CA Toulouse, 2e ch., 25 mai 2016, n° 14-04776
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Riso gallo France (SARL)
Défendeur :
CBT (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cousteaux
Conseillers :
M. Baïssus, Mme Salmeron
Avocats :
Mes Marbot, de Carlan, Decharme
FAITS et PROCEDURE
Par acte du 2 janvier 2006, la SARL Riso gallo France a signé un contrat d'agent commercial au profit de la SARL CBT avec exclusivité sur les départements 09, 11, 12, 31, 66, 81 et 82.
Le 5 février 2007, la SARL Riso gallo France adresse un courrier en AR à la SARL CBT mettant cette dernière en demeure d'améliorer le retour terrain et le chiffre d'affaires.
Le 8 février 2008, la SARL Riso gallo France adresse un courrier en AR à la SARL CBT mettant fin à leur contrat.
Le 4 avril 2008, la SARL Riso gallo France adresse un courrier en AR à la SARL CBT reprenant leur contrat.
Le 16 février 2009, un avenant est signé passant les commissions de la société CBT de 3,5 % à 5 %.
Le 12 juin 2012, la SC Galec (Leclerc) adresse un courrier AR en mettant fin au contrat cadre de référencement national.
Le 6 juillet 2012, la SARL Riso gallo France adresse un courrier en AR à la SARL CBT lui signalant la rupture de leur contrat.
Le 23 août 2012, la SARL CBT adresse un courrier en AR à la SARL Riso gallo France répondant au courrier du 6 juillet 2012.
Le 23 octobre 2012, le conseil de la SARL CBT adresse un courrier en AR à la SARL Riso gallo France la mettant en demeure de régler les indemnités de rupture.
Par acte du 20 novembre 2012, la société CBT a donné assignation à la SARL Riso gallo France d'avoir à comparaître devant le Tribunal de commerce de Montauban.
Par jugement du 27 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Montauban s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Nanterre.
Sur contredit de compétence, la Cour d'appel de Toulouse, par un arrêt du 26 février 2014, a jugé que la clause telle que rédigée constituait une simple possibilité offerte aux parties et non une obligation, de sorte que le Tribunal de commerce de Montauban était bien compétent.
Par jugement du 25 juin 2014, le Tribunal de commerce de Montauban a:
- débouté la SARL Riso gallo France de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SARL Riso gallo France à payer les sommes suivantes:
+ 541,79 euros au titre du préavis ;
+ 5 741,34 euros au titre des indemnités de rupture ;
+ 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- débouté la SARL CBT de ses demandes de dommages-intérêts.
- dit ne pas avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
- condamné la SARL Riso gallo France aux entiers frais et dépens de l'instance.
- frais de greffe du jugement liquidé à la somme de 81,12 euros TTC.
La SARL Riso gallo France a interjeté appel le 30 juillet 2014.
La SARL Riso gallo France a transmis ses dernières écritures par RPVA le 6 février 2015.
La SARL Compagnie des boissons et terroirs (CBT) a transmis ses écritures par RPVA le 9 décembre 2014.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2016.
MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 210-1, L. 134-11, L. 134-12, L. 134-13 du Code de commerce, la SARL Riso gallo France demande à la cour de :
- confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a débouté la société CBT de sa demande de dommages-intérêts au titre d'une résistance abusive et injustifiée de la Riso Gallo France ;
- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et notamment en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société CBT au titre de ses demandes d'indemnisation liées à la fin du contrat d'agence commercial et à l'indemnité compensatrice de préavis ;
- constater que la société CBT n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires à un démarchage sérieux de la clientèle sur le territoire concédé par la société Riso Gallo France ;
- constater que la société CBT n'a pas exécuté son contrat d'agence commerciale en " bon professionnel ", ayant entraîné de manière générale une perte de confiance de la part de la société Riso Gallo France ;
- constater que la société CBT a commis une faute grave dans l'exécution du contrat d'agence commerciale ;
- rejeter toute demande de la société CBT tendant au paiement d'une indemnité de fin de contrat et d'une indemnité compensatrice de préavis ;
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société CBT, celles-ci étant infondées ;
- condamner la société CBT au versement de la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Riso Gallo France ;
- condamner la société CBT aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée distraits au profit de Maître Pierre Marbot, sur son affirmation de droit.
