la responsabilité du Groupe H. en sa qualité de commettant du Docteur C. tant sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux que sur l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique issu de la loi du 4 mars 2002 applicable à l'espèce, qui dispose que " hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;

Attendu que les premiers juges ne pouvaient faire application de l'article 1386-7 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 5 avril 2006 , postérieure aux faits litigieux, quand bien même la transcription en droit français de la Directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 telle qu'elle avait été faite à la date de réalisation du dommage, a été condamnée par la CJCE ;

Attendu qu'il résulte de l'interprétation donnée par la CJUE en son arrêt du 21 décembre 2011 (21 déc. 2011, aff. C-495/10) de la Directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, que la responsabilité d'un prestataire d'un service de soins ayant recours à un dispositif médical défectueux dont il n'est pas le producteur, ne relève pas du champ d'application de cette Directive, pourvu que soit préservée la faculté pour la victime du dommage causé par ce produit et/ou celle du prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive, lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci ;

Attendu que rien ne s'oppose en l'espèce à ce que la victime puisse rechercher la responsabilité du producteur de la prothèse de hanche mise en place sur sa personne ; que celui-ci est identifié, s'agissant de la société Wright Medical France qui ne conteste pas cette qualité et a d'ailleurs été assignée par Marie D. ; que cette dernière ne peut donc rechercher la responsabilité du Groupe H. qui n'est pas producteur du dispositif médical ayant causé le dommage, mais y a seulement eu recours, sur le fondement des dispositions de droit français issues de la transposition de la Directive 85/374 ;

Que Marie D. soutient à tort que le professionnel de santé qui a eu recours à une prothèse défectueuse dont il n'est pas le producteur serait tenu d'une obligation de sécurité de résultat ; qu'il lui appartient de démontrer une faute de ce dernier ;

Qu'en tout état de cause, l'action intentée par elle à l'encontre du groupe H. n'était pas irrecevable contrairement à ce qu'a jugé la décision entreprise ;

Qu'il convient d'examiner la faute reprochée au Docteur C., salarié du Groupe H. ;

Attendu que l'expertise judiciaire a relevé que l'indication opératoire était justifiée ; que la patiente avait bénéficié de la part du Docteur C. de l'information qu'elle était en droit d'exiger ; que la surveillance post-opératoire a été assurée ; que ces points ne sont d'ailleurs pas contestés par Marie D. ;

Que Marie D. reproche seulement au Docteur C. une faute dans la réalisation de l'acte chirurgical sans pour autant préciser sa nature ; qu'elle ne peut se contenter de déduire de la rupture de la prothèse une faute dans le geste technique pratiqué au cours de l'intervention ;

Attendu que l'expert a relevé que l'arthroplastie s'était déroulée dans les règles de l'art, notamment quant à l'implantation des pièces cotyloïdiennes et fémorales en terme de niveau de pose et d'orientation, décrite comme parfaite, et à l'adaptation des pièces prothétiques, décrite comme excellente vis-à-vis de la morphologie de l'os et du stock osseux, et enfin quant à la bonne reconstruction de la longueur relative du segment de membre opéré ;

Qu'il a précisé que le compte-rendu opératoire était confirmé par les clichés radiologiques et qu'aucun problème particulier n'avait été évoqué s'agissant de l'implantation de la sphère sur le cône métallique ;

Que le témoignage de la sœur de Marie D. qui se contente de faire état de sa propre expérience de patiente, mais qui a été opérée par un autre chirurgien pour une intervention sous péridurale dont la nature demeure bien imprécise (" opération des hanches "), n'apporte aucun élément utile en l'espèce ;

Qu'il n'existe pas le moindre élément permettant de supposer que le chirurgien a pu " taper " sur la tête prothétique pour l'impacter ;

Attendu que les conclusions circonstanciées de l'expert ne procèdent nullement d'approximations, sont fondées sur des observations précises et justifient que soit entériné son avis lorsqu'il considère que le Docteur C. n'a commis aucune faute lors de la pose de la prothèse, ni à un autre moment dans les soins donnés à Marie D. ;

Sur la responsabilité des sociétés Wright Medical France et Ceramtec à l'égard de Marie D.

