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Décisions

CJUE, 8e ch., 30 juin 2016, n° C-293/15 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Slovenská pošta a.s.

Défendeur :

Commission européenne, République slovaque, Cromwell a.s., Slovak Mail Services a.s, Prvá Dorucovacia a.s., ID Marketing Slovensko s. r. o

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Šváby

Avocat général :

Me Saugmandsgaard Øe

Juges :

MM. Safjan, Vilaras (rapporteur)

Avocats :

Mes Brouwer, Pliego Selie

CJUE n° C-293/15 P

30 juin 2016

LA COUR (huitième chambre),

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Slovenská pošta a.s. demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 25 mars 2015, Slovenská pošta/Commission (T 556/08, non publié, ci-après l'" arrêt attaqué ", EU:T:2015:189), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision C (2008) 5912 final de la Commission, du 7 octobre 2008, concernant la législation postale slovaque relative aux services de courrier hybride (affaire COMP/39.562 - Loi postale slovaque) (ci-après la " décision litigieuse ").

Les antécédents du litige

2 Les informations figurant aux points 9 à 35 de l'arrêt attaqué, relatives à Slovenská pošta, aux antécédents du litige en première instance ainsi qu'au contenu de la décision litigieuse, peuvent être résumées ainsi pour les besoins de la présente procédure.

3 Slovenská pošta, une société anonyme détenue par l'État slovaque en tant qu'actionnaire unique, était, à la date de l'adoption de la décision litigieuse, le fournisseur des services postaux universels en Slovaquie pour lesquels elle dispose d'un monopole.

4 Au mois de novembre 2007, des membres du Parlement slovaque ont proposé une modification de la législation slovaque applicable en matière de services postaux afin que la remise du courrier hybride soit, sans ambiguïté possible, réservée à Slovenská pošta.

5 Il ressort des termes de la décision litigieuse, rappelés au point 23 de l'arrêt attaqué, que le courrier hybride est défini comme étant un service par lequel le contenu de communications est transféré électroniquement au fournisseur de services, traité électroniquement et converti en une lettre, sous forme physique, laquelle est imprimée et mise sous enveloppe avant d'être remise physiquement au destinataire.

6 La modification proposée de la législation slovaque en matière de services postaux a été adoptée le 15 février 2008 et est entrée en vigueur le 1er avril suivant.

7 Après avoir adressé, d'une part, une lettre de mise en demeure à la République slovaque et, d'autre part, plusieurs demandes de renseignements aux acteurs du marché des services postaux ainsi qu'au régulateur postal slovaque, et après avoir examiné les réponses reçues, la Commission européenne a adopté la décision litigieuse, dont le dispositif est rédigé dans les termes suivants :

" Article premier

[Les dispositions pertinentes de la législation slovaque modifiées,] l'interprétation de ces actes et de leurs versions précédentes par les autorités slovaques, en particulier par le régulateur postal, ainsi que les mesures d'exécution prises à l'encontre de certains opérateurs privés, sont contraires à l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE, dans la mesure où [elles] réservent à Slovenská pošta la remise des envois de courrier hybride, laquelle était auparavant ouverte à la concurrence et où [elles] font respecter une telle réserve.

Article 2

La République slovaque informe la Commission, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour mettre fin à la violation identifiée à l'article 1er.

Article 3

La République slovaque est destinataire de la présente décision. "

8 Ainsi que le Tribunal l'a indiqué, au point 27 de l'arrêt attaqué, dans la décision litigieuse, la Commission a relevé que Slovenská pošta était une entreprise publique qui jouissait de droits exclusifs au sens de l'article 86, paragraphe 1, CE, dès lors que la législation slovaque pertinente lui réservait le droit de distribuer certains envois postaux.

9 Au point 28 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la Commission a défini deux marchés de services pertinents, à savoir, d'une part, celui des services de courrier traditionnel et, d'autre part, celui des services de courrier hybride, ces derniers constituant un marché voisin, mais distinct du premier, car ils présenteraient des caractéristiques particulières par rapport aux services de courrier traditionnel et répondraient à des besoins différents des utilisateurs. La Commission a considéré que les marchés géographiques pertinents coïncidaient avec le territoire slovaque.

