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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 17 mai 2016, n° 14-25316

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Zara Home (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mmes Auroy, Douillet

TGI Paris, du 27 juin 2014

27 juin 2014

La société A. de V., créée en 1996, a pour activité la conception, fabrication et commercialisation d'objets décoratifs et d'arts de vivre. Elle fabrique des articles céramiques à usage domestique ou ornemental et ses faïences sont produites dans ses ateliers situés à Paris, dans le 13ème arrondissement.

Elle revendique des droits d'auteur sur des articles de vaisselle de la collection Perles du service " Adélaïde ", à savoir une soucoupe à perles (référence SSCADL1), une assiette à dessert (ASPADL1), une grande assiette creuse (ASCADL3), une petite assiette creuse (ASCADL1) et une grande assiette (ASPADL4).

La soucoupe, l'assiette à dessert, la grande assiette creuse et la grande assiette ont été commercialisées à compter de septembre 2002, la petite assiette creuse en septembre 2008.

La société Zara Home exploite un réseau de magasins de distribution spécialisé dans la décoration d'intérieure et disposait, à l'époque des faits, d'une quinzaine de magasins en France dont 3 à Paris.

La société A. de V. indique avoir constaté le 6 septembre 2011 que le magasin Zara Home, situé [...], proposait à la vente un service 'Pearl' qui constitue, selon elle, la contrefaçon de ses droits d'auteur.

Autorisée par ordonnance du 13 avril 2012, la société A. de V. a fait réaliser une saisie-contrefaçon le 9 mai 2012 dans cette boutique, puis au siège social de la société Zara Home, [...].

Par acte d'huissier en date du 14 juin 2012, la société A. de V. a fait assigner la société Zara Home en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 27 juin 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

débouté la société A. de V. de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur,

prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 9 mai 2012 au siège social de la société Zara Home France à partir de 12h25 et a, en conséquence, écarté des débats la pièce 24 b de la société A. de V. et les pièces y annexées,

dit que la société Zara Home France s'est rendue coupable de concurrence déloyale au préjudice de la société A. de V. en commercialisant la soucoupe Zara Home Pearl référencée 41685208, l'assiette à dessert Zara Home Pearl référencée 41685202, l'assiette creuse Zara Home Pearl référencée 41685201, l'assiette plate Zara Home Pearl référencée 41685200, le plat ovale Zara Home Pearl référencé 41685222 et le bol Zara Home Pearl référencé 41685210,

rejeté la demande tendant à enjoindre la société Zara Home France de communiquer l'origine et le nombre d'exemplaires des références recueillies à l'occasion de la saisie diligentée dans le magasin Zara Home du [...],

condamné la société Zara Home France à payer à la société A. de V. la somme de15 000 euro en réparation de son entier préjudice,

interdit en tant que de besoin à la société Zara Home France de commercialiser les produits litigieux,

rejeté la mesure de publication judiciaire,

condamné la société Zara Home France aux dépens et au paiement à la société A. de V. de la somme de 5000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 15 décembre 2014, la société A. de V. a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 4, transmises le 1er mars 2016, la société A. de V., poursuivant l'infirmation partielle du jugement, demande à la cour :

- à titre principal :

de juger que son modèle d'assiette à dessert Adélaïde Perles réf. ASP ADL 1, ainsi que les autres modèles grande assiette creuse Adélaïde réf. ASCADL3, petite assiette creuse Adélaïde ASCADL1, grande assiette Adélaïde réf. ASPADL4 et soucoupe à Perles Adélaïde réf. SSCADL1, constituent des créations originales éligibles à la protection du droit d'auteur,

de juger que les vaisselles Zara Home Pearl suivantes : soucoupe réf. 41685208, assiette à dessert réf. 41685202, assiette creuse réf. 41685201, assiette plate réf. 41685200, plat oval réf. 41685222 et bol réf. 41685210 constituent la contrefaçon du motif frise de perles grisées espacées en ronde-bosse caractéristique et commun à son assiette à dessert Perles Adélaïde réf. ASPADL 1,

de juger que Zara Home a commis un acte de contrefaçon en commercialisant tous ces produits,

de condamner, en conséquence, la société Zara Home à lui payer :

89 555,05 euro au titre des actes de contrefaçon,

50 000 euro au titre de la dépréciation de son image et de la dévalorisation du service Adélaïde coll. Perles A. de V.,

- à titre subsidiaire, si la cour refusait de réformer la décision s'agissant de l'originalité, de condamner la société Zara Home à lui payer 75 000 euro au titre de la dépréciation de son image et de la dévalorisation du service Adélaïde collection 'Perles' A. de V., ses clients pouvant croire à l'existence d'un partenariat qui se serait noué entre elle et la société Zara Home,

- en tout état de cause :

de confirmer la mesure d'interdiction faite à la société Zara Home, de vendre ou d'importer des articles contrefaisants en assortissant cette interdiction d'une astreinte de 450 euro par infraction constatée,

d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux à son choix, pour un montant n'excédant pas 5 000 euro HT par publication aux frais de la société Zara Home,

de condamner la société Zara Home à lui payer une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,

de condamner la société Zara Home aux entiers dépens, y compris les frais de saisie contrefaçon.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2016.

