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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 26 mai 2016, n° 15-08183

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Volkswagen bank (Sté)

Défendeur :

Fouche automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rachou

Conseillers :

Mmes Guillou, Dubois-Stevant

Avocats :

Mes Debray, Joseph Watrin, Ploffoin, Flory, Pourchayre, Bonan

T. com. Versailles, 1re chambre, du 5 no…

5 novembre 2015

FAITS ET PROCEDURE,

Le 27 janvier 2014 la société Fouche automobiles (la société Fouche) a été mise en liquidation judiciaire, Maître Canet étant désigné mandataire judiciaire.

La société Volkswagen bank (la société Volkswagen) a régulièrement déclaré sa créance pour un montant de 310 446,47 euros avant déduction de frais de gardiennage réduisant la créance revendiquée à 293 081,19 euros.

Cette créance a fait l'objet d'une contestation par le débiteur et le mandataire judiciaire. Le juge commissaire a sursis à statuer sur l'admission de la créance déclarée dans l'attente de la décision à intervenir, maître Canet et la société Fouche ayant assigné la société Volkswagen devant le Tribunal de commerce de Pontoise.

La société Volkswagen a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de commerce de Pontoise au profit du Tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 5 novembre 2015, le Tribunal a rejeté l'exception d'incompétence.

La société Volkswagen bank a formé un contredit de compétence contre cette décision le 19 novembre 2015.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 mars 2016 devant la 13e chambre de la cour.

Devant la cour la société Volkswagen fait valoir que les demandes formées contre elle le sont en vertu d'une convention de compte courant signée le 20 mai 2005 entre la société Fouche et la société Volkswagen ; que l'article 11 de ce contrat est une clause d'attribution de juridiction qui prévoit que tout litige découlant de la validité de l'interprétation de l'exécution ou de la résiliation des présentes, de leurs suites ou conséquences sera de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris, sauf règles de compétence impératives ; que la convention de financement signée le 26 mars 2010 prévoit la même compétence en son article 19 ; que la validité de ces clauses conclues entre commerçants ne fait aucun doute ; que la compétence des tribunaux de commerce pour connaître des litiges entre commerçants n'est pas d'ordre public ; que ce litige est étranger à la procédure collective ;

Par conclusions du 2 février 2016, la SCP Canet Morand, ès qualités, fait valoir que le tribunal de la procédure collective a une compétence exclusive pour connaître de ce litige ; que la société Volkswagen a déclaré sa créance au passif de la procédure collective du débiteur et que cette créance a été contestée en raison de la rupture soudaine unilatérale et abusive du concours du principal partenaire ; que l'influence de la présente instance sur la procédure collective est manifeste ; que la clause attributive de compétence se heurte donc aux dispositions de l'article R. 662-3 du Code de commerce ; subsidiairement, elle conclut à la nullité de la clause attributive de compétence, faute de remplir les conditions de l'article 48 du Code de procédure civile et d'être suffisamment mise en évidence ;

Le ministère public par des conclusions communiquées par RPVA le 9 février 2016, réitérées à l'audience, est d'avis que les dispositions de l'article R. 662-3 du Code de commerce sont d'ordre public et que dès lors que la résiliation abusive de l'autorisation de découvert alléguée aurait pu provoquer la cessation des paiements, le juge saisi de la liquidation judiciaire doit rester compétent ; qu'une clause attributive de compétence ne saurait prévaloir sur ces dispositions ;

SUR CE :

Considérant que l'article R. 662-3 du Code de commerce dispose que sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du Tribunal de grande instance ;

Considérant que l'ouverture d'une procédure collective ne fait pas obstacle à l'application d'une clause attributive de compétence territoriale dés lors que l'action concernée par cette clause n'entre pas dans le champ d'application de l'article R. 662-3 du Code de commerce, à savoir dès lors qu'elle n'est pas née de la procédure collective ou lorsqu'elle n'exerce pas une influence juridique sur le litige ;

Considérant que l'action introduite par le liquidateur de la société Fouche tend au paiement de dommages-intérêts pour résiliation abusive d'une autorisation de découvert antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;

Considérant que cette action n'est pas née de la procédure collective ; que les faits allégués pour engager la responsabilité de la société Volkswagen sont antérieurs à l'ouverture de la procédure ; que le juge saisi de ce conflit devra se prononcer sans égard au contexte de la procédure collective ; que dès lors le droit des procédures collectives n'exerce pas d'incidence sur la résolution du litige ; que rien ne s'oppose au jeu de la clause attributive de compétence ;

Considérant qu'aux termes de l'article 48 du Code de procédure civile, "toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée" ; qu'en l'espèce les deux parties aux actes comportant la clause attributive de compétence sont des commerçants ;

Considérant que l'article 11 de la convention de compte courant signée entre la banque Volkwagen Bank et la société Fouche est situé juste au-dessus de la signature des parties ; qu'elle est intitulée en gros caractère: loi applicable, attribution de juridiction ; qu'elle stipule clairement "tout litige découlant de la validité, de l'interprétation de l'exécution ou de la résiliation des présentes, de leurs suites ou conséquences sera de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris, sauf règles de compétence impératives"; que cette clause est donc claire et stipulée de façon très apparente dans l'engagement opposé à la société Fouche ;

Considérant que l'article 19 de la convention de financement distributeurs réseaux Volkswagen est introduit par un encadré dénommé "attribution de juridiction" ; qu'il s'agit de la dernière clause du contrat et qu'elle se situe juste au-dessus de la signature des cocontractants ; qu'elle est donc stipulée de façon très apparente dans l'engagement opposé à la société Fouche ;

Considérant qu'il y a donc lieu de faire application de cette clause convenue entre les parties et de faire droit au contredit et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Paris ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt Contradictoire, Déclare la société Volkswagen bank bien fondée en son contredit de compétence, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Pontoise en date du 5 novembre 2015, Statuant à nouveau, Déclare le Tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de l'affaire opposant maître Canet, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Fouche automobile à la société Volkswagen bank, Déboute maître Canet, ès qualités, de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne maître Canet, ès qualités, aux entiers dépens du contredit. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties enayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.