10 Ainsi qu'il ressort des points 29 à 31 de l'arrêt attaqué, la Commission a constaté que Slovenská pošta détenait une position dominante sur le marché des services de courrier traditionnel. Elle a considéré que la réservation, par la République slovaque, à Slovenská pošta de la remise des envois de courrier hybride constituait une violation de l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE. D'une part, elle a estimé que la modification de la législation slovaque pertinente avait conféré des droits exclusifs de Slovenská pošta sur l'activité de remise des envois de courrier hybride, laquelle était auparavant, de jure et de facto, ouverte à la concurrence en Slovaquie (ci-après l'" extension du monopole vers un marché voisin "). D'autre part, la Commission a considéré que la mesure étatique litigieuse avait limité les services disponibles pour les utilisateurs finaux, tels que les services de repérage et de suivi de courrier et la remise de celui-ci sept jours sur sept, bien qu'il y ait eu une demande pour de tels services (ci-après la " limitation de la prestation "). La Commission a estimé que cet abus était susceptible d'affecter le commerce entre les États membres.

11 Au point 32 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que la Commission a examiné la mesure étatique litigieuse au regard de l'article 86, paragraphe 2, CE et elle a considéré que la République slovaque n'avait pas établi que, si les services de courrier hybride avaient été laissés ouverts à la concurrence, l'accomplissement du service universel aurait été mis en échec ou, à tout le moins, qu'il n'aurait pas pu être accompli dans des conditions économiquement acceptables.

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2008, Slovenská pošta a introduit un recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse.

13 Elle a invoqué quatre moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration, en raison de l'absence d'examen approprié de tous les faits et les intérêts en cause, et de l'obligation de motivation au sens de l'article 253 CE, le deuxième, de la violation de son droit d'être entendue, le troisième, de la violation de l'article 86 CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE, et le quatrième de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Le Tribunal a rejeté tous ces moyens et, partant, le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties devant la Cour

14 Slovenská pošta demande à la Cour :

- d'annuler l'arrêt attaqué en tout ou en partie et de rendre un arrêt définitif sur le recours, annulant la décision litigieuse en tout ou en partie ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal et

- de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant le Tribunal et de la Cour, y compris les dépens des parties intervenantes.

15 La Commission demande à la Cour :

- de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé et

- de condamner Slovenská pošta aux dépens.

16 La République slovaque, partie intervenante en première instance au soutien des conclusions de Slovenská pošta, demande à la Cour :

- de faire droit au pourvoi de Slovenská pošta et

- de condamner la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

17 En vertu de l'article 181 de son règlement de procédure, lorsqu'un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, décider de le rejeter, totalement ou partiellement, par voie d'ordonnance motivée.

18 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

19 À l'appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens articulés, chacun, en deux branches. Le premier moyen est pris d'erreurs de droit et de violations des règles en matière de charge et d'administration de la preuve lesquelles auraient conduit le Tribunal à conclure à tort que la République slovaque avait violé l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE. Le second moyen est pris d'erreurs de droit, de violations des règles en matière de charge et d'administration de la preuve et d'une prétendue dénaturation d'éléments de preuve par le Tribunal lors du contrôle de la définition du marché pertinent retenue par la Commission dans la décision litigieuse.

20 Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, la seconde branche du premier moyen.

Sur la seconde branche du premier moyen

Argumentation des parties

21 Par la seconde branche de son premier moyen, Slovenská pošta conteste la conclusion du Tribunal, au point 350 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n'a pas commis d'erreur en estimant, aux considérants 150 à 155 de la décision litigieuse, que la remise du courrier hybride était accompagnée de services additionnels particuliers, notamment du service de repérage et de suivi, pour lequel il existait une demande que Slovenská pošta n'était pas en mesure de satisfaire, cela impliquant que l'extension de ses droits exclusifs au service de remise du courrier hybride avait privé les utilisateurs de ces services particuliers. En substance, la requérante avance trois arguments distincts.

