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Décisions

Commission, 16 mai 2012, n° M.6286

COMMISSION EUROPÉENNE

Résumé de la décision

déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l'accord EEE - SÜDZUCKER/ ED&F MAN

Commission n° M.6286

16 mai 2012

I. LES PARTIES

(1) Südzucker, la partie notifiante, est une entreprise agroalimentaire allemande présente dans les secteurs suivants: production et commercialisation de sucre, additifs alimentaires, produits alimentaires surgelés, articles alimentaires en portions, production de bioéthanol, concentrés et préparations à base de jus de fruits. Le segment du sucre couvre la production de sucre blanc de betterave ainsi que le raffinage du sucre de canne brut et la commercialisation du sucre et des sous-produits du sucre. Südzucker produit du sucre dans 29 usines de betterave sucrière et trois raffineries en Allemagne, Belgique, Bosnie-Herzégovine, France, Pologne, Autriche, Slovaquie, République tchèque, Hongrie, Moldavie et Roumanie.

(2) ED & F Man (ci-après "EDFM") est principalement une entreprise active dans le négoce de matières premières. Sa gamme de produits comprend le sucre, les sous-produits liquides issus de la production de sucre tels que la mélasse (segment des produits liquides), le café, les huiles tropicales et les biocarburants.

(3) Südzucker et EDFM sont désignées ci-après comme les "parties", tandis que Südzucker est désignée ci-après comme la "partie notifiante".

II. L'OPÉRATION

(4) Le 19 septembre 2011, la Commission a reçu une notification formelle, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations, d'un projet d'acquisition, par Südzucker, de 24,99 % du capital d'EDFM (ci-après l'"opération envisagée").

(5) En vertu des points 54 à 57 de la communication juridictionnelle, un actionnaire minoritaire peut acquérir le contrôle exclusif sur la base de circonstances de droit s'il obtient la possibilité d'exercer une influence déterminante sur la stratégie commerciale de l'autre entreprise. La convention de souscription et les statuts accordent à Südzucker un droit de veto spécial sur les décisions stratégiques, en particulier en ce qui concerne le budget annuel, le plan d'affaires et la nomination des administrateurs. Par conséquent, l'opération envisagée conférerait à Südzucker le contrôle exclusif d'EDFM.

(6) L'opération envisagée constitue dès lors une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

III. RÉSUMÉ

(7) Sur la base de son enquête menée au cours de la première phase, la Commission a émis de sérieux doutes quant à la compatibilité de l'opération envisagée avec le marché intérieur et a, par décision adoptée le 9 novembre 2011, engagé la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

(8) Le 14 février 2012, la Commission a adopté une communication des griefs en vertu de l'article 18 du règlement sur les concentrations. Le 28 février 2012, Südzucker a répondu à cette communication des griefs.

(9) Le 5 mars 2012, une audition s'est tenue pour donner à la partie notifiante la possibilité d'exercer ses droits de la défense. SFIR, en qualité de tiers, a également assisté à l'audition.

(10) Le 24 janvier 2012, Südzucker a proposé une première série d'engagements. À la suite de la communication des griefs et des résultats de l'enquête de marché, ces engagements ont été modifiés et une version actualisée des engagements a été présentée à la Commission le 16 mars 2012. Le 30 mars 2012, les parties ont apporté quelques éclaircissements et améliorations à la version définitive de la série d'engagements.

(11) Par conséquent, le 16 mai 2012, la Commission a adopté une décision d'autorisation conditionnelle en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

IV. EXPOSÉ DES MOTIFS

(12) Südzucker est le plus grand producteur de sucre européen et EDFM est le deuxième plus grand négociant en sucre mondial. EDFM est également actif dans le secteur de la production de sucre en Europe par l'intermédiaire de deux raffineries: la raffinerie de Brindisi, dans le sud de l'Italie, une entreprise commune avec SFIR, et la raffinerie de DAI à Coruche (Portugal). Leurs activités se chevauchent ou peuvent se chevaucher dans les catégories suivantes: i) la fourniture de sucre blanc en Italie et en Grèce, ii) la fourniture de sucre de canne brut préférentiel dans l'EEE et iii) la fourniture de mélasse dans plusieurs États membres, essentiellement en Europe centrale.

