CA Nîmes, 4e ch. com., 2 juin 2016, n° 15-02087
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Soluscion (SAS)
Défendeur :
Gard Metal Color (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
Mmes Hairon, Rochette
EXPOSÉ
La SARL "Gard metal color" a pour activité le thermolaquage consistant à appliquer une peinture poudre sur les pièces métalliques galvanisées ou non ayant subi une préparation préalable, ce traitement permettant d'obtenir une peinture qui ne nécessite aucun entretien pendant 10 ans.
Courant 2009 sans qu'aucun contrat ne soit signé, elle a eu recours à la SARL "Soluscion" dont l'activité est la représentation commerciale des produits techniques et industriels, le conseil en activités spécialisées et techniques diverses.
Par courrier du 30 septembre 2011, elle a rompu toute relation commerciale avec la SARL "Soluscion" avec un préavis de trois mois se terminant le 31 décembre 2011.
Par exploit du 04 juin 2012, la SARL "Soluscion" a fait assigner la SARL "Gard metal color" en paiement d'une indemnité de rupture au visa de l'article L.134-12 du Code de commerce devant le Tribunal de commerce de Nîmes qui, par jugement du 26 mars 2015, a :
- débouté la SARL "Soluscion" de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la SARL "Soluscion" à payer à la SARL "Gard metal color" la somme de 2000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
- condamné la SARL "Soluscion" aux dépens de l'instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 82,08 euro en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
La SARL "Soluscion" a relevé appel pour voir:
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce du 26 mars 2015,
- dire que le contrat ayant existé entre la SARL "Soluscion" et la SARL "Gard metal color" relève du statut des agents commerciaux,
- condamner la SARL "Gard metal color" à lui payer la somme de 100 000 euro au titre de l'indemnité de rupture,
- condamner au paiement de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL "Gard metal color" forme appel incident pour voir :
- rejeter l'appel formé par la SARL "Soluscion" comme infondé,
- confirmer le jugement rendu le 26 mars 2015 en toutes ses dispositions
- débouter la SARL "Soluscion" de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SARL "Soluscion" à lui payer la somme complémentaire de 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL "Csm2" Avocat aux offres de droit.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité des appels que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Les appels seront déclarés recevables.
Sur le fond :
La SARL "Soluscion" fait valoir que sont sans incidence sur la reconnaissance du statut légal qu'elle revendique, le fait d'avoir une activité commerciale propre et de ne pas être inscrite sur le registre spécial des agents commerciaux prévu à l'article R. 134-6 du Code de commerce ou encore l'absence de contrat écrit en soulignant que la qualité d'agent commercial lui avait été reconnue à plusieurs reprises dans différents documents établis par sa cocontractante. Elle soutient qu'elle avait bien été chargée de négocier et de prendre des commandes ayant eu mission de prospecter son secteur, de développer la clientèle, de démarcher les clients au moyen d'une plaquette commerciale et d'une grille de prix en disposant d'une marge de manœuvre commerciale de 5 à 10 % sur l'offre de prix établie par la SARL "Gard métal color" étant aussi chargée du service après-vente comme des relances sur les impayés.
La SARL "Gard metal color" soutient que la SARL "Soluscion" ne rapporte pas la preuve lui incombant et conclut que la relation contractuelle relevait d'un contrat de courtage exclusif de toute indemnité puisque les offres de prix comme les factures étaient émises par ses soins, que les commandes étaient passées directement par les clients auprès de ses services, le rôle de la SARL "Soluscion" étant limité au stade précontractuel et conservant quant à elle le choix final de donner suite ou non à la mise en relation organisée par la SARL "Soluscion".
Les parties s'opposant sur la qualification de leur relation contractuelle, il convient de rappeler:
- que l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale,
- que l'activité de courtage consiste pour un professionnel de mettre en relation deux ou plusieurs personnes cherchant à réaliser des opérations telles que l'achat ou la vente de marchandises sans avoir de pouvoir de représentation ni possibilité d'accomplir des actes juridiques agissant effectivement en son seul nom et pour son propre compte et dont la rémunération consiste en une commission sur les affaires qui aboutissent.
Il est exact que la conclusion d'un contrat écrit comme l'inscription au registre des agents commerciaux ne sont pas des conditions à la reconnaissance de la qualité d'agent commercial de sorte que ces arguments sont inopérants.
Le libellé d'un contrat est insuffisant pour permettre la reconnaissance du statut de l'agent commercial et a fortiori, l'emploi par la SARL "Gard metal color" des termes 'notre agent commercial' dans un courrier adressé le 14 juin 2011 à un client ou encore la réflexion engagée sur une éventuelle clause de non-concurrence susceptible d'être imposée à la SARL "Soluscion" dans le cadre d'une transaction qui n'a jamais abouti. L'accord conclu avec la belle-fille du gérant de la SARL "Gard metal color" par laquelle la SARL "Soluscion" s'engageait " à reprendre la représentation de la société GMC sur le secteur du 34 " est pour le même motif insuffisant étant de surcroît constaté que la représentation de produits est l'objet même de l'activité de la SARL "Soluscion".