A l'audience de la cour du 15 mars 2016, la révocation de l'ordonnance de clôture a été prononcée pour admettre les dernières conclusions de la société Zara Home, transmises le 9 mars 2016, avec l'accord de toutes les parties, comme indiqué au dossier.

Dans ces dernières écritures transmises le 9 mars 2016, la société Zara Home sollicite :

la confirmation du jugement en ce qu'il a :

débouté la société A. de V. de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur,

prononcé la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon établi le 9 mai 2012 au siège social de la société Zara Home France et écarté des débats la pièce 24b et ses annexes de la société A. de V.,

a rejeté les demandes de publication judiciaire et d'injonction,

l'infirmation du jugement pour le surplus : .

de juger la société A. de V. irrecevable en ses demandes relatives aux produits Zara Home suivants : assiette plate référencée 41685200, plat ovale référencé 41685220 et bol référencé 41685210,

de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes

la condamnation de la société A. de V. à lui payer la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Motifs de l'arrêt

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la recevabilité des demandes de la société A. de V. en ce qu'elles visent certaines vaisselles Zara Home

Considérant que la société Zara Home soulève l'irrecevabilité des demandes de la société A. de V. en ce qu'elles concernent les produits suivants argués de contrefaçon : assiette plate Zara Home référencée 41685200, plat ovale Zara Home référencé '41685220" (sic) et bol Zara Home référencé 41685210 ; qu'elle fait valoir que le tribunal, pour retenir la recevabilité des demandes portant sur ces trois articles de vaisselle, s'est indûment fondé sur des photographies prétendument prises dans sa boutique du [...] lors d'un achat effectué par la société A. de V., alors que ces produits n'ont pas été communiqués en original à la procédure ;

Considérant cependant que la société A. de V. oppose à juste raison que la preuve de la contrefaçon et de la concurrence déloyale est libre ; qu'en l'espèce, elle verse aux débats une planche photographique (sa pièce 29) montrant des articles de vaisselle dont elle affirme qu'ils ont été photographiés à l'aide d'un téléphone portable le 6 septembre 2011 lors de la constatation des faits dénoncés et de l'achat des trois autres vaisselles en cause (soucoupe réf. 41685208, assiette à dessert réf. 41685202 et assiette creuse réf. 41685201) dans le magasin Zara Home du [...] ; que cette photographie montre des assiettes plates, des plats ovales et des bols ; que, par ailleurs, comme l'a relevé le tribunal, le procès-verbal de saisie contrefaçon établi le 9 mai 2012 dans le même magasin Zara Home du [...] (pièce 24 a de l'appelante) mentionne les trois pièces de vaisselle litigieuses avec leurs références - assiette plate réf. 41685200, plat ovale réf. 41685222 (et non 41685220 comme indiqué par erreur par la société intimée) et le bol réf. 41685210 -, le responsable de la boutique ayant indiqué que ces articles avaient été commercialisés au cours de l'automne/hiver 2011/201212 ;

Qu'il appartiendra à la cour d'examiner les pièces qui lui sont fournies relativement aux trois pièces litigieuses et d'en apprécier la valeur probante ;

Que la fin de non-recevoir présentée par la société Zara Home est par conséquent rejetée ;

Sur la protection par le droit d'auteur des vaisselles revendiquées par la société A. de V.

