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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 31 août 2016, n° 14-05788

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Société Civile De Construction Vente Medoc 2005, FcomFree (SARL), Stellium Immobilier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barrailla

Conseillers :

Mmes Coudy, Fabry

TGI Bordeaux, du 3 juin 2014

3 juin 2014

Par acte authentique du 16 décembre 2005, monsieur Hassan R. et son épouse, née Leila S., ont acquis auprès de la Sccv Médoc 2005, par l'intermédiaire de la société Stellium Immobilier, un appartement en l'état de futur achèvement sis à [...], au prix de 142 090,00 euro.

La livraison a eu lieu au mois de septembre 2006.

Se plaignant d'une rentabilité inférieure aux prévisions, s'agissant d'un produit de défiscalisation, les époux R., par actes des 19, 20 et 21 février 2013, ont assigné la Sccv Médoc 2005, la société Stellium Immobilier et la société FcomFree, commercialisateurs ou présentés comme tels, la Société Générale, organisme prêteur, et la CNP, assureur, devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité de la vente pour dol et se voir allouer des dommages et intérêts.

La Sccv Médoc 2005, la société Stellium Immobilier et la société FcomFree ont opposé à la demande fondée sur le dol la prescription quinquennale applicable aux nullités relatives.

Par jugement du 3 juin 2004, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des époux R. sur le fondement des articles L. 111-1, L. 121-21 à L. 121-33, R. 121-3 à R. 121-6 du Code de la consommation et L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation,

- rejeté la demande de prescription s'agissant du dol,

- débouté monsieur et madame R. de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles,

- condamné les époux R. aux dépens.

A l'appui de leurs demandes indemnitaires ou de restitution, les époux R. invoquaient successivement le dol, le manquement à l'obligation de conseil dont les défendeurs étaient tenus en vertu du Code de la consommation et le non-respect des dispositions dudit Code et du Code de la construction et de l'habitation relatives au démarchage à domicile.

Le Tribunal a écarté la prescription en ce qui concerne le dol.

Il a considéré en revanche que l'action en nullité fondée sur la violation des dispositions du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation étaient prescrites, s'agissant de nullités relatives car fondées sur un ordre public de protection, et soumises à la prescription quinquennale.

Le Tribunal a constaté que le contrat de réservation était du 27 mai 2005 et jugé que cette date constituait le point de départ de l'action en nullité fondée sur le non-respect des règles du Code de la consommation régissant le démarchage à domicile et du Code de la construction et de l'habitation régissant le délai de rétractation.

Sur le fond, le Tribunal a estimé que le dol n'était pas constitué.

Indépendamment de leur action en nullité, monsieur et madame R. sollicitaient l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement délictuel, à raison des fautes commises par les défendeurs.

Le Tribunal a rejeté cette demande après avoir constaté :

- qu'il ne pouvait rien être demandé à la société FcomFree qui n'avait pas participé à l'opération,

- que les époux R. ne rapportaient la preuve d'aucune faute dolosive à la charge de la Sccv Médoc 2005 et de la société Stellium Immobilier susceptible d'engager leur responsabilité délictuelle, l'existence d'une telle faute ayant été exclue lors de l'examen de l'action en nullité pour dol,

- que l'absence du nom du démarcheur dans le contrat préliminaire et la remise par les époux R. d'un chèque de 1 500,00 euro étaient dépourvues de tout lien de causalité avec le préjudice invoqué,

- que les époux R. ne pouvaient utilement invoquer l'absence de notification à l'un d'eux du contrat de réservation et des anomalies affectant le bordereau de rétractation, alors qu'ils avaient reconnu dans l'acte authentique avoir reçu notification de ce contrat, du projet d'acte authentique et avoir bénéficié du délai légal de réflexion.

Monsieur et madame R. ont relevé appel de ce jugement le 7 octobre 2014.

Par ordonnance du 5 juin 2015, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement des époux R. à l'égard de la Société Générale et de la CNP, et prononcé le dessaisissement partiel de la Cour.

