CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 7 juin 2016, n° 14-20913
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
B3C (SAS)
Défendeur :
Timber productions (SARL) , Creative balance corporation (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
Mes Bezard Falgas, Bouaziz, Djaziri
La SARL Timber productions, créée en 1990, a pour activité la fabrication, la vente, la revente, l'importation et l'exportation de tous matériels industriels, celle-ci étant essentiellement orientée dans le matériel de pesage.
Elle a pour gérant M. Frédéric Timber.
La SARL Créative balance corporation, créée en 2010, a pour activité l'import-export de matériel de pesage et de tout matériel professionnel dans tous domaines d'activité, celle-ci étant essentiellement orientée dans la vente de matériel de pesage pour les distributeurs.
Elle a pour gérant Mlle Myriam Fustinoni.
La société B3C, créée en 1990, a pour objet la commercialisation et la maintenance d'équipements de pesage.
Son président et directeur est M. Bruno Cella.
Reprochant à la société B3C de se livrer à des agissements constitutifs de concurrence déloyale, matérialisés par la mise en œuvre de dénigrements entrepris de manière éhontée et hors tous usages de libre concurrence, et notamment d'avoir, sous la signature de son dirigeant M. Bruno Cella, diffusé le 19 octobre 2012, à nombre d'entreprises du secteur concerné, un tract ordurier intitulé " attention arnaque vigilance " livrant des informations fantaisistes à l'endroit de la société Créative balance corporation, ayant provoqué les interrogations outrées de leurs partenaires commerciaux ou clients, les sociétés Timber productions et Créative balance corporation l'ont, par acte du 21 janvier 2013, fait assigner devant le Tribunal de commerce de Melun en concurrence déloyale.
Par jugement du 22 septembre 2014, le Tribunal a :
rejeté l'ensemble des prétentions, fins et conclusions de la société B3C, condamné la société B3C à verser à la société Timber productions et la société Créative balance corporation chacune la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des agissements constitutifs de concurrence déloyale,
ordonné à la société B3C la cessation immédiate, sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit, de tout dénigrement que ce soit et ce, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,
ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, condamné la société B3C à verser à la société Timber productions et la société Créative balance corporation chacune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamné la société B3C en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de?104,52 euros TTC.
La société B3C a interjeté appel de cette décision le 17 octobre 2014.
Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 26 octobre 2015, par lesquelles elles demandent à la cour de :
infirmer le jugement entrepris, condamner in solidum la société Timber productions et la société Créative balance corporation à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner in solidum la société Timber productions et la société Créative balance corporation à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 6 294,74 euros à compter du 13 mai 2015,
condamner in solidum la société Timber productions et la société Créative balance corporation à lui payer la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner in solidum la société Timber productions et la société Créative balance corporation aux dépens, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du même Code ;
Vu les dernières conclusions transmises le 7 décembre 2015 par la société Timber productions et la société Créative balance corporation, qui demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris, sauf du chef du montant des indemnités allouées, statuant à nouveau à cet égard et y ajoutant, condamner la société B3C à leur verser chacune la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de provision à valoir sur le préjudice résultant des agissements constitutifs de concurrence déloyale,
condamner la société B3C au paiement de la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société B3C aux entiers dépens, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. Bruno Cella est l'auteur du tract portant l'en-tête " B3C Soehnle " et intitulé " attention arnaque vigilance ", qui l'identifie comme tel, adressé par courriel du 19 octobre 2012 à la société Gyss & Giubilei ;
Que dans ce tract, la société Créative balance corporation, désignée sous le sigle CBC, est accusée :
d'usurper le nom de B3C, d'avoir été créée par M. Frédéric Timber " gérant d'un site agressif de vente en ligne Direct pesage, balance-de-précision.fr ",
d'avoir, par le biais d'une lettre d'information mentionnant Soehnle made in Germany de Mlle Myriam Fustinioni confirmé par téléphone, affirmé avoir racheté la société B3C, celle-ci étant en faillite,
d'avoir ainsi invité " des EUROCHEF " à modifier dans leurs bases de données, les coordonnées de la société B3C par celles de la société CBC et de son Rib,
de livrer des balances direct pesage en réponse à des commandes de leur matériels,
d'avoir reçu le règlement de factures de la société 3BC sur son compte,
de n'avoir aucun fonds propre, aucune charge de personnel ;
Qu'il est ensuite indiqué qu'une action judiciaire est en cours, les destinataires étant invités à porter à la connaissance de l'auteur tous les documents dont ils disposent à relater par écrit les agissements de " cet usurpateur " ;
Considérant que la société B3C est mal fondée à contester le caractère mensonger et dénigrant des accusations proférées dans ce tract et à soutenir qu'il aurait été provoqué par des actes de concurrence déloyale de la société Créative balance corporation elle-même, alors qu'elle ne justifie d'aucun des actes de tromperie et de malhonnêteté dénoncés, lesquels ne sauraient inclure la participation de M. Timbert à la création de la société Créative balance corporation ;
