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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-10684

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Digital Crown Holding Limited (Sté)

Défendeur :

Produits Berger (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouthon-Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Henry, Sebban, Cadiot, Ayache, Fournier

T. com. Paris, du 2 avr. 2014

2 avril 2014

Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 2 avril 2014 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- débouté la société Digital crown holding limited-DCHL de sa demande d'indemnité de 20 479 480 euros,

- condamné la société Produits Berger à reprendre les stocks de produits Berger, propriété de la société Digital crown holding limited-DCHL relatifs aux commandes passées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2007,

- condamné la société Digital Crown Holding Limited-DCHL à fournir l'inventaire des stocks concernés dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement et la société Produits Berger à les payer avant leur enlèvement effectué aux frais de la société Produits Berger, dans un délai de 90 jours à compter de la réception de l'état des stocks visé ci-dessus,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné la société Digital Crown Holding Limited-DCHL aux dépens et à payer la somme de 20 000 euros à la société Produis Berger par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par la société Digital Crown Holding Limited-DCHL et ses dernières conclusions signifiées le 11 mars 2016 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1382, 1134, 1184 et 1149 du Code civil :

- à titre principal, d'infirmer le jugement et de :

* condamner la société Produits Berger à réparer le préjudice financier par elle subit au titre du retrait abusif de sa qualité de distributeur exclusif sur le territoire asiatique,

* fixer les indemnités à lui verser par la société Produits Berger à 20 479 480 euros HT, à augmenter des intérêts à déterminer par application du taux légal,

* condamner la société Produits Berger à la reprise des stocks de marchandises estampillés Lampe Berger qu'elle détient, au prix d'acquisition qui lui a été facturé conformément à l'article 16 du contrat du 31 mai 2007, dire que le remboursement correspondant devra intervenir dans le délai de 90 jours calendaires à compter de la signification " du jugement ", l'astreinte s'élevant à 25 000 euros par jour de retard, dire que le remboursement devra intervenir par virement bancaire avant l'enlèvement des marchandises et dire que les frais de transport et de contrôle des marchandises seront à la charge exclusive de la société Produits Berger,

* condamner la société Produits Berger aux dépens et à lui payer la somme de 60 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- subsidiairement, avant dire droit, de condamner l'intimée à communiquer dans un délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir :

un extrait du Grand livre de la société Produits Berger relatif au client DCHL Japon pour les exercices 2007, 2008, 2009 et 2010, cet extrait devant être certifié par le commissaire aux comptes de la société Produits Berger et cette dernière devant y annexer la copie de l'intégralité des factures de vente, le relevé de l'intégralité des factures de vente émises au nom d'une société établie en Asie au titre de la même période, ce relevé devant également être certifié par le commissaire aux comptes de la société Produits Berger ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 avril 2016 par la société Produits Berger qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1150, 1382, 1604 et 1641 du Code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Digital Crown Holding Limited, ci-après DCHL, de sa demande d'indemnité de 20 479 480 euros et l'a condamnée à la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'infirmer en ce qu'il n'a pas constaté la faute dolosive de DCHL et en ce qu'il l'a condamnée à une reprise partielle des stocks allégués de DCHL,

- constater que le jugement n'a pas statué sur sa demande reconventionnelle,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et, statuant à nouveau :

sur les demandes de DCHL, prononcer la résolution de la vente des stocks dont celle-ci demande le rachat,

sur ses demandes :

débouter DCHL de sa demande d'expertise,

la condamner à lui payer la somme de 53 702 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013,

la condamner à lui rembourser la somme de 1 709 057 euros représentant le montant de la saisie pratiquée par elle sur ses comptes bancaires, en ce compris la somme de 1 544 487,92 euros payée par Produis Berger en exécution de la décision dont appel, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de son versement, outre la somme de 131 090 euros représentant le montant de droits de douane acquittés pour récupérer la marchandise et dire qu'à réception du prix elle tiendra les stocks concernés à disposition de DCHL,

- condamner DCHL à lui payer la somme supplémentaire de 50 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE,

Considérant que la société Produits Berger, ci-après Produits Berger, fabrique en France et commercialise dans une cinquantaine de pays un diffuseur de parfum d'intérieur à catalyse sous la marque Lampe Berger; que la société Digital Crown Holding Limited, ci-après DCHL, qui a pour activité la distribution sur le continent asiatique de produits de maison, de bien-être et de vins, vend ses produits au travers d'un réseau de vente pyramidal, dit " Multi Level Marketing ";

