CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 14 juin 2016, n° 14-24453
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Norphone production (SARL)
Défendeur :
Labo-Dental (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Rajbaut, Conseillers : Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
Mes Boccon-Gibod, Lauzeral, Buret, Nait-Kaci
La SARL Labo-Dental a pour activité, depuis 2007, la collecte, l'analyse et la revalorisation de métaux précieux issus des déchets industriels, médicaux et artisanaux ;
La SARL Norphone production a pour activité, depuis 203, l'achat, la vente, le traitement et le recyclage de métaux et déchets d'atelier non ferreux, ainsi que le service de centre d'appel et de relations clients et la téléprospection ;
Faisant état d'agissements constitutifs d'actes de concurrence déloyale, la SARL Norphone production a obtenu le 2 août 2011 du président du Tribunal de grande instance de Bobigny une ordonnance sur requête aux fins de désignation d'un huissier de justice pour qu'il soit procédé à divers constats au siège de la SARL Labo-Dental et à la saisie de divers documents, cette ordonnance ayant été exécutée le 6 septembre 2011 ;
Par ordonnance du 11 janvier 2012, le président du Tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté la demande de rétractation de son ordonnance du 2 août 2011 ; cette décision a été infirmée par arrêt de la cour de céans en date du 11 septembre 2012 qui a rétracté l'ordonnance du 2 août 2011 et ordonné la restitution à la SARL Labo-Dental de l'intégralité des documents et pièces saisis lors des opérations de constat ;
Invoquant le fait que certains des documents initialement visés n'avaient pas été remis à l'huissier de justice lors des opérations de constat, la SARL Norphone production avait obtenu le 21 septembre 2011 de la présidente du Tribunal de grande instance de Versailles une ordonnance aux fins de constat et de saisie de documents au domicile personnel de la dirigeante de la SARL Labo-Dental, cette ordonnance ayant été exécutée le 27 septembre 2011 ;
Toutefois par ordonnance du 28 septembre 2011, la présidente du Tribunal de grande instance de Versailles a fait interdiction à l'huissier de justice de se dessaisir de tout document dans l'attente de la décision à intervenir sur la procédure en rétractation engagée par la SARL Labo-Dental et par ordonnance du 22 novembre 2011 la présidente du Tribunal de grande instance de Versailles ordonnait la rétractation de son ordonnance du 21 septembre 2011 et la restitution à la SARL Labo-Dental des pièces et informations saisies au domicile de la dirigeante de cette société ;
Par ordonnance rendue le 3 octobre 2011 par le président du Tribunal de commerce de Paris sur requête de la SARL Labo-Dental, un huissier de justice a été commis aux fins de saisir au siège de la SARL Norphone production certains documents relatifs aux salariés employés, ce qui a été exécuté les 24 octobre et 2 novembre 2011, l'huissier de justice conservant en séquestre les documents saisis ;
Par ordonnance du 16 janvier 2012, le président du Tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de la SARL Norphone production en rétractation de son ordonnance du 3 octobre 2011, cette décision ayant été confirmée par arrêt de la cour de céans en date du 22 novembre 2012 ;
Par ordonnance du 16 mars 2012, le président du Tribunal de commerce de Paris a ordonné la remise des pièces saisies et confirmées, la SARL Norphone production s'étant par la suite désistée de son appel contre cette ordonnance, ce qui a été constaté par arrêt de la cour de céans en date du 18 avril 2013 ;
La SARL Norphone production a également engagé une action en référé pour obtenir l'annulation du procès-verbal de constat des 24 octobre et 2 novembre 2012 et en a été déboutée par ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 20 avril 2012 ;
Par ordonnance du 7 décembre 2011 le président du Tribunal de commerce de Versailles commettait à nouveau un huissier de justice aux fins de se rendre au domicile personnel de la dirigeante de la SARL Labo-Dental et d'obtenir communication de divers documents, dont la liste de tous les clients de cette société, cette ordonnance a été exécutée le 20 décembre 2011 ;
Cette ordonnance a été rétractée le 1 février 2012, cette décision ayant été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 5 décembre 2012 ;