Attendu qu'aux termes de l'article 1386-4 du Code civil, " un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de celle-ci, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation " ;

Attendu que le défaut de sécurité d'un produit doit s'apprécier au regard du bilan entre l'avantage que procure le produit de santé litigieux et les risques attachés à son usage ;

Attendu que l'article 1386-8 du Code civil prévoit qu'en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ;

Attendu qu'il est établi que la société Ceramtec fabrique uniquement les composantes céramiques en alumine (tête fémorale et partie céramique de l'insert en alumine) des prothèses de hanche et les fournit à la société Wright Medical France ; que cette dernière les assemble avec les sous-composants (tige fémorale et pièce cotyloïdienne) qu'elle fabrique elle-même et commercialise la prothèse ;

Attendu que selon l'expertise qui rejoint sur ce point le diagnostic posé par le Docteur C., le dommage subi par Marie D. et qui consiste en la nécessité d'une réintervention pour la pose d'une nouvelle prothèse de hanche a pour origine la fracture de la tête fémorale céramique ;

Attendu que les causes de la rupture de la tête fémorale, neuf mois après l'implantation, ne sont établies ni par l'expertise, ni par la moindre pièce ; que l'expert n'a relevé aucun élément causal extérieur et estime qu'il s'agit d'un incident isolé ;

Qu'il précise que les prothèses céramiques, si elles ont l'avantage d'éviter une usure prématurée lorsqu'elles sont implantées sur des patients jeunes, peuvent toujours se rompre et cite un extrait de littérature médicale en ce sens ;

Attendu que l'expert a validé la technique choisie de la voie postéro-externe, le choix des dimensions de la sphère et du cotyle, l'adaptation des pièces prothétiques et l'implantation des pièces cotyloïdiennes et fémorales et n'a pas retenu la moindre faute du geste chirurgical réalisé par le Docteur C. ;

Attendu que l'AFSSAPS a fait connaitre à l'expert que sur les 156 têtes de ce lot qui ont été implantées, aucun autre cas de rupture n'a été rapporté et l'analyse des données de production du lot n'a mis en évidence aucune non-conformité quant aux dimensions et à la matière utilisée ;

Qu'elle précise n'avoir pu analyser la tête incriminée, celle-ci ayant été conservée par le déclarant (le Docteur C.), ni les images radiographiques avant et après la rupture ;

Que l'expert n'a pas davantage procédé à une telle analyse ;

Que l'Agence ajoute enfin que les renseignements de fabrication relatif à la tige fémorale (dont la société Wright Medical est fabricant) implantée avec cette tête rompue, n'ont mis en évidence aucune non-conformité ni dimensionnelle, ni sur la conicité du cône male ;

Qu'elle a conclu que les données de fabrication et de distribution et le recul clinique du lot incriminé ne permettaient pas de mettre en cause ce lot et qu'au vu du faible nombre d'incidents similaires enregistrés (1 en 2001, 3 en 2003, pour plus de 2 000 têtes en alumine implantées par an), elle pensait à un incident isolé ;

Que s'il résulte de ces données un rapport bénéfice-risque favorable au patient, malgré le dommage réalisé, il n'en demeure pas moins que l'absence de non-conformité relevée sur un lot n'exclut pas qu'un élément isolé soit défectueux ;

Qu'en effet, l'article 1386-10 du Code civil prévoit que le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ;

Que le patient sur qui est implanté un matériel prothétique est en droit de s'attendre à ce que l'un de ses composants ne se fracture pas ;

Qu'il n'est pas prétendu que Marie D. aurait eu une activité physique contre-indiquée du fait de l'implantation de la prothèse, qui aurait été à l'origine de sa rupture ;

Que le simple fait que la sphère céramique se soit fragmentée sans que soit identifiée la moindre cause et sans que la patiente ait commis une faute à l'origine de la rupture, caractérise le vice de la prothèse ;

Que la notion d'aléa thérapeutique ne trouve pas à s'appliquer s'agissant de la rupture inexpliquée d'un dispositif médical mis en place dans le corps de la patiente ;

Attendu que le lien de causalité entre le défaut de la prothèse et le dommage constitué par la nécessité de l'ablation de la prothèse et de la pose d'une nouvelle prothèse lors d'une seconde intervention chirurgicale ne laisse aucun doute et est établi par les constatations de l'expert et du chirurgien, ayant observé la rupture de la tête prothétique ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1386-11 du Code civil, le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit ;