(13) Quelle que soit la délimitation précise du marché, l'opération envisagée ne soulève pas de problèmes de concurrence en ce qui concerne la fourniture de sucre de canne brut préférentiel, la fourniture de mélasse et la fourniture de sucre blanc en Grèce. Cependant, l'opération envisagée soulevait des problèmes de concurrence au regard de la fourniture de sucre blanc en Italie.

A. Les marchés de produits en cause

Introduction au secteur du sucre

(14) Le sucre (le terme approprié étant "saccharose") est l'édulcorant le plus commun. Il se trouve dans de nombreux aliments naturels (fruits et légumes, par exemple), mais ne peut être extrait que de la betterave sucrière, qui se cultive en Europe et ailleurs et est transformée en sucre localement, ou de la canne à sucre, qui se cultive dans les climats plus tropicaux.

(15) Actuellement, 80 % de la production mondiale de sucre provient de la canne à sucre, tandis que le sucre consommé dans l'Union européenne est encore principalement du sucre de betterave. Toutefois, depuis la réforme du régime du marché du sucre dans l'Union en 2006, un plus grand pourcentage de la production de l'Union provient du sucre de canne brut.

(16) L'organisation commune du marché, dont le règlement (CE) no 1234/2007 fixe les principes, réglemente la fourniture de sucre. Le régime du marché du sucre a été créé en 1967 en vue d'assurer un revenu équitable aux producteurs communautaires et de stabiliser le marché. Les producteurs de l'Union pouvaient vendre du sucre à des prix garantis, à savoir les prix d'intervention, lesquels, au cours de la période 1996-2006, dépassaient largement le prix du marché mondial. Des quotas de production répartis entre les États membres permettaient de maintenir la production globale dans certaines limites. Des taxes à l'importation s'appliquaient à la production extérieure et les excédents de sucre étaient exportés et subventionnés par des restitutions à l'exportation.

(17) Une décision négative de l'OMC qui condamne en particulier les subventions à l'exportation a conduit à la réforme du régime du marché du sucre en 2006, laquelle était destinée à accroître la compétitivité dans le secteur du sucre, à stabiliser les marchés, à garantir la sécurité de l'approvisionnement en sucre et à améliorer l'orientation du secteur vers le marché en réduisant certains obstacles réglementaires.

(18) La réforme du marché du sucre en 2006 présentait les caractéristiques principales suivantes: i) une réduction considérable de la production globale de betterave sucrière en Europe par un abandon massif de quotas; ii) la suppression des prix d'intervention; iii) l'accès aux marchés en franchise de droits pour les pays les moins développés (ci-après les "PMD") et pour les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les pays "ACP") à partir du 1er octobre 2009; iv) la suspension des restitutions à l'exportation pour le sucre à compter de septembre 2008; v) la limitation des exportations à la seule production hors quota; et vi) la mise en place d'un fonds de restructuration temporaire afin de financer les paiements compensatoires pour les abandons volontaires de quotas de production.

(19) Les abandons de quotas ont conduit à une forte réduction du nombre d'États membres producteurs de sucre, ce qui a entraîné une augmentation des échanges à l'échelle de l'Union européenne et un renforcement de la concurrence à travers les frontières. En outre, de très nombreux États membres de l'Union européenne, dont l'Italie, sont devenus des pays déficitaires en sucre de l'Union, leur consommation dépassant leur production intérieure de betteraves.

(20) Puisque la réforme du secteur du sucre de l'Union européenne a été lancée en 2006/2007, il était prévu de satisfaire la demande intérieure de l'Union, oscillant entre 16,7 et 17,1 millions de tonnes par an, par les quotas de production de sucre de betterave des États membres, s'élevant à 13,3 millions de tonnes, le reste étant couvert par le sucre importé depuis les partenaires commerciaux préférentiels traditionnels. Toutefois, depuis le lancement de la réforme, cela n'a pas été le cas, notamment parce que les importations escomptées des PMD et des pays ACP ont été en deçà des attentes de la Commission, et par conséquent les niveaux des stocks de quotas ont progressivement diminué.

(21) À l'heure actuelle, l'Union européenne peut importer le sucre de canne brut destiné au raffinage depuis des pays tiers au titre des régimes douaniers suivants: i) importations de sucre en provenance de PMD et de pays ACP (initiative "Tout sauf les armes" et accords de partenariat économique); ii) contingents CXL; iii) contingents tarifaires exceptionnels; et iv) autres régimes douaniers concernant l'importation de sucre.