Reprochant à la SARL Norphone production de ne pas déclarer l'ensemble de ses salariés, bénéficiant ainsi d'un avantage financier, de s'être procuré, par les saisies pratiquées, la liste de tous ses clients pour pouvoir les démarcher, et de se livrer à des tentatives de déstablisation de ses salariés précédemment employés par cette société, la SARL Labo-Dental a fait assigner le 24 janvier 2012 la SARL Norphone production devant le Tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale ;
Reconventionnellement, la SARL Norphone production reproche à la SARL Labo-Dental des actes de concurrence déloyale résultant du débauchage de certains salariés, du détournement de clients et du non respect de la réglementation en vigueur ;
Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 janvier 2014, la SARL Labo-Dental a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, Me Xavier Z étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ;
Par jugement contradictoire du 24 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- pris acte de l'intervention de Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental,
- dit recevable la pièce n° 4 produite par la SARL Labo-Dental,
- condamné la SARL Norphone production à payer à Me Xavier Z, ès-qualités, la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi et la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
La SARL Norphone production a interjeté appel de ce jugement le 3 décembre 2014 (enregistré au greffe le 04 décembre 2014) ;
Par ses dernières conclusions récapitulatives d'appel n° 5, transmises par RPVA le 7 avril 2016, la SARL Norphone production demande :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- à titre liminaire, d'écarter des débats le procès-verbal de constat dressé le 6 septembre 2011 et annulé le 11 septembre 2012 par la cour d'appel de Paris,
- d'écarter des débats le procès-verbal dressé les 24 octobre et 2 novembre 2011 comme étant nul et de nul effet,
- à titre principal, de débouter la SCP Z-Daude, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental de l'ensemble de ses demandes,
- de fixer le montant de sa créance au passif de la SARL Labo-Dental à la somme de 800 000 euros,
- -en tout état de cause, de condamner la SCP Z-Daude, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par ses dernières conclusions n° 3, transmises par RPVA le 29 mars 2016, Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental demande :
- au visa de l'article 24 du Code de procédure civile, d'ordonner la suppression des conclusions de la SARL Norphone production plusieurs termes et passages et de prononcer toute sanction complémentaire qu'il plaira à la cour,
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de débouter la SARL Norphone production de toutes ses demandes,
- de dire irrecevable la demande de la SARL Norphone production en nullité du procès-verbal de constat des 24 octobre et 2 novembre 2011 et en toute hypothèse l'en débouter,
- de condamner la SARL Norphone production à lui payer la somme supplémentaire de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2016 ;
MOTIFSDEL'ARRÊT
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
I : SUR LA DEMANDE EN SUPPRESSION DE PASSAGES DES CONCLUSIONS DE LA SARL Norphone production :
Considérant qu'au visa de l'article 24 du Code de procédure civile, Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental demande que soient supprimés des conclusions de la SARL Norphone production les passages suivants qu'elle considère comme " des imputations outrageantes et calomnieuses " tant à son égard qu'à celui des premiers juges :
- " Tout cela a donc abouti à un jugement assez invraisemblable ",
- " le tout, pour faire bonne mesure, étant assorti de l'exécution provisoire ",
- " caractère tout simplement extravagant de ce jugement et de cette condamnation, d'ailleurs fixée on ne sait comment ",
- " jugement assez inattendu, pour ne pas dire plus ",
- " Tout cela n'a évidemment aucun sens - et d'ailleurs, pour statuer ainsi, le tribunal a bien été incapable de trouver un début de fondement juridique ",
- " Le fait que le tribunal, au lieu de condamner la société Labo-Dental, pour concurrence déloyale, ait condamné la société Norphone production, est donc en soi assez extravagant. Mais la motivation du jugement est encore plus ahurissante ",
- " Tout cela n'a absolument ni queue ni tête ",
- " Mais reprocher à la société Norphone production que son registre unique du personnel ne mentionne pas les mêmes salariés à la date du 31 décembre 2010 et à la date du 24 octobre 2011 passe véritablement l'entendement ",
- " Le " raisonnement " du tribunal est donc ici totalement incompréhensible. ",
- " Comment, dans ces conditions, le tribunal a pu (.). C'est, une fois de plus, à n'y rien comprendre ",
