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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 15-13111

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

OR-N-VI (SA)

Défendeur :

Solyne (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

T. com. Paris, du 17 déc. 2010

17 décembre 2010

Exposé des faits

Madame J., aujourd'hui décédée était titulaire d'un brevet d'invention français n° 86006678 déposé le 5 mai 1986, publié le 6 novembre 1987 et délivré le 10 juillet 1992, intitulé 'Dispositif cyclique limitant les risques de contamination sur certains appareils installés en milieu hospitalier'.

Le 30 octobre 1996, Madame J. a consenti une licence exclusive d'exploitation à la société Compactage Hygiène et Developpement (ci-après CHD), désormais dénommée OR-N-VI, pour fabriquer les matériels correspondant.

Le 25 mars 1996, Madame J. a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris pour des faits de contrefaçon la société R., laquelle a appelé en intervention forcée le 31 juillet 1996 la Sarl Solyne.

Dans le cadre de cette procédure, la société CHD intervenait volontairement et demandait réparation de son préjudice consécutif à la contrefaçon et à la concurrence déloyale commise par R. et Solyne.

Une expertise était ordonnée, par décision du juge de la mise en état du 24 mars 1998.

Par jugement du 30 octobre 2002, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

- déclaré la société OR-N-VI irrecevable en son intervention volontaire aux lieux et place de la société CHD,

- constaté la validité des revendications 1 à 10 du brevet,

- dit que les sociétés R. et Solyne ont commis des actes de contrefaçon du brevet,

- leur a interdit la poursuite de tels agissements,

- nommé un expert, avant dire droit sur la réparation du préjudice,

- condamné in solidum les sociétés R. et Solyne au paiement d'une indemnité provisionnelle au profit de Madame J.,

- autorisé la publication du dispositif de la décision,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre de la concurrence déloyale,

- ordonné l'exécution provisoire du chef des mesures d'interdiction et d'expertise.

Par acte des 4 et 11 février 2003, la société OR-N-VI a assigné les sociétés R. et Solyne devant le tribunal de commerce de Paris, pour des faits de concurrence déloyale.

La société OR-N-VI ayant été mise en redressement judiciaire, Me Eric B., ès qualités alors d'administrateur judiciaire, s'est porté intervenant volontaire.

Par jugement du 25 juin 2004, le tribunal de commerce a sursis à statuer, dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur la contrefaçon.

Par arrêt du 12 juin 2009, la Cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement du 30 octobre 2002,

y ajoutant

- condamné in solidum les sociétés R. et Solyne au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, et de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné in solidum les sociétés R. et Solyne aux dépens.

Par jugement du 17 décembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit la société OR-N-VI anciennement dénommé CHD, maître B. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société, et maître R. ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de cette société irrecevables en leurs demandes et les a débouté de l'ensemble,

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres ou plus amples ou contraires, et les en a débouté,

- condamné la société OR-N-VI, Maîtres B. et R. aux dépens.

La société OR-N-VI maîtres B. et R. ont interjeté appel devant la cour d'appel de Paris.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation prononcée le 10 février 2015.

La société OR-N-VI, par conclusions du 29 juin 2015, demande à la cour de :

- déclarer la société OR-N-VI recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée à l'encontre de la Selarl Bernard B. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société R.

- réformer le jugement du 17 décembre 2010 en ce qu'il a déclaré la S.A OR-N-VI anciennement dénommée CHD irrecevable à agir et déclarer la S.A OR-N-VI anciennement dénommée CHD recevable et bien fondée dans toutes ses demandes et prétentions

Vu les articles 1382 et suivants du Code civil

- dire et juger la S.A R. et la SARL Solyne ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique au préjudice de la S.A OR-N-VI anciennement CHD

- faire défense à la S.A R. et la SARL Solyne de poursuivre les actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique à peine d'une astreinte de 15.000 euros par infraction constatée, 15 jours après la signification du jugement à intervenir, l'infraction s'entendant de chaque produit servilement copié,

