CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 mai 2016, n° 13-22056
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Habitation Bâtiment France (Sté), Cap couleurs (Sté), Cap couleurs Est (Sté), Sud Peintures (Sté), CPP (Sté), Mondécor (Sté), Aude Décor (Sté), Barraque peinture (Sté), Castres décors (Sté), Selves (Sté), CPM (Sté), Déco Tech (Sté), Deco Tech Sud (Sté), PIB (Sté), Peintures du Sud d'Avignon (Sté), Peintures du Sud de Marseille (Sté), Peintures du Sud Aix-en-Provence (Sté)
Défendeur :
Daw France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Mouthon-Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Ohana, Moscato, Mainguy, Vignes, Benouaich, Touchard
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Habitation Bâtiment (HB) était une centrale référencement de produits dont notamment des peintures, des bases et des colorants, à laquelle adhéraient diverses sociétés spécialisées dans la distribution de peinture et d'articles de décoration pour professionnels, répartis dans le grand Sud de la France dont la société Castres Décors, la société Selves, la société Déco Tech, la société Déco Tech Sud, la société PIB, la société Cap couleurs, la société CPP, la société Peintures du Sud Avignon (anciennement Sud Peintures), la société Peintures du Sud Marseille (anciennement CPM) et la société Peintures du Sud Aix-en-Provence (anciennement Aix Décoration Peintures).
La société Caparol devenue Daw France est un fabricant de peinture et de produits colorants pour peinture qu'elle commercialise auprès de professionnels sous la marque Caparol.
Le 4 novembre 1999, la société Caparol et la société Habitation Bâtiment ont conclu un premier contrat de développement commercial des produits Caparol, auquel elles ont mis fin au début de l'année 2002.
Les parties se sont de nouveau rapprochées et le 22 août 2002, elles ont conclu un second contrat intitulé "Contrat de commercialisation de produits" sans aucune exclusivité. La société Daw France distribuait ses produits de la gamme Caparol auprès des adhérents à la société Habitation Bâtiment, lesquels adhérents achetaient directement les produits auprès de la société Daw France sur la base de grilles tarifaires négociées par la société Habitation Bâtiment avec la société Daw France. Le contrat mentionnait qu'il ne pouvait "en aucun cas être cédé ou transmis".
Le 9 janvier 2008, la société Daw France a adressé un courriel à la société Habitation Bâtiment modifiant ses conditions tarifaires lesquelles ont contestées par la société Habitation Bâtiment. Après de nombreux échanges et réunions, la société Daw France lui a indiqué qu'elle revenait aux conditions tarifaires antérieures.
Le 10 septembre 2008, la société HBF, associée unique de la société Habitation Bâtiment a procédé à la dissolution sans liquidation de la société Habitation Bâtiment à effet au 1er septembre 2008.
Le 1er octobre 2008, la société Daw France est devenue l'associé unique de la société C'Pro Concept, société de distribution concurrente des adhérents à la société HBF.
Par courrier du 2 septembre 2009, la société HBF a pris acte de la rupture des relations commerciales du fait de la société Daw France, lui reprochant "des faits répétés et graves" visant à la concurrencer de manière déloyale et des livraisons de très mauvaise qualité.
Par courrier du 12 février 2010, la société Daw France a indiqué à la société Habitation Bâtiment qu'elle venait de constater à la lecture du dernier catalogue professionnel le déréférencement de l'ensemble de ses produits au profit des produits concurrents distribués par la société Rust Oleum Mathys sous la marque Mathys et qu'en agissant de la sorte, elle avait de fait brutalement rompu la relation commerciale qui les unissait.
Par exploit du 3 mars 2010, la société HBF ainsi que certaines de ses sociétés adhérentes ont assigné la société Daw France devant le Tribunal de commerce de Marseille en indemnisation pour rupture brutale et abusive des relations commerciales établies et concurrence déloyale. Par jugement du 14 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Marseille a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole.