22 En premier lieu, elle se réfère au point 348 de l'arrêt attaqué, lequel relève, notamment, qu'elle n'a pas apporté d'éléments afin de démontrer qu'elle offrait un service de repérage et de suivi, tel que celui décrit par la Commission dans la décision litigieuse, ni même qu'elle offrait un type de service similaire dans le cadre du courrier hybride et que, de plus, elle n'a pas étayé ses affirmations selon lesquelles elle était capable de l'offrir.

23 La requérante reproche au Tribunal une répartition erronée de la charge de la preuve, dès lors qu'il incombe clairement à la Commission de prouver la prétendue violation de l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE.

24 En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu'une entreprise n'est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour certaines activités, au sens du point 31 de l'arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C 41/90, EU:C:1991:161), en cas d'incapacité structurelle de faire face à cette demande. Dès lors qu'il n'existerait pas de motifs structurels empêchant la requérante de satisfaire la demande que présenterait le marché pour des services de repérage et de suivi de courrier hybride, ce serait à tort et à la suite d'une erreur de droit que le Tribunal a entériné la conclusion de la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle la requérante n'était manifestement pas en mesure de satisfaire cette demande.

25 En troisième lieu, la requérante conteste le point 336 de l'arrêt attaqué, selon lequel la Commission n'a pas commis d'erreur en considérant, dans la décision litigieuse, qu'il existait une demande sur le marché pour des services additionnels liés à la remise des envois postaux, tels que, à tout le moins, le service de repérage et de suivi. Selon elle, cette conclusion est fondée sur un seul appel d'offres, celui de Slovak Telekom a.s. Or, il serait contraire aux principes fondamentaux en matière de preuve d'admettre qu'un seul élément de preuve puisse démontrer à suffisance de droit un fait pertinent. Selon la requérante, le Tribunal aurait dû considérer que, en l'absence d'éléments de preuve corroboratifs, l'appel d'offres de Slovak Telekom ne constituait pas un élément de preuve suffisamment cohérent et que, partant, la Commission n'avait pas satisfait au niveau de preuve requis.

26 Dans sa réplique, la requérante précise que la seconde branche du premier moyen vise non pas à obtenir une nouvelle appréciation des preuves par la Cour, mais à faire constater des erreurs de droit commises par le Tribunal lors de l'appréciation des preuves.

27 La Commission excipe de l'irrecevabilité de la seconde branche du premier moyen qui, selon elle, vise à amener la Cour à réexaminer des constatations factuelles faites par le Tribunal. En tout état de cause, elle considère que le premier argument est fondé sur une lecture erronée de l'arrêt attaqué, alors que le deuxième procède d'une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour. Quant au troisième argument, la Commission relève qu'il n'existe, en droit de l'Union, aucun principe interdisant de se fonder sur un seul élément de preuve. Elle souligne que, en tout état de cause, la constatation contestée par la requérante n'est pas fondée sur un seul élément de preuve.

28 Le gouvernement slovaque soutient les arguments avancés par Slovenská pošta dans le cadre de la seconde branche du premier moyen et considère que celle-ci doit être accueillie. Il estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission avait établi, à suffisance de droit, que Slovenská pošta n'était manifestement pas en mesure de répondre à la demande relative au service du courrier hybride, ce qui a conduit à une violation de l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE. Selon lui, le Tribunal n'a pas correctement apprécié les preuves relatives à l'existence d'une demande et à la prétendue incapacité manifeste de Slovenská pošta de répondre à cette demande.