- fixer judiciairement la créance de la S.A OR-N-VI anciennement CHD à l'encontre de la SA R. à la somme de 608 102,97 euros du chef de la concurrence déloyale, outre intérêts légaux depuis l'assignation du 25 mars 1996 ou à tout le moins depuis le 13 janvier 1998, date à laquelle la SA OR-N-VI a demandé par conclusions la condamnation de la SA R. au titre de la concurrence déloyale,

- condamner la SARL Solyne à payer à la S.A OR-N-VI anciennement CHD la somme de 608 102,97 euros du chef de la concurrence déloyale, outre intérêts légaux depuis l'assignation du 25 mars 1996 ou à tout le moins depuis le 13 janvier 1998, date à laquelle la SA OR-N-VI a demandé par conclusions la condamnation de la SARL Solyne au titre de la concurrence déloyale,

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux,

- autoriser la S.A OR-N-VI anciennement CHD à publier le Jugement à intervenir dans cinq journaux ou périodiques de son choix, aux frais de la SA R. et de la SARL Solyne et fixer à 4.500 euros le coût de chaque insertion,

- condamner in solidum la SAR et la Sarl Solyne à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SA R. et la SARL Solyne aux dépens incluant les frais d'expertise distraits au profit de la Me Edmond F., Avocat sur son offre de droit.

Par conclusions du 7 avril 2016, la société Solyne demande à la cour de :

- rejeter comme injustifié et non fondé l'appel formé par la société OR-N-VI, Maître R. et Maître B., à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 décembre 2010,

- confirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 30 octobre 2002 et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 12 juin 2009 ,

- déclarer l'action de la société OR-N-VI et celle de Maîtres B. et R., irrecevables et les rejeter comme telles,

Subsidiairement, sur le fond,

Vu les articles 1382 et suivants du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- débouter la société OR-N-VI, Me B. et Me R., ès qualités, de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Solyne comme injustifiées et mal fondées,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que la société R. devra relever et garantir intégralement la société Solyne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en principal frais et accessoires,

- dire et juger en tout état de cause que la société Solyne n'a fabriqué que 44 compacteurs pour le compte de la société R.,

- condamner tout succombant à verser à la société Solyne la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société OR-N-VI aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Frédéric B., Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 28 août 2015, la société B. demande à la cour de :

- recevoir la Selarl B. ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société R., et la société R. en leurs écritures et les dire bien fondées,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 décembre 2010,

- dire et juger que Maître B., ès qualités, et Maître R., ès qualités, sont irrecevables en leurs demandes et les en débouter,

- déclarer la société OR-N-VI irrecevable et mal fondée en son appel,

- la débouter de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- débouter la société OR-N-VI de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées,

- débouter la société Solyne de sa demande en garantie,

- débouter toute partie de toute demande dirigée à l'encontre des concluants,

Y ajoutant,

- condamner la société OR-N-VI au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société OR-N-VI aux entiers dépens, dont, pour les dépens, distraction au profit de Me Stéphane F., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

motivation

Sur la recevabilité de la société OR-N-VI :

La société OR-N-VI soutient que le jugement du tribunal de commerce a mal interprété les faits et la décision du tribunal de grande instance du 30 octobre 2002, qui l'avait déclarée irrecevable au motif qu'elle bénéficiait d'un contrat de licence postérieur à la saisie contrefaçon et à l'assignation, et n'avait pas publié sa licence.

Selon elle, le tribunal de grande instance l'ayant déclarée irrecevable du fait du défaut d'inscription de sa licence au registre national des brevets a considéré ne plus pouvoir statuer sur la demande en concurrence déloyale connexe à la demande en contrefaçon, s'agissant d'une absence de connexité de fait.