(22) L'accès au sucre de canne brut originaire de PMD et de pays ACP ou couvert par des contingents CXL est essentiel et stratégique pour les producteurs de sucre de l'Union européenne, car il s'agit du seul sucre de canne brut qui peut être importé dans l'Union sans droits et quantités prohibitifs. Cependant, en 2010, seuls 2,55 millions de tonnes de sucre de canne brut préférentiel (y compris le sucre brut en provenance de PMD et de pays ACP et le sucre brut couvert par des contingents CXL) ont été importés dans l'EEE, soit moins que ce qui était nécessaire pour pleinement satisfaire la demande européenne.

(23) En outre, la réforme du marché du sucre en 2006 a conduit à une réduction du nombre d'acteurs sur le marché, renforçant ainsi la tendance à la concentration qui existait déjà dans le secteur du sucre de l'Union européenne. La tendance à l'intégration verticale et horizontale des principaux producteurs de sucre de l'Union se ressent toujours sur le marché.

Définition du marché du sucre blanc

(24) S'agissant du marché de produits en cause, l'enquête de marché a confirmé, pour l'Italie, les décisions précédentes de la Commission qui définissent séparément les marchés de produits pour la fourniture de sucre blanc aux transformateurs industriels et le marché de la fourniture de sucre blanc aux détaillants.

(25) L'enquête de marché a révélé que le passage de la production du sucre blanc vendu aux transformateurs industriels au sucre blanc vendu aux détaillants pourrait ne pas être économiquement viable, comme l'indique la partie notifiante, puisque ce processus pourrait nécessiter des investissements considérables et présenterait également le risque d'une perte de clientèle. Du point de vue de la demande, il existe également une faible substituabilité entre les produits vendus aux détaillants et ceux qui sont vendus à des clients industriels.

(26) En ce qui concerne le marché géographique en cause, contrairement à ce que la partie notifiante a déclaré, l'enquête de marché a confirmé que le marché géographique de la fourniture de sucre blanc est national. Les clients et les concurrents établis en Italie ont confirmé les décisions précédentes de la Commission ainsi que les décisions des autorités nationales de la concurrence. (27)

Du point de vue de la demande, i) dans la grande majorité des cas, les clients industriels achètent du sucre auprès de fournisseurs établis en Italie, signent des contrats nationaux et ne s'approvisionnent pas directement à l'étranger; ii) les quelques grands acteurs qui font des achats transnationaux auprès d'acteurs transeuropéens doivent payer des prix "italiens" pour leurs achats italiens; iii) les clients industriels achètent à l'échelle nationale parce que la sécurité et la régularité de l'approvisionnement, et donc la proximité des installations de stockage, sont des facteurs déterminants pour les transformateurs industriels et les détaillants; et iv) si les clients s'approvisionnent auprès de plusieurs sources, ils changent rarement de fournisseur principal. Ces caractéristiques de la demande signifient que les fournisseurs qui souhaitent rivaliser avec succès sur le marché global des clients industriels en Italie doivent avoir accès à une base de clients établie, posséder un réseau développé de distribution et de logistique et disposer d'une bonne connaissance des conditions de marché locales et nationales.

(28) Du point de vue de l'offre, i) les producteurs de sucre de betterave en Italie doivent respecter des quotas de production fixes et non négociables qui sont établis à l'échelle nationale; ii) la grande quantité des importations en Italie est la conséquence directe du système de quotas, qui limite la production de sucre de betterave en Italie, et n'est pas en soi un indicateur de la pression concurrentielle exercée sur les producteurs italiens par les acteurs étrangers; iii) les producteurs étrangers opèrent en Italie essentiellement au travers d'entreprises communes créées avec des acteurs italiens bien établis, ce qui tend à montrer que le marché italien présente des caractéristiques distinctes des autres marchés d'Europe, car, dans le cas contraire, les grands producteurs européens vendraient tout simplement et directement en Italie et ne s'engageraient pas dans des accords d'entreprise commune qui les obligent à partager les bénéfices; iv) au cours des dernières années, la stratégie de Südzucker en Italie a consisté à faire concurrence avec des prix bas, ce qui est donc très différent de sa stratégie suivie en Allemagne ou en France, où Südzucker a maintenu des prix élevés; dans un marché plus large que le marché national, l'arbitrage transnational aurait tenu en échec ces stratégies distinctes; v) les documents internes des parties indiquent les stratégies nationales de commercialisation par État membre; vi) les documents internes des parties indiquent les programmes de vente et la fixation des prix au niveau national; vii) la délimitation du marché le long des frontières nationales est reflétée et renforcée par des clauses de non-concurrence qui prennent l'Italie comme territoire de référence dans les accords d'entreprise commune; et viii) un document du Bundeskartellamt indique également une définition du marché national pour l'Allemagne, avec des arguments qui revêtent la même pertinence et la même cohérence pour le marché italien.