Que la société Ceramtec sur qui repose la preuve de ce que le vice qui atteint la sphère céramique provient de la conception de la prothèse, se contente de supposer qu'il pourrait exister un problème de compatibilité entre les différents sous-éléments et que la conception serait atteinte d'un vice ;

Qu'en conséquence, la société Ceramtec, fabricant de la sphère céramique, et la société Wright Medical France, ayant réalisé l'incorporation de la sphère céramique aux autres éléments composant la prothèse de hanche et commercialisé l'ensemble, doivent être tenues solidairement du fait de la défectuosité du produit à réparer le préjudice subi par Marie D., aucune d'elles ne contestant cette solidarité ;

Que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la garantie de la société Wright Medical France par la société Ceramtec

Attendu qu'il appartient à la société Wright Medical France qui demande à être entièrement garantie par la société Ceramtec de démontrer que la défectuosité de la tête fémorale que cette dernière a fabriquée a eu un rôle causal exclusif dans la réalisation du dommage ;

Attendu que le compte-rendu opératoire du 23 octobre 2003 mentionne que tous les composants de la prothèse ont dû faire l'objet d'une ablation, en raison des rayures provoquées sur le col de la queue fémorale et de l'insert cotyloïdien par les fragments de céramique ;

Que le Docteur C. n'a relevé aucune autre anomalie que la fragmentation de la sphère fémorale ;

Que l'expert n'a pas détecté d'éléments susceptible d'expliquer la rupture de la sphère fémorale ;

Que la cause exclusive du dommage est donc bien la rupture inexpliquée de ce sous-composant fabriqué par la société Ceramtec ;

Que cette dernière ne peut s'exonérer de sa propre responsabilité, dans ses rapports avec le producteur ayant réalisé l'incorporation du sous-composant défectueux, qu'en démontrant le vice de conception de la prothèse ou la défectuosité de l'assemblage ;

Qu'elle se contente d'émettre des hypothèses sur ces défauts qui seraient imputables à la société Wright Medical sans en rapporter la moindre preuve ;

Qu'en conséquence, la société Ceramtec sera donc tenue de garantir entièrement la société Wright Medical des condamnations prononcées solidairement à leur encontre du fait de la défectuosité de la prothèse ;

Qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris de ce chef ;

Sur la réparation du préjudice de Marie D.

Attendu que le Docteur C. indique que le dommage subi par Marie D. consiste en la nécessité d'une réintervention pour procéder à l'ablation des fragments de prothèse rompus et au changement complet de la prothèse ; que la patiente a rencontré quelques difficultés à se rééduquer et a présenté un syndrome dépressif réactionnel ; qu'en revanche, la pathologie ayant ensuite affecté son genou gauche qui a conduit à pratiquer une ostéotomie tubérositaire de transition, compliquée d'un syndrome neuro-alogodystrophique, n'est pas une conséquence de la rupture de la sphère céphalique ;

Que cette dernière appréciation n'est pas critiquée par Marie D. ;

Qu'il fixe ainsi ses différents postes de préjudice :

- incapacité temporaire totale de travail du 23 octobre 2003 au 23 avril 2004,

- incapacité temporaire partielle de travail à 30% du 24 avril 2004 au 23 juin 2004,

- la date de consolidation au 23 juin 2004,

- le déficit fonctionnel permanent à un taux de 8%,

- les souffrances endurées à 2,5 sur 7,

- le préjudice esthétique à 1/7,

- pas de préjudice d'agrément,

- pas de préjudice sur les activités professionnelles ;

Attendu que l'évaluation du préjudice corporel subi par Marie D. sera effectuée de la façon suivante :

I/ Les préjudices patrimoniaux

A/ les préjudices patrimoniaux temporaires

1/Les dépenses de santé actuelles

Attendu que s'agissant des dépenses prises en charge par la CPAM de l'Artois, il convient de déduire les frais médicaux de 101 euros exposés le 23 Octobre 2003, dès lors qu'il est établi qu'ils sont antérieurs à la rupture de la prothèse ;

