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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 7 juin 2016, n° 15-03262

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sallaberry

Conseillers :

Mmes Fachaux, Andrieux

TGI Nantes, du 12 juin 2015

12 juin 2015

La SARL A3B, exploitant une activité d'agence immobilière au siège social situé [...], a engagé Madame Alexia B. en qualité d'agent commercial, pour une durée indéterminée, à compter du 1er août 2012.

Le 21 juin 2013, Madame Geneviève B., gérante de la SARL A3B à cette époque, a informé Madame B. de la fermeture de l'agence immobilière le 30 juin suivant, et par voie de conséquence de la fin du contrat d'agent commercial.

Aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire en date du 31 août 2013, les associés de la SARL A3B ont décidé de prononcer sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable. A cette occasion, Monsieur Gérard B. a été nommé en qualité de liquidateur amiable de la société.

Par lettre en date du 16 avril 2014, distribuée le 22 suivant, Madame B. a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure le liquidateur amiable de la SARL A3B de lui payer la somme de 33.967,25 euro, en raison de la rupture du contrat d'agence commerciale. Ce courrier suivi d'une réponse de la part de la Monsieur B. n'a pas permis aux parties de trouver un terrain d'entente.

Par acte d'huissier en date du 17 juillet 2014, Madame Alexia B. a fait assigner Monsieur Gérard B. ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B pour obtenir sa condamnation à une indemnité de réparation du préjudice causé par la cessation du contrat d'agence commerciale.

Par jugement en date du 12 juin 2015, le Tribunal de Grande Instance de Saintes a :

- Rejeté la demande de nullité du contrat d'agent commercial conclu entre les parties les 19 juillet et 1er août 2012,

- Condamné Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, à payer à Madame Alexia B. :

- la somme de 1 358,69 euro au titre de l'indemnité de préavis,

- la somme de 16 304,28 euro à titre d'indemnité compensatrice pour le préjudice né de la cessation des relations entre les parties,

- Condamné Madame Alexia B. à payer à Monsieur B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, la somme de 16 304,28 6 euro à titre de dommages intérêts pour le non-respect de la clause de non concurrence insérée au contrat d'agent commercial signé entre les parties le 1er août 2012,

Après compensation des sommes sus visées,

- Fixé la créance de Madame Alexia B. à la somme de 1 358,69 euro, avec intérêts à dater de ce jour, que Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, est condamné à lui payer,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- Condamné Monsieur B. ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B à payer à Madame Alexia B. la somme de 600 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître M., Avocat,

Par déclaration en date du 16 juillet 2015, Madame Alexia B. a relevé appel de cette décision et selon ses dernières conclusions notifiées le 3 mars 2016, elle demande à la Cour de :

- La dire et juger recevable et bien fondée en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle lui a accordé une somme de 1 358,69 euro au titre de l'indemnité de préavis ;

- Réformer la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau :

- Dire et juger que Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B lui est redevable d'une indemnité de 32 608,56 euro en réparation du préjudice subi au titre de la rupture du contrat d'agence commerciale ;

- Dire et juger nulle la clause de non-concurrence contenue au travers du contrat d'agence commerciale comme étant rédigée en des termes trop génériques ;

Subsidiairement

- Dire et juger que la clause de non-concurrence contenue au travers du contrat d'agence commerciale n'avait pas vocation à s'appliquer compte tenu de la disparition de sa cause ;

A titre infiniment subsidiaire

- Réduire à un euro le montant de la somme sollicitée par Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B au titre de la clause pénale ;

En conséquence

- Débouter Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, à lui payer :

- la somme de 32 608,56 euro, au titre de l'indemnité de réparation du préjudice causé par la cessation du contrat d'agence commerciale, avec intérêts au taux légal à compter de la présentation de la mise en demeure du 16 avril 2014

- la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, aux entiers dépens ;

Selon ses dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2015, Monsieur Gérard B. ès-qualités demande à la Cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINTES en date du 12 juin 2015 et juger à nouveau :

- Constater la nullité du contrat d'agent commercial pour inobservation des conditions substantielles ;

- Rejeter en son entier les prétentions de Madame B..

A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de la validité du contrat d'agent commercial

- Confirmer le jugement entrepris concernant les compensations des sommes dues entre les parties quant à la demande indemnitaire et la violation de la clause de non concurrence

Dans tous les cas :

- Condamner Madame B. aux entiers dépens ;

- Condamner Madame B. au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2016.