Considérant que l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ; que selon l'article L. 112-2, 10° du même code, sont considérées comme œuvres de l'esprit les œuvres d'art appliqués ;

Qu'il appartient à celui qui se prévaut de la protection au titre du droit d'auteur de justifier que l'œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que devant la cour, la société A. de V. ne revendique plus que cinq pièces de vaisselle : la soucoupe réf. SSCADL1, l'assiette à dessert réf. ASPADL1, la grande assiette creuse ASCADL3, la petite assiette creuse réf. ASCADL1 et la grande assiette réf. ASPADL4 ;

Qu'elle soutient que l'originalité de ces créations se caractérise par la réunion de deux partis pris esthétiques personnels et à contre-courant de l'existant dans le domaine de la céramique : d'une part, une signature visuelle, intrinsèquement originale et distinctive, commune à toutes ses céramiques depuis 1996 résidant dans des bords grisés en opposition au blanc du reste de la céramique, l'aspect grisé résultant de l'utilisation d'une terre noire perçue en transparence de l'émail, à contre-courant du travail des céramistes qui utilisent une terre claire et pour qui la perception du biscuit sous l'émail constitue un défaut et, d'autre part, une frise de perles espacées en ronde-bosse, créée en 2002 par Mme Mathilde C., sa chef d'atelier céramique de 1997 à 2004, positionnée en bordure des vaisselles, la circonférence des perles étant proportionnelle à leur espacement et à leur taille et à celle de la pièce qu'elles ornementent ; que le tribunal ayant retenu qu'elle n'avait pas défini pour chacun des articles pour lesquels elle demande la protection ce qui en constituait l'originalité propre, la société A. de V. s'attache, en appel, à définir l'originalité de chacune de ces pièces ;

Que cependant, comme le relève la société Zara Home, la société appelante invoque vainement une signature visuelle commune à toutes ses céramiques consistant en des bords grisés sur ses vaisselles et qu'elle exploiterait depuis 1996, dès lors d'une part que les pièces qu'elle fournit (articles de presse, dépôt INPI de dessins et modèles du 31 mars 1999, catalogues...) ne permettent pas d'établir qu'il s'agirait d'un signe d'identité propre à la maison Astier De V., laquelle, au demeurant, créé et commercialise des vaisselles de diverses couleurs, d'autre part, que le choix d'un bord de couleur contrastée pour des vaisselles ne peut être éligible à la protection du droit d'auteur, et enfin que l'aspect grisé revendiqué résulte, selon l'appelante, d'une technique de fabrication artisanale décrite par M. Benoît A. de V. dans un article du Parisien Magazine du 14 novembre 2014 ('avec un banal rouleau à pâtisserie, les céramistes aplatissent de l'argile pour en faire une 'feuille' de quelques millimètres d'épaisseur. Celle-ci est déposée dans un moule qui lui donne une forme et lui imprime ses reliefs. C'est l'étape de l'estampage. Les différentes parties du futur objet sont ensuite assemblées. Le tout est une première fois cuit pendant huit heures, dans un four à 1000°. Le biscuit obtenu est recouvert d'émail blanc. La terre brune apparaît par endroits, de façon irrégulière') qui donne aux pièces ainsi réalisées un caractère aléatoire, un aspect unique et " la patine des objets anciens " (article du Magazine Le Monde du 8 février 2014) mais qui n'est pas protégeable ; que l'invocation d'un " défaut maîtrisé ", d'un " cheminement empirique " ou encore d'une démarche " à contre-courant " du travail des céramistes ne permet pas davantage de définir une création propre traduisant un parti pris esthétique ;

Que, par ailleurs, la société A. de V. indique que les perles en ronde-bosse espacées sur la frise sont soit sphériques et uniformes pour les pièces d'une taille suffisamment grande pour les chantourner de manière uniforme (ce qui concerne l'assiette à dessert à Perles réf. ASPADL 1, la grande assiette creuse réf. ASCADL 3, la petite assiette creuse réf. ASCADL1 et la grande assiette réf. ASPADL4), soit, s'agissant de la soucoupe à perles Adélaïde réf. SSCADL1, moins sphériques en raison d'une réalisation manuelle sur une pièce plus délicate à chantourner de manière uniforme ; qu'elle précise que le diamètre des perles varie entre 3,5 et 4,5 mm (soucoupe) et 1 cm (grande assiette) en fonction de l'espacement desdites perles, de 2,5 à 3 mm (soucoupe) à 4 à 5 mm (grande assiette et grande assiette creuse) ; qu'elle indique encore que sa céramiste, Mme C., " dans le cadre d'un cheminement créatif progressif et empirique ", a décidé de sortir de l'usage usuel du moule et de sculpter le débord d'argile de la pièce moulée au lieu de le mettre au rebut, ce qui n'avait pas été réalisé auparavant, l'ornement ainsi créé d'une frise en perles espacées en ronde-bosse en bordure et proportion corrigée exprimant sa personnalité et étant protégeable en raison de sa forme et de sa situation périphérique ;

