CA Caen, 2e ch. civ. et com., 19 mai 2016, n° 15-02272
CAEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Arthur & Aston (SAS)
Défendeur :
Synapse (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briand
Conseillers :
Mmes Beuve, Boissel Dombreval
Avocats :
Mes Delom de Mezerac, Chevret, Delaplace
Exposé du litige
Spécialisée dans la commercialisation de produits de maroquinerie qu'elle vend sur son site Internet sous la marque "Arthur et Aston" la SAS Arthur et Aston a souhaité mettre en place un second site Internet lui permettant de commercialiser d'autres produits de maroquinerie sous des marques différentes et a confié à la SARL Synapse, agence de communication, la réalisation et le lancement de ce site Internet par contrats des 25 avril et 3 novembre 2014.
Le site prénommé " Dulcy " était mis en ligne le 8 novembre 2014 et la campagne de communication lancée le 24 novembre suivant puis stoppée le 1er décembre 2014 à la demande du dirigeant de la SAS Arthur et Aston motif pris de l'insuffisance du "trafic" et des commandes.
Par acte d'huissier du 23 mars 2015 la SARL Synapse a assigné la SAS Arthur et Aston en paiement provisionnel de la somme de 83 415,75 euro représentant le solde de ses factures devant le président du Tribunal de commerce de Caen statuant en référé.
Par ordonnance de référé du 16 juin 2015 la SAS Arthur et Aston a été condamnée à payer à la SARL Synapse une provision d'un montant de 81 075,75 euro majorée des intérêts légaux à compter du 15 janvier 2015, la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Le 24 juin 2015 la SAS Arthur et Aston a relevé appel de cette décision.
Dans des conclusions récapitulatives remises au greffe le 4 février 2016 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés la SAS Arthur et Aston demande à la cour d'infirmer la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande en paiement provisionnel concernant la facture ScanCube pour 2 340 euro, constater l'existence d'une contestation sérieuse sur la demande en paiement de la société Synapse formée à hauteur de 83 415,75 euro, débouter la société Synapse de toutes ses demandes, ordonner une expertise, en tout état de cause condamner la société Synapse à lui verser la somme de 5 000 euro à titre provisionnel ainsi que celle de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des conclusions n° 2 remises au greffe le 1er mars 2016 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés la société Synapse demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS Arthur et Aston à lui payer une provision d'un montant de 81 075,75 euro majorée des intérêts légaux à compter du 15 janvier 2015, la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau condamner la SAS Arthur et Aston à lui verser une provision de 2 340 euro correspondant à la facture ScanCube outre intérêts légaux à compter du 15 janvier 2015, subsidiairement dire et juger que la contestation sérieuse évoquée s'agissant du mandat régularisé dans le cadre des dispositions de la loi Sapin du 29 janvier 1993 ne porte que sur la rémunération sollicitée par la concluante dans le cadre des prestations d'achats d'espaces publicitaires auprès du GIE médiatransports, des sociétés Clear Channel et Oxialive pour un total de 9 705 euro HT à l'exclusion donc de toute autre, confirmer dans ces conditions l'ordonnance déférée pour le surplus de la provision allouée et condamner la SAS Arthur et Aston à verser à la SARL Synapse une provision de 2 340 euro correspondant à la facture ScanCub outre intérêts légaux à compter du 15 janvier 2015, en tout état de cause condamner la société Arthur et Aston à lui verser une provision de 10 000 euro en réparation du préjudice subi, débouter la société Arthur et Aston de toutes ses demandes, la condamner à lui verser la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Motifs de la décision
La SARL Synapse poursuit le paiement provisionnel par la SAS Arthur et Aston de la somme de 74 439,75 euro TTC représentant le solde lui restant dû sur ses factures au 17 décembre 2014 et de la somme de 8 976 euro TTC représentant le montant de la facture FA 5337 du 16 mars 2015.
Il ressort de l'extrait du grand livre des comptes clients versé aux débats par la SARL Synapse (pièce 4 de l'intimée) que la somme de 74 439,75 euro correspond au solde qui lui resterait dû par la SAS Arthur et Aston sur sa dernière facture FA 5237 du 17 décembre 2014 d'un montant de 75 618,62 euro après affectation par la SARL Synapse des trois versements de 8 988 euro, 10 080 euro et 58 000 euro réalisés par la SAS Arthur et Aston au paiement intégral des factures antérieures dont la facture FA 5217 dite ScanCube d'un montant de 2 340 euro.