L'appelante fait essentiellement valoir que :
- aucune indemnité compensatrice de préavis n'est due à CBT, le contrat d'agence commerciale ayant été résilié pour faute grave de celle-ci
- CBT a commis une faute grave dans l'exécution de son mandat en ne l'exécutant pas en " bon professionnel ", notamment au regard de ses obligations légales et contractuelles de prospection au titre de l'enseigne Leclerc (article 4 du contrat d'agence commerciale par CBT : descente des assortiments dans tous les magasins).
- Riso Gallo n'a commis aucune faute ayant pu entraîner le déréférencement Leclerc, le rendez-vous fixé par la Socamil auquel il est reproché à Riso Gallo de ne pas avoir été présente, est un rendez-vous de négociation qui constitue l'objet même du mandat de représentation confié à CBT.
- de manière plus générale, CBT est responsable d'une insuffisance chronique de la mise en place de moyens pour le développement du territoire concédé et son activité insuffisante est à l'origine de la baisse du chiffre d'affaires et de la perte de confiance de Riso Gallo.
- la faute grave commise justifie la résiliation immédiate du contrat d'agence commerciale donc aucun préavis ne devait être accordé.
- aucune indemnité de fin de contrat sur le fondement de l'article L. 134-11 du Code de commerce n'est due à CBT, le contrat d'agence commerciale ayant été résilié pour faute grave de celle-ci tel que démontrée donc le jugement doit être réformé sur ce point.
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 du Code civil, L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, la SARL Compagnie des boissons et terroirs (CBT) demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement ce qu'il a condamné la société Riso gallo à payer à la société CBT les sommes suivantes :
+ 541,79 euro à titre d'indemnité de préavis,
+ 5 741,34 euro à titre d'indemnité de rupture.
- dire que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2012, date de l'assignation introductive d'instance et que les intérêts échus annuellement produiront eux-mêmes intérêts ;
- condamner la société Riso gallo France à payer à la société CBT :
+ 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
+ 3 000 euro au titre de l'article 700, 1° du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
L'intimée fait essentiellement valoir que :
- la société Riso gallo France ne démontre pas que seule la société CBT serait responsable de son déréférencement auprès du Galec, tel que l'a relevé le tribunal.
- la société Riso gallo France ne peut imputer exclusivement à CBT la responsabilité de son déréférencement de l'enseigne Leclerc au niveau national alors que le référencement d'une marque ou d'un produit intervient à deux niveaux (national et régional) et que le référencement national conditionne le référencement régional, l'adhésion à la centrale locale étant facultative.
- la société Riso gallo France qui a initialement reproché à la société CBT la négligence du démarchage de l'enseigne Leclerc, elle ne peut au stade de la procédure invoquer un nouveau motif à savoir le défaut de mise en œuvre de tous les moyens nécessaires à la bonne exécution du mandat.
- sur le motif du défaut d'avoir tout mis en œuvre pour exécuter le mandat, la société Riso gallo France occulte totalement le fait que la société CBT exerçait son mandat auprès de plusieurs enseignes et que son chiffre d'affaires toutes enseignes confondues est globalement resté constant de 2005 à 2012
- seuls le comportement et la politique commerciale de la société Riso gallo France sont à l'origine de la baisse de son chiffre d'affaires réalisé avec l'enseigne Leclerc et de son déréférencement auprès du Galec.
- la négociation avec la centrale d'achat régionale Socamil était du ressort de la société Riso gallo France, la société CBT n'ayant jamais eu un quelconque pouvoir de négociation, ni avec le Galec, ni avec la Socamil, dont le secteur géographique d'action est beaucoup plus étendu que celui confié à la société CBT (l'article 4 du contrat d'agence commerciale limite la mission au niveau des magasins Leclerc, adhérents ou non à la Socamil).
- ce sont les difficultés rencontrées au niveau national et le manque d'implication de la société Riso gallo France au niveau de la centrale régionale qui ont rendu difficile le travail fourni par la société CBT au niveau local et non pas le contraire.
- rien ne justifiant la rupture brutale, la société Riso gallo ne pouvait rompre le contrat de son agent sans le respect d'un préavis de 3 mois et le versement d'une indemnité destinée à compenser le préjudice que lui cause la perte du revenu de la clientèle qu'il a apportée au mandant.
MOTIFS de la DECISION
Selon les dispositions de l'article L. 134-4 du Code de commerce, l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel.