Elle ajoute agir sur des faits distincts tendant à sanctionner la reproduction servile des compacteurs CHD, sur laquelle le tribunal de grande instance n'a pas statué. Elle conteste toute autorité de la chose jugée sur l'irrecevabilité au titre de la concurrence déloyale, le jugement ayant dit 'n'y avoir lieu à statuer sur la demande'.

Pour la société Solyne, le jugement du 30 octobre 2002 a considéré que la société OR-N-VI n'avait pas de droit à agir pour les faits antérieurs à la signature du contrat de licence, de sorte qu'elle était irrecevable à invoquer un préjudice résultant des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale.

Elle relève que la société OR-N-VI se fonde dans la présente action sur des prétendues copies antérieures à la conclusion du contrat de licence, et que la simple reproduction servile ne suffit pas à caractériser des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon. Elle ajoute n'avoir jamais fabriqué de nouveaux compacteurs après la saisie-contrefaçon de mars 1996, de sorte que les faits invoqués par la société OR-N-VI sont ceux pour lesquels elle a été déclarée irrecevable.

La société B., désignée liquidateur de la société R. par jugement du 26 juin 2013, relève comme la société Solyne que la société OR-N-VI n'a pas fait appel du jugement du 30 octobre 2002 l'ayant déclaré irrecevable, et dont la décision a l'autorité de la chose jugée.

Elle rappelle que le contrat de licence est postérieur aux faits de contrefaçon reprochés et n'autorise pas la société OR-N-VI à agir en contrefaçon pour des faits antérieurs au contrat, de même que sa publication au registre national des brevets n'a d'effet que pour l'avenir.

Elle souligne que les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale ne sont pas distincts, et sont donc antérieurs au contrat de licence.

Sur ce

Le jugement du 30 octobre 2002 mentionne que la société CHD est intervenue volontairement à l'instance sur la base du contrat de licence exclusive du 30 octobre 1996 et a demandé réparation du préjudice consécutif à la contrefaçon et à la concurrence déloyale.

Dans sa motivation, ce jugement précise que la titulaire du brevet ne l'exploitant pas personnellement, et l'intervention de la société OR-N-VI qui a absorbé la société CHD (bénéficiaire initiale de la licence) ayant été déclarée irrecevable, la discussion sur la concurrence déloyale devient sans objet.

Son dispositif déclare la société OR-N-VI irrecevable en son intervention volontaire au lieu et place de la CHD, et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre de la concurrence déloyale.

Le contrat de licence dont se prévalait la société OR-N-VI a été conclu le 30 octobre 1996 et inscrit au registre national des brevets le 20 décembre 1996, de sorte qu'il n'était pas opposable aux tiers lorsque le tribunal de grande instance a été saisi, raison pour laquelle l'intervention volontaire de la société OR-N-VI a été déclarée irrecevable.

Du fait de cette irrecevabilité le tribunal de grande instance a déclaré la discussion sur la concurrence déloyale sans objet, la demande présentée à ce titre par la société OR-N- VI étant connexe de l'action principale irrecevable.

La décision du 30 octobre 2002 ayant dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre de la concurrence déloyale, elle n'a pas tranché la question sur ce point, de sorte qu'il ne saurait y avoir autorité de la chose jugée.

La demande présentée par la société OR-N-VI dans le cadre de la présente instance porte sur des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, et la reproduction servile de son compacteur comme le fait de se placer dans le sillage d'une société pour profiter de ces investissements se distinguent du grief de contrefaçon de brevet invoqué devant le tribunal de grande instance.

Par conséquent, la demande présentée par la société OR-N-VI au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme sera déclarée recevable.

Sur les demandes :

La société OR-N-VI soutient que la CHD a développé depuis 1986 un compacteur pour déchets destiné aux hôpitaux, qui a demandé des investissements importants et a été régulièrement amélioré. Elle relève que le compacteur proposé par la société R. est la copie quasiment servile du sien, sans qu'une norme ou une nécessité fonctionnelle ne le justifie, présente des caractéristiques du compacteur CHD sans les utiliser, utilise des documents techniques dressés pour le compacteur CHD alors qu'il ne correspond pas à ces plans.