- " Mais sans doute Elie Tuil - interdit de gérer à l'époque, rappelons-le - est-il apparu au tribunal plus compétent et digne de confiance qu'un Inspecteur du travail. ",
- " La Cour ne pourra évidemment que sanctionner ce raisonnement particulièrement farfelu ",
- " Comment le tribunal a-t-il pu accorder à la société Labo-Dental des dommages et intérêts (.) Tout cela est, encore une fois, incompréhensible ",
- " Quoi qu'il en soit, le fait d'être liquidateur judiciaire n'autorise pas à soutenir n'importe quel argumentaire et n'importe quelle position " ;
Considérant que la SARL Norphone production réplique dans ses dernières conclusions du 7 avril 2016 qu'on voit mal à quel titre Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental se poserait en arbitre de ce qui pourrait être écrit et de ce qui ne pourrait pas l'être ;
Considérant que l'article 24 du Code de procédure civile dispose que " Les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice " et que " Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements " ;
Considérant qu'en l'espèce Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental se contente d'énumérer certains passages des conclusions précédentes de la SARL Norphone production, repris dans ses dernières conclusions qui seules saisissent la cour, sans indiquer précisément en quoi ces passages constitueraient des manquements graves au respect dû à la justice, ni en quoi ils seraient calomnieux ;
Qu'un appelant, par définition, est mécontent de la décision de première instance dont il a interjeté appel et qu'il peut, dans ses conclusions, manifester, même avec vigueur, son incompréhension face à cette décision sans que cela constitue automatiquement et nécessairement un manque de respect ou des propos calomnieux ;
Qu'au demeurant, sans rentrer dans une analyse, que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental n'a pas cru devoir lui-même effectuer, de chacune des phrases dont il est demandé la suppression, la cour ne peut que s'interroger sur le caractère prétendument outrageant et calomnieux de phrases telles que, par exemple : " jugement assez inattendu, pour ne pas dire plus ", " Tout cela n'a évidemment aucun sens - et d'ailleurs, pour statuer ainsi, le tribunal a bien été incapable de trouver un début de fondement juridique ", " Le " raisonnement " du tribunal est donc ici totalement incompréhensible. ", " le tout, pour faire bonne mesure, étant assorti de l'exécution provisoire ", " Comment, dans ces conditions, le tribunal a pu (.). C'est, une fois de plus, à n'y rien comprendre ", etc. ;
Considérant en conséquence que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental sera débouté de sa demande de suppression de passages des conclusions de la SARL Norphone production ;
II : SUR LES DEMANDES RELATIVES AUX PROCÈS-VERBAUX DE CONSTAT :
Considérant que la SARL Norphone production demande à titre liminaire le rejet des débats du procès-verbal de constat d'huissier du 6 septembre 2011 en faisant valoir que la rétractation, par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 11 septembre 2012, de l'ordonnance rendue sur requête par le président du Tribunal de grande instance de Bobigny le 2 août 2011 a entraîné la nullité à l'égard de toutes les parties du procès-verbal de constat effectué le 6 septembre 2011 en vertu de cette ordonnance ;
Qu'elle demande également la nullité du procès-verbal de constat d'huissier des 24 octobre et 2 novembre 2011 au motif que l'huissier avait une obligation de séquestre des documents saisi, obligation qu'il n'a pas respectée puisqu'il a transmis à la SARL Labo-Dental des retranscription de propos qui auraient dû rester séquestrés jusqu'à décision de justice sur ce point ;
Qu'elle fait encore valoir que l'huissier a outrepassé les limites de sa mission en relatant des propos de son comptable qui ne peuvent sérieusement pas avoir été tenus spontanément par celui-ci ;
Qu'elle ajoute que son désistement d'appel à l'encontre de l'ordonnance de déséquestration en date du 16 mars 2012 n'a jamais emporté acquiescement de sa part à la validité du procès-verbal de constat des 24 octobre et 2 novembre 2011 ;
Considérant que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental réplique que la demande de nullité du procès-verbal de constat d'huissier des 24 octobre et 2 novembre 2011 est irrecevable faute d'avoir attrait l'huissier, Me Stéphane Van
Kemmel, à la présente instance, lui seul ayant qualité à défendre sur ce point ;
Qu'il ajoute que cet huissier a parfaitement rempli son office en relatant des propos tenus spontanément par le comptable de la SARL Norphone production ;