(29) En outre, l'arbitrage n'estompe pas les différences de prix entre l'Italie et l'Allemagne ou la France, comme on devrait s'y attendre dans le même marché géographique, et des divergences importantes de parts de marché entre un État membre et un autre, même lorsque les États membres sont voisins, indiquent l'existence de marchés nationaux en raison de stratégies nationales d'approvisionnement et de production.

Sucre de canne brut

(30) La fourniture de sucre de canne brut est un marché en amont de la production et de la fourniture de sucre blanc dans l'Union européenne. Les deux parties sont actives dans la fourniture et la livraison de sucre de canne brut aux raffineries européennes (en amont) et dans la production et la fourniture de sucre blanc dans l'EEE (en aval).

Définition du marché du sucre de canne brut préférentiel

(31) Conformément aux conclusions de la décision ABF/Azucarera (affaire M.5449), il a été considéré que la fourniture de sucre de canne brut représente un marché de produits en cause distinct de celui de la betterave sucrière. Cependant, il ne peut être exclu qu'une distinction supplémentaire doive être opérée entre le sucre de canne brut préférentiel (y compris les sucres de canne bruts provenant de PMD et de pays ACP ou couverts par des contingents CXL et des contingents tarifaires) et d'autres régimes.

(32) En ce qui concerne le marché géographique en cause, le marché de l'approvisionnement en sucre de canne brut préférentiel couvre au moins les PMD et pays ACP et pourrait également comprendre les principaux pays fournisseurs de sucre de canne brut dans le cadre des contingents CXL et des contingents et droits tarifaires préférentiels tels que le Brésil, Cuba et l'Australie. Toutefois, la question de savoir si le marché pourrait être encore plus large - pour couvrir éventuellement le monde entier - peut être laissée ouverte, car, en tout état de cause, l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux, quelle que soit la portée exacte du marché géographique en cause.

Mélasse

(33) La mélasse est un sous-produit du processus de raffinage du sucre et elle n'est soumise à aucun régime de réglementation. Il existe deux types de mélasse, issus soit de la transformation de la canne à sucre (mélasse de canne à sucre), soit de la transformation de la betterave sucrière (mélasse de betterave).

Définition du marché de la mélasse

(34) L'enquête de marché n'a pas confirmé les arguments des parties selon lesquels le marché de produits en cause pour la mélasse englobe la fourniture de mélasse de betterave et de mélasse de canne à sucre, indépendamment de l'application finale. Cependant, la question de savoir si le marché de la mélasse doit être délimité davantage peut être laissée ouverte, car aucun problème de concurrence ne se poserait, quelle que soit la définition précise du marché.

(35) En ce qui concerne le marché géographique en cause, la partie notifiante est d'avis que le marché de la mélasse couvre au moins le territoire de l'EEE. L'enquête de marché n'a pas été concluante pour ce qui est de la portée géographique du marché. Bien qu'elle ait fourni quelques indications selon lesquelles le marché pourrait - au moins pour la mélasse de betterave - être plus restreint que le territoire de l'EEE avancé par la partie notifiante, elle montre aussi clairement que, du point de vue de la clientèle, les frontières nationales ne sont pas pertinentes lors de la recherche de fournitures. Toutefois, tandis que l'enquête de marché a révélé que le marché peut couvrir le territoire de l'EEE, aux fins de la décision, la question de la portée exacte de la définition du marché géographique de la mélasse peut être laissée ouverte, car aucun problème de concurrence ne se poserait, quelle que soit la définition du marché retenue (entre des marchés nationaux ou le territoire de l'EEE).