Que suivant contrat du 22 novembre 2001, Produits Berger a signé avec DCHL un contrat de distribution exclusive réciproque ; que le 31 mai 2007, les parties ont signé un deuxième contrat de distribution exclusive annulant et remplaçant à compter du 1er janvier 2007 le contrat précédent et ses avenants ; qu'il était stipulé dans cette convention conclue pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2007, soit jusqu'au 31 décembre 2011 :

- que Produits Berger concédait à DCHL le droit exclusif de vendre ses produits sur le territoire concédé, à savoir Taiwan, Chine, Hong Kong, Japon, Macao, Singapour, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Australie, Nouvelle Zélande, Vietnam, Cambodge, Indonésie et Corée,

- que le distributeur restait libre d'acquérir et de commercialiser tous produits de son choix, sous réserve de ceux conçus ou fabriqués par les sociétés Bel Air, Nicolaï, Alexandria, Puren, Vanity, Scentier et La Tee Da,

- à l'article 6.3, que DCHL s'engageait à réaliser des objectifs minima de commande, soit 26 000 000 euros HT en 2007, 27 000 000 euros HT en 2008, 28 000 000 euros HT en 2009, 29 000 000 euros HT en 2010 et 30 000 000 euros HT en 2011, étant stipulé que le fournisseur pourrait résilier le contrat de façon anticipée à défaut de réalisation de ces objectifs, 30 jours après une notification adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, aucune des parties ne pouvant alors solliciter une quelconque indemnisation du fait de cette résiliation,

- à l'article 14 intitulé résiliation anticipée, qu'à l'exception des cas prévus à l'article 6.3 sus visé et à l'article 12 concernant un désaccord sur le prix, en cas d'inexécution grave par l'une ou l'autre des parties d'une seule de ses obligations contractuelles la résiliation du contrat serait encourue de plein droit 30 jours après une mise en demeure par lettre recommandée restée sans effet,

- à l'article 16 relatif aux effets de la résiliation, qu'en cas de résiliation anticipée visée aux articles 6.3 et 12 ou à l'arrivée du terme du contrat, le distributeur aurait la possibilité de continuer à vendre les produits du fournisseur en sa possession à cette date pendant un délai de 6 mois à compter de la date de formalisation de la rupture par lettre recommandée avec AR ou celle du terme du contrat et que, à l'issue de cette période de 6 mois, le distributeur retournerait la totalité des stocks de produits invendus au fournisseur à la condition qu'ils soient remboursés au prix d'acquisition des marchandises par virement avant l'enlèvement ;

Considérant que par lettre officielle de son conseil du 19 novembre 2008, Produits Berger a notamment : constaté que les quotas de commandes 2007 et 2008 n'avaient pas été respectés avec respectivement un décalage de 9 000 000 euros pour 2007 et de 6 000 000 euros pour 2008, a précisé que cette lettre valait mise en demeure, mais a ajouté que dans un souci commercial elle était disposée à poursuivre les discussions en cours ;

Que par lettre recommandée avec AR du 26 mai 2009, Produits Berger s'est plainte, en particulier, que les quotas de commande pour 2007 et 2008 n'avaient pas été respectés, a rappelé à DCHL qu'elle avait annulé sa hausse de prix annoncée fin 2008 en raison de son engagement moral de renouveler au minimum les quantités achetées en 2008 et a indiqué que ses demandes devaient être considérées comme une mise en demeure de bonne exécution du contrat, faute de quoi elle serait contrainte de l'annuler ;

Que par lettre recommandée avec AR du 27 avril 2010, Produits Berger a reproché à DCHL d'avoir rompu de fait le contrat d'exclusivité en ne respectant pas les quotas d'achat minimum et en stoppant toute commande en 2010, lui précisant qu'elle se trouvait contrainte de suspendre l'octroi de l'exclusivité territoriale concédée en contrepartie des engagements de volume d'achat et de développement des ventes qui avaient été souscrits ;

Que par lettre recommandée avec AR du 30 avril 2010, Produits Berger a pris acte de ce que DCHL souhaitait revenir sur la rupture de leurs relations, a souligné que sa proposition ne s'accompagnait d'aucune commande, lui a demandé de lui adresser avant le 5 mai 2010 une commande ferme ainsi qu'un plan de commande ferme conforme à ses engagements avec une garantie de paiement, a précisé qu'à défaut elle considérerait que DCHL confirmerait la rupture de leurs relations et ajouté qu'elle maintenait jusque-là la suspension de l'exclusivité concédée, DCHL mettant en péril son activité ;