Faute de production par l'intimée d'un devis de cette prestation accepté par l'appelante la créance de 2 340 euro revendiquée par la SARL Synapse au titre de cette dernière facture apparaît sérieusement contestable et l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de provision à due concurrence de ce montant, ce qui, après réaffectation de la somme de 2 340 euro au paiement de la facture FA 5237 réduit à 72 099,75 euro (74 439,75 - 2 340) le montant de la créance alléguée par la SARL Synapse.
Le détail des prestations, objets de la facture FA 5237 (pièce 24 de l'appelante), révèle qu'à l'exception des quatre derniers postes, ouverture/création des pages pour les réseaux sociaux, community management, campagne social média, référencement Google adwords, les neuf autres postes facturés correspondent à des prestations d'achats d'espace publicitaire ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires : fabrication d'affiches et affichage en centre-ville, sur panneaux publicitaires, à l'arrière des bus, création d'un spot et affichage sur réseaux d'écran, impression de cartes postales, "street marketing" pour distribuer des coupons publicitaires.
Ces neuf prestations relèvent en conséquence des dispositions de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 qui rendent obligatoire la signature d'un contrat écrit de mandat entre l'annonceur et l'intermédiaire entre cet annonceur et les vendeurs d'espaces publicitaires en l'espèce respectivement la SAS Arthur et Aston, et la SARL Synapse.
Ce mandat doit mentionner les conditions de la rémunération de l'intermédiaire par l'annonceur, le détail des différentes prestations effectuées dans le cadre du contrat de mandat et le montant de leur rémunération respective ainsi que les autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération.
En l'espèce si elle précise qu'elle a pour objet l'achat de régie presse, l'achat de régie radio, l'achat d'espace "affichage tous formats", "ponctuelle", ou "longue conservation" et l'achat de tous autres supports de communication la lettre accréditive de mandat signée par les parties le 27 octobre 2014 (pièce 5 de l'intimée) ne mentionne ni les conditions de la rémunération de l'intermédiaire par l'annonceur, ni le montant de la rémunération des différentes prestations effectuées dans le cadre du contrat de mandat ni le montant global de la rémunération des autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat.
Ce mandat contrevient donc aux dispositions de l'article 20 précitées. Si son article 25 sanctionne pénalement le défaut d'établissement d'un contrat écrit conforme aux dispositions de son article 20 la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ne précise pas les conséquences civiles des irrégularités constatées.
Les parties s'opposent sur ce point, la SAS Arthur et Aston soutenant que le contrat est nul et ne peut fonder l'action en paiement des prestations correspondantes engagée par la SARL Synapse.
Il n'appartient pas au juge des référés de trancher la contestation sérieuse portant sur les conséquences des irrégularités constatées sur la validité de la convention fondant la demande et dont l'existence suffit à faire obstacle à l'octroi de la provision demandée par la SARL Synapse pour les neufs prestations correspondantes.
Pour le surplus des prestations, objets de la facture FA 5237, c'est-à-dire l'ouverture/création des pages pour les réseaux sociaux, le " community management ", la campagne " social média " et le référencement Google adwords la SARL Synapse ne produit aucune pièce probante de leur réalisation effective ou des frais engagés pour les mener à bien à l'exception de la création de la page Facebook initialement prévue sur la période du 24 novembre 2014 au 7 décembre 2014 pour un coût de 6 750 euro hors taxes, dont elle verse aux débats une impression d'écran et le compte rendu de campagne pour la semaine du 21 au 28 novembre (pièces 27 et 28 de l'intimée).
Selon ce dernier document cette semaine de campagne Facebook a coûté 3 000 euro. Il n'est pas justifié de l'engagement effectif de frais en rapport avec cette campagne au-delà du 28 novembre 2014.
Au regard de l'ensemble de ces éléments la créance de 72 099,75 euro revendiquée par la SARL Synapse au titre de sa facture FA 5237 apparaît sérieusement contestable à l'exception de la somme de 3 000 euro correspondant à la semaine de campagne Facebook.