B. Appréciation sous l'angle de la concurrence

Introduction

(36) La Commission a procédé à une enquête approfondie de la structure et du fonctionnement de l'approvisionnement des marchés du sucre blanc, de la fourniture de sucre de canne brut et de la fourniture de mélasse concernés par l'opération envisagée. En conséquence, la Commission a constaté que l'opération envisagée est susceptible d'entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective par des effets non coordonnés et la création d'une position dominante sur le marché de la fourniture de sucre blanc aux transformateurs industriels en Italie.

1. Fourniture de sucre blanc

Italie

i) Fourniture de sucre blanc aux transformateurs industriels

Structure du marché

(37) Südzucker est l'acteur principal du marché italien en ce qui concerne la fourniture de sucre blanc aux transformateurs industriels. EDFM contrôle conjointement avec SFIR les ventes de sucre blanc en provenance de la raffinerie de Brindisi aux transformateurs industriels, ce qui en fait également un acteur important du même marché de produits en Italie.

(38) En outre, Südzucker et EDFM sont des concurrents géographiquement proches. Contrairement à leurs concurrents, tous deux disposent d'installations de stockage et vendent du sucre blanc à des transformateurs industriels et des détaillants dans l'ensemble du territoire italien.

(39) À la suite de l'opération envisagée, les parties détiendraient des parts de marché cumulées d'au moins [50 à 60] % sur le marché de la vente de sucre blanc aux transformateurs industriels en Italie, auxquelles s'ajouterait une augmentation significative (estimée de manière prudente à [10 à 20] %).

(40) Par conséquent, dans un secteur déjà concentré, on assisterait à une poursuite de la consolidation, qui éliminerait davantage la concurrence entre deux proches concurrents et installerait un leader du marché inégalé par ses concurrents.

Contraintes en matière de capacités

(41) L'opération envisagée réunirait les deux acteurs les plus dynamiques d'Italie, qui enregistrent également la croissance la plus rapide. Südzucker et EDFM sont les deux concurrents qui peuvent le plus facilement adapter leurs quantités et leurs ventes sur le marché italien.

(42) Après l'opération, Südzucker et EDFM auraient un intérêt à retirer des quantités et à augmenter les prix en Italie, et elles en auraient la possibilité.

(43) En outre, l'enquête de marché a démontré que, bien que certains acteurs du marché soient bien établis au niveau des infrastructures, des relations avec la clientèle ou des partenariats particuliers avec un fournisseur de sucre, les concurrents auraient une capacité limitée d'augmenter l'offre en cas de hausse des prix sur le marché italien du sucre blanc, mais n'auraient aucun intérêt à le faire ni aucune intention de le faire.

(44) Il a été conclu que les concurrents, établis en Italie ou hors d'Italie, sont confrontés à des contraintes en matière de capacités et sont dès lors peu susceptibles d'augmenter l'offre si les prix augmentent, et donc de contrer un tel comportement sur le marché de l'entité issue de la concentration, comme expliqué ci-dessus.

Puissance d'achat compensatrice

(45) Le marché du sucre italien étant déficitaire et les prix du sucre pratiqués en Italie étant élevés par rapport aux prix du sucre dans d'autres États membres de l'Union européenne, la sécurité de l'approvisionnement est essentielle pour les clients sur le plan de la quantité comme de la qualité.

(46) L'enquête de marché a montré que les acheteurs italiens de sucre ne considèrent pas qu'ils détiennent une puissance d'achat importante vis-à-vis de leurs fournisseurs de sucre et il est peu probable qu'ils aient la possibilité de changer de fournisseur de sucre.

(47) Par conséquent, il a été conclu qu'aucune puissance d'achat compensatrice ne peut être attribuée aux acheteurs italiens de sucre dans la relation avec leurs fournisseurs de sucre et qu'ils ne constituent pas, en ce sens, une pression concurrentielle sur les producteurs et fournisseurs de sucre italiens, y compris les parties.

Improbabilité d'entrées sur le marché

(48) L'enquête de marché n'a pas confirmé le point de vue de la partie notifiante selon lequel il n'y aurait aucun obstacle pertinent aux entrées sur ce marché.

(49) Les concurrents ont fait valoir que le marché italien se caractérise par des obstacles relativement élevés à l'entrée sur le marché, l'accès aux intrants étant le principal obstacle à l'entrée sur le marché dans un environnement de marché déficitaire. L'enquête de marché a également confirmé que le marché du sucre nécessite des connaissances locales, des canaux de distribution et des coûts d'investissements élevés.