Par jugement du 3 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- dit irrecevable la demande de la société Daw France au titre des pièces n° 45 et 50 de la société HBF.
- dit recevable l'assignation du 3 mars 2010
- dit que la société HBF et les sociétés adhérentes à la société HBF ont qualité à agir à l'encontre de la société Daw France sur le fondement du contrat du 22 août 2002.
- dit que le protocole transactionnel conclu le 2 mars 2011 entre les sociétés Daw France et Cap Couleurs Est, ayant l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, emporte désistement par la société Cap Couleurs Est de toutes instances nées ou à naître à l'égard de la société Daw France,
- dit que la société Cap Couleurs Est est irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dit les sociétés Castres Decors, Selves, Deco Tech, Deco Tech Sud, Cap Couleurs et Peintures Industrielle du Bâtiment, recevables mais non fondées en leurs demandes,
- dit que la société Daw France n'a pas rompu brutalement et de façon fautive les relations commerciales avec la société HBF et ses adhérents,
- dit que la société Daw n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de l'une ou l'autre des sociétés demanderesses,
- débouté les sociétés Peintures du Sud Aix-en-Provence, Peintures du Sud Marseille et Peintures du Sud Avignon de leurs demandes spécifiques,
- condamné la société Peintures du Sud Marseille à payer à la société Daw France la somme de 1 966,55 euro avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2009,
- condamné la société Peintures du Sud Avignon à payer à la société Daw France la somme de 6 197,31 euro avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2009,
- dit que la société HBF n'a pas rompu brutalement et de façon fautive les relations commerciales avec la société Daw France,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre la société Daw France d'une part, et la société HBF solidairement avec ses adhérents d'autre part, taxés et liquidés à la somme de 526,88 euro en ce qui concerne les frais et Greffe.
Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juin 2014 par la société HBF et des adhérents, appelants, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce
Vu l'article 1382 du Code civil
Vu l'article 1134 du Code civil
Vu l'article 1147 du Code civil
Vu l'article D. 422-3 du Code de commerce
- Réformer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille et, statuant à nouveau :
- Constater les désistements d'instance réalisés et confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que les demandes des appelants sont parfaitement recevables,
- Constater que la société Daw France est l'auteur de pratiques valant rupture abusive et brutale des relations commerciales établies,
- Donner acte à la société HBF de sa prise d'acte de la rupture par cette dernière des relations commerciales,
- Condamner la société Daw France à payer à la société HBF une indemnité sur ces fondements, à savoir une somme de 1 000 000 euro au titre de la rupture brutale des relations commerciales et 1 120 000 euro au titre de la rupture fautive,
- Constater les actes de concurrence déloyale commis par la société Daw France,
- Condamner la société Daw France à indemniser les sociétés victimes de ces comportements de la manière suivante :
A la société Selves la somme de 100 000 euro
A la société CPM devenue Peintures du Sud Marseille la somme de 184 264 euro
A la société Deco Tech la somme de 101 260 euro
A la société Sud Peintures devenue Peintures du Sud Avignon la somme de 19 471 euro
A la société Peintures du Sud Aix-en-Provence la somme de 39 115 euro,
A la société Castres Decors la somme de 100 000 euro
A la société Deco Tech Sud la somme de 10 543 euro
A la société PIB la somme de 99 000 euro
A la a société Capcouleurs la somme de 99 812 euro
A la société CPP la somme de 100 000 euro
A la société Mondecor la somme de 172 006 euro
- Enjoindre la société Daw France de cesser ses comportements déloyaux,
- Ordonner la publication de la décision dans au moins deux publications désignées par la cour,
- Dire et juger que les demandes d'avoirs formulés par Peintures du Sud Marseille à hauteur 1 966,55 euro et par Peintures du Sud Avignon à hauteur de 6 197,31 euro sont fondées et que les remboursements ordonnés par la Cour d'appel D'Amiens le 22.03.2012 soient définitivement acquis aux appelantes concernées,
- Condamner Daw France au titre du préjudice lié au déstockage des produits non repris au paiement de :
45 193 euro pour CPM (devenue Peintures du Sud Marseille),
2 942 euro pour Aix Décoration Peintures (devenue Peintures du Sud Aix-en-Provence)
66 185 euro pour Sud Peintures (devenue Peintures du Sud Avignon).
