Livv
Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 12 mai 2016, n° 15-02309

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ABM (SAS)

Défendeur :

Hôtel Le Galion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mmes Beuve, Boissel Dombreval

Avocats :

Mes Tartera, Olivier, Griffiths

T. com. Alençon, du 9 juin 2015

9 juin 2015

La SAS ABM est appelante de l'ordonnance de référé rendue le 9 juin 2015 par le président du Tribunal de commerce d'Alençon qui :

- l'a condamnée à mettre fin à sa publicité trompeuse mise sur divers supports publicitaires mettant en avant que son établissement hôtelier dénommé Ibis Styles serait situé à proximité de la gare ou du centre-ville de Flers, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit que l'astreinte portera ses effets pendant 60 jours,

- dit que cette astreinte sera liquidée par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance d'Alençon,

- l'a condamnée à payer à la SARL Hôtel Le Galion la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Par conclusions en date du 25 août 2015, la SARL ABM demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle s'est considérée compétente et en conséquence, renvoyer la SARL Le Galion à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle s'est prononcée sur le fond et en ce qu'elle a mis à sa charge des obligations de faire sous astreinte,

- en conséquence, la relever de ces obligations,

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle s'est prononcée sur le fond et en ce qu'elle a mis à sa charge l'obligation particulière d'abandonner toute référence au centre-ville dans sa communication publicitaire, sous astreinte,

- en conséquence, la relever de cette obligation particulière,

- lui donner acte de ce qu'elle abandonne toute référence à la gare dans sa communication publicitaire,

En tout état de cause,

- condamner la SARL Le Galion à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions en date du 17 novembre 2015, la société Hôtel Le Galion demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions, l'ordonnance déférée,

- condamner la société ABM à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

La SARL Le Galion exploite un hôtel situé 5 rue Victor Hugo à Flers.

La SARL ABM exploite l'hôtel Ibis Styles de Flers situé 23 rue Jacques Durmeyer à Flers.

Se plaignant de ce que la société ABM aurait recouru à des pratiques commerciales déloyales engendrant pour elle un trouble commercial du fait de la diffusion d'une publicité, selon laquelle son hôtel serait situé à proximité de la gare de Flers alors que ce ne serait pas le cas, la SARL Hôtel Le Galion l'a, par acte d'huissier en date du 5 février 2015, fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de commerce d'Alençon, sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile, aux fins de l'entendre condamner à mettre fin à sa publicité trompeuse, indiquant notamment une distance erronée par rapport à la gare.

Par conclusions subséquentes du 27 avril 2015, la SARL Le Galion, additant à ses demandes a sollicité du juge des référés qu'il soit également mis fin à la publicité mettant en avant que son établissement hôtelier serait à proximité de la gare et du centre-ville de Flers sous astreinte.

Elle se référait au procès-verbal de constat dressé le 16 décembre 2014 par la SCP Huis'Orne, huissiers de justice à Bagnoles de l'Orne, mentionnant :

- une publicité diffusée sur le site Internet "Booking.com" indiquant que l'Ibis Styles de Flers est situé à 1 km du centre-ville de Flers, à seulement 250 mètres de la gare et à 1,3 km du musée château de Flers,

- un document de l'office de tourisme faisant état d'une publicité pour l'Ibis Styles Centre,

- la présence de 3 panneaux publicitaires situés route de Domfront, et rue de Paris, au niveau de la station de lavage des véhicules et au niveau de la place du Marché portant les mentions Ibis Styles Hôtel centre ville gare, Ibis Styles hôtel Flers centre gare et Ibis Styles hôtel Flers gare avec l'indication du temps nécessaire pour s'y rendre.

La société ABM s'est opposée aux demandes en faisant valoir qu'aucune mise en demeure préalable à l'instance ne lui avait été délivrée, et qu'elle avait fait modifier les distances qui auraient pu être erronées.

Elle contestait en outre ne pas être à proximité de la gare au regard de sa situation géographique et affirmait être bien en centre-ville en produisant une capture d'écran de " Google Earth " faisant apparaître les délimitations de la commune de Flers et l'épicentre dont elle soutenait qu'il laissait apparaître sa situation dans le périmètre du centre, et non en périphérie.

Elle ajoutait que les temps indiqués sur les panneaux étaient exacts.

C'est dans ces conditions que l'ordonnance déférée à la cour a été rendue.

En cause d'appel, la SARL Hôtel Le Galion reproche au premier juge d'avoir excédé ses pouvoirs faute de faire référence aux notions de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite, alors que la SARL Le Galion se contentait de procéder par affirmations quant à l'existence d'un préjudice sans apporter quelque élément que ce soit et ne faisait pas état d'un trouble manifestement illicite.