L'ordonnance déférée doit donc être infirmée en ce qu'elle a condamné la SAS Arthur et Aston à payer à la SARL Synapse une provision de 72 099,75 euro à valoir sur cette facture et la SAS Arthur et Aston doit être condamnée à payer à ce titre une provision de 3 000 euro à la SARL Synapse. Celle-ci produira intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2015, date de l'assignation valant mise en demeure de payer, à défaut de preuve de la réception par l'appelante d'une mise en demeure antérieure.
De même la SARL Synapse ne produit aucune pièce probante de la réalisation effective des prestations, objets de la facture FA 5337 d'un montant de 8 976 euro TTC.
Elle ne produit pas le cahier des charges " animation blogueuses " qui y est facturé pour 1 500 euro HT. Si elle verse aux débats le devis d'un montant de 9 600 euro TTC accepté le 26 novembre 2014 au profit de la " blogueuse " sollicitée en la personne de Mme Hélène B. (pièce 29 de l'intimée) la SARL Synapse ne prouve ni que Mme B. est, comme le prétend l'intimée, une prestataire extérieure à la société alors que dans sa pièce n° 3 ("nos moyens humains") Mme B. apparaît comme secrétaire de rédaction de l'agence de communication ni qu'elle a effectivement réalisé des prestations justifiant le versement de l'acompte de 5 500 euro facturé à la SAS Arthur et Aston.
L'intimée ne justifie pas plus avoir réellement exposé les frais de gestion référencement Google adwords facturés pour 480 euro HT le 16 mars 2015.
Sa créance apparaissant dès lors sérieusement contestable la SARL Synapse doit être déboutée de sa demande en paiement d'une provision de 8 976 euro au titre de la facture FA 5337 et l'ordonnance déférée qui a fait droit à cette demande, doit être infirmée en conséquence.
Il n'appartient pas à la cour d'ordonner une expertise afin que l'expert désigné "donne son avis sur l'accomplissement par la société Synapse de ses obligations d'information et de conseil", cette appréciation ne relevant que de la compétence du juge qui sera éventuellement saisi du litige au fond, pas plus que de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve qui leur incombe, en ordonnant la mesure d'instruction sollicitée aux seules fins de faire les comptes entre elles. La SAS Arthur et Aston doit donc être déboutée de sa demande d'expertise sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcé dans le dispositif de l'ordonnance déférée.
Si la SAS Arthur et Aston reproche à la SARL Synapse d'avoir laissé la mention "soldes" sur le site dulcy.fr hors période de soldes et d'avoir tardé à la retirer malgré ses demandes réitérées l'appelante ne rapporte pas la preuve du préjudice qui en serait résulté pour elle. L'ordonnance déférée n'ayant pas statué sur cette prétention la SAS Arthur et Aston doit donc être déboutée de sa demande en paiement d'une provision de 5 000 euro à valoir sur l'indemnisation du préjudice allégué.
De même la SARL Synapse qui ne motive pas cette demande devant la cour, ne rapporte pas la preuve du préjudice que l'allocation d'une provision de 10 000 euro serait supposée réparer.
Elle doit donc être déboutée de cette demande sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcé dans le dispositif de l'ordonnance déférée.
Ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
Succombant en cause d'appel dans l'essentiel de ses prétentions la SARL Synapse doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
Il serait inéquitable de laisser la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel à la SAS Arthur et Aston à laquelle la SARL Synapse doit être condamnée à payer la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Infirme l'ordonnance rendue le 10 juin 2015 par le président du Tribunal de commerce de Caen statuant en référé sauf dans ses dispositions déboutant la SARL Synapse de sa demande en paiement d'une provision de 2 340 euro à valoir sur la facture FA 5217, de celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance qui sont confirmées, Statuant à nouveau sur les autres chefs, Condamne la SAS Arthur et Aston à payer à la SARL Synapse une provision de 3 000 euro à valoir sur le solde restant dû au titre de ses factures avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2015, Déboute la SARL Synapse du surplus de sa demande de provision à ce titre, Y ajoutant, Déboute la SAS Arthur et Aston de sa demande d'expertise et de sa demande en paiement d'une provision de 5 000 euro à valoir sur son préjudice, Déboute la SARL Synapse de ses demandes en paiement d'une provision de 10 000 euro à valoir sur le préjudice subi et d'une somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Condamne la SARL Synapse à payer à la SAS Arthur et Aston la somme de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Condamne la SARL Synapse aux dépens de la procédure d'appel.