Que le 22 juillet 2010, Produits Berger a reproché à DCHL de n'avoir pris aucune mesure pour remédier à la réduction substantielle de ses achats et de n'avoir pas transmis le plan de commandes conforme au contrat, ce pourquoi elle maintenait la levée de l'exclusivité, se trouvant contrainte de rechercher d'autres partenaires, en particulier au Japon ;

Que DCHL, par lettre recommandée avec AR du 27 juillet 2010, a répondu que la rupture unilatérale du contrat par Produits Berger était injustifiée ; qu'elle a fait valoir que le non-respect des objectifs de vente résultait exclusivement de l'absence de renouvellement de la gamme de produits, de la réputation de dangerosité répandue dans le grand public par des procès médiatisés mettant en cause le système de sécurité des lampes, des prix trop élevés des parfums, de l'existence de ventes parallèles de Lampes Berger en provenance du marché non américain et de la vente par Produits Berger de Lampes Berger directement à une société de distribution qui appartenait au réseau DCHL mais qui était en conflit avec elle depuis plusieurs années ; qu'elle a précisé qu'elle disposait de stocks considérables mais que la demande était en baisse, ce qui ne lui permettait pas de réaliser les chiffres escomptés et de procéder à de nouvelles commandes substantielles ;

Que le 16 août 2010, Produits Berger a répliqué à DCHL qu'elle n'avait pas respecté ses engagements contractuels depuis sa mise en demeure du 30 avril 2010 et a contesté les griefs invoqués : sa gamme de produits ayant été renouvelée, la prétendue dangerosité de ses produits étant une spéculation sans fondement, le prix des parfums étant le même dans le monde entier, l'existence d'importations parallèles n'étant pas de sa responsabilité et, s'agissant du Japon, que sa filiale DCHL lui avait passé des commandes qu'elle avait satisfait - pour obtenir des produits que DCHL refusait de lui livrer, ce dont elle l'avait informée à l'époque ;

Que c'est dans ces circonstances que 15 avril 2011, DCHL a fait assigner Produits Berger devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir paiement de la somme de 20 479 480 euros en réparation de son préjudice subi du fait du retrait abusif de sa qualité de distributeur exclusif sur le territoire asiatique ; que le tribunal, par le jugement déféré, l'a déboutée de sa demande et a condamné Produits Berger à reprendre les stocks de produits Berger, propriété de DCHL, relatifs aux commandes passées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2007 ;

1) Sur la rupture du contrat

Considérant que DCHL, appelante, soutient en premier lieu que Produits Berger est responsable de la non-atteinte des objectifs de commandes ; qu'à ce titre, elle lui reproche d'avoir massivement vendu des marchandises à des sociétés asiatiques, en particulier à la société DCHL Japan, qui utilisait abusivement le nom commercial DCHL, ce au mépris de son opposition et sans considération de la clause d'exclusivité; qu'elle allègue en ce sens :

- que Produits Berger, dans sa lettre du 16 août 2010, a reconnu avoir livré ses produits à une société japonaise,

- que ses livraisons sont intervenues avant la notification de résiliation du contrat,

- que DCLH Japan, même si elle faisait partie du réseau DCHL jusqu'en 2009, n'est pas sa filiale, mais une société indépendante comme l'a reconnu Produits Berger dans ses conclusions,

- qu'à compter de 2009, date à laquelle elle a rompu ses relations avec la société DCHL Japan, son chiffre d'affaires Lampes Berger au Japon s'est effondré, alors qu'elle réussissait à l'augmenter sur le territoire de Hong Kong,

- que Produits Berger n'a pas déféré à sa sommation de communiquer l'intégralité de ses factures et éléments comptables afférents à ses ventes à la société japonaise,

- que l'attestation du président de Produits Berger mentionnant les prétendus chiffres d'affaires réalisés avec la société japonaise avec une lettre jointe d'un de ses commissaires au compte, qui n'est pas corroborée par des pièces comptables, est dépourvue de valeur probante,

- que le 1er septembre 2011, Produits Berger a conclu un contrat de distribution exclusive avec DCHL Japan, ce contrat étant l'aboutissement d'une collaboration étroite entre ces deux sociétés pendant de nombreuses années,

- que Produits Berger a vendu et livré en Asie à la société CKD Success Co Ltd des produits Lampes Berger, selon commande du 15 décembre 2010;