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Daw France de toutes demandes, et notamment de toutes ses demandes reconventionnelles.
- Subsidiairement si la juridiction de céans s'estimait insuffisamment informée sur le détail des sommes dues il conviendrait d'instaurer une mesure d'instruction pour faire les comptes entre les parties.
- Condamner la société Daw France au paiement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 Code de procédure civile, à chacune des sociétés appelantes.
- Condamner la société Daw France aux entiers dépens de l'instance de 1re instance et d'appel, ceux d'appel distrait au profit de Maître Ohana.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 19 janvier 2015 par la société Daw France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 122 du Code de procédure civile
Vu l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce
Vu les articles 1134 et suivants du Code civil
Vu l'assignation du 3 mars 2010
Vu notamment le contrat du 22 août 2002
- dire les sociétés appelantes mal fondées en leur appel et les en débouter
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé l'action des parties appelantes recevables
et statuant à nouveau
- dire que le contrat du 22 août 2002 n'est ni cessible, ni transmissible :
- dire que Daw France n'a jamais été sollicitée pour donner son accord à la reprise du contrat par une société qui s'appellerait "Habitation Bâtiment Finance (HBF)".
- dire que la société qui s'appellerait "Habitation Bâtiment Finance (HBF)" ne peut exciper de la poursuite des relations contractuelles, de la novation du contrat et/ou de l'application d'un nouveau contrat verbal.
- dire que les sociétés Castres Decors, Selves, Deco tech, Deco Tech Sud, Cap Couleurs et Peintures Industrielles et Bâtiment (PIB) ne disposaient d'aucun intérêt à agir le 3 mars 2010, date de l'assignation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dès lors que la relation contractuelle de chacune de ces sociétés avec la société Daw France perdurait.
En conséquence
- dire les sociétés appelantes irrecevables en leurs demandes, fin et conclusions, faute de qualité et/ou d'intérêt à agir
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
dit que la société Daw France n'avait pas rompu brutalement et de façon fautive les relations commerciales avec la société HBF
dit que la société Daw France n'avait pas rompu brutalement et de façon fautive les relations commerciales avec les adhérents de la société HBF, sachant au demeurant qu'aucun de ces adhérents ne le prétend et ne fixe une date de rupture des relations contractuelles à l'initiative de la société Daw France
dit que la société Daw France n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de l'une ou l'autre des sociétés appelantes.
En conséquence,
- débouté les sociétés appelantes de chacune de leurs demandes, fins et conclusions.
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
condamné la société Peintures du Sud Marseille au paiement de la somme de 1 966,55 euro avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2009.
Condamné la société Peintures du Sud Avignon au paiement de la somme de 6. 97,31 euro avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2009.
Débouté les sociétés Peintures du Sud Avignon, Peintures du Sud Marseille et Peintures du Sud Aix-en-Provence de leurs demandes spécifiques.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société HBF n'avait pas rompu brutalement et de façon fautive les relations commerciales avec la société Daw France
Et statuant à nouveau
Dire la société Daw France recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles
Y faisant droit
Dire que la société HBF s'est rendue coupable d'agissements contractuels fautifs en déréférençant brutalement les produits de la société Daw France et prenant acte à tort de la rupture des relations contractuelles établies à l'initiative de Daw France, entraînant l'arrêt brutal de toute relation contractuelle entre la société HBF et la société Daw France, d'une part, et entre les adhérents de la société HBF et la société Daw France, d'autre part.
