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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 27 juillet 2016, n° 16-00748

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Carnicas Kiko (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mmes Diximier, Janson

Avocats :

Mes Declety, Saint-Cricq

T. com. Dax, du 16 févr. 2016

16 février 2016

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Vu le contredit formé le 1er mars 2016 par Monsieur Juan X du jugement prononcé le 16 février 2016 par le Tribunal de commerce de Dax,

Vu les dernières conclusions de la SA Carnicas Kiko en date du 25 mars 2016,

Vu la fixation de l'affaire à l'audience du 24 mai 2016 en application de l'article 905 du Code de procédure civile,

Soutenant que le 20 novembre 2008, il aurait souscrit un contrat de distribution exclusive à Orkoien Navarre (Espagne) avec la société Carnicas Kiko, société espagnole qui lui aurait causé des préjudices et s'appuyant sur les dispositions du Règlement CE n° 593/2008 qui prévoit en son article 4.1 § f que : le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle, Monsieur Juan X, a fait assigner, par acte d'huissier en date du 22 avril 2015, ladite société devant le Tribunal de commerce de Dax aux fins de l'entendre condamner à lui payer les sommes de:

. 35 041,45 euro en réparation d'un préjudice financier subi et de pénalités dont il aurait eu à s'acquitter pour l'année 2012 ;

. 22 167,69 euro en réparation d'un préjudice financier subi et de pénalités dont il aurait eu il s'acquitter pour l'année 2013 ;

. 15 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice subi pour atteinte à son image ;

. 314 117,55 euro en réparation de frais de transports injustement supportés ;

. 381 453 euro à titre de dommages intérêts en réparation d'un préjudice subi pour une absence de promotion ;

. 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 16 février 2016, le tribunal de commerce a :

. constaté l'absence de contrat de distribution au profit de Monsieur X,

. dit et jugé que les relations commerciales entre les parties se sont limitées à une vente de marchandises en Espagne,

. dit et jugé que le contentieux relève de la compétence d'une juridiction étrangère et qu'il n'y a pas lieu à désigner la juridiction de renvoi en application des dispositions de l'article 96 du Code de procédure civile,

. renvoyé les parties à se mieux pourvoir,

. condamné Monsieur X à payer à la société Carnicas Kiko une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Par acte déposé au greffe du Tribunal de commerce de Dax le 1er mars 2016, Monsieur Juan X a formé un contredit.

Moyens et prétentions des parties :

Par contredit en date du 1er mars 2016, Monsieur Juan X demande à la cour :

. Vu le règlement CE du Conseil n° 593/2008 du 17 juin 2008,

. vu le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000,

. vu les articles 1134 et suivants, 1142 et suivants, 1184 et 1604 et suivants du Code civil,

. vu les articles 80 et suivants du Code de procédure civile,

. de le déclarer recevable et bien-fondé dans son contredit,

. de réformer en toutes ses dispositions le jugement attaqué notamment en ce qu'il a fait droit à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société intimée et a jugé que le contentieux relève de la compétence d'une juridiction étrangère,

. de rejeter l'exception d'incompétence territoriale laquelle est dépourvue de tout fondement,

. de dire et juger que le Tribunal de commerce de Dax est territorialement compétent pour statuer sur le litige l'opposant à la société intimée,

. de renvoyer la procédure devant le Tribunal de commerce de Dax pour qu'il soit statué sur le fond du litige,

. de condamner la société intimée à lui payer une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir qu'il est inscrit en qualité de commerçant au RCS de Dax sous le n° 330 867 771, qu'il exerce son activité commerciale sous le nom commercial et l'enseigne " Acopal ", qu'il a toujours exercé son activité de distributeur des produits Carnicas Kiko sur le territoire français en son nom personnel, qu'il n'a jamais eu l'intention de tromper son cocontractant qui d'ailleurs n'a jamais été trompé sur son interlocuteur et qu'il a signé le contrat de distribution du 20 novembre 2008 avec Carnicas Kiko en cette qualité.