Qu'en deuxième lieu l'appelante reproche à Produits Berger de n'avoir pas respecté la procédure contractuelle de résiliation en exposant :

- que sa lettre du 27 avril 2010 constitue un appel à négocier et non une notification de résiliation,

- qu'une suspension d'exclusivité autorise seulement un concédant à vendre par lui-même ses produits sur le territoire concédé, mais non à commercer avec des concurrents du concessionnaire,

- que la lettre du 30 avril 2010, qui n'est pas explicite, n'est pas une lettre de résiliation et ne lui est pas opposable,

- que c'est seulement par sa lettre du 22 juillet 2010 que Produits Berger précise rechercher de nouveaux distributeurs sans aucune mention du préavis contractuel de 30 jours,

Qu'en troisième lieu, DCHL fait valoir que Produits Berger :

- a manqué à ses obligations contractuelles en n'assurant pas la police de son réseau et en tolérant des ventes parallèles,

- que dans le cadre d'échanges informels elle a permis la continuation du contrat de distribution exclusive jusqu'au 31 décembre 2011,

- qu'elle a fait paraître dans plusieurs organes de presse en Asie une "déclaration publique" officielle sous son logo indiquant que le contrat de représentation de vente en Asie signé entre elle et la société de Hong Kong CDHL avait cessé à compter du 31 décembre 2011 ;

Qu'en dernier lieu, l'appelante souligne que la commercialisation par elle de lampes Ed Pinaud ne peut être à l'origine du non-respect des seuils de commandes, ces ventes n'ayant démarré qu'en 2010, en Thaïlande, et dans une moindre mesure à Taïwan et que, même si elle avait commercialisé ces lampes dès 2008, ce fait ne constituerait pas un manquement contractuel; qu'elle en déduit que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'elle avait manqué à son obligation de loyauté ;

Mais considérant que Produits Berger fait justement valoir, en se référant à ses lettres des 19 novembre 2008 et 26 mai 2009, qu'elle a mis en demeure à plusieurs reprises DCHL d'exécuter ses obligations contractuelles relatives aux quotas de commandes convenus ;

Que DCHL qui n'a jamais atteint les quotas de commandes prévus au contrat, ne démontre en aucune façon que les Lampes Berger seraient dangereuses ;

Que Produits Berger indique, sans être contredite sur ces points, qu'elle a présenté 33 modèles en 2007 et 76 en 2008 ; que courant 2009, elle a communiqué un catalogue Asie et, le 17 novembre 2009, adressé à DCHL une proposition de 27 nouveaux modèles ; que DCHL ne rapporte pas la preuve que Produits Berger aurait manqué à son obligation prévue à l'article 5.4 du contrat, à savoir proposer au distributeur un minimum de 22 nouveaux modèles Lampe Berger réservés au marché asiatique par année contractuelle ;

Qu'elle ne justifie pas plus d'importations parallèles dont Produits Berger serait responsable; qu'il ressort de l'analyse des pièces 27, 29, 31, 32 et 35 communiquées par Produits Berger :

- que les commandes auprès d'elle à destination de DCHL Japan étaient signées de la main du président de DCHL, Kim Huynh, signataire du contrat de distribution, et facturées en 2007 à DCHL aux Iles Vierges comme toutes les ventes au groupe DCHL,

- qu'en mars 2008, Produits Berger a été informée de la modification des statuts de DCHL en une société locale japonaise, comme les autres sociétés de Hong Kong, Singapour,

- que Kim Huynh a envoyé à Produits Berger le 27 janvier 2010 un courriel concernant un inventaire du stock du Japon après les livraisons comptées pour le mois de décembre 2009 et le 16 avril 2010 un rapport de situation précisant pour le Japon une tendance à la baisse depuis deux ans et une demande de baisse du prix des parfums et lampes classiques ;

Que ces éléments montrent que DCHL contrôlait le flux de commandes et intervenait pour le compte de DCHL Japan ;

Qu'enfin Produits Berger était bien fondée à opposer à DCHL l'exception d'inexécution de son obligation de respect des quotas de commandes pour suspendre l'exécution de sa propre obligation d'exclusivité ;

Qu'en conséquence, par application de l'article 6.3 du contrat, le distributeur n'ayant pas respecté ses objectifs minima de commande et ayant été régulièrement mis en demeure de le faire, Produits Berger était en droit de résilier le contrat; qu'en ce cas aucune des parties ne pouvant solliciter une quelconque indemnisation, DCHL doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 20 479 480 euros HT ;