Par conclusions du 23 juillet 2015, monsieur et madame R. demandent à la Cour de :

- leur donner acte de ce qu'ils se désistent de leur demande en nullité de l'acte authentique de vente, et par voie de conséquence de leur demande en nullité des contrats de prêt consentis par la Société Générale et en résiliation des contrats d'assurance souscrits auprès de la CNP et affectés aux prêts,

- infirmer le jugement entrepris,

- dire et juger que la Sccv Médoc 2005, la société Stellium Immobilier et la société FcomFree ont manqué à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil,

- dire et juger qu'elles ont violé les dispositions impératives du Code de la consommation régissant le démarchage à domicile et les dispositions de l'article L 271-1 du Code de la construction et de l'habitation,

condamner in solidum la Sccv Médoc 2005 et les sociétés FcomFree et Stellium Immobilier à leur payer la somme de 58 054,00 euro à titre de dommages et intérêts,

faire application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la Sccv Médoc 2005 et les sociétés FcomFree et Stellium Immobilier au paiement de la somme de 9 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Les époux R. précisent qu'ils ne sollicitent plus devant la Cour la nullité de la vente ni la résolution du contrat de prêt et la résiliation du contrat d'assurances, mais qu'ils limitent leur demande à l'allocation de dommages et intérêts fondés sur le manquement du vendeur et des commercialisateur à leur obligation d'information et leur devoir de conseil, et également sur la violation des règles régissant le démarchage à domicile et la protection de l'acquéreur immobilier non professionnel.

Les époux R. soutiennent que leurs demandes ne sont pas prescrites car :

- s'agissant d'une action en responsabilité entre commerçants et non commerçants, ou entre non commerçants, elle était soumise avant la loi du 17 juin 2008 à la prescription décennale ou trentenaire, et a été introduite dans ces délais par rapport à la date du contrat de réservation (27 mai 2005) ;

- en toute hypothèse, le point de départ du délai est postérieur à cette date dans la mesure où il est constitué par la réalisation du dommage ou sa révélation à la victime, ce qui n'a été le cas qu'après que le logement soit demeuré vacant pendant une longue période.

Les appelants soutiennent que contrairement à ce qui leur est opposé, leur demande en dommages et intérêts n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile dans la mesure où elle avait déjà été formalisée dans le dispositif de leurs conclusions de première instance.

Ils ajoutent qu'ils sont recevables à rechercher la responsabilité de la société FcomFree, car ils ont été démarchés à leur domicile par monsieur Le C., qui s'est présenté en qualité de gérant de cette dernière et n'est donc pas intervenu à titre personnel.

Sur le fond, les époux R. considèrent que la venderesse et ses mandataires ont manqué à leur devoir d'information et de conseil, dans la mesure où :

- les sociétés Stellium Immobilier et FcomFree leur ont donné des informations inexactes sur le potentiel locatif du bien implanté dans une commune du Médoc de 3 500 habitants, sans avoir réalisé une étude du marché locatif local, ont vendu l'immeuble à un prix nettement supérieur à sa valeur, et ont présenté comme certain un avantage fiscal qui était soumis à la réalisation de plusieurs conditions ;

- la Sccv Médoc 2005 a elle aussi engagé sa responsabilité en participant, via les brochures éditées, à la présentation fallacieuse de l'opération, et se trouve de plein droit responsable des fautes de ses commercialisateurs en application de l'article L. 121-29 du Code de la consommation.

Les appelants soutiennent par ailleurs que le non-respect des règles du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ne sont pas seulement sanctionnées pénalement ou par la nullité du contrat, mais qu'elles ouvrent droit à des dommages et intérêts, et que les irrégularités affectant le contrat de réservation n'ont pas été couvertes par la signature de l'acte authentique de vente dans la mesure où ils n'ont appris que postérieurement à sa signature qu'ils avaient été démarchés illégalement.

Monsieur et madame R. observent également que les dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation relatives au délai de rétractation n'ont pas été respectées dans la mesure où la venderesse ne démontre pas qu'elle ait notifié la réservation à chacun d'eux.

Sur le préjudice, la somme réclamée de 58 054,00 euro se décompose en :

- une indemnité de 27 000,00 euro correspondant au prix payé en trop par rapport à la valeur réelle du bien,

- la somme de 5 300,00 euro pour perte de gain fiscal en 2011 et 2012,

- la somme de 12 754,00 euro au titre des pertes locatives durant les périodes de vacance, après déduction de l'indemnité d'assurance limitée à un plafond de 12 mois de loyers,

- la somme de 3 000,00 euro en compensation des baisses de loyers auxquelles les époux R. ont dû consentir,

- la somme de 10 000,00 euro pour préjudice moral.

Par conclusions du 4 mars 2015, la Sccv Médoc 2005 soulève à titre principal la prescription de l'action des époux R. sur tous les fondements invoqués, et sollicite à titre subsidiaire la confirmation du jugement ainsi qu'en tout état de cause, la condamnation des appelants à lui payer la somme de 9 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la prescription, elle considère que les époux R. sont irrecevables à invoquer des fautes au titre de la violation des dispositions du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation, alors que les actions en nullité fondées sur cette violation sont prescrites ; qu'en ce qui concerne l'article 1147 du Code civil, les manquements invoqués au devoir d'information sont nécessairement antérieurs au contrat de vente signé le 16 décembre 2005.

