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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 mai 2016, n° 15-23414

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Time Ouest Service (SARL)

Défendeur :

Mondial Relay (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mme Schaller, M. Loos

Avocats :

Mes Vassilev, Auffrey de Peyrelongue, Bouzidi-Fabre, Raes

T. com. Bordeaux, du 23 oct. 2015

23 octobre 2015

Faits et procédures

Les sociétés Trajet Express et Time Ouest Service, immatriculées au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux la première le 18 mai 2010, la seconde le 6 août 2014, ont pour activité le transport de marchandises. Elles ont le même gérant, M. Emile Gbaga.

La société Mondial Relay immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille le 24 août 1992, a pour activité la messagerie et le fret express.

Le 7 octobre 2011, la société Mondial Relay a signé, pour une durée indéterminée, un contrat commercial de sous-traitance de transport routier de marchandises avec la société Trajet Express.

Le 31 octobre 2013, la société Mondial Relay a, par courrier recommandé avec accusé de réception, informé la société Trajet Express de la résiliation du contrat, avec préavis de 3 mois, conformément à l'article 9 au contrat du 7 octobre 2011.

Compte tenu d'un surplus d'activité la société Mondial Relay a poursuivi ses relations avec son prestataire après le 21 janvier 2014.

Le 10 août 2014, par acte sous seing privé, la société Trajet Express, représentée par son gérant M. Emile Gbaga a cédé, pour la somme de 1 000 €, les droits du contrat de sous-traitance de transport de marchandises passé avec la société Mondial Relay à la société Time Ouest Service représentée par son gérant M. Emile Gbaga.

La société Mondial Relay n'est pas intervenue dans cette transaction et la cession ne lui a pas été signifiée.

À compter du ler octobre 2014, la société Mondial Relay a confié à la société Time Ouest Service des transports de marchandises.

Le 26 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de la société Trajet Express.

Le 12 janvier 2015 la société Mondial Relay a informé la société Time Ouest Service, par courrier remis en mains propres, de la résiliation sans préavis du contrat.

Le 20 janvier 2015 par courrier recommandé avec accusé de réception adressé à la société Mondial Relay, la société Time Ouest Service a contesté la résiliation et demandé à bénéficier d'un préavis d'un an.

C'est dans ces conditions que, par acte extra-judiciaire en date du 6 mai 2015, la société Time Ouest Service a fait délivrer assignation à la société Mondial Relay aux fins de contester la validité de la résiliation sans préavis et d'obtenir des indemnisations à ce titre.

Par jugement rendu le 23 octobre 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Débouté la société Time Ouest Service de l'ensemble de ses demandes.

- Débouté la société Mondial Relay de sa demande indemnitaire.

- Condamné la société Time Ouest Service à payer à la société Relay la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamné la société Time Ouest Service aux dépens.

Par ordonnance rendue le 20 novembre 2015 La Cour d'appel de Paris a :

Autorisé la société Time Ouest Service et la société Relay à comparaître le 3 mars 2016 à 14h devant la cour.

Vu l'appel interjeté par la société Time Ouest Service le 26 novembre 2015 contre le jugement rendu le 23 octobre 2015 par le Tribunal de commerce de Bordeaux.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Time Ouest Service le 29 février 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger la société Time Ouest Service recevable et bien fondée en ses demandes ;

- réformer le jugement de première instance.

Statuant à nouveau en fait et en droit de :

- constater que la durée totale des relations contractuelles était de plus de quatre années ;

- constater l'existence d'un contrat de sous-traitance entre la société Trajet Express et Mondial Relay;

- constater la durée indéterminée du contrat de sous-traitance ;

- constater le minimum garanti de chiffre d'affaires à hauteur de 80 000 € par an ;

- constater que le contrat de sous-traitance a été cédé par Trajet Express au profit de Time Ouest Service ;

- constater que la société Mondial Relay a accepté tacitement cette cession de contrat en réglant directement les factures à Time Ouest Service et non plus à Trajet Express et en adressant ses courriers directement à la concluante ;

- constater que la société Mondial Relay fait état expressément de l'existence d'un contrat aux termes de son courrier du 12 janvier 2015 valant résiliation immédiate adressé à Time Ouest Service ;

- constater que la durée de la relation à prendre en compte par les juridictions est celle d'une succession dans le temps de contractants pourtant distincts ;

- constater que la société Time Ouest Service pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de leur relation contractuelle ;

- constater le caractère stable, suivi et habituel de la relation contractuelle ;

- constater que la relation était une relation entre professionnels et société ayant la nature de société commerciale ;

- constater que la rupture a pris la forme de la résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée à effet immédiat au 12 janvier 2015 ;

- constater que la rupture est nécessairement brutale dès lors qu'aucun délai de préavis n'a été laissé à la société Time Ouest Service ;

- constater que les griefs imaginés par la société Mondial Relay ne sont pas fondés ni justifiés ;

- constater que la société Mondial Relay ne rapporte aucune preuve qui justifierait de l'existence du premier grief à savoir la rétention de colis par un salarié de time ouest services ;

- constater que la société Time Ouest Service a dû faire face à un cas de force majeure en raison de l'hospitalisation aux urgences du jeune fils du gérant le 18 décembre 2014 ;

- constater que Mondial Relay n'a subi aucune conséquence et n'a fait l'objet d'aucune poursuite suite au contrôle routier réalisé par les services de gendarmerie auprès de Time Ouest Service ;