Motifs de la décision

Sur le contrat d'agent commercial

Monsieur B. ès-qualités invoque la nullité du contrat d'agent commercial en raison du non-respect par Madame B. du délai d'un mois prévu pour transmettre son numéro d'immatriculation au registre des agents commerciaux, et du délai trois mois pour apporter la preuve de son inscription aux différentes caisses sociales.

Cependant c'est à juste titre que Madame B. fait valoir que le contrat conclu avec la SARL A3B le 1er août 2012 est intitulé 'Contrat d'agent commercial' qu'en son article 1er, il se réfère expressément aux textes régissant cette profession.

En outre la société A3B a toléré les retards qu'elle invoque aujourd'hui en manquements, et a exécuté pour sa part jusqu'à sa rupture, le contrat conclu, sans émettre aucune réclamation à ce titre ni aucune réserve, elle ne peut pas dès lors se prévaloir de ces manquements pour obtenir la nullité du contrat.

Madame B. justifie de son immatriculation au registre des agents commerciaux, le 21 septembre 2012 et de son affiliation aux caisses de protection sociale.

En conséquence le contrat d'agent commercial conclu entre les parties le 1er août 2012 est valide et a produit, jusqu'à sa rupture, ses effets concernant les obligations contractuelles réciproques y figurant.

Sur l'indemnité de préavis

Le contrat d'agent commercial stipule en son article 6 que celui-ci est conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er août 2012 et que passé deux mois il pourra y être mis fin à tout moment par LRAR moyennant le respect d'un préavis d'un mois pour la première année.

Monsieur B. ès-qualité ne conteste d'ailleurs pas l'application de cette clause dans l'hypothèse où le contrat serait déclaré valide, ce qui est le cas en l'espèce, comme il a été dit supra.

Il ressort des pièces produites que par lettre simple datée du 21 juin 2013, Madame Geneviève B., gérante de la société A3B, a indiqué à Madame Alexia B. qu'elle mettait fin au contrat les liant à compter du 30 juin 2013.

Ainsi en notifiant la résiliation du contrat d'agent commercial par courrier simple, avec un préavis de seulement neuf jours, la SARL A3B a manqué à son obligation contractuelle.

Il s'ensuit que Madame B. est fondée à demander l'octroi de l'indemnité contractuelle de préavis tant en application de l'article L.134-11 du Code de commerce, que de l'article 6 du contrat. Se basant sur le montant des commissions perçues par l'agent commercial durant la période du 1er août 2012 au 30 juin 2013, s'élevant à la somme totale de 14 945,65euro, l'indemnité de préavis sera fixée à la somme de 1 358,69 euro correspondant à la moyenne mensuelle des commissions perçues sur la période de 11 mois d'exercice de sa fonction par Madame B..

La réparation du préjudice causé par la cessation du contrat d'agent commercial

Madame B. demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à l'équivalent de 12 mois d'honoraires alors que la jurisprudence la fixe généralement à deux années de commissions brutes.

Monsieur B. ès-qualités s'oppose à toute indemnisation au motif d'un manque d'efficacité de Madame B., voire même d'une volonté de nuire à la société qui constituent des fautes de nature à la priver d'indemnité réparatrice.

Selon l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses activités, l'agent commercial a droit à une indemnité s'il exerce ce droit dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat. Seule la démonstration d'une faute grave de l'agent commercial peut le priver de cette indemnité compensatrice.

En l'espèce, par LRAR en date du 16 avril 2014 Madame B. a notifié sa volonté de faire valoir ses droits auprès de Monsieur B. ès-qualités, soit dans les délais requis par le texte précité.

Monsieur B. ès-qualités ne rapporte pas la preuve de fautes imputables à Madame B. se bornant à des allégations qui ne sont pas corroborées par des éléments précis et encore moins par des pièces justificatives de ce qu'il invoque.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale que la cessation d'activité de la société SARL A3B résulte en grande partie de la cessation de son droit au bail à la société BYBO et non de difficultés rencontrées par la société qui seraient imputables à son agent commercial.

Ainsi Madame B. est bien fondée à réclamer une indemnisation du préjudice lié à la rupture prématurée de son contrat. Le premier juge a fait une juste appréciation du montant de l'indemnité eu égard à la courte durée de la collaboration, en conséquence la somme de 16 304,28euro correspondant à 12 mois d'honoraires sera confirmée.