Considérant que la cour observe que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental ne répond pas à la demande de rejet des débats du procès-verbal de constat du 6 septembre 2011 que les premiers juges ont refusé d'écarter des débats au motif que la rétractation de l'ordonnance rendue par le juge des requêtes du Tribunal de grande instance de Bobigny n'était pas opposable à la SARL Labo-Dental qui demeurait fondée à utiliser toutes les pièces utiles à l'appui de la présente procédure ;
Considérant que devant la cour Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental continue à faire état en pièce n° 4 du procès-verbal de constat d'huissier en date du 6 septembre 2011, diligentée en vertu de l'ordonnance sur requête du 2 août 2011 du président du Tribunal de grande instance de Bobigny alors que ce procès-verbal a été expressément annulé par l'arrêt rendu le 11 septembre 2012 par la cour d'appel de Paris rétractant l'ordonnance du 2 août 2011 ;
Considérant que l'annulation d'un acte a un effet absolu à l'égard de tous, de telle sorte que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental, ne peut verser aux débats une pièce annulée judiciairement ; qu'en conséquence le jugement entrepris, qui a refusé de rejeter cette pièce, sera infirmé et que statuant à nouveau, la cour écarte des débats la pièce n° 4 du dossier de Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental ;
Considérant qu'en ce qui concerne le procès-verbal de constat des 24 octobre et 2 novembre 2011, il n'y a pas lieu d'attraire en justice l'huissier de justice instrumentaire dans la mesure où sa responsabilité personnelle n'est pas engagée dans la présente instance, de telle sorte que la SARL Norphone production est bien recevable à en demander la nullité devant la cour ;
Considérant que l'ordonnance du 3 octobre 2011 autorisant les opérations de constat, précisait que l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier de justice seraient 'conservés par lui, en séquestre, sans qu'il puisse en donner connaissance' et qu'il serait statué en référé le 7 décembre 2011 'afin d'examen, en présence du mandataire de justice, des pièces saisies et qu'il soit statué sur la communication des pièces sous séquestre' ;
Considérant que dans son procès-verbal l'huissier indique qu'après avoir, le 24 octobre 2011, signifié l'ordonnance sur requête à M. Valentin Tortajada, comptable de la SARL Norphone production, il a recueilli de ce dernier " qu'en 2011, 127 personnes ont été embauchées dans la société ; à ce jour il n'en reste que 38 en contrat à durée déterminée " ;
Considérant que le procès-verbal de constat d'huissier fait foi jusqu'à inscription de faux et qu'à sa lecture il apparaît que M. Valentin Tortajada a tenu ces propos spontanément et n'a pas répondu à une question ou injonction de l'huissier ;
Considérant que l'audience de levée de séquestre du 7 décembre 2011 a été reportée au 09 mars 2012 et que la SARL Norphone production soutient que l'huissier aurait remis son procès-verbal de constat à la SARL Labo-Dental avant cette audience ;
Mais considérant que l'huissier a bien respecté son obligation de séquestre des pièces et documents qu'il a recueillis lors de ses opérations de constat, étant relevé que l'huissier n'a pas mentionné dans son procès-verbal de constat le contenu des pièces et documents dont il a pris copie le 24 octobre 2011 et qu'il a reçus le 2 novembre 2011 et qui sont demeurées sous son séquestre jusqu'à la décision du 16 mars 2012 ordonnant la remise des pièces ainsi saisies ;
Considérant que les propos recueillis spontanément par l'huissier le 24 octobre 2011 ont été retranscrits dans son procès-verbal de constat et n'étaient pas compris, faute de demande expresse de celui qui les a tenus, dans les pièces et documents à placer sous séquestre, de telle sorte qu'en communiquant son procès-verbal de constat à la SARL Labo-Dental antérieurement à l'audience du 09 mars 2012, l'huissier de justice n'a pas outrepassé les limites de sa mission ;
Considérant en conséquence que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental sera débouté de sa demande en annulation du procès-verbal de constat d'huissier des 24 octobre et 2 novembre 2011 ;
III : SUR LES DEMANDES EN CONCURRENCE DÉLOYALE PRÉSENTÉES PAR LA SARL Labo-Dental CONTRE LA SARL Norphone production :
Considérant que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a condamné la SARL Norphone production à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale ;