Que pour le surplus, selon décompte définitif non daté régulièrement communiqué, qui constitue un justificatif suffisant, les dépenses de santé s'élèvent à 41.589,01 euros ; qu'elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport pris en charge par la Caisse du 24 octobre 2003 au 15 juin 2004 ;

Que ces frais doivent être intégralement remboursés par les sociétés Wright Medical France et Ceramtec ;

Que le jugement entrepris sera réformé en ce sens, quant au quantum des sommes à recouvrer à ce titre par la CPAM ;

Attendu qu'il convient de constater que Marie D. ne formule aucune demande chiffrée s'agissant de ce poste de préjudice ;

2/ la perte de gains professionnels actuels

Attendu que Marie D. a perçu de la CPAM des indemnités journalières de 23,09 euro et indique avoir subi une perte de rémunération de 17,31 euro par jour soit 4 206,33 euro, ce dont elle justifie ; qu'il convient de lui allouer cette somme ;

Attendu que la CPAM justifie avoir versé à Marie D. des indemnités journalières de 5 649,14 euro sur cette période ;

Qu'il convient de fixer ainsi que l'a fait le jugement entrepris la perte de gains professionnels actuels à la somme totale de 9 855,47 euro et de dire que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec seront condamnés à payer à la CPAM la somme de 5 649,14 euro ;

3/ les frais divers

Attendu que la CPAM mentionne dans son décompte le versement d'une somme de 498,96 euro au titre des frais divers sans s'expliquer davantage sur la nature de ces dépenses ;

Que les premiers juges ont justement considéré qu'en l'absence de preuve d'un lien entre ces dépenses et le dommage, il convenait de débouter la CPAM de sa demande à ce titre ;

B / les préjudices patrimoniaux permanents

1/ les pertes de gains professionnels futurs

Attendu que Marie D. expose avoir été licenciée le 21 avril 2005 et démontre avoir perdu, de la date de la consolidation jusqu'à son licenciement, soit 302 jours, la somme de 17,03 euro par jour après déduction des indemnités journalières, soit une somme totale de 5 143,06 euro ;

Qu'il convient de faire droit à sa demande sur ce point ;

Attendu qu'il convient d'observer que la CPAM ne réclame aucune somme au titre de son recours subrogatoire sur ce poste ;

2/ l'incidence professionnelle

Attendu que Marie D. fait valoir qu'elle a été licenciée à l'âge de 48 ans le 21 avril 2005, et qu'elle n'a jamais repris d'activité professionnelle par la suite ; qu'elle produit la lettre de licenciement de son employeur qui se fonde sur ses arrêts maladie répétés ayant nécessité une réorganisation du service et perturbant le bon fonctionnement de l'établissement ; qu'elle précise avoir été placée en invalidité de catégorie 2 le 20 juillet 2007 et bénéficier d'une pension d'un montant mensuel brut de 570,55 euro à compter du 1er août 2007 ; qu'elle sollicite une somme de 28.968 euro correspondant aux 17 années de travail qui lui restaient à exercer jusqu'à l'âge de la retraite après déduction de la pension d'invalidité ;

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a estimé que Marie D. ne justifiait pas d'une incidence professionnelle ;

Attendu que l'expert a retenu que le licenciement était intervenu un an après la date de consolidation et qu'à cette date, Marie D. était apte sur le plan médical à reprendre son travail concernant les séquelles imputables à la rupture de la prothèse ; qu'il précise qu'il n'est pas établi que la non reprise de son poste de travail soit imputable aux faits litigieux ;

Attendu qu'en cause d'appel, Marie D. n'apporte aucun élément de nature à s'opposer aux conclusions de l'expert ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'incidence professionnelle ;

II / Les préjudices extra patrimoniaux

A/ Les préjudices extra patrimoniaux temporaires

1/ Le déficit fonctionnel temporaire

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec et Marie D. sollicitent toutes la confirmation du jugement entrepris ayant alloué la somme de 3.768 euro en réparation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, sur la base d'une somme de 20 euro par jour, conformément aux conclusions de l'expert ;

Qu'il convient d'y faire droit ;

2/ Les souffrances endurées

Attendu que Marie D. réclame la somme de 18 000 euro à ce titre sur la base d'un préjudice évalué à 5 sur une échelle de 7 ;