Appréciation de la Cour

29 Il convient de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n'est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. En revanche, le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s'étend, notamment, à la question de savoir si les règles en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C 239/11 P, C 489/11 P et C 498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

30 Le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s'étend par conséquent, notamment, à l'inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve, à la qualification juridique de ceux-ci et à la question de savoir si les règles en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C 239/11 P, C 489/11 P et C 498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

31 Or, par les premiers et troisième arguments, la requérante reproche au Tribunal, en substance, une violation des règles en matière de charge et d'administration de la preuve. Il s'ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point précédent, ces arguments sont recevables. Il en va de même du deuxième argument, par lequel la requérante reproche au Tribunal, en substance, une erreur de droit dans l'application de l'arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C 41/90, EU:C:1991:161).

32 Toutefois, quant au fond, aucun de ces arguments ne saurait prospérer.

33 S'agissant du premier argument, il y a lieu de l'écarter comme manifestement non fondé, car procédant d'une lecture erronée et retirée de son contexte du point 348 de l'arrêt attaqué. À cet égard, ce point doit être compris non pas comme un renversement de la charge de la preuve au détriment de Slovenská pošta, mais simplement comme l'énonciation du résultat de l'examen des différents arguments de celle-ci, effectué par le Tribunal aux points 339 à 347 de l'arrêt attaqué, examen qui a conduit le Tribunal a conclure qu'aucun de ces arguments n'était fondé. En effet, une lecture d'ensemble des points 337 à 348 de l'arrêt attaqué démontre que le Tribunal a, d'abord, au point 338 dudit arrêt, résumé les constatations pertinentes effectuées par la Commission dans la décision litigieuse et les éléments sur lesquels celles-ci étaient fondées et, ensuite, aux points 339 à 347 du même arrêt, analysé de manière détaillée et rejeté les différents arguments avancés devant lui par Slovenská pošta pour contester ces constatations.

34 Pour ce qui est du deuxième argument, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits exclusifs au sens de l'article 86, paragraphe 1, CE n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 82 CE. Un État membre n'enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C 41/90, EU:C:1991:161, point 29, ainsi que du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C 437/09, EU:C:2011:112, point 68).

35 Une telle pratique abusive contraire à l'article 86, paragraphe 1, CE existe, notamment, lorsqu'un État membre confère à une entreprise un droit exclusif d'exercer certaines activités et crée une situation dans laquelle cette entreprise n'est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour ce genre d'activités (arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C 41/90, EU:C:1991:161, point 31, ainsi que du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C 437/09, EU:C:2011:112, point 69).

36 Contrairement à ce qu'allègue la requérante, cette jurisprudence couvre tous les cas d'une incapacité manifeste de satisfaire la demande pour certaines activités, et non la seule hypothèse d'une incapacité " structurelle ".

37 Le Tribunal n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit en considérant, qu'il lui revenait, notamment, d'examiner si, dans le cadre de la distribution du courrier hybride, la requérante n'était manifestement pas en mesure de satisfaire la demande de services de repérage et de suivi, sans limiter cet examen à la seule hypothèse d'une incapacité structurelle. La question de savoir si la requérante n'était manifestement pas en mesure de satisfaire à ladite demande relève de l'appréciation des faits qui, conformément à la jurisprudence citée au point 29 de la présente ordonnance, échappe à la compétence de la Cour en tant que juge de pourvoi.

38 Le deuxième argument est, donc, manifestement non fondé.

39 Il en va de même du troisième argument. Conformément à la jurisprudence citée au point 29 de la présente ordonnance, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. À cet égard, aucune règle ni aucun principe du droit de l'Union n'interdisent à la Commission ou au Tribunal de se fonder sur un seul élément de preuve pour constater les faits pertinents. L'appréciation de la valeur probante de l'élément de preuve concerné et la question de savoir s'il atteste de manière certaine de l'existence du fait allégué relèvent de l'appréciation des preuves et des faits qui échappe, en principe, à la compétence de la Cour, sauf en cas de dénaturation, nullement alléguée en l'espèce.

