CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 juin 2016, n° 14-04290
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Parthenia (SARL)
Défendeur :
Lexisnexis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Cocchiello, Conseillers : Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Regnier, Gicqueau
Créée en 2007, la SARL Parthenia exerce dans le domaine du conseil aux entreprises.
La société SA Lexisnexis est une société d'édition de revue et périodiques juridiques.
Le 27 novembre 2009, la société Parthenia a souscrit pour les besoins de son activité de conseil aux entreprises, un abonnement à la base juridique LexisNexis Jurisclasseur Pro, comprenant un accès internet à l'ensemble des JurisClasseurs édités par la société LexisNexis, ainsi que 7 options notariales.
Ce contrat a été renouvelé par tacite reconduction pour les années 2011 et 2012.
La société LexisNexis affirme que la société Parthenia n'a pas réglé les trois dernières échéances de l'année 2011 ainsi que l'année 2012, alors que la société Parthenia soutient avoir fait porter une lettre de résiliation le 30 septembre 2011 à la société LexisNexis.
Par acte en date du 20 novembre 2012, la société LexisNexis a assigné la société Parthenia devant le Tribunal de commerce de PARIS qui a, par jugement du 11 décembre 2013 :
- condamné la société Parthenia à payer à LexisNexis la somme de 8 852,66 euros, en principal, assorti des intérêts de retard à compter de la date d'échéance de chacune des factures, au taux d'intérêts équivalent à celui appliqué par la BCE, à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage,
- condamné la société SARL Parthenia à payer à LexisNexis, la clause pénale, réduite à 1 euro,
- débouté la société SARL Parthenia de sa demande de nullité du contrat et de ses demandes de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société SARL Parthenia à payer les dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,17 euros dont 13,25 de TVA.
La société Parthenia a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 16 septembre 2014, la société Parthenia demandé à la cour de :
Vu les articles 1134, 1170, 1174, 1289 et 1382 du Code civil,
Vu l'article L. 110-3 du Code de commerce,
- dire l'appel de la société Parthenia recevable et bienfondé y faisant droit,
- réformer dans sa totalité le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2013,
- dire et juger que la société Parthenia a résilié son contrat d'abonnement par courrier du 30 septembre 2011 et que la société LexisNexis en a pris acte dès réception,
En conséquence,
- débouter, purement et simplement la société LexisNexis de l'ensemble de ses prétentions pour l'année 2012,
- constater la mauvaise foi de la société LexisNexis dans l'exécution contractuelle et la condamner à verser à la société Parthenia, au titre de dommages intérêts, la somme de quatre mille euros, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- déclarer nul le contrat d'abonnement conclu entre la société LexisNexis et la société Parthenia, au visa de l'article 1174 du Code Civil et ordonner sa résiliation au 31 octobre 2011 et non sa résolution,
- constater que la société LexisNexis a failli à son devoir de conseil, contrairement à ses engagements contractuels et épistolaires (courriels) et la condamner à verser mille euros, à titre de dommages et intérêts, à la société Parthenia,
A titre subsidiaire,
- donner acte à' la société Parthenia, de sa bonne foi et de son offre de règlement du solde de l'abonnement pour l'année 2011, soit 1 903,90 euros, à titre transactionnel et sans intérêts de retard, vu l'accord de paiement et la mauvaise foi de la société LexisNexis,
- ordonner la compensation des sommes dues, en application de l'article 1289 du Code civil,
- débouter la société LexisNexis de son appel incident comme étant particulièrement mal fondé,
- en tout état de cause, condamner la société LexisNexis, à verser une somme de trois mille euros à la société Parthenia, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens avec droit de recouvrement pour la SCP Regnier Bequet Moisan conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 16 juillet 2014, la société SA LexisNexis demande à la Cour de :
Vu les articles 1134, 1147 et 1154 du Code civil,
Vu l'article L. 441-6 du Code de commerce,
- débouter la société Parthenia de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Parthenia à payer à la concluante la somme de 8 852,66 euros en principal assorti des intérêts de retard à compter de la date d'échéance de chacune des factures, au taux d'intérêts équivalent à celui appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage,
- faire droit à l'appel incident de la concluante et en outre, condamner la société Parthenia au paiement de la somme de 885,26 euros au titre de la clause pénale,
- condamner la société Parthenia au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Parthenia aux dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION
Sur la résiliation du contrat par la société Parthenia
Pour l'appelant, la société LexisNexis ne pouvait ignorer la résiliation de la société Parthenia qu'elle a demandé par lettre du 30 septembre 2011, et en a tenu compte pour réclamer la totalité du règlement annuel.