Sur la clause de non-concurrence

L'article 11 du contrat prévoit : " En cas de rupture du présent contrat, à quelque époque et pour quelque raison que ce soit, l'agent commercial s'interdit d'exercer des activités similaires, soit directement soit indirectement pendant une durée de deux ans sur un rayon de 10 km. Toute infraction à cette clause exposerait l'agent commercial au versement au profit de l'agence de dommages et intérêts en fonction du préjudice effectivement subi sans pouvoir être inférieur toutefois à douze mois d'honoraires calculés sur la moyenne des honoraires TTC des douze derniers mois et ceci indépendamment de la cessation de l'activité interdite qui pourrait être recherchée par tous moyens. "

Monsieur B. sollicite l'application de cette clause au motif que Madame B. exerce des fonctions d'agent commercial pour une autre société immobilière, située dans la même rue à quelques dizaines de mètres du siège de la SARL A3B.

Madame B. ne conteste pas l'exercice de cette activité concurrente mais soutient que la clause est inapplicable dans la mesure où elle est rédigée en des termes imprécis quant à l'activité qui serait interdite et qu'elle permet de protéger l'activité de l'entreprise ce qui ne peut être le cas en l'espèce la SARL A3B ayant été liquidée, ceci d'autant plus que le bail concernant le local dans lequel s'exerçait cette activité a été cédé avec une clause de déspécialisation par les propriétaires qui ne sont autres que notamment Madame Geneviève B. et Monsieur Gérard B. .

Contrairement à ce que soutient Madame B., la clause est régulière, suffisamment précise quant à l'activité et limitée dans l'espace et dans le temps.

Pour autant, les circonstances particulières de la rupture du contrat qui s'est imposée à Madame B., la cessation d'activité de la SARL A3B et la cession du droit au bail avec déspécialisation, si elles ne font pas disparaître la clause de non-concurrence permettent au juge d'apprécier le montant de l'indemnité due pour sa violation. En effet cette indemnité s'analyse en une clause pénale que le juge peut réduire en application des dispositions de l'article 1152 du Code civil.

En conséquence et pour les motifs supra exposés, la cour infirmera la décision déférée sur le montant de l'indemnité mise à la charge de Madame B. pour violation de la clause de non concurrence qui sera justement appréciée à la somme de 8 000 euro.

Sur la compensation

La décision déférée sera confirmée en ce qui concerne la compensation ordonnée entre les sommes respectivement dues par la SARL A3B à Madame B. et celles dues par cette dernière à la société.

Ainsi après compensation , la SARL A3B reste redevable de la somme de 9 662,97 euro (1 358,69 euro + 16 304,28 euro - 8 000 euro), elle sera donc condamnée à payer cette somme à Madame B..

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel seront confirmées en ce qui concerne la charge des dépens supportée par la SARL A3B et l'indemnité mise à sa charge au titre des frais irrépétibles.

Il est fait partiellement droit à l'appel de Madame B. ce qui justifie que la SARL A3B soit condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer une somme supplémentaire de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces Motifs : LA COUR, Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a : rejeté la demande de nullité du contrat d'agent commercial conclu entre les parties les 19 juillet et 1er août 2012, condamné Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, à payer à Madame Alexia B. la somme de 1 358,69 euro au titre de l'indemnité de préavis et la somme de 16.304,28 euro à titre d'indemnité compensatrice pour le préjudice né de la cessation des relations entre les parties, ordonné la compensation des sommes dues, condamné Monsieur B. ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B à payer à Madame Alexia B. la somme de 600 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, Infirme la décision entreprise sur le montant de l'indemnité due par Madame Alexia B. au titre de la violation de la clause de non-concurrence, sur le montant de la créance de Madame B. envers la SARL A3B et sur le montant de la condamnation prononcée à l' encontre de celle-ci. Statuant à nouveau de ces deux chefs infirmés, Condamne Madame Alexia B. à payer à Monsieur B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, la somme de 8 000 euro à titre de dommages intérêts pour le non-respect de la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial signé entre les parties le 1er août 2012, Fixe, après compensation des sommes respectivement dues par les parties, la créance de Madame Alexia B. à la somme de 9 662,97 euro, Condamne Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B , à payer Madame Alexia B. à la somme de 9 662,97 euro, assortie des intérêts à au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt. Y ajoutant, Condamne Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, à payer Madame Alexia B. à la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Gérard B., ès qualité de liquidateur amiable de la SARL A3B, à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.