Qu'il invoque d'abord des actes relatifs au non-respect par la SARL Norphone production des prescriptions légales et réglementaires en matière sociale : registre du personnel ne permettant pas d'avoir une image sincère et fidèle de l'effectif salarié de cette société, non respect des salaires minima mensuels prévus par la convention collective des industries et commerces de la récupération (lui permettant ainsi d'économiser frauduleusement sur chaque salarié, plusieurs centaines d'euros, soit plusieurs dizaines de milliers d'euros par an sur l'ensemble de l'effectif), non déclaration aux organismes sociaux de certains salariés, ce qui lui procure un avantage concurrentiel frauduleux et illicite ;
Qu'il invoque encore le démarchage des clients de la SARL Labo-Dental par la SARL Norphone production, la contraignant à abandonner toute activité sur le marché italien, lui causant un préjudice très important ayant largement contribué à sa mise en liquidation judiciaire ;
Qu'il invoque également des mesures d'intimidation des salariés de la SARL Labo-Dental par la SARL Norphone production en menant à l'encontre des rares salariés passés à son service, des procédures judiciaires avec des demandes indemnitaires infondées et démesurées ;
Considérant que la SARL Norphone production considère que ces demandes sont totalement infondées, que son registre unique du personnel est parfaitement conforme, l'inspecteur du travail n'ayant relevé aucune irrégularité majeure, que le processus d'extension des minima de salaires prévu par la convention collective est extrêmement complexe avec des incertitudes quant à la prise d'effet de l'arrêté d'extension de l'accord professionnel rendant imprévisible l'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté d'extension et que l'ensemble des rémunérations a été régularisé en juillet 2012 pour un montant total de 3 32,70 euros et que tous ses salariés ont été déclarés ;
Qu'elle ajoute n'avoir démarché aucun client de la SARL Labo-Dental, ni avoir cherché à intimider des salariés de cette société ;
Considérant ceci exposé, qu'en ce qui concerne le grief de non-respect des prescriptions légales et réglementaires en matière sociale, il ressort en premier lieu des pièces versées aux débats que l'inspecteur du travail, lors de son contrôle du 16 novembre 2011, n'a retenu en ce qui concerne le registre unique du personnel de la SARL Norphone production qu'une absence de mise à jour de ce registre pour les salariés étrangers dont le numéro de titre de séjour n'était pas systématiquement mentionné ; qu'à la suite de ce contrôle, cette mise à jour a été effectuée ;
Qu'il sera ajouté que le fait que le registre unique du personnel ne mentionne pas les mêmes salariés à la date du 31 décembre 2010 et à celle du 24 octobre 2011 - à supposer d'ailleurs que cela puisse être considéré comme un acte de concurrence déloyale vis-à-vis de la SARL Labo-Dental - ne saurait en soi faire présumer une non-conformité de ce registre comme l'ont estimé les premiers juges qu'en effet entre ces deux dates certains salariés ont quitté la SARL Norphone production et d'autres sont arrivés ;
Considérant d'autre part que la convention collective des industries et du commerce de la
récupération prévoit une procédure d'augmentation des minima de salaires par des conventions de branche ou des accords professionnels qui font ensuite l'objet d'un arrêté d'extension prenant effet à l'égard de tous les salariés concernés à la date de sa publication au Journal officiel ou à une date ultérieure fixée par l'arrêté ;
Qu'il en résulte pour les employeurs concernés un risque d'erreur dû aux incertitudes quant à la prise d'effet d'un arrêté d'extension d'un accord professionnel, lui-même également incertain quant à sa date de conclusion ; qu'en l'espèce il apparaît que les différences de rémunération qui s'en sont suivies pour l'ensemble des salariés de la SARL Norphone production n'ont pas dépassé la somme totale de 3 32,70 euros, montant au demeurant régularisé au mois de juillet 2012, de telle sorte qu'il n'est pas démontré qu'il en serait résulté pour cette société des économies frauduleuses non négligeables susceptibles de constituer des actes de concurrence déloyale à l'égard de la SARL Labo-Dental ;
Considérant qu'en ce qui concerne le grief de non-déclaration de certains salariés aux organismes sociaux, les premiers juges ont renversé la charge de la preuve en affirmant que la SARL Norphone production ne démontrait pas 'avoir déclaré ses salariés et qu'une grande partie des salariés étrangers ne disposait que d'un numéro de Sécurité sociale provisoire' alors que la preuve de ce grief doit être rapportée par la partie qui allègue ce fait, soit en l'espèce la SARL Labo-Dental ;