Selon les dispositions de l'article L. 134-11 dudit Code, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis.
Selon les dispositions des articles L. 134-12 et 13 dudit Code, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, hormis notamment dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
Seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privatrice de l'indemnité compensatrice. Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute.
En l'espèce, le 2 janvier 2006, la SARL Riso gallo France a signé un contrat d'agent commercial au profit de la SARL CBT avec exclusivité sur les départements 09, 11, 12, 31, 66, 81 et 82.
Le 5 février 2007, la SARL Riso gallo France a adressé un courrier en AR à la SARL CBT mettant cette dernière en demeure d'améliorer le retour terrain et le chiffre d'affaires. Le 8 février 2008, elle lui a envoyé un courrier en AR mettant fin à leur contrat. Mais, le 4 avril 2008, elle lui a écrit que le contrat reprenait. Et, le 16 février 2009, un avenant a été signé entre les parties élevant les commissions de 3,5 % à 5 %.
Il en résulte que les griefs exprimés en 2007 et 2008 ne peuvent pas servir à caractériser une faute grave de la part de la SARL CBT.
Le 6 juillet 2012, la SARL Riso gallo France a adressé un courrier en AR à la SARL CBT pour lui notifier la résiliation du contrat d'agent commercial en invoquant une baisse sensible d'activité auprès de l'enseigne Leclerc à l'origine d'un déférencement national.
Or, d'une part, aux termes du contrat d'agent commercial, la SARL CBT avait pour objectifs la descente d'assortiment négociée avec la centrale d'achats dans tous les magasins, le suivi des opérations promotionnelles dans tous les magasins concernés, le suivi régulier des linéaires, le non-respect de ces éléments permettant à la SARL Risogallo France de retirer les clients à l'agence commerciale. De plus, l'agent n'était pas autorisé à conclure des contrats au nom et/ou pour le compte du mandant.
D'autre part, la lettre du 12 juin 2012 par laquelle le Galec, société coopérative des établissements Leclerc, a notifié à la SARL Risogallo France le non-renouvellement du contrat cadre 2012, à compter du 31 décembre 2012, fait état de la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé depuis le premier référencement. Or, ce premier référencement est intervenu en 2004 et il n'est nullement fait mention d'une faiblesse imputable particulièrement à la SARL CBT, dont le secteur géographique était au demeurant limité à 7 départements, alors même au surplus que par message électronique du 15 novembre 2011, en vue de la négociation du contrat cadre 2012, la SARL Risogallo France a informé 12 destinataires dont la SARL CBT de la baisse du chiffre d'affaires national depuis 2009, pour être passé de 368 Keuro à 235 Keuro.
De plus, la lettre du Galec évoque la possibilité d'un référencement éventuel au niveau régional. Or, compte tenu des termes du contrat d'agent commercial, il n'appartenait pas à la SARL CBT de négocier un tel référencement.
Ainsi, la SARL Risogallo France ne rapporte pas la preuve d'une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce ayant pour conséquence de priver la SARL CBT du versement des indemnités compensatrices et de préavis. Il doit être constaté que leur montant alloué par les premiers juges n'est pas discuté par les parties.
Par ailleurs, le seul fait que l'appelant soit condamné en première instance et débouté de son recours ne caractérise pas la mauvaise foi ou la légèreté blâmable ou l'erreur équipollente au dol requise par l'article 32-1 du Code de procédure civile pour entrer en voie de condamnation sur ce fondement. Il semblerait que la SARL Risogallo France se soit méprise sur l'imputabilité du déférencement national auprès des magasins Leclerc. Il y a lieu en conséquence de débouter la SARL CBT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Il convient dès lors de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Montauban et de le compléter en disant que les condamnations prononcées au titre de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité de préavis porteront intérêt au taux légal à compter du 20 novembre 2012, date de l'acte introductif d'instance.
Enfin, la SARL Risogallo France qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
Par ces motifs, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban, Y ajoutant, Dit que les condamnations prononcées au titre de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité de préavis porteront intérêt au taux légal à compter du 20 novembre 2012.Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SARL Risogallo France de sa demande de ce chef, Condamne la SARL Risogallo France au paiement à la SARL CBT de la somme de 2 000 euros sur ce fondement, Condamne la SARL Risogallo France aux dépens d'appel dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.