Elle relève que le contrat n'aurait pas été pour autant suspendu, et se demande pourquoi le contrat n'a pas été résilié alors que 3 échéances avaient été rejetées, si ce n'est parce que LexisNexis avait pris acte de la résiliation signifiée par l'appelant au 30 septembre 2011.
Elle rappelle que la preuve est libre en matière commerciale et que la preuve par simple présomption est admissible.
L'intimé soutient que la société Parthenia n'a pas résilié son abonnement et a continué d'utiliser de manière importante les services LexisNexis en ligne durant l'année 2012.
Elle ajoute que la mise en demeure du 14 novembre 2011 ne vaut pas acceptation de la résiliation, ce d'autant qu'elle facture annuellement à partir du mois de février.
Elle précise que les parties avaient convenu d'un paiement en dix fois de chaque facture annuelle, mais que celle-ci est exigible dès son émission à la date d'échéance qui y figure.
Elle avance que la faculté de résiliation prévue à l'article 5 du contrat reste une faculté en non une obligation, et que la société Parthenia ne peut se prévaloir de son inexécution contractuelle pour reprocher à la société LexisNexis de ne pas avoir suspendu le service.
L'article 5 des conditions générale de vente et abonnement précise que " tout abonnement prend effet à la date du premier jour du mois de souscription, pour une durée déterminée s'achevant le 31 décembre de l'année de souscription, sauf convention particulière.
A l'issue de cette période initiale, afin d'éviter toute discontinuité dans le service, les contrats d'abonnement se renouvellent d'année en année par tacite reconduction, à compter du 1er janvier, au tarif en vigueur à cette date. Ils peuvent être dénoncés par lettre recommandée avec accusé de réception sous préavis de 30 jours avant l'échéance ".
En l'occurrence, si la société Parthenia soutient avoir adressé le 30 septembre 2011 une lettre par porteur à la société LexisNexis lui notifiant la résiliation de son contrat avec effet au 31 décembre 2011, elle ne prouve pas la délivrance de cette lettre à la société LexisNexis qui le conteste.
Surtout, une telle résiliation ne répond pas aux conditions précisées par l'article 5 des conditions générales de vente, qui prévoyait expressément le recours à l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception.
De plus, les pièces versées par la société LexisNexis démontrent que la société Parthenia a continué
d'utiliser l'abonnement aux mois de janvier, février et mars 2012, soit postérieurement à la date de résiliation du contrat dont elle allègue.
Par ailleurs, la lettre du 14 novembre 2011 de la société LexisNexis adressée à la société Parthenia ne fait aucune référence au courrier du 30 septembre 2011 que cette dernière soutient lui avoir fait porter, ni à une quelconque résiliation ; elle constitue une mise en demeure de régler des échéances impayées.
Il ressort de la lecture du bon de commande que la société Parthenia a conclu un abonnement annuel à la base " LexisNexis Jurisclausseur Pro ", pour un montant TTC de 5 968,04 euros ; elle s'est vue offrir un abonnement gratuit pour la fin de l'année 2009.
Il est bien précisé sur le bon de commande que la facturation des abonnements est annuelle, et les parties ont alors opté pour un paiement en dix fois par prélèvement bancaire.
Ainsi, la facture annuelle est bien exigible dès son émission à la date de son échéance, et la société Parthenia ne peut tirer argument du fait que le paiement intégral de l'échéance annuelle ne lui est pas réclamé pour en déduire que la société LexisNexis avait pris acte de la résiliation du contrat.
L'article 5 des conditions générales de vente prévoyant également que " l'éditeur se réserve le droit de résilier le présent contrat, sans indemnité, en cas de manquement par l'abonné à l'une quelconque des clauses. ", il s'agit bien d'une faculté qui est ouverte à la société LexisNexis de résilier en cas de manquement de son co-contractant à ses obligations, dont elle est libre d'user ou pas.
Sur les clauses d'exonération de responsabilité
L'appelant soutient par ailleurs qu'au regard des clauses du contrat d'adhésion contesté et de l'article
1174 du Code civil, le contrat conclu est nul car il contient des conditions purement potestatives, comme la possibilité de s'exonérer de ses responsabilités même si le produit change à son initiative, de sorte que la société LexisNexis n'est pas fondée à demander le remboursement de son abonnement. Il se livre notamment à une analyse des articles 2, 5 et 11 des conditions générales de vente.
Pour sa part, la société LexisNexis avance que les clauses du contrat citées par la société Parthenia figurant dans les conditions générales de vente comme potestatives sont sans lien avec le présent litige, dans lequel sa responsabilité n'est pas recherchée.