- constater que le contrat de sous-traitance prévoit une clause de non responsabilité au profit de Mondial Relay du fait des préposés de time ouest service ;

- constater l'abus de Mondial Relay qui met tout en œuvre pour nuire à Time Ouest Service en incitant les services de gendarmerie et Maître Malmezat Prat ès qualité de liquidateur judiciaire à engager une action à l'encontre de Time Ouest Service et ce, afin d'échapper aux dispositions légales d'ordre public qui s'imposent pourtant à elle ;

- constater que la société Mondial Relay est coutumière de ce type de comportement tel que cela ressort notamment de l'arrêt de la cour d'appel de paris du 26 mars 2014 ;

- constater que la société Mondial Relay agit avec opportunisme dans la gestion de ses affaires ;

En conséquence :

- dire et juger que les conditions posées par l'article L. 442-6 5° sont toutes réunies ;

- dire et juger que la société Mondial Relay voit sa responsabilité délictuelle engagée ;

- condamner la société Mondial Relay à payer à la société Time Ouest Service les sommes de 203 470,50 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- condamner la société Mondial Relay à verser à la société Times Ouest Service la somme de 5 000 € titre de dommages et intérêts pour abus ;

- condamner la société Mondial Relay à payer à la société Time Ouest Service la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Mondial Relay le 24 février 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Dire bien jugé, mal appelé

A titre principal :

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a :

Débouté la société Time Ouest Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Condamné la société Time Ouest Service à payer à la société Relay somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance.

A titre subsidiaire :

- Constater que la rupture des relations commerciales entre la société Mondial Relay et la société Ouest Service est intervenue pour motifs graves.

- Débouter la société Time Ouest Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater qu'il n'existait aucune relation commerciale établie entre la société Mondial Relay et la société Ouest Service.

- Constater l'absence de rupture brutale des relations commerciales entre la société Mondial Relay et Ouest Service.

- Débouter la société Time Ouest Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions En tout état de cause :

- Condamner la société Time Ouest Service au paiement de la somme de 10 100 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Condamner la société Time Ouest Service au paiement de la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner au paiement des entiers frais et dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la relation commerciale entre les parties

La société Mondial Relay soutient qu'il n'existe pas avec la société Time Ouest Service de relations commerciales réellement établies car le contrat a été signé entre elle-même et une société tiers (la société Trajet Express), et qu'aucun transfert de contrat n'a jamais été réalisé ; elle souligne qu'elle n'a pu, le 1er octobre 2014, reprendre une quelconque relation issue du contrat écrit passé avec Trajet Express dès lors que cette entreprise a été liquidée le 26 novembre 2014 et que la cession des droits de cette dernière, alléguée comme réalisée le 10 août précédent, ne lui a jamais été signifiée ; la société Mondial Relay souligne en outre que cet acte n'a été enregistré que le 19 mars 2015, et qu'en réalité M. Gbaga, dont l'entreprise devait quelque 20 000 € à l'Urssaf, a sciemment déposé le bilan pour procéder ensuite à un détournement d'actif en revendiquant une somme de 203 470,50 € au titre d'un contrat qu'il a acquis pour 1 000 € ;

Cependant la question qui concerne le présent litige est celle de dire si la société Time Ouest Service a pu valablement hériter de relations commerciales établies et stables existant entre Trajet Express et la société Mondial Relay ;

L'appelante se prévaut sur ce point de ce que M. Gbaga atteste avoir déposé dès le 1er septembre les agréments de la société auprès de la société Mondial Relay, mais ce faisant l'intéressé se délivre une attestation à lui-même ; elle argue ensuite de ce que la société Mondial Relay a adressé des courriers à son nom ; mais cette allégation vague, qui ne repose que sur une pièce (n° 5) qui est celle délivrée lors de la rupture n'emporte aucune conséquence dès lors que, d'évidence cette rupture ne pouvait qu'être notifiée à la société Time Ouest Service, contractante de la société Mondial Relay ; enfin elle souligne que ce document vise la résiliation " de celui-ci " ce qui vaut reconnaissance du contrat qu'elle allègue ; mais ce faisant la société Time Ouest Service tire de ces termes qui ne concernent que l'existence, non discutée, d'un contrat, un aveu, censé concerner un contrat antérieur, qui n'y figure pas ;

En réalité force est de constater que les éléments de fait, mentionnés plus haut, invalident clairement les prétentions de la société Time Ouest Service dès lors qu'à la date du 1er octobre 2014 la société Trajet Express n'avait pas encore fait l'objet d'une procédure de liquidation : en conséquence, et dès lors qu'il n'est pas démontré qu'une cession de droits ait été notifiée antérieurement, aucune reprise tacite de ce type ne peut, en l'absence de pièces sur ce point, être alléguée ;

S'évince de ce qui précède que la relation entre les sociétés Time Ouest Service et Mondial Relay n'a duré que trois mois et douze jours, soit une durée insuffisante pour justifier d'une relation stable et de l'exigence d'un préavis ;

Le jugement est en conséquence confirmé ;

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Time Ouest Service une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice ; il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;

L'équité commande d'allouer à la société Mondial Relay la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et de rejeter la demande de la société Time Ouest Service de ce chef.

Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant : Condamne la société Time Ouest Service à payer à la société Mondial Relay la somme de 7 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la société Time Ouest Service aux dépens.