Considérant que sur ce point la SARL Labo-Dental ne procède que par affirmations péremptoires et vagues sans donner la liste des salariés qui n'auraient pas été déclarés aux organismes sociaux et surtout sans indiquer en quoi le fait d'attribuer un numéro de Sécurité sociale provisoire aux salariés étrangers ne disposant pas encore d'identification INSEE ou de carte Vitale serait constitutif à son égard d'actes de concurrence déloyale ;
Que les deux seules personnes identifiées par la SARL Labo-Dental sont Mme Sonia Trapani et Mme Civitano Viviana, mais qu'en ce qui concerne la première le seul document produit est un courriel de l'URSSAF en date du 26 octobre 2011 adressé à une certaine Sara Billi (et non pas à Mme Sonia Trapani) inconnue de la SARL Norphone production et dont il n'est pas démontré que Sara Billi serait le pseudonyme de Mme Sonia Trapani sur Internet (alors surtout qu'à examiner l'adresse électronique de Mme Sara Billi, il apparaît qu'elle utilise comme pseudonyme 'zazaso' et que Sara Billi est donc bien son prénom et son patronyme) ;
Qu'en tout état de cause il ressort des pièces produites que Mme Sonia Trapani a bien été salariée de la SARL Norphone production à compter du 8 mars 2010 et que sa déclaration d'embauche a bien été reçue par l'URSSAF le 5 mars 2010 ;
Qu'en ce qui concerne Mme Civitano Viviana, il ressort des pièces produites qu'elle a bien été salariée de la SARL Norphone production en 2011 et l'est d'ailleurs toujours à ce jour comme en justifient les bulletins de salaires produits (pièce 45) régulièrement traduits en français (pièce 45-1), de telle sorte qu'elle a toujours été régulièrement déclarée aux organismes sociaux et que la plainte déposée en 2012 par un dentiste italien établit seulement que celui-ci a été contacté professionnellement en 2011 par cette personne sans que l'on puisse donc en déduire qu'à cette époque elle ne faisait plus officiellement partie des salariés de la SARL NORPHONE
PRODUCTION comme le soutient la SARL Labo-Dental ;
Considérant qu'en ce qui concerne le grief de démarchage de clients de la SARL Labo-Dental, celle-ci n'en justifie que par les attestations de deux de ses salariées, Mmes Giovanna Trapani (pièce 22) et Evelyne Esposito épouse Albaret (pièce 23) rédigées en octobre 2011 et au demeurant non conformes aux dispositions de l'article 22 du Code de procédure civile, notamment en ce qui concerne l'avis des conséquences pénales d'une fausse attestation, ce qui en relativise la force probante ;
Qu'en tout état de cause ces deux attestations ne font état d'aucun fait précis quant à l'identité des clients qui auraient été démarchés de façon abusive, les dates et les lieux où ces faits auraient été commis et surtout que ces faits auraient été commis par des salariés de la SARL Norphone production dont le nom n'est même pas mentionné dans ces attestations (contrairement à ce qu'indique le jugement entrepris) lesquelles, dès lors, ne sauraient entraîner la conviction de la cour ;
Considérant enfin qu'en ce qui concerne le grief d'intimidation à l'encontre de salariés de la SARL Labo-Dental, il ressort des pièces versées aux débats qu'il s'agit de deux anciens salariés de la SARL Norphone production qui ont été embauchées par la SARL Labo-Dental (Mme Virginia Gorgaj et M. Fabio Alberto) contre lesquels la SARL Norphone production a engagé des actions devant le Conseil des prud'hommes pour abandon de poste et manquement à l'obligation de loyauté et de fidélité, étant observé que dans les deux cas cette société a obtenu gain de cause, de telle sorte, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ce grief n'est pas démontré
Considérant en conséquence qu'aucun des griefs avancés par la SARL Labo-Dental au titre de son action en concurrence déloyale n'est démontré, que le jugement entrepris qui a condamné à ce titre la SARL Norphone production à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts sera infirmé et que statuant à nouveau, Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental sera débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARL Norphone production ;
IV : SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE LA SARL Norphone production À L'ENCONTRE DE LA SARL Labo-Dental POUR CONCURRENCE DÉLOYALE :
Considérant que la SARL Norphone production reproche à la SARL Labo-Dental d'avoir débauché la totalité de son équipe 'Allemagne' dont les trois salariés ont quitté sa société entre le 5 avril et le 8juin 2011 et qu'au moins deux d'entre eux ont alors travaillé pour la SARL Labo-Dental ;