Condamner en conséquence la société HBF au paiement de la somme de 2 500 000 euro au titre du préavis de rupture que la société HBF aurait dû respecter
Condamner la société HBF au paiement de la somme de 500 000 euro au titre des préjudices annexes.
Condamner conjointement et solidairement l'ensemble des appelantes au paiement de la somme de 25 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de la SCP Galland-Vignes, avocat.
SUR CE,
Sur les exceptions d'irrecevabilité de l'action de la société HBF et de ses adhérents :
Considérant que la société Daw France soutient que la société dénommée HBF n'a pas qualité à agir dès lors que le contrat du 22 août 2002 qui a été conclu entre les sociétés Daw France et la société Habitation Bâtiment n'a pas pu lui être transmis lors de la transmission universelle du patrimoine d'Habitation Bâtiment au profit d'HBF en 2008 du fait de la stipulation d'une clause d'incessibilité et d'intransmissibilité ; qu'elle ajoute que toute reprise éventuelle du contrat par la société HBF ne pouvait être réalisée qu'avec son accord exprès et préalable, qu'un tel accord n'a jamais été sollicité et a fortiori donné et qu'elle n'a jamais été informée de la dissolution de la société HB intervenue le 22 décembre 2008 de sorte qu'il n'y a eu aucun accord tacite ;
Considérant que la société HBF réplique qu'un mécanisme d'intuitu personae n'a jamais été considéré comme un obstacle à la circulation d'un contrat et que la société Daw France a tacitement accepté la transmission du contrat (notamment en payant des factures adressées par la société HBF) ; qu'elle estime que même en l'absence d'accord, un nouveau contrat identique a été conclu ou qu'au pire une relation commerciale non contractuelle existe et que dans ce cas, elle a qualité pour agir ;
Considérant qu'il doit être relevé que la société HBF agit à l'encontre de la société Daw France tant sur le fondement de l'article 1147 du Code civil pour rupture abusive du contrat conclu le 22 août 2002 avec la société HB que sur celui, délictuel, de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales ;
Considérant que s'agissant de la rupture abusive du contrat du 22 août 2002, la société dénommée initialement HBF puis Habitation Bâtiment Financement ayant pour sigle HBF, ne justifie d'aucune qualité à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour modification unilatérale des conditions tarifaires au cours de l'année 2008, modification au demeurant dont elle admet qu'elle a été proposée mais non appliquée par la société Daw France, pour mauvais approvisionnements et refus de fourniture de produits dès lors que ce contrat conclu entre la société Habitation Bâtiment (HB) et la société Daw France comportait une clause expresse prévoyant qu'il ne pouvait être ni cédé ni transmis ; qu'il s'en déduit que si la dissolution sans liquidation à effet au 1er septembre 2008 de la société Habitation Bâtiment a entraîné la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la société HBF, la transmission du contrat au profit de cette dernière ne pouvait néanmoins se réaliser qu'avec l'accord express et préalable de la société Daw France ; que c'est vainement que la société HBF qui ne conteste pas n'avoir nullement informé la société Daw France de la dissolution de la société HB, invoque l'existence d'un accord tacite lequel ne peut se déduire du seul règlement de quelques factures à la société HBF compte tenu de la proximité des dénominations HBF et HB, de l'utilisation de mêmes adresses de siège social et de messagerie Internet et de numéros de téléphone et de fax identiques, soit de l'existence d'éléments qui ont été source de confusion pour la société Daw France ; qu'en l'absence d'accord non équivoque sur la transmission du contrat, la société HBF ne peut s'en prévaloir et est, en conséquence, irrecevable à agir sur le fondement de l'article 1147 du Code civil en rupture abusive ;
Considérant qu'en revanche et sans préjuger du bien-fondé de son action, en sa qualité de tiers au contrat conclu par la société HB, la société HBF peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat et agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle en rupture brutale d'une relation commerciale établie, à la supposer existante, dès lors qu'elle lui aurait causé un préjudice ; l'exception d'irrecevabilité soulevée à ce titre, sera donc rejetée ;