Elle ajoute que l'expert missionné n'a relevé que de très faibles écarts entre les deux compacteurs en cause, et évoque un surmoulage. Elle relève que l'objet social de la société Solyne ne porte pas sur la fabrication ou le montage de machines.

La société Solyne soutient que les appareils de marque R. présentent des différences essentielles par rapport à ceux de la société CHD qui empêchent la confusion. Elle ajoute que les critiques relatives à la reprise de la note technique ne la concernent pas, s'agissant d'une note de la société R., n'étant intervenue qu'en tant que sous-traitant de cette société.

Elle souligne le fait que la société R. revendique la qualité de fabricant du compacteur et a pris seule l'initiative de fabriquer les compacteurs qu'elle a commandés à la société Solyne en lui fournissant un modèle à reproduire.

Elle soutient n'avoir pas exploité les compacteurs fabriqués pour la société R., qui était seule bénéficiaire des faits de concurrence déloyale, lesquels ne sont pas constitués à son égard et pour lesquels elle devra en tout état de cause être garantie par la société R..

Pour sa part, la société B. se fonde sur le plan de continuation de la société OR-N-VI pour en déduire que maîtres B. et R. ne sont plus qualité ni intérêts à agir.

Elle relève qu'ayant cessé de fabriquer et de commercialiser des produits en cause depuis la saisie contrefaçon réalisée le 25 mars 1996, la demande est irrecevable et sans objet.

Sur ce

Maître B. ès qualités et maître R. ès qualités n'apparaissant plus dans la cause, les dernières conclusions étant prises au seul nom de la société OR-N-VI, la demande de rejet de leurs demandes est sans objet.

Il est justifié que depuis l'année 1987 la société CHD a développé un compacteur de déchets hospitaliers.

Ainsi sont versés des plans de compacteurs portant l'indication manuscrite de 1988 et 1990, un document de présentation de ses produits portant un encart 'oscar de l'emballage 1987' sur lequel est déjà référencé le compacteur CHD80, des documents commerciaux, un descriptif de son système de compactage portant un cachet de 1989, des factures de son compacteur CHD 80 de l'année 1987...

La société CHD a conclu le 10 septembre 1987 un contrat avec une GIE dont faisait partie la société R. par lequel elle concédait aux membres de ce GIE la vente de matériels dont des compacteurs.

De plus, depuis sa création en 1986, la société CHD devenue depuis OR-N-VI a eu pour activité déclarée au K-Bis la 'fabrication de matériel de laboratoire industriel, matériel de compactage...'.

Les pièces versées par la société Solyne montrent que la société R. lui a commandé la fabrication de compacteurs portant notamment la référence CC11, la société R. ayant obtenu auprès de l'APHP le marché de location-maintenance des compacteurs.

La société Solyne ne verse aucune pièce technique ou plan sur l'élaboration du compacteur qu'elle a fabriqué, ces pièces les plus anciennes sont de 1996 à l'exception du cahier des clauses administratives particulières et du règlement de consultation de l'APHP de 1994.

De la même façon, la Selarl B. ne produit aucune pièce portant sur un quelconque processus d'élaboration du compacteur qu'elle a vendu à l'APHP.

Il ressort de la comparaison du document intitulé 'descriptif et avantages du système de compactage CHD' avec la marque d'un tampon à encre humide datant du 11 mai 1989, et du dossier technique joint au certificat de conformité du 13 juin 1994 du matériel de la société R., que le document R. reprend des passages entiers du document CHD (pièces appelantes 13 et 14), notamment un schéma hydraulique réalisé en 1990 par la société Nauder dont il n'est pas contesté qu'il a été réalisé pour la société CHD, la société Nauder attestant n'avoir jamais été en relation avec la société R..