2) Sur la reprise des stocks :

Considérant que DCHL fonde sa demande sur l'article 16 du contrat et soutient, pour l'essentiel :

- que le 27 février 2012, elle a mis en demeure Produits Berger de reprendre les marchandises en stock à leur coût d'acquisition, soit 10 572 933 euros, ce que Produits Berger a refusé en invoquant le non-respect des quotas de commande,

- que le contrat ne prévoit aucun délai pour la reprise des stocks,

- que le contrat s'est poursuivi jusqu'au 1er janvier 2012 et que sa demande formulée le 27 février 2012 n'est en rien tardive,

- que c'est la totalité des stocks invendus qui doit être repris et non seulement les produits livrés depuis 2007, les parties étant en relations depuis novembre 2001,

- que sa demande ne peut s'analyser en une demande de rachat, alors qu'il s'agit d'une obligation contractuelle,

- que s'il s'agissait d'une obligation de restitution, aucune vétusté n'existe, les marchandises étant dans leur emballage d'origine, et aune indemnité ne peut être due à ce titre,

- que le contrat stipule que les marchandises doivent être reprises à leur prix d'acquisition,

- que si Produits Berger conteste l'évaluation du niveau et de la valeur des stocks, le rapport BMA qu'elle produit n'est pas contradictoire et part du double postulat qu'elle-même a commis des fautes et que l'estimation doit être faite sur la valeur vénale,

- que contrairement à ce que le tribunal a retenu, elle n'a pas manqué à son obligation de loyauté, n'ayant pas commercialisé de Lampe Pinaud en 2008 et, en toute hypothèse, n'aurait pas commis de faute contractuelle en le faisant ;

Considérant que Produits Berger s'oppose à la demande en faisant valoir :

- que DCHL ne s'est pas conformée à la clause de reprise des stocks, DCHL pouvant vendre les produits qu'elle détenait jusqu'au 19 janvier 2011 puis en organiser le retour, ce qu'elle n'a pas fait, attendant le 6 mars 2013 pour former sa demande devant le tribunal,

- que le 14 mai 2010, pour refuser de lui passer commande, DCHL lui a affirmé que ses stocks de Lampe Berger représentaient 6 mois d'activité et qu'elle en a nécessairement écoulé une bonne partie depuis,

- qu'il est impossible que DCHL découvre soudainement détenir 10 500 000 euros de produits plus d'un an après et que les stocks dont elle fait état correspondent en réalité à des stocks de ses revendeurs, dont elle n'est plus propriétaire,

- que les stocks dont DCHL réclame le retour datent pour certains de 2007, voire 2001 pour les plus anciens,

- qu'en exécution du jugement ordonnant seulement le retour des produits commandés en 2007, DCHL lui a renvoyé certains produits livrés en 2008,

- que le comportement de DCHL n'est pas économiquement cohérent et révèle sa mauvaise foi, ayant consisté à continuer des commandes alors qu'elle n'écoulait pas ses produits en stock,

- que DCHL invoque de mauvaise foi la clause de rachat des stocks qu'elle a artificiellement gonflés, s'ils existent, et qu'elle doit donc être privée du bénéfice de cette clause,

- que les produits dont DCHL demande le rachat ne sont pas conformes ou sont atteints de vices cachés ou encore obsolètes, s'agissant de parfums qui ne sont plus commercialisables après deux ans,

- que Produits Berger est bien fondée à se prévaloir d'une exception d'inexécution et à refuser la reprise des stocks du fait des manquements de DCHL à ses obligations contractuelles et à l'obligation de bonne foi en violation de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil ;

Considérant, cela exposé, qu'en exécution du jugement, DCHL devait retourner les produits objets des seules commandes passées en 2007 ; que Produits Berger lui a payé la somme de 1 544 487,92 euros sur la base de leur prix d'acquisition, somme dont elle demande le remboursement outre celle de 131 090 euros représentant les droits de douane acquittés ;

Que l'article 16 du contrat stipule que le distributeur peut continuer à vendre les produits du fournisseur pendant un délai de 6 mois à compter de la date de formalisation de la rupture du contrat et qu'à l'issue de cette période de 6 mois le distributeur devra retourner la totalité des stocks de produits invendus au fournisseur à condition qu'ils soient remboursés à leur prix d'acquisition ;