Considérant que la société Daw France soutient également que les adhérents à la société HBF n'ont pas non plus qualité à agir car elles ne sont pas parties au contrat du 22 août 2002 et qu'elles sont donc irrecevables à demander réparation sur le fondement de la rupture brutale de ce contrat ; qu'elle ajoute que les relations se sont poursuivies avec certains adhérents ; que pour les autres adhérents, les contrats ont été résiliés du fait d'impayés et que dès lors les adhérents sont irrecevables à demander réparation sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5° ; que les appelantes répliquent si certains des adhérents ont continué la relation, c'est parce qu'ils n'avaient pas d'autres choix ;
Mais considérant qu'en application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, dans le dispositif des conclusions des sociétés adhérentes, les demandes d'indemnisation qu'elles forment, le sont sur le seul fondement de la concurrence déloyale ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner leur intérêt à agir sur le fondement de la rupture abusive et/ou brutale des relations commerciales ; qu'invoquant un préjudice que leur aurait causé la société Daw France du fait d'actes de concurrence déloyale, elles justifient d'un intérêt à agir à ce titre, lequel intérêt n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de leur action ; que l'exception d'irrecevabilité formée à ce titre sera donc rejetée ;
Sur les demandes d'indemnisation réciproques formées par les sociétés HBF et Daw France du fait de la rupture brutale de leurs relations commerciales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure" ;
Considérant qu'il appartient à la société HBF qui, au titre d'une relation commerciale établie, ne peut se prévaloir de l'existence du contrat conclu entre la société HB et la société Daw France le 22 août 2002 qui a disparu lors de la dissolution de la société HB à effet au 1er septembre 2008, de rapporter la preuve de l'existence de relations commerciales établies directement avec la société Daw France ;
Considérant que la société HBF soutient que si le contrat du 22 août 2002 a pris fin en décembre 2008, soit un nouveau contrat parfaitement identique l'a remplacé soit les relations se sont poursuivies sans contrat ; que la société Daw France réplique qu'elle n'a eu connaissance de la dissolution de la société HB et de l'intervention d'une société tierce, la société HBF, qu'à partir du mois de février 2010 après avoir saisi ses propres conseils alors que la société HBF avait pris acte de la rupture des relations commerciales par courrier du 2 septembre 2009 ;
Mais considérant que comme il a été vu ci-dessus, qu'il ne peut être prétendu à l'existence de relations commerciales avec une société dont la société Daw France ignorait l'existence ; qu'il sera ajouté qu'il ressort du courrier du 12 février 2010 adressé, comme tous les courriers antérieurs émanant de la société Daw France, à la société Habitation Bâtiment que c'est en découvrant son déréférencement sur le dernier catalogue que la société Daw France a connu l'existence de la société HBF ; que la condition de l'existence de relations commerciales établies n'étant pas avérée, la société Daw France ne peut être l'auteur d'une rupture ; que le jugement entrepris sera confirmé par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société HBF de sa demande d'indemnisation formée à ce titre ;
Considérant que par voie de conséquence, la demande reconventionnelle formée par la société Daw France en indemnisation du fait de la rupture abusive du contrat du 22 août 2002 à l'encontre de la société HBF au titre du préavis et des préjudices annexes, sera également rejetée et le jugement entrepris confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Daw France de sa demande en dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;
Sur la demande d'indemnisation formée par les sociétés adhérentes du fait d'actes de concurrence déloyale :
Considérant que les sociétés Selves, CPM devenue Peintures du Sud Marseille, Deco Tech, Sud Peintures devenue Peintures du Sud Avignon, Aix Deco Peintures devenue Peintures du Sud Aix-en-Provence, Castres Decors, Deco Tech Sud, PIB, Capcouleurs, CPP et Mondecor reprochent à la société Daw France des actes de concurrence déloyale par débauchage de salariés à la suite de l'acquisition de la société C'Pro Concept, société concurrente, cessation d'approvisionnements, démarchages de leurs revendeurs, dénigrement, traitement discriminatoire, des livraisons "douteuses" courant 2008 et 2009 et implantation à proximité d'établissements de son propre réseau ;