Ces faits de reprise des données techniques dans un document diffusé par la société R. sont ainsi établis à l'encontre de cette société.

Par ailleurs, les planches de photographies produites montrent que les compacteurs portant la marque R. sont quasiment identiques à ceux portant la marque CHD.

Ainsi, l'emplacement des vis et rivets, la position des poignées et leurs formes, la disposition de la porte principale et de la petite porte ainsi que du bouton poussoir sont les mêmes.

La tige du vérin présente une conception et une forme identique sur les deux compacteurs, la place de l'interrupteur de la clé et du câble d'alimentation sont aussi identiques.

Le rapport d'expertise réalisé à la suite de l'ordonnance du 24 mars 1998 rappelle que la société CHD devenue OR-N-VI a construit le compacteur CHD80, et le compare avec le compacteur CC11 fabriqué par la société Solyne et vendu sous le nom de la société R., dont la société OR-N-VI soutient qu'il est la copie servile du sien.

Lors de ces travaux, l'expert a pris 71 mesures sur les deux compacteurs, et constaté que 59 étaient identiques, l'écart pour les 12 mesures restantes allant de 3 à 20 millimètres.

L'expert judiciaire en a déduit que 'les deux comparateurs ont bien le même aspect extérieur pouvant suggérer l'existence d'un surmoulage', même s'il n'y a pas reproduction intégrale des côtes des appareils, et les sociétés intimées ne peuvent contester la crédibilité de ce rapport au motif qu'il ne contient pas de planches photographiques.

Il importe de relever que la société CHD avait conclu le 12 octobre 1993 avec la société ACFP un contrat d'approvisionnement exclusif par lequel elle s'engageait à lui acheter exclusivement les châssis et la tôlerie pour la fabrication et le montage des compacteurs CHD80, et qu'au cours de l'expertise judiciaire la société Solyne a indiqué que la société ACFP serait son sous-traitant pour la tôlerie de châssis du compacteur CC11.

De leur côté les sociétés intimées ne produisent pas de pièces contestant la reprise des caractéristiques du compacteur de la CHD par ceux qu'elles ont fabriqués et commercialisés.

Les quelques différences avancées par la société Solyne, comme l'absence de gaine extérieure et la présence d'un tube intérieur, l'absence de filtre 'micrométrique', l'emplacement du papier désodorisant et de la grille de ventilation ou l'absence d'étanchéité de la zone 'compactage', ne sauraient justifier l'absence de reprise par le compacteur des intimées des caractéristiques de celui de la société CHD, ce d'autant que la société OR-N-VI conteste la reproduction servile du châssis de son compacteur.

De même, le fait que les produits soient de couleurs différentes n'est pas de nature à contester la reprise des éléments du compacteur de la société CHD par celui fabriqué par la société Solyne pour le compte de la société R..

Le fait pour la société R. de reprendre les documents techniques et schémas élaborés par la société CHD, pour les sociétés R. et Solyne d'avoir servilement reproduit le compacteur de cette société sans avoir à engager des frais de développement et en profitant de ses investissements, caractérise des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, la société OR-N-VI ayant justifié des investissements pour développer ces produits.

En effet, le fait pour la société Solyne de proposer un compacteur identique à celui de la société OR-N-VI, sans justifier d'aucun processus d'élaboration, révèle la fraude aux droits de cette société, ce alors qu'elle avait pour sous-traitant le fournisseur de la société OR-N-VI pour les châssis et tôles de son propre compacteur.

Il en est de même pour la société R. de revendiquer et de vendre sous son nom le compacteur frauduleux en utilisant la documentation et les données techniques de la société OR-N-VI.

S'agissant de la réparation du préjudice subi, la société OR-N-VI soutient qu'au moins 182 compacteurs litigieux ont été cédés, et se fonde sur un certificat de conformité dressé pour un de ces compacteurs CC11 portant le numéro 182.

Elle ajoute subsidiairement que le nombre de 63 compacteurs pourraient être retenu.