Le statut d'agent commercial qu'elle revendique lui impose de justifier des conditions dans lesquelles s'exerçait son activité et de rapporter la preuve qu'elle était chargée de négocier de façon permanente et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat de location ou de prestations de services au nom de la SARL "Gard metal color".
Les pièces produites révèlent en réalité que son activité n'était pas indépendante mais au contraire encadrée par un ensemble de documents établis par la SARL "Gard metal color" tels les ouvertures de compte à l'en-tête de cette dernière assorties de conditions générales préalablement définies, ou encore la grille de prix, les relances faites aux clients et les modalités prédéfinies des règlements. Il est également établi que la SARL "Gard metal color" organisait des réunions périodiques auxquelles devait participer le gérant de la SARL "Soluscion" destinées à définir les stratégies commerciales ou à améliorer la qualité des services. Surtout, les copies des nombreux mails échangés révèlent que les demandes de devis de la clientèle comme les commandes transitaient certes par la SARL "Soluscion" mais que celle-ci les transférait immédiatement à la SARL "Gard metal color" pour leur établissement. Celle-ci établissait encore des offres de prix sans qu'il ne soit démontré qu'elles aient ensuite fait l'objet d'une négociation de l'ordre de 5 à 10 % comme affirmé ou encore qu'elles soient le résultat d'une négociation menée par la SARL "Soluscion" en amont et non la stricte application de la grille de prix préalablement établie.
La SARL "Soluscion" ne démontre ensuite aucun acte concret de démarchage de la clientèle qui ne peut se déduire de la liste conséquente de ses clients dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elle exerçait également une activité commerciale personnelle et que la part de clientèle propre et celle relevant d'une activité de démarchage pour le compte de la SARL "Gard metal color" n'est pas distinguée.
Pour autant, la SARL "Gard metal color" ne peut davantage prétendre que la relation contractuelle entretenue avec la SARL "Soluscion" s'inscrirait dans un courtage et que le rôle de celle-ci aurait été ponctuel, limité à la recherche de clients et terminé une fois la mise en relation effectuée. Il se déduit au contraire des factures de commissions établies par la SARL "Soluscion" que cette dernière intervenait à plusieurs reprises auprès de mêmes clients pour des ventes différentes, qu'elle était tenue de veiller à la correcte exécution par les clients de leurs obligations de paiement et qu'elle était vertement relancée par la SARL "Gard metal color" en cas de retard dans le règlement des factures.
Il apparaît donc que la SARL "Soluscion" a effectivement représenté la SARL "Gard metal color" dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun visant à contribuer à l'essor de la SARL "Gard metal color" par création et développement de la clientèle, sans qu'elle ne puisse cependant négocier et conclure de vente au-delà des consignes fixées, avec mission de représenter la SARL "Gard metal color" auprès des clients dont elle était indiscutablement le correspondant et l'interlocuteur.
Il est constant ensuite que le mandant n'est pas libre de révoquer unilatéralement le mandataire et que dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun, il doit établir une cause légitime de révocation rendant impossible le lien contractuel.
Or par lettre du 30 septembre 2011, la SARL "Gard metal color" a notifié à la SARL "Soluscion" la 'rupture des relations commerciales' avec préavis de trois mois, sans invoquer un quelconque motif justifiant sa décision. Elle ne donne aujourd'hui aucun motif susceptible de justifier sa décision. Ainsi, la responsabilité de la rupture ne peut que lui être imputée et elle doit indemniser la SARL "Soluscion" du préjudice subi qui apparaît indiscutable à proportion de la durée de la relation contractuelle.
Cependant la SARL "Soluscion" ne peut revendiquer une indemnisation sur la base des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce inapplicable faute de reconnaissance du statut d'agent commercial étant relevé de manière surabondante que sa demande en paiement excède le total des commissions perçues -non contestées- dans les deux dernières années qui lui donnerait droit à 84.730 euro et non 100 000 euro comme demandé.
Son préjudice doit être évalué en considération de la perte d'une chance de réaliser un chiffre de commissions en constante progression depuis trois ans (18.394 euro en 2009, 38.454 euro en 2010 et 46.276 euro en 2011) alors même qu'elle est une jeune société créée en mars 2009. Mais il doit également s'apprécier en considération de l'absence de clause de non-concurrence susceptible d'entraver ses activités futures.
Il apparaît donc qu'une indemnisation de 20 000 euro répare l'entier préjudice de la SARL "Soluscion".
Le jugement dont appel sera donc infirmé et la SARL "Gard metal color" sera donc condamnée au paiement de cette somme.
Sur les frais de l'instance :
La SARL "Gard metal color", qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la SARL "Soluscion" une somme équitablement arbitrée à 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit les appels en la forme. Au fond, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions Dit que le contrat ayant existé entre les parties était un mandat d'intérêt commun. Condamne la SARL "Gard metal color" à payer à la SARL "Soluscion" la somme de 20 000 euro de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture de la convention avec intérêts au taux légal à compter de ce jour. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Dit que la SARL "Gard metal color" supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SARL "Soluscion" une somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.