Qu'il ressort de ces explications et des pièces produites que chaque modèle de vaisselle revendiqué présente une frise différente, ce qui résulte de la confection artisanale des créations en cause et est confirmé par la production par la société intimée de photographies montrant d'autres vaisselles de la collection Adélaïde (soucoupe à boules, plat creux moyen...) ornées de frises encore différentes ; que la société A. de V. ne peut par conséquent invoquer utilement une 'originalité commune [résidant] en une frise à effet grisé de perles en ronde-bosse espacées en proportion de la taille des perles et du plat', ce qui constitue une description trop générale pour refléter la diversité des frises ressortant des éléments du dossier et revient à revendiquer un genre de bords perlés ou un processus de fabrication ; que la tentative de la société A. de V., en appel, de décrire la frise de chacune des pièces de vaisselle revendiquées est révélatrice de sa difficulté à définir une création propre traduisant un parti pris esthétique ;

Considérant, à titre surabondant, que la société Zara Home établit l'existence de vaisselles (assiettes du céramiste Platon décédé en 1968) présentant les caractéristiques revendiquées par la société A. de V. (aspect grisé irrégulier et bords perlés), antérieures à la date de première divulgation alléguée (octobre/novembre 2002) des cinq articles de vaisselle Astier De V. en cause ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de dire que les cinq pièces de vaisselle de la société A. de V. ne peuvent bénéficier de la protection du droit d'auteur et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur ;

Sur le procès-verbal de saisie contrefaçon du 9 mai 2012

Considérant que l'ordonnance présidentielle du 13 avril 2012 autorisait l'huissier de justice à se rendre 'dans les locaux et/ou entrepôts [du] magasin Zara Home situé [...] et dans les autres magasins sous enseigne Zara Home (i.e. [...] et [...]) et/ou leurs dépendances' situés dans le ressort du tribunal ;

Qu'il est constant que le 9 mai 2012, l'huissier instrumentaire s'est d'abord rendu dans le magasin Zara Home situé [...], puis a poursuivi ses opérations au siège social, le responsable du magasin l'ayant informé que seul le siège social pourrait lui fournir des informations de nature comptable ;

Considérant qu'ayant rappelé que les termes d'une ordonnance autorisant la saisie- contrefaçon, mesure coercitive exorbitante du droit commun, doivent s'interpréter strictement, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a estimé que l'huissier a ainsi excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés, le siège social n'étant ni un magasin ni une dépendance, et qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal tel que rédigé à partir de 12h25 (correspondant à la pièce 24 b de la société A. de V.) et retiré des débats les documents y annexés ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la société A. de V. invoque, à titre subsidiaire, des faits de concurrence déloyale, faisant valoir que la reprise servile de la signature visuelle identifiant ses créations par la société Zara Home ainsi que la reprise d'une gamme génèrent un risque de confusion dans l'esprit de ses clients qui pourront penser qu'un partenariat s'est noué entre elle et la société Zara Home, ce dont il résulte une dépréciation de son image et la dévalorisation de son service Adélaïde Perles ;

Que la société Zara Home demande vainement le rejet de cette demande au motif qu'elle aurait été présentée pour la première fois en janvier 2016 par l'appelante, dès lors que dans le jugement entrepris, le tribunal, ayant estimé que la société A. de V. ne pouvait se prévaloir d'un droit privatif, a statué sur sa demande en concurrence déloyale présentée à titre subsidiaire ;

Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ;

Que les agissements parasitaires constituent entre concurrents l'un des éléments de la concurrence déloyale ; qu'ils consistent, pour une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à s'inspirer ou à copier une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissement ;

Considérant qu'en l'espèce, alors que la société A. de V. ne bénéficie d'aucun droit privatif sur ses cinq articles de vaisselles Adelaïde Pearl, la simple copie de ces pièces, à la supposée avérée, ne serait pas répréhensible en l'absence de faute caractérisée de la société Zara Home susceptible de faire naître un risque de confusions dans l'esprit du consommateur entre les vaisselles en présence ;