Pour autant, il n'est pas justifié que le numéro de 182 soit un numéro de série concernant les seuls compacteurs, la société Solyne revendiquant la fabrication d'autres appareils.

Les différentes commandes, accusé de réception de commande et factures versées intervenues entre les sociétés R. et Solyne en 1996 portent sur 44 compacteurs.

Ainsi la société R. a passé commande de 44 compacteurs le 8 janvier 1996 auprès de la société Solyne, qui a accusé réception de cette commande le 8 janvier 1996. La société R. a proposé un planning d'enlèvement de ces compacteurs, selon 6 dates allant du 22 février au 28 mars 1996, et la société Solyne produit 6 factures portant sur un total de 44 compacteurs sur chacune de ces dates (pièces 1, 2, 5, 6).

Avant la première livraison, la société R. a demandé à la société Solyne d'indiquer sur une plaque un numéro de série 57, alors que la commande pour l'APHP n'était que de 44 compacteurs, de sorte que ce nombre n'apparaît pas suffisamment établir le nombre d'appareils construit pas la société Solyne.

Aussi, et au vu de la concordance des pièces 1, 2, 5 et 6 de la société Solyne entre elles, il convient de retenir un nombre de compacteurs en cause de 44, comme l'a du reste retenu la cour d'appel dans son arrêt du 12 juin 2009.

Si la société OR-N-VI fait état d'une marge moyenne de 21917 francs par compacteur, la cour relève qu'elle proposait deux types de compacteur, le CHD 80 étant le plus petit.

Par ailleurs, faute de justifier de ces prix, il n'est pas établi qu'elle aurait reçu la commande des 44 compacteurs fabriqués par la société Solyne pour le compte de la société R., et destinés à l'APHP.

Au vu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation en condamnant les sociétés R. et Solyne au paiement de la somme de 80 000 euros.

Les intérêts légaux courront à compter du 4 février 2003, date de la délivrance de l'acte introductif.

Faute de justifier que les produits en cause sont toujours distribués, et au vu de l'ancienneté des faits, il ne sera pas fait droit aux demandes d'interdiction et de publication.

Si la société Solyne relève que la reproduction des documents techniques et des schémas du compacteur de la société OR-N-VI est le seul fait de la société R., il convient de retenir la solidarité entre les deux sociétés intimées, la faute provenant de la vente du matériel compacteur et la fourniture de documents techniques accompagnant cette vente.

La demande de la société Solyne, qui demandait à être garantie par la société R., laquelle selon elle revendique la qualité de fabriquant du compacteur, lui a fourni le modèle de compacteur et a passé le contrat avec l'APHP, elle-même n'étant qu'un exécutant matériel, sera rejetée, en l'absence de clause de garantie contractuelle.

Les intimées seront condamnées au paiement des dépens, et l'équité commande de fixer à 5000 euros le montant de leur condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en ce compris les frais d'expertise.

Par ces motifs : Déclare la société OR-N-VI recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée à l'encontre de la Selarl Bernard B. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société R.Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 décembre 2010 en ce qu'il a déclaré la société OR-N-VI irrecevable à agir et la déclare recevable,Dit que les sociétés R. et Solyne ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique au préjudice de la société OR-N-VI anciennement CHD,

Fixe judiciairement la créance de la société OR-N-VI à l'encontre de la SA R. à la somme de 80 000 euros du chef de la concurrence déloyale, outre intérêts légaux depuis l'assignation du 4 février 2003,Condamne la société la SARL Solyne à payer à la société OR-N-VI la somme de 80 000 euros du chef de la concurrence déloyale, outre intérêts légaux depuis l'assignation du 4 février 2003,Ordonne la capitalisation des intérêts légaux,

Rejette les autres demandes, Condamne in solidum les sociétés R. et Solyne à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés R. et Solyne aux dépens dont distraction au profit de maître Edmond F., Avocat sur son offre de droit.