Qu'en effet, si Mme Audrey Elie, responsable achats de la société Procotel (franchisé ECOTEL), atteste avoir reçu début été 2012 un courrier de la société CBC stipulant qu'elle remplaçait B3C, ce qui l'aurait conduit à modifier les coordonnées de son fabricant de balances dans son logiciel informatique, et avoir dû annuler ses commandes faute de livraison comme attendu de balances de la marque Soehnle, force est de constater que cette attestation unique, ne reprenant pas les formes prescrites par l'article 202 du Code de procédure civile, n'est corroborée, ni par la production du courrier dénoncé du début de l'été 2012, ni par aucun autre élément probant ; que les sociétés intimées, qui ne nient pas avoir rencontré des difficultés commerciales avec la société Procotel, versent aux débats des lettres adressées le 30 juillet et le 30 octobre 2012 à cette société, tant par la société Soehnle que par Mme Fustinoni, confirmant la qualité d'importeur agréé des produits Soehnle de la société Créative balance corporation et expliquant, tout en les regrettant, les difficultés rencontrées par un malentendu ;
Qu'il apparaît en outre qu'avant ce tract, M. Cella, curieusement sous l'identité de " M. Bruno Drouault B3C Soehnle " (Drouault est le nom de la mère de M. Cella et la société B3C ne dispose pas du droit d'utiliser la dénomination Soehnle comme dénomination sociale ou enseigne), avait déjà adressé à des sociétés tierce des courriels dénigrant la société Créative Balance Corporation, et spécialement, le 16 février 2011, un courriel à la société Mallard Ferrière dénonçant Mme Fustinoni comme étant à l'origine de nombreux problèmes de livraison et, le 2 mars 2012, un courriel à la société Euromatdirect comportant des insinuations mensongères sur la loyauté de Mme Fustinoni vis à vis de son ancien employeur et se terminant par la mise en garde " attention au loup qui sommeille dans l'agneau " ;
Considérant que la société B3C est également mal fondée à prétendre n'avoir adressé le tract du 19 octobre 2012 qu'à la société Gyss & Giubilei, alors que celui-ci débute par la mention " Chers partenaires " et que les sociétés intimées justifient avoir été rendues destinataires, les jours qui suivent, de demandes d'explications à son sujet émanant non seulement de cette dernière société, mais également de la société Precia Molen, de la société Erco, en la personne de M. Olivier Beguier, vice-président du groupement Eurochef, et de la société Ravas, dont l'authenticité n'est pas sérieusement remise en cause ;
Considérant qu'il résulte en outre de plusieurs courriels de la société Soehnle elle-même, que celle-ci a été rendue destinataire les 7 août 2012 et 10 septembre 2012 de courriels de la société B3C qualifiés par elle de très négatifs à l'égard des sociétés intimées, de même qu'un courriel de cette même société du 9 novembre 2012 comportant pour l'essentiel les mêmes informations que le tract du 19 octobre 2012 ;
Qu'il ressort des pièces produites et des explications des parties dans leurs écritures que l'ensemble de ces agissements, accomplis dans une intention malveillante, se sont inscrits dans un contexte de concurrence existant entre elles pour la distribution des balances Soehnle, pour laquelle la société B3C déclare avoir été créée et qui constituait l'essentiel de son chiffre d'affaires jusqu'en 2004, mais dont elle n'avait pas l'exclusivité ;
Que le tribunal doit être approuvé en ce qu'il a retenu qu'ils sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale ;
Considérant que les sociétés intimés ne précisent pas dans leurs écritures la nature de leurs droits privatifs sur le signe 'direct pesage' et l'utilisation illicite et frauduleux qui en serait faite par la société B3C pour optimiser son référencement sur son site internet ; qu'il n'y a pas lieu de retenir à ce titre d'actes de concurrence déloyale ;
Considérant que le Tribunal doit également être approuvé en ce qu'il n'a retenu qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être reproché aux sociétés intimées ;
Considérant que s'il n'est pas justifié que les sociétés intimées ont subi, du fait des actes de concurrence déloyale de la société B3C une perte de clientèle existante, la rupture de leurs relations avec la société Quietalis pouvant notamment avoir une toute autre cause, ceux-ci, compte tenu du marché étroit dans lequel ils sont intervenus, ont indéniablement porté atteinte à leur image et à leur crédit auprès de leurs partenaires ou clients, auprès de qui elles ont été contraintes de s'expliquer et de se justifier ; qu'au regard des circonstances de la cause et des éléments fournis, la cour estime que le Tribunal a justement évalué à la somme de 4 500 euros le montant du préjudice de chacune des sociétés intimées, que la société B3C doit être condamnée à réparer, et ordonné une mesure d'interdiction ;
Que le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que le sens de la présente décision commande enfin de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; qu'il sera statué de ces chefs au titre de la procédure d'appel tel que précisé au dispositif ci-après ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant,Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la société B3C et la condamne à verser à la société Timber productions et la société Créative balance corporation chacune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société B3C aux dépens, Accorde à Maître David Bouaziz, de la SCPA Bouaziz Serra Ayala Bonlieu, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.