Que le risque de confusion n'est en réalité pas démontré ; qu'en effet, trois des pièces de vaisselle incriminées de la société Zara Home - l'assiette plate réf. 41685200, le plat ovale réf. 41685222 et le bol réf. 41685210 - ne sont pas produites aux débats, comme il a été dit plus haut, et la cour n'est pas en mesure, au vu de la seule planche photographique fournie en pièce 29 de l'appelante, de les comparer avec les vaisselles opposées de la collection Adelaïde Astier De V. et d'apprécier l'existence d'un risque de confusion ; que l'examen des trois autres vaisselles incriminées - la soucoupe réf. 41685208, l'assiette à dessert réf. 41685202 et l'assiette creuse réf. 41685201 - qui sont versées aux débats révèle des différences importantes avec les vaisselles Astier De V. quant à la forme, la dimension, l'aspect de la bordure perlée et la couleur ; qu'ainsi, comme l'observe la société intimée, la soucoupe Zara Home réf. 41685208 est en réalité une sous-tasse, plus grande que la soucoupe Astier De V. et comporte, en son centre, un creux pour accueillir la tasse qui la distingue de la soucoupe Astier De V. dont la surface est plane ; que la surface de la sous-tasse Zara Home est de couleur blanche uniforme tandis que celle de la soucoupe Astier De V. est grisée et présente des altérations ; que l'assiette à dessert Zara Home réf. 41685202 présente une forme ovale légèrement concave alors que l'assiette à dessert réf. ASPADL1 Astier De V. est ronde et plane ; que leurs dimensions sont différents ; que la surface de l'assiette Zara Home est de couleur blanche uniforme tandis que celle de l'assiette Astier De V. présente des altérations ; que la bordure du modèle Zara Home comporte des perles plus petites et plus espacées que le modèle Astier De V. ; que l'assiette creuse Zara Home réf. 41685201 est ovale tandis que l'assiette creuse Astier De V. est ronde et plus petite ; que la pièce Zara Home est uniformément blanche alors que l'assiette de l'appelante présente des altérations ; que les perles bordant le tour de l'assiette Zara Home sont plus petites et espacées que celles de l'assiette Astier De V. ; qu'il n'est pas contesté, par ailleurs, que les vaisselles Zara Home présentent sur leurs bords des perles rondes dont les contours sont réguliers tandis que les perles réalisées de façon artisanale des pièces Astier De V. présentent des formes et des tailles différentes ; qu'il sera ajouté que la consistance et le poids des articles de vaisselle en présence sont différents, les produits Astier De V. étant beaucoup plus légers et paraissant plus fragiles que les produits incriminés ; que si les produits Zara Home reprennent le bord perlé grisé revendiqué par la société A. de V., cet élément n'est pas protégeable comme il a été exposé supra et les pièces fournies par la société intimée (pages 55 à 59 de ses conclusions) montrent qu'il est présent sur plusieurs autres vaisselles (services Séville de Blanc D'ivoire, Pearl Dinnerware D'atelier Bianca Bead, vaisselles Europe Et Nature) ;

Que, par ailleurs, l'invocation du prix inférieur des vaisselles Zara Home - qui en l'occurrence, ne peut être considéré comme vil comme le tribunal l'a retenu - qui conduirait le consommateur à considérer que la société A. de V. réalise des marges injustifiées n'est pas pertinente, le caractère artisanal des créations de l'appelante justifiant pour le consommateur amateur de vaisselles " haut de gamme " un prix plus élevé que celui des produits Zara d'origine industrielle, et ne démontre pas la réalité d'un comportement fautif de l'intimée ; que, comme le tribunal l'a relevé, l'effet de gamme, inhérent à un service de vaisselle, est en l'espèce inopérant ; que la société A. de V. ne prétend pas qu'elle pratique une politique commerciale de partenariat, exposant que tous ces produits sont estampillés de sa marque ; qu'ainsi, la société A. de V. échoue à faire la démonstration d'une faute de la société Zara Home ;

Que pour les raisons qui viennent d'être exposées, il n'est pas plus démontré que la société Zara Home a entendu profiter des investissements ou de la notoriété de la société A. de V. ;

Que le jugement sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a retenu que la société Zara Home s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ;

Sur les autres demandes de la société A. de V.

Considérant que le sens de la présente décision conduit à rejeter la demande d'interdiction et à infirmer le jugement sur ce point, mais à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société A. de V. de ses demandes d'injonction et de publication ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société A. de V. qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;

Considérant que la somme qui doit être mise à la charge de la société A. de V. au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel par la société Zara Home peut être équitablement fixée à 10 000 euro ;

Par ces motifs : La Cour, Rejette la fin de non-recevoir présentée par la société Zara Home quant aux demandes de la société A. de V. en ce qu'elles visent certaines de ses vaisselles ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société A. de V. de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur ; prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 9 mai 2012 au siège social de la société Zara Home France à partir de 12h25 et a, en conséquence, écarté des débats la pièce 24 b de la société A. de V. et les pièces y annexées ; rejeté les demandes d'injonction et de publication de la société A. de V. ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ; Déboute la société A. de V. de ses demandes en concurrence déloyale et en interdiction ; Condamne la société A. de V. aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à la société Zara Home de la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du code de procédure civile.