Cependant, la société Parthenia n'apporte pas la preuve du caractère potestatif des clauses qu'elle dénonce, ni qu'elle s'est trouvée confrontée à leur application à son détriment.
La cour observe notamment que l'indication, dans les conditions particulières du service en ligne proposé par la société LexisNexis, que les informations sur son site 'sont accessibles 24/24h, 7j/7j sous réserve d'interruption accidentelle ou nécessaire au bon fonctionnement du service. Cette interruption ne donne lieu à aucune indemnité' ne saurait constituer une condition purement potestative susceptible d'entraîner la nullité du contrat, ce d'autant que la société Parthenia ne justifie pas s'être trouvée confrontée à une interruption du service du site LexisNexis.
Il en est de même de l'article 5, la modification de toute ou partie d'un produit ou d'un service et de sa mise à jour par l'éditeur pouvant notamment s'expliquer par les objectifs d'actualité éditoriale, pour une société d'édition de revues périodiques, ou de l'article 11 sur l'irresponsabilité de la société LexisNexis du fait de l'utilisation par des tiers ou des clients, des informations qu'elle présente sur son site.
Ainsi, la société Parthenia ne démontre pas le caractère potestatif des clauses contenues dans le contrat conclu le 27 novembre 2009.
Sur le défaut de devoir de conseil
L'appelant avance qu'au vu du contrat en cause, la société LexisNexis a manqué à son devoir de conseil, ce contrat n'étant pas adapté à ses besoins. Elle relève que la société LexisNexis n'a pas mis à exécution son contrat d'abonnement dès la signature du contrat d'adhésion.
Selon l'intimée, la société Parthenia étant elle-même une société de conseils aux entreprises (conseil juridique, coaching, etc.) elle est à même de choisir l'abonnement qui lui convient. Elle ajoute que l'article 3 des conditions générales de vente prévoit qu'elle a la faculté, et non l'obligation, de ne pas contracter en cas de demande de souscription d'un abonnement.
La cour relève que l'activité exercée par la société Parthenia, telle qu'elle est précise sur son K-bis, est " apporter aux entreprises industrielles et commerciales, ainsi qu'à toute administration ou toute autre entité des conseils, des services et préconisations pour leur permettre d'améliorer leur performance ".
Dès lors, son activité pouvait lui permettre d'être éclairée sur la nécessité pour elle d'utiliser un abonnement telle que celui qu'elle a souscrit auprès de la société LexisNexis, et rendre utile le recours à un tel service.
Il sera également relevé que la société Parthenia ne précise pas en quoi la société intimée aurait manqué à son devoir de conseil en la matière.
Par ailleurs, l'article 3 des conditions particulières pour le service en ligne prévoit une faculté pour l'éditeur de ne pas contracter, et non une obligation présentant un caractère impératif.
Enfin, le retard avec lequel la société Parthenia a bénéficié de l'accès aux services de l'éditeur en 2009 ne peut révéler un manque au devoir de conseil provenant de la société LexisNexis.
Au vu de ce qui précède, la société Parthenia n'a pas justifié avoir résilié son contrat d'abonnement avec la société LexisNexis, et ne démontre pas que les clauses figurant au contrat sont potestatives ou que la société LexisNexis a manqué à son devoir de conseil.
La société Parthenia sera donc déboutée de ses demandes, et le jugement du Tribunal de commerce confirmé sur ce point.
Sur le montant de la clause pénale
La société LexisNexis soutient ne faire qu'une stricte application de l'article 9 du contrat lorsqu'elle sollicite du tribunal la condamnation de la société Parthenia au versement de la somme 885,26 euros au titre de la clause pénale. Elle ajoute que seule une clause manifestement excessive peut être réduite.
L'article 9 du contrat impose que " le recours au service d'un organisme de recouvrement ou à la voie judiciaire, auquel l'éditeur se trouverait contraint, pour obtenir le règlement de factures impayées entraînera l'application d'une majoration de 10 % des sommes restant dues, à titre de clause pénale et sans préjudice de tous intérêts moratoires".
Cependant, comme l'a relevé le Tribunal de commerce, la société LexisNexis sollicitant déjà des intérêts de retard au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage, la clause pénale prévue à l'article 9 précité apparaît excessive.
Aussi, il convient de fixer, comme auparavant le Tribunal de commerce, la somme due par la société Parthenia au titre de la clause pénale à 1 euro.
Sur les autres demandes
La société Parthenia succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2013 en toutes ses dispositions, Y Ajoutant, Condamne la société Parthenia au paiement des dépens de l'appel, Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.