Que le non-respect du délai de 6 mois pour retourner le stock à l'issue de la période de 6 mois n'a pas été sanctionné dans le contrat par une irrecevabilité de la demande ; que l'obligation de reprise du stock pesant sur le fournisseur ne peut s'analyser en une vente qui serait consentie par le distributeur ; que dès lors la demande de Produits Berger tendant à la résolution de la vente des stocks est mal fondée ;

Mais considérant que les parties sont tenues d'une obligation de bonne foi dans l'exécution de leurs conventions comme prescrit par l'article 1134 alinéa 3 du Code civil ; qu'en laissant s'accumuler les stocks - certains produits remontant à 2001- et en ne formulant sa demande en justice que le 6 mai 2013 alors que la résiliation du contrat lui avait été notifiée le 22 juillet 2010, DCHL a laissé se déprécier les lampes dont des modèles nouveaux étaient commercialisés chaque année et même se périmer les parfums ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments et pour tenir compte du préjudice en résultant pour Produits Berger, il convient d'ordonner le retour des stocks encore détenus par DCHL, aux frais de Produits Berger, qui devra rembourser, non leur valeur d'acquisition, mais la somme totale de 1 500 000 euros ;

3) Sur la demande de Produits Berger en paiement de la somme de 53 702 000 euros :

Considérant que Produits Berger prétend que DCHL a commis des fautes dolosives et en tout cas des fautes graves qui lui interdisent de revendiquer le bénéfice de la clause exonératoire stipulée à l'article 6.3 du contrat; qu'elle allègue :

- que le contrat mettait à la charge de DCHL une obligation de résultat au titre des commandes, dont la violation engage sa responsabilité,

- que DCHL a réduit d'année en année le montant de ses commandes afin de lancer, dans le sillage de la Lampe Berger, un produit concurrent, la Lampe Pinaud, et qu'il s'agit de manœuvres de concurrence déloyale,

- que dès 2008, DCHL n'a plus commandé de lampes, mais seulement des parfums, qu'elle n'a pas fait de véritable prospection pour trouver de nouveaux clients pour les Lampes Berger, se bornant au renouvellement des parfums, afin de ne pas nuire à sa propre Lampe Pinaud, concurrente de la Lampe Berger,

- que DCHL a volontairement exposé Produits Berger à supporter les taxes de retour et à récupérer des stocks pléthoriques, périmés et non destinés au marché européen,

- qu'elle a voulu conserver une zone d'exclusivité immense sans fournir de contrepartie effective en achetant les quotas prévus,

- que le comportement commercial déloyal de DCHL constitue une violation grossière de son obligation essentielle en tant que distributeur, à savoir le respect des quotas de commande et que ce manquement a menacé la pérennité de l'activité de Produits Berger,

- que son préjudice consiste dans la perte de marge durant l'exécution du contrat jusqu'à sa résiliation, augmentée d'un an et demi correspondant au temps nécessaire pour reconstituer son réseau de distributeurs en Asie ;

Mais considérant que le contrat, en son article 1 stipule que le distributeur restait libre de commercialiser tout produit de son choix, à l'exception des produits conçus ou fabriqués par les sociétés Bel Air, Nicolaï, Alexandria, Puren Vanity, Scentier et La Tee Da ; que DCHL n'a pas commis de faute en créant et commercialisant la Lampe Pinaud ; que Produits Berger ne démontre pas que DCHL, qui n'était tenue à aucun quota de vente, aurait négligé la prospection de clients pour les Lampes Berger pour favoriser la commercialisation de sa Lampe Pinaud ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'actes de concurrence déloyale ou de manœuvres dolosives ou de fautes graves de nature à priver DCHL du bénéfice de l'article 6.3 du contrat ; qu'en conséquence, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

4) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que DCHL qui succombe en son appel supportera les dépens ; que vu l'article 700 du Code de procédure civile, sa demande de ce chef sera rejetée et elle devra payer la somme supplémentaire de 25 000 euros à Produits Berger ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf celles relatives à la reprise des stocks et à leur paiement, Statuant à nouveau : - Condamne la société Produits Berger à reprendre les stocks estampillés Lampe Berger encore détenus par la société Digital Crown Holding Limited au prix global de 1 500 000 euros, - Dit que le remboursement devra intervenir par virement, dans un délai de 90 jours à compter de la signification de l'arrêt et avant l'enlèvement effectué aux frais de Produits Berger, Condamne la société Digital crown Holding limited à payer la somme de 25 000 euros à la société Produits Berger par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Digital Crown Holding Limited aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.