(50) En outre, l'enquête de marché n'a révélé aucune entité intéressée par une entrée sur le marché de la fourniture de sucre blanc aux transformateurs industriels en Italie. Au contraire, le marché italien du sucre blanc se caractérise plutôt par des sorties du marché dues à la rareté des intrants essentiels.

(51) Par conséquent, il a été conclu que les entrées sur le marché en cause ne sont ni probables ni opportunes.

ii) Fourniture de sucre blanc aux détaillants

(52) Les parts de marché cumulées des parties restent inférieures à [30 à 40] % sur le marché de la fourniture de sucre blanc aux détaillants.

(53) L'enquête de marché a démontré que l'opération envisagée n'entrave pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché de la fourniture de sucre blanc aux détaillants en Italie.

Grèce

(54) L'enquête de marché a confirmé qu'EDFM ne vend pas de sucre blanc en Grèce. En ce qui concerne la probabilité qu'EDFM ait pu constituer un concurrent potentiel en Grèce, il n'existe aucun élément qui atteste que cette dernière soit susceptible d'entrer sur le marché grec du sucre blanc dans un proche avenir.

2. Fourniture de sucre de canne brut préférentiel

(55) En dépit de la véritable pénurie de sucre de canne brut préférentiel disponible pour l'EEE et bien qu'EDFM soit un important acteur indépendant sur ce marché, l'opération envisagée n'est pas susceptible d'avoir des répercussions sur les autres acteurs compte tenu i) des faibles quantités et pourcentages de sucre de canne brut préférentiel actuellement fournis par les parties à des tiers; ii) de la présence d'un grand nombre d'acteurs déjà intégrés verticalement; iii) du rôle moindre d'EDFM en tant que négociant indépendant au cours des dernières années; iv) de la présence d'autres opérateurs bien établis, en particulier pour la fourniture de sucre couvert par des contingents CXL, qui pourraient facilement remplacer EDFM si cette dernière cessait de fournir ses quantités actuelles aux raffineries de tiers; et v) de la faible demande potentielle de Südzucker pour du sucre de canne brut en franchise de droits et de contingents destiné à ses raffineries.

(56) Par conséquent, il est conclu que l'entité issue de la concentration n'aura ni la capacité de restreindre l'accès au sucre de canne brut préférentiel pour ses concurrents sur le marché en aval de la production de sucre blanc, ni intérêt à le faire. En outre, compte tenu du pourcentage élevé de ventes captives des parties et de la rareté du sucre de canne brut préférentiel, l'entité issue de la concentration n'aura ni la capacité de restreindre l'accès au sucre de canne brut préférentiel pour les clients de l'EEE, ni intérêt à le faire.

3. Fourniture de mélasse

(57) Les activités des parties se chevauchent en ce qui concerne la fourniture de mélasse destinée au secteur de la fermentation ou aux agriculteurs et acheteurs d'aliments pour animaux. Selon la définition du marché géographique, les marchés concernés pourraient couvrir à la fois le territoire de l'EEE et les territoires nationaux.

(58) Si le marché est défini comme englobant le territoire de l'EEE, l'entité issue de la concentration détiendra une part de marché de [30 à 40] % sur le marché global de la mélasse (comprenant la mélasse de betterave et la mélasse de canne à sucre) pour toutes les applications. Si le marché est délimité selon l'application de la mélasse, l'opération envisagée n'apportera aucune modification importante à la structure du marché pour la demande très volatile de mélasse destinée aux aliments pour animaux. En ce qui concerne la fourniture de mélasse au secteur de la fermentation, l'entité issue de la concentration détiendra une part de marché combinée d'environ [40 à 50] % ([20 à 30] % pour Südzucker et [10 à 20] % pour EDFM). Toutefois, aucun doute motivé n'a été soulevé pour ce qui est des répercussions de l'opération envisagée sur les clients du secteur de la fermentation lors de l'enquête de marché.

(59) En Autriche, les activités des parties se chevauchent uniquement en ce qui concerne la fourniture de mélasse aux producteurs d'aliments composés pour animaux. Lors de l'enquête de marché, les fabricants d'aliments composés pour animaux ont indiqué que l'opération envisagée n'affecterait pas leur accès à la mélasse ni le prix de celle-ci. Compte tenu de l'importance des clients du secteur de la fermentation en tant que source stable et fiable de demande, il est peu probable que l'entité issue de la concentration soit en mesure d'agir indépendamment de ses clients et concurrents.