40 Il s'ensuit qu'il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen comme étant manifestement non fondée.

Sur la première branche du premier moyen et sur le second moyen

41 Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal une erreur de droit dans l'application, au cas de l'espèce, de la jurisprudence selon laquelle lorsque l'extension de la position dominante d'une entreprise à laquelle l'État a octroyé des droits spéciaux ou exclusifs est le fait d'une mesure étatique, une telle mesure constitue une violation de l'article 86 CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE (arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C 475/99, EU:C:2001:577, point 40 et jurisprudence citée). En substance, la requérante fait valoir que cette jurisprudence vise seulement les cas où l'État, par les mesures qu'il prend, met à la disposition de l'entreprise concernée un " outil " lui permettant d'étendre sa position dominante sur un marché voisin. Elle ne trouverait pas, en revanche, à s'appliquer dans un cas, comme celui de l'espèce, où c'est l'État lui-même qui, par la création d'un nouveau monopole, réserve le marché voisin à une entreprise en position dominante.

42 Par son second moyen, la requérante conteste la définition, par la Commission, du marché pertinent, approuvée par l'arrêt attaqué. Par la première branche du second moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, d'avoir commis une erreur de droit, en omettant d'analyser l'interchangeabilité entre, d'une part, les services de courrier hybride et, d'autre part, les services de courrier ordinaire. Par la seconde branche du second moyen, la requérante invoque une dénaturation, par le Tribunal, de deux documents analysés par celui-ci dans le cadre de son examen du bien-fondé de la définition du marché pertinent retenue par la Commission.

43 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme il résulte du point 10 de la présente ordonnance, la conclusion de la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle la République slovaque a violé l'article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE, en réservant à la requérante le monopole de la remise des envois de courrier hybride, était fondée sur deux motifs distincts tenant, d'une part, à l'extension du monopole vers un marché voisin et, d'autre part, à la limitation de la prestation.

44 Or, force est de constater que ni la première branche du premier moyen ni la première ou la seconde branche du second moyen ne sont susceptibles de remettre en cause la confirmation, par le Tribunal, de la légalité du motif de la décision litigieuse relatif à la limitation de la prestation.

45 En effet, la première branche du premier moyen concerne exclusivement l'extension du monopole vers un marché voisin. Quant au second moyen, tant l'une que l'autre de ses deux branches concernent la définition du marché pertinent retenue par la Commission, tout particulièrement la question de savoir si le courrier hybride constitue un marché distinct. Cette question n'est pas pertinente pour l'appréciation du motif de la décision litigieuse relatif à la limitation de la prestation. Une telle limitation constitue un abus de position dominante quand bien même les services que l'entreprise concernée n'est manifestement pas en mesure de proposer ne relèveraient pas d'un marché distinct.

46 Or, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dès lors que l'un des motifs retenus par le Tribunal est suffisant pour justifier le dispositif de son arrêt, les vices dont pourrait être entaché un autre motif, dont il est également fait état dans l'arrêt en question, sont, en tout état de cause, sans influence sur ledit dispositif, de telle sorte que le moyen qui les invoque est inopérant et doit être rejeté (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C 496/99 P, EU:C:2004:236, point 68, et du 29 novembre 2012, Royaume-Uni/Commission, C 416/11 P, non publié, EU:C:2012:761, point 45).

47 Dans la mesure où, ainsi qu'il a été relevé au point 40 de la présente ordonnance, il convient de rejeter comme manifestement non fondée la seconde branche du premier moyen, qui seule serait de nature, si elle était fondée, à remettre en cause l'approbation, par le Tribunal, du motif de la décision litigieuse relatif à la limitation de la prestation et partant, le rejet, par le Tribunal, du recours de la requérante tendant à l'annulation de cette décision, la première branche du premier moyen et les deux branches du second moyen sont, conformément à la jurisprudence citée au point précédent, inopérantes et doivent être écartées comme telles.

48 Dès lors, en application de l'article 181 du règlement de procédure, le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

49 Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission. La République slovaque supportera ses propres dépens, conformément à l'article 184, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Slovenská pošta a.s. est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.

3) La République slovaque supportera ses propres dépens.