Attendu que l'expert a fixé à 2,5 sur une échelle de 7 le degré des souffrances endurées, précisant qu'il s'agissait de l'évaluation habituelle correspondant aux suites d'une prothèse totale de la hanche ne posant pas de problème particulier ;

Qu'il n'y a pas lieu de doubler cette évaluation comme le fait la victime, du fait des deux interventions du 14 janvier 2003 et du 28 octobre 2003, dès lors qu'il est constant que l'état de santé de Marie D. nécessitait en tout état de cause la première de ces interventions chirurgicales ;

Qu'en revanche, les premiers juges ont à juste titre relevé que l'expert n'avait pas tenu compte de ses propres considérations en faisant abstraction dans l'évaluation de ce taux de la douleur décrite comme très intense ressentie par Marie D. le jour de la rupture de la sphère fémorale, et du syndrome dépressif réactionnel déclenché par la nécessité d'une réintervention ;

Que Marie D. a dû être hospitalisée en milieu psychiatrique pour soigner cette dépression du 19 janvier 2004 au 4 février 2004 ; que les douleurs morales endurées par elle dont l'expert relève clairement qu'elles ont été provoquées par la rupture de la première prothèse doivent être prises en considération dans l'évaluation de son préjudice ;

Que la décision déférée a exactement considéré qu'il convenait d'indemniser les souffrances endurées sur la base d'un taux de 4 sur 7, supérieur à celui subi par un patient ayant subi une intervention identique en dehors de toute complication ;

Qu'il convient de confirmer la disposition ayant alloué à Marie D. la somme de 10 000 euro ; laquelle répare intégralement le préjudice subi ;

3/ le préjudice esthétique temporaire

Attendu que Marie D. réclame la somme de 3 000 euro en réparation de son préjudice esthétique temporaire ;

Attendu que l'expert n'a pas chiffré ce poste de préjudice mais a relevé que Marie D. avait dû se déplacer en fauteuil roulant jusqu'au 15 décembre 2003 et a ensuite utilisé une canne anglaise ;

Que ces éléments caractérisent une modification temporaire de l'apparence physique de la victime ;

Que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec s'en remettent à justice sur ce point, étant observé que le tribunal a accordé la somme de 500 euro en réparation de ce poste de préjudice ;

Que la Cour estime au vu du rapport d'expertise que le préjudice esthétique temporaire est entièrement réparé par l'octroi d'une somme de 500 euro ;

B/ Les préjudices extra patrimoniaux permanents

1/ le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec ne contestent pas l'indemnisation de 8 000 euro allouée à Marie D. à ce titre ;

Que Marie D. réclame la somme de 800 euro au titre du déficit fonctionnel permanent et celle de 10 000 euro au titre du préjudice d'agrément ;

Que cependant, les premiers juges ont relevé que Marie D. sollicitait improprement un préjudice d'agrément alors qu'elle ne démontrait pas être privée d'activités spécifiques résultant de l'impossibilité ou de la difficulté à se livrer à une activité sportive ou de loisirs déterminée à laquelle elle s'adonnait avant le dommage ; qu'ils ont fait observer que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec se fondaient elles aussi sur une définition large du préjudice d'agrément constitué par les troubles ressentis dans les conditions d'existence, et ont estimé qu'il convenait de l'indemniser au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Que ces dernières sollicitent en cause d'appel la confirmation de la disposition ayant alloué la somme de 8 000 euro au titre du déficit fonctionnel permanent et de celle ayant rejeté l'existence d'un préjudice d'agrément ;

Attendu que le taux de 8% de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert n'est pas remis en cause par les parties ;

Attendu qu'en cause d'appel, Marie D. ne justifie pas davantage avoir pratiqué avant le dommage des activités spécifiques de sport ou de loisirs ;

Qu'au vu de la demande et des conclusions des sociétés Wright Medical France et Ceramtec, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant alloué la somme de 8 000 euro au titre du déficit fonctionnel permanent, incluant les troubles ressentis dans les conditions d'existence, mais n'ayant pas retenu l'existence d'un préjudice d'agrément indépendant ;

2/ le préjudice esthétique permanent

Attendu que l'expert a retenu que le préjudice esthétique était constitué par une boiterie persistante en relation avec la rupture de la première prothèse et a estimé qu'il passait d'un taux de 1 à 2 sur une échelle de 7 ;