Elle souligne que l'assignation ne visait aucun texte en dehors de l'article 873 du Code de procédure civile, et que la société Le Galion ne s'expliquait pas sur le fondement juridique de ses demandes en se bornant à faire référence à des pratiques commerciales trompeuses.

Elle soutient que la SARL Le Galion ne fait la démonstration d'aucun comportement qui lui serait imputable qui serait spécifiquement réprimé, qu'elle ne caractérise aucune faute, ni préjudice ni lien de causalité.

Elle prétend en conséquence que l'affaire ne relevait pas de la compétence du juge des référés qui s'est prononcé sur le fond.

A titre infiniment subsidiaire, elle reprend pour l'essentiel son argumentation de première instance et soutient que son établissement est bien situé à proximité de la gare et dans le centre de Flers, tout en demandant acte de ce qu'elle abandonne toute référence à la gare dans sa communication publicitaire pour paix avoir mais sans reconnaissance de ce que cette indication serait trompeuse.

La SARL Hôtel Le Galion demande la confirmation de l'ordonnance.

Elle soutient que le juge des référés est parfaitement compétent pour prescrire en matière de publicité mensongère les mesures qui s'imposent notamment pour faire cesser un trouble manifestement illicite, et qu'elle avait parfaitement caractérisé les fondements juridiques de ses demandes reposant sur les articles 873 du Code de procédure civile et L. 120-1 du Code de la consommation.

Elle reprend en outre la motivation du juge des référés pour soutenir que les contestations qu'il a faites suffisent à justifier les mesures prescrites.

Il convient de relever que les fondements juridiques des demandes de la SARL Hôtel Le Galion ressortent suffisamment des dispositions de l'article 873 du Code de procédure civile relative à la compétence du juge des référés visés dans l'assignation, et de la référence aux pratiques commerciales trompeuses qui étaient dans le débat devant le premier juge.

Aux termes de l'article 873 du Code de procédure civile, le président du Tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce les demandes présentées par la SARL Hôtel Le Galion sont fondées sur l'allégation de la violation des dispositions des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation.

Si la publicité parue sur le site Internet " Booking.com " le 11 décembre 2014, dont fait état le procès-verbal de constat d'huissier du 16 décembre 2014, était manifestement erronée en ce qu'elle indiquait que l'Ibis Styles de Flers était situé à seulement 250 mètres de la gare, alors que du fait de la présence des voies ferrées il fallait parcourir 700 mètres pour rejoindre l'établissement, il n'était pas contesté, par la société demanderesse que la société ABM avait fait modifier cette publicité avant l'audience devant le juge des référés, ainsi que cela ressortait des conclusions déposées le 27 avril 2015.

Quant aux mentions " gare " ou " centre " portées sur les panneaux publicitaires de l'Ibis Styles Hôtel, il n'apparaît pas, en l'état des éléments versés aux débats qu'elles soient manifestement erronées.

Cet hôtel est en effet dans le quartier de la gare de l'autre côté des voies, et cette mention permet de repérer facilement son emplacement.

Concernant l'indication de ce que l'hôtel est situé dans le centre de Flers, il apparaît au vu des plans et de la capture d'écran de " Google Earth " produit aux débats que l'hôtel Ibis Styles est situé dans un rayon d'un kilomètre environ de la place du Général de Gaulle qui occupe une position centrale par rapport aux limites administratives de la ville.

Il n'est également qu'à quelques minutes de cette place.

La société ABM produit en outre des relevés d'itinéraires Michelin démontrant que les indications de temps portées sur les panneaux sont pour l'essentiel exactes.

Il n'apparaît donc pas que ces mentions soient manifestement de nature à induire en erreur un consommateur raisonnablement attentif et avisé.

En l'absence de démonstration de l'existence ou de la persistance d'un trouble manifestement illicite au moment où il a statué, c'est à tort que le premier juge a fait droit aux demandes de la SARL Hôtel Le Galion.

L'ordonnance sera en conséquence infirmée sauf en ce qu'elle a condamné la SARL ABM aux dépens de première instance dès lors que la publicité parue sur "Booking.com" était manifestement erronée quant à la distance annoncée entre la gare et l'hôtel et qu'elle n'a été modifiée qu'après l'assignation.

En équité, il sera alloué à la société ABM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a condamné la société ABM aux dépens, Et statuant à nouveau, Déboute la SARL Hôtel Le Galion de ses demandes, Condamne la SARL Hôtel Le Galion à payer à la SARL ABM la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Hôtel Le Galion aux dépens de la procédure d'appel.