Qu'elle lui reproche encore d'avoir débauché la quasi-totalité de son équipe 'Italie' dont les quatre salariés ont quitté sa société entre le 15 octobre 2010 et le 25 février 2011 et qu'au moins deux d'entre eux sont partis travailler pour la SARL Labo-Dental ;
Qu'elle lui reproche enfin d'avoir encore débauché deux autres de ses salariés et d'avoir tenté d'en débaucher encore d'autres, se livrant à " un véritable pillage " ;
Qu'elle fait par ailleurs état de faits de détournement de clientèle de façon déloyale en Italie ;
Considérant que Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental réplique que les salariés incriminés ont quitté librement la SARL Norphone production et n'étaient liés par aucune clause de non concurrence et que la SARL Labo-Dental ne saurait être tenue pour responsable du départ spontané de quelques salariés qui ont librement choisi de la rejoindre ;
Qu'il ajoute qu'il n'est produit aucune preuve quant à un prétendu détournement de clientèle ;
Considérant ceci exposé, que le seul fait d'engager, même de façon massive, des salariés d'une entreprise concurrente n'est pas ipso facto constitutif d'une concurrence déloyale dès lors que les salariés en cause n'opèrent pas d'actes positifs de détournement de clientèle, de transfert de savoir ou de dénigrement ou que ce fait aurait pour but d'entraîner une forte désorganisation de l'entreprise qui en est la victime ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que les neuf salariés incriminés ont quitté de leur plein gré la SARL NORPHONE production non pas simultanément mais sur une période de près d'une année, qu'il n'est d'autant pas prouvé que ces départs auraient été effectués à l'instigation de la SARL Labo-Dental que plusieurs de ces salariés n'ont pas ensuite travaillé pour cette société et qu'en tout état de cause aucun d'eux n'était lié par une clause de non concurrence, de telle sorte qu'en l'absence également de toute preuve d'une quelconque désorganisation qui en serait résulté pour la SARL NORPHONE, il n'est pas démontré que ces départs et embauches seraient constitutifs d'actes de concurrence déloyale ;
Qu'en ce qui concerne le grief de détournement de clientèle, il sera également rappelé qu'en raison du principe de liberté du commerce, il n'est pas nécessairement fautif pour un commerçant de démarcher la clientèle d'un concurrent, sauf si ce démarchage présente un caractère systématique ;
Qu'en l'espèce il n'est fait état que de l'unique plainte déposée en Italie par un dentiste italien qui expose avoir été contacté par un ancien salarié de l'équipe 'Italie' de la SARL Norphone production et embauché par la SARL Labo-Dental ; que ce seul fait, à le supposer au la SARL Norphone production par la SARL Labo-Dental ;
Considérant en conséquence qu'aucun acte de concurrence déloyale n'est démontré à l'encontre de la SARL Labo-Dental et que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Norphone production de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
V : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant qu'aucune raison tirée de l'équité ne commande le prononcé de condamnations au paiement des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que chacune des parties étant déboutée en ses demandes, il sera jugé qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens tant de première instance que d'appel, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Déboute Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental de sa demande de suppression de passages des conclusions de la SARL Norphone production ; Déboute Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental de sa demande en annulation du procès-verbal de constat d'huissier des 24 octobre et 2 novembre 2011, Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Norphone production de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles en concurrence déloyale à l'encontre de la SARL Labo-Dental, représentée par son liquidateur judiciaire, Me Xavier Z ;L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés : Écarte des débats la pièce n° 4 du dossier de Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental (procès-verbal de constat d'huissier en date du 6 septembre 2011 annulé par arrêt de cette cour en date du 11 septembre 2012) ;Déboute Me Xavier Z, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Labo-Dental de l'ensemble de ses demandes en concurrence déloyale à l'encontre de la SARL Norphone production ; Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnations au titre des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de la procédure de première instance et d'appel.