Il en veut pour preuve notamment l'avant-contrat signé le 5 juin 2008 qui précise qu'il agit en son nom personnel et en représentation de l'entreprise de distribution de produits alimentaires Acopal.

Il soutient que le numéro RCS de Monsieur X à titre personnel et celui de la société sont les mêmes et qu'il n'a jamais existé de société Acopal.

Il considère que la garantie qui lui a été accordée par la banque dans cette opération en son nom personnel, les courriers échangés avec Carnicas Kiko, les factures, les bons de livraison émis, la lettre de rupture du contrat et la lettre en réponse que lui a adressée ladite société démontrent que lors de la conclusion du contrat, il agissait en son nom personnel.

Par conclusions en date du 25 Mars 2016, la société Carnicas Kiko demande à la cour :

. de confirmer la décision dont contredit ;

. de constater l'absence de contrat de distribution au profit de Monsieur X ;

. de dire et juger que les relations commerciales entre les parties se sont limitées à une vente de marchandises en Espagne ;

. de dire et juger que le contentieux relève de la compétence du tribunal espagnol de Pampelune ;

. de dire et juger le contredit abusif et de condamner Monsieur X à payer à société une somme de 10 000 euro pour procédure abusive ;

. de condamner le même à lui payer une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que Monsieur X n'est titulaire d'aucun contrat de distribution à titre personnel dans la mesure où il s'est présenté en qualité de représentant légal d'une société commerciale sans existence légale avant le 24 février 2015 et qu'il exploitait en réalité une entreprise individuelle dénommée Acopal.

Elle soutient qu'il existe au plus un contrat de vente de marchandises qui s'est effectué sur le territoire espagnol, Monsieur X, de nationalité espagnole, venant se fournir en Espagne et assurant le transport.

Elle prétend qu'une plainte pénale est en cours d'élaboration pour l'usage de la fausse qualité de gérant de la société Acopal destiné à la tromper afin de tenter d'éviter de payer les factures dues.

L'affaire a été fixée à l'audience du 24 mai 2016 en application de l'article 905 du Code de procédure civile.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

SUR CE

I - SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

Sur le fondement de l'article 5 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, applicable aux contrats conclus antérieurement au 17 décembre 2009 :

" Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

1. a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est:

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas... "

En l'espèce, il convient de relever qu'un contrat dénommé par les parties " contrat de de distribution " a été conclu le 20 novembre 2008 entre la société Acopal - désignée comme " distributeur dont le siège social est [...] représentée par Monsieur Juan X, représentant commercial n° 330 867 771 00 058 et n° de licence (APE) 4639 B et avec tous les pouvoirs conférés par Acopal, société constituée conformément à la législation française et titulaire du n° d'identification fiscale FR 94 330 867 771 " - et la SA Carnicas Kiko, société de droit espagnol, désignée comme fabricant.

Il en résulte donc qu'une des parties - la partie distributrice - était domiciliée sur le territoire français, que les marchandises devaient être livrées en France et que les frais de transport jusqu'à la plateforme de distribution en France étaient à la charge du fabricant.

En application des dispositions sus-rappelées, les obligations étant remplies en France, seules les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaître du litige.

Il convient en conséquence d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement attaqué et de dire que le Tribunal de commerce de Dax est compétent pour statuer sur le litige, après avoir vérifié notamment la qualité à agir du demandeur.

II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Carnicas Kiko - qui succombe dans la démonstration du préjudice résultant pour elle de la présente procédure - sera déboutée de ses prétentions en dommages intérêts.

En application de l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens de la présente instance seront supportés par Carnicas Kiko qui succombe dans ses prétentions.

Il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Dax prononcé le 16 février 2016, Rejette l'exception d'incompétence territoriale formée par la société Carnicas Kiko SA, Déclare le Tribunal de commerce de Dax compétent pour statuer sur le litige opposant Monsieur Juan X et la société Carnicas Kiko SA, Renvoie l'affaire devant le Tribunal de commerce de Dax, Y ajoutant, Déboute la société Carnicas Kiko SA de sa demande en dommages intérêts, Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Carnicas Kiko SA aux dépens.