CA Lyon, 3e ch. A, 9 juin 2016, n° 16-00955
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Saisons et Paysages (EURL)
Défendeur :
Réseau JDM Expert (SARL), Selarl AJ Partenaires (ès qual.), Berthelot (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Selarl Juris Opera Avocats, Me Banbanaste
EXPOSE DU LITIGE
L'EURL Saisons et Paysages, ci-après S&P, dont le siège social est à Miserieux (01), exerce l'activité d'agent commercial spécialisée dans les espaces verts.
Le réseau JDM Expert, ci-après JDM, dont le siège est situé à Montverdun (42) exerce l'activité d'aménagement des sols extérieurs.
Fin septembre 2011, la société S&P a racheté les droits d'un contrat d'agent commercial conclu entre Monsieur D. et la société JDM.
Le 19 septembre 2012, par jugement du Tribunal de commerce de Saint-Etienne, la société JDM a été placée en redressement judiciaire. La société S&P a déclaré sa créance de facture de commissions sur la société JDM à hauteur de 21 433,71 euro TTC qui a été admise pour ce montant
Le 16 novembre 2012, la Selarl AJ Partenaires, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société JDM a notifié à la société S&P la résiliation du contrat d'agent commercial. Cette dernière a alors déclaré une deuxième créance et ce pour la somme de 123 695,92 euro.
Cette créance étant contestée par la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire, le juge-commissaire, par ordonnance du 18 juin 2014, s'est déclaré incompétent ratione materiae et a invité les parties à se pourvoir devant la juridiction compétente conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du Code de commerce.
Par exploit du 9 juillet 2014, la société S&P a saisi le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse pour faire fixer ses créances au passif du redressement judiciaire de la société JDM.
Sur exception d'incompétence territoriale soulevée par la société JDM et par les organes de la procédure, le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, par jugement du 21 janvier 2016 :
- a dit recevable l'exception d'incompétence,
- a jugé la clause attributive de compétence de l'article 13 du contrat d'agent commercial valable et applicable à la société S&P,
- s'est déclaré en conséquence incompétent au profit du Tribunal de commerce de Saint-Etienne,
- a renvoyé l'affaire au fond devant ce tribunal
- a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné la société S&P aux dépens.
Par conclusions motivées et déposées au greffe du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 4 février 2016, la société S&P a formé contredit à ce jugement, en sollicitant, au visa des articles 46 et 48 du Code de procédure civile, que la cour, réformant le jugement, dise que ce Tribunal de commerce de bourg en Bresse est bien compétent pour connaître et statuer sur ce litige.
Elle sollicite la condamnation de la société JDM, assistée des organes de la procédure, à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 euro.
Au terme de ses conclusions notifiées et déposées devant la cour le 28 avril 2016, la société S&P formule les mêmes demandes.
Elle fait valoir que la clause attributive de compétence figurant à l'article 13 du contrat n'est pas une clause de style comme l'a retenu le jugement, mais une clause qui est réputée non écrite en application de l'article 48 du Code de procédure civile dès lors qu'elle n'a pas été passée entre des parties ayant toutes la qualité de commerçant.
Elle relève que le signataire du contrat, Monsieur Hervé D., bien qu'agent commercial inscrit au RCS exerçait une profession libérale à caractère civil, de sorte que la clause lui était inopposable comme elle est inopposable à la société S&P, subrogée dans ses droits et obligations, peu important l'agrément donné à la cession par la société JDM, cession qui elle-même n'a pas vocation à faire revivre une clause réputée non écrite dès la signature du contrat, ou que le signataire initial n'ait pas, en son temps, engagé d'action pour faire reconnaître le caractère non écrit de cette clause, ce qui ne vaut pas renonciation de sa part à exercer ce droit.
En réponse à ce contredit qui a été fixé à plaider, au visa de l'article 84 du Code de procédure civile, au 2 mai 2016, la société JDM et les Selarl Aj Partenaires et MJ Synergie, ès qualités, ont déposé le 29 avril 2016, des conclusions tendant au rejet du contredit, au renvoi devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne, et à l'application, le cas échéant, de l'article 89 du Code de procédure civile.
Elles sollicitent la condamnation de la société S&P à leur verser une indemnité de procédure de 3000 euro, outre les dépens.
Concernant le contredit, elles soutiennent que la clause attributive de compétence contenue au contrat d'agent commercial désigne la juridiction compétente comme étant celle du ressort où se situe le siège social du mandant, et que le premier signataire du contrat, Monsieur D. n'a jamais soulevé l'inopposabilité de cette clause à son égard antérieurement à la cession, de sorte que celle-ci est régulière et s'impose à la société commerciale, désormais subrogée dans les droits du signataire
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 48 du Code de procédure civile, "toute clause qui directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contractées en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée".
Dès la conclusion du contrat d'agent commercial souscrit entre la société JDM et Monsieur Hervé D., la clause 13 de ce contrat attribuant la compétence territoriale au tribunal du siège social du mandant, était réputée non écrite en application de ce texte, dès lors que Monsieur D. exerçait son activité d'agent commercial, enregistré au registre spécial des agents commerciaux, en tant qu'activité libérale civile.
Partant, cette clause ne peut pas être opposable à la société S&P, cessionnaire du contrat, et subrogée à ce titre dans tous les droits et obligations de son cédant, cette cession, même agréée par le mandant, n'ayant pas eu pour effet de faire revivre à l'égard du cessionnaire une clause présumée non écrite dès l'origine, peu important en conséquence que le précédent signataire n'ait pas eu l'occasion de se prévaloir de cette inopposabilité.
C'est donc à tort que le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, dans le ressort duquel le contrat s'est exécuté, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Saint-Etienne, en application d'une clause attributive de compétence territoriale réputée non écrite.
La société S&P est recevable et bien fondée en son contredit de compétence au profit du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.
Le jugement doit être infirmé en ce sens. L'affaire doit être renvoyée devant cette juridiction pour qu'il soit jugé au fond, la cour ne considérant pas comme opportun de priver les parties d'un double degré de juridiction en faisant application de l'article 89 du Code de procédure civile.
L'équité commande à ce stade qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens de contredit doivent être fixés en frais de procédure collective de la société JDM.
Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement, Déclare l'EURL Saisons et Paysages recevable et bien fondée en son contredit ; Infirme le jugement, Et statuant de nouveau, Rejette l'exception d'incompétence formée par la société JDM Expert et les Selarl Aj Partenaires et MJ Synergie, au profit du Tribunal de commerce de Saint-Etienne ; Renvoie l'affaire devant le Tribunal de commerce de Bourg En Bresse, territorialement compétent, pour qu'il soit statué au fond ; Déboute les parties de leur demande d'indemnité de procédure; Dit que les dépens de première instance et d'appel sur contredit seront tirés en frais de procédure collective.