Considérant que manquements déloyaux invoqués ne sont nullement caractérisés, les sociétés appelantes procédant par voie d'affirmations générales ; qu'en réalité, elles reprochent à la société Daw France d'approvisionner une société concurrente, la société C'Pro Concept ;
Mais considérant que d'une part, comme l'a relevé le tribunal de commerce, la procédure qu'elles ont diligentée concomitamment auprès de la DGCCRF laquelle a notamment pour mission de garantir les conditions de fonctionnement équilibré du marché et de détecter les pratiques anticoncurrentielles, n'a donné lieu à aucune suite, que le contrat du 22 août 2002 ne prévoyait aucune exclusivité et que le simple fait que des sociétés concurrentes du réseau HBF se fournissent également en produits Daw n'était pas constitutif en soi de concurrence déloyale ;
Considérant que d'autre part, il doit être ajouté que la plainte pénale invoquée déposée le 20 octobre 2009 ne concerne pas la société Daw France mais la société CBL gérée par un ancien salarié de la société CPM ; que l'affirmation selon laquelle les agissements de cette société ne peuvent avoir eu lieu qu'avec la complicité de la société Daw France n'est aucunement étayée ;
Considérant que dès lors, les sociétés appelantes échouant à démontrer un quelconque acte de concurrence déloyale, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutées de leur demande en indemnisation formée à ce titre ;
Sur les demandes d'indemnisation au titre du préjudice lié au déstockage des produits non repris :
Considérant que les sociétés CPM Aix Décoration Peintures et Sud Peintures devenue Peintures du Sud Avignon soutiennent qu'à la suite de la cessation des relations commerciales par la société Daw, elles sont restées en possession d'un important stock qui doit être repris par cette dernière ; que la société Daw France réplique qu'elle n'a jamais laissé croire qu'elle allait reprendre les stocks et que, comme l'a rappelé la cour d'appel d'Amiens, la reprise du stock ne saurait être considérée comme une obligation pour le vendeur qui bénéficie d'une réserve de propriété, l'exercice de la revendication n'étant qu'une faculté ;
Considérant qu'il ressort des diverses pièces versées aux débats (bons de commandes de livraison, factures, notes de crédit, attestations d'achats) que ces sociétés se sont progressivement approvisionnées auprès de la société Rust Oleum Mathys, concurrent de la société Daw France ; que l'obligation de reprise du stock qu'elles détenaient par la société Daw France n'est aucunement démontrée ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes formées à ce titre ;
Sur les demandes d'avoirs :
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société Sud Peintures devenue Peintures du Sud Avignon reste devoir la somme de 6 197,31 euro au titre d'un solde de factures non réglées au paiement duquel le tribunal de commerce l'a condamnée ; qu'en appel, cette société ne produit aucun autre élément et ne fait valoir aucune observation se contentant de demander l'infirmation du jugement à ce titre ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée à régler cette somme ;
Considérant que le jugement entrepris a également condamné la société CPM devenue Peintures du Sud Marseille au paiement de la somme de 3.318,92 euro qu'elle a retenue sur le paiement de factures sans aucune justification ; qu'en appel, cette société s'abstient de produire de nouveaux éléments et n'étaye nullement la demande qu'elle forme à ce titre ; que le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société HBF en indemnisation du fait de la rupture brutale des relations commerciales, Statuant à nouveau, Déclare la société HBF irrecevable à agir en indemnisation pour rupture abusive du contrat conclu le 22 août 2002 entre la société Daw France et la société HB, Y ajoutant, Condamne les sociétés aux dépens de l'appel augmenté de la somme de 10 000 euro au profit de la société Daw France, Autorise la SCP Galland-Vignes, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.