(60) En République tchèque, Südzucker et EDFM ne sont pas de proches concurrents. En outre, le manque de capacités de stockage dédiées à la mélasse d'EDFM en République tchèque limite la capacité de celle-ci à jouer sur le marché un rôle important autre que celui de la distribution du produit.

(61) En Belgique, Südzucker et EDFM approvisionnent des clients différents. Südzucker approvisionne essentiellement des clients du secteur de la fermentation. L'enquête de marché a confirmé que les clients du secteur de la fermentation ont d'autres fournisseurs et disposent du savoir-faire nécessaire pour s'approvisionner auprès de tiers ou directement auprès de pays d'origine hors de l'EEE. Dans le secteur des aliments pour animaux, EDFM détient des parts de marché semblables à celles d'autres acteurs du marché. Lors de l'enquête de marché, aucun groupe de clients n'a soulevé de doutes motivés.

(62) En France, la présence d'EDFM est très limitée ([0 à 5] % des ventes totales de mélasse), ce qui s'ajoute à la part de marché modeste [20 à 30] % de Südzucker.

(63) En Allemagne, Südzucker et EDFM ne représentent qu'un faible pourcentage des ventes de mélasse destinée à la production d'aliments pour animaux. En ce qui concerne la mélasse fournie au secteur de la fermentation, les parties sont toutes deux présentes ([20 à 30] % pour Südzucker et [10 à 20] % pour EDFM) et font face à une concurrence d'une puissance comparable. Lors de l'enquête de marché, tous les clients du secteur de la fermentation ont confirmé qu'ils s'approvisionnaient actuellement auprès de plusieurs sources pour satisfaire leurs besoins de mélasse et que, si l'entité issue de la concentration appliquait un prix plus élevé à la mélasse, ils chercheraient d'autres fournisseurs.

(64) En Slovaquie, Südzucker et EDFM ne sont pas de proches concurrents. Les activités des parties se chevauchent essentiellement en ce qui concerne la fourniture de mélasse aux agriculteurs, lesquels ont confirmé, lors de l'enquête de marché, qu'il est facile de remplacer la mélasse par d'autres composants alimentaires.

(65) À la lumière des éléments qui précèdent, il est conclu que l'opération envisagée n'est pas susceptible d'entraîner des problèmes de concurrence en ce qui concerne la fourniture de mélasse dans l'EEE ou au niveau national.

V. ENGAGEMENTS

(66) Afin de remédier aux problèmes de concurrence observés causés par l'opération envisagée, les parties ont proposé des engagements en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Les engagements définitifs acceptés comme une réponse aux problèmes de concurrence relevés par la Commission ont été présentés le 30 mars 2012.

(67) Les engagements définitifs comprennent: i) la cession par EDFM de toutes les parts qu'elle détient actuellement dans la raffinerie de Brindisi, correspondant à [...] % des parts en circulation de la raffinerie de Brindisi; et ii) le transfert de l'avantage économique des contrats relatifs au sucre de canne brut. EDFM a également souscrit certaines garanties en ce qui concerne les contrats relatifs au sucre de canne brut.

(68) Par conséquent, les parties s'engagent, en plus de céder les parts détenues par EDFM dans la raffinerie de Brindisi, à transférer l'avantage économique des contrats relatifs au sucre de canne brut au nouvel acheteur, et se réservent le droit de choisir les modalités de ce transfert afin de garantir que la raffinerie de Brindisi reste le bénéficiaire final des quantités et prix actuellement stipulés dans les contrats relatifs au sucre de canne brut.

(69) L'ensemble définitif de mesures correctives remédie donc clairement aux problèmes de concurrence relevés, car il prévoit i) la cession des parts actuellement détenues par EDFM dans la raffinerie de Brindisi; et ii) le transfert de l'avantage économique des contrats relatifs au sucre de canne brut.

VI. CONCLUSION

(70) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission conclut dans sa décision que la concentration envisagée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

(71) En conséquence, il y a lieu de déclarer la concentration compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.

(1) JO L 24 du 29.1.2004, p. 1.