Que Marie D. qui réclame 5 000 euro à ce titre n'est pas fondée à prétendre au vu de l'expertise que l'importance de son préjudice esthétique serait de 2 sur 7, s'agissant d'une interprétation erronée des dires de l'expert ;

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec s' opposent à toute indemnisation à ce titre au vu des motifs adoptés par le Tribunal qui a estimé que les éléments portés à son appréciation ne justifiaient pas d'un préjudice esthétique permanent plus important après la seconde intervention ;

Que cependant, elles interprètent à tort la décision entreprise qui a seulement constaté que le taux du préjudice esthétique passait de 1 à 2 et qu'il n'existait pas d'éléments permettant de fixer le préjudice subi par Marie D. à un taux supérieur à 1 ;

Qu'il convient de confirmer la décision du Tribunal ayant indemnisé Marie D. de ce préjudice par l'octroi d'une somme de 1 500 euro ;

3/ le préjudice sexuel

Attendu que Marie D. sollicite une somme de 10 000 euro de dommages et intérêts à ce titre mais n'explicite nullement son préjudice ;

Attendu que l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice ; que les premiers juges avaient déjà relevé l'absence d'argumentation de la victime au soutien de cette demande et l'en avait déboutée, dès lors qu'elle ne produisait qu'un courrier de son conjoint adressé à son Conseil, n'ayant pas à lui seul une force probante suffisante ;

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec concluent à la confirmation de la disposition ayant rejeté cette prétention ;

Qu'en l'absence de tout élément probant, il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un préjudice sexuel ;

4/ le préjudice exceptionnel

Attendu que Marie D. expose que le dommage a eu pour conséquence la survenue d'une dépression et sollicite la somme de 15 000 euro en réparation de ce préjudice ;

Attendu que le Tribunal a à juste titre estimé que la preuve de ce préjudice moral exceptionnel distinct du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées n'était pas rapportée, en l'absence de toute pièce en ce sens et de toute argumentation ;

Que devant la Cour, Marie D. ne formule pas la moindre observation au soutien de cette demande ;

Que la Cour ne peut que constater comme l'ont fait les premiers juges que la preuve de ce préjudice exceptionnel n'est pas rapportée, et débouter en conséquence Marie D. de sa demande à ce titre ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que les sociétés Wright Medical France et Ceramtec seront condamnées in solidum aux dépens d'appel exposés par Marie D., la CPAM et le Groupe H. ; que la décision entreprise sera confirmée du chef des dépens de première instance incluant les frais d'expertise judiciaire ;

Qu'il apparait équitable de débouter la CPAM et Marie D. de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles d'appel et de confirmer seulement les indemnités de procédure qui leur ont été accordées en première instance ;

Attendu qu'il convient de condamner encore in solidum les sociétés Wright Medical France et Ceramtec à payer au Groupe H. une somme de 500 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile , et de confirmer l'indemnité de procédure mise à leur charge par le jugement entrepris au profit du Groupe H. ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant déclaré irrecevable l'action intentée par Marie C. épouse D. contre le Groupe H., dit que dans leurs rapports, les sociétés Wright Medical et Ceramtec seront tenues chacune pour moitié du montant des condamnations prononcées et de celle ayant fixé le quantum des sommes à payer par ces dernières à la CPAM ; Le réforme de ces seuls chefs ; Et, statuant à nouveau ; Condamne la Société Wright Medical France et la société Ceramtec solidairement à payer à la CPAM de l'Artois la somme de 47 238,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 Avril 2009 ; Dit que la société Ceramtec est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical des condamnations prononcées solidairement à leur encontre au profit de Marie C. épouse D. et au profit de la CPAM de l'Artois ; Déboute les sociétés Wright Medical France et Ceramtec, Marie C. épouse D. et la CPAM de l'Artois de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ; Condamne in solidum les sociétés Wright Medical France et Ceramtec à payer au Groupe H. la somme de 500 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sous les mêmes conditions de garantie que précédemment ; Condamne in solidum la société Wright Medical et la société Ceramtec aux dépens d'appel exposés par Marie C. épouse D., la CPAM de l'Artois et le Groupe H., sous les mêmes conditions de garantie que précédemment, et autorise, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision, la SCP D.-F., à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;