Sur le fond, la Sccv Médoc 2005 conteste être de plein droit responsable avec la société Stellium Immobilier et la société FcomFree. Elle ajoute que les agissements de ces dernières ne lui sont pas imputables et qu'elle n'est pas intervenue à ce stade. Elle conteste par ailleurs en toute hypothèse tout manquement à un éventuel devoir d'information et de conseil.

Par conclusions du 6 avril 2016, la société Stellium Immobilier demande à la Cour de :

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande indemnitaire des époux R., une telle demande étant absente du dispositif de ses dernières conclusions de première instance,

- déclarer prescrite l'action des appelants, ces derniers ayant eu nécessairement connaissance du manquement qu'ils allèguent dès la fin de la première année de vacance locative (soit en septembre 2007),

- sur le fond, débouter monsieur et madame R. de leurs demandes,

- les condamner au paiement d'une somme de 5 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Stellium Immobilier fait valoir qu'elle n'est pas un conseiller en gestion de patrimoine mais un simple agent immobilier, que les époux R. ont bénéficié de l'information des différentes législations protectrices applicables, que la commune de Saint Laurent de Médoc était éligible au dispositif de Robien, de sorte qu'une étude locative n'était pas nécessaire, que toutes les informations ont été données par monsieur Le C. ainsi que par les plaquettes et différents documents remis aux intéressés, qu'il n'y a pas eu violation des dispositions du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation et enfin que les appelants ne justifient d'aucun préjudice indemnisable.

Par conclusions du 8 avril 2016, la société FcomFree demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur et madame R. de leurs demandes,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- statuant à nouveau, condamner les époux R. à lui payer les sommes de 3 000,00 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive et 7 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société FcomFree expose qu'elle n'est pas intervenue dans l'opération et que sa responsabilité ne peut donc être engagée. Elle indique que tout au plus son gérant, monsieur Le C., apparaît en qualité de " déposant " (et non de " conseiller ") sur la fiche de dépôt de prêt, et que les conditions du mandat apparent ne sont pas réunies pour lui permettre d'engager en son nom la société FcomFree. Elle ajoute que les trois courriers dont se prévalent devant la Cour monsieur et madame R., signés par monsieur Le C. sous l'en-tête de la société FcomFree, sont postérieurs au contrat de réservation et au contrat de vente.

La société FcomFree soutient ensuite que l'action des époux R. est prescrite.

Subsidiairement, elle affirme qu'aucun manquement à une éventuelle obligation d'information ne saurait lui être reproché. En effet, son gérant, monsieur Le C., a réalisé une simulation financière non contractuelle, et n'a pris aucun engagement en ce qui concerne le potentiel locatif du bien ou sa valeur patrimoniale. Par ailleurs, il a agi comme mandataire de la société Omnium Conseil (devenue Stellium Immobilier) sur la base des documents édités par cette dernière, et il appartenait aux époux R. de faire preuve d'un minimum de prudence et de diligence en se renseignant sur le bien qu'ils achetaient.

La société FcomFree ajoute qu'elle n'est pas venue démarcher les époux R. à leur domicile et que les dispositions régissant la matière ne lui sont donc pas applicables.

Sur le préjudice, la société FcomFree rappelle notamment que le préjudice fiscal ne s'analyse qu'en une perte de chance, dont l'indemnisation ne saurait atteindre l'intégralité de la perte fiscale enregistrée.

L'ordonnance de clôture, prononcée le 11 avril 2016, a été rabattue à l'audience par mention au dossier, avant l'ouverture des débats, avec l'accord des avocats de la cause.

Motifs :

Il sera donné acte aux époux R. de ce qu'ils ne demandent plus que soit prononcée la nullité de l'acte de vente, étant précisé qu'ils se sont déjà désistés, ce qui a été constaté par le conseiller de la mise en état, de leurs demandes dirigées contre la Société Générale et la CNP en ce qui concerne la demande de résiliation des contrats de prêt et d'assurance résultant de l'éventuelle annulation de la vente.

- Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Stellium Immobilier en raison du caractère nouveau de la demande :

Monsieur et madame R. exposent qu'ils fondent désormais leurs demandes sur la responsabilité civile de droit commun. Ils visent exclusivement, dans le dispositif de leurs conclusions les articles 1147 du Code civil, L. 111-1, L. 120-1, L. 120-2, L. 121-21 et suivants, R. 121-3 et suivants du Code de la consommation, L. 271-1 et R. 261-30 du Code de la construction et de l'habitation.

Pour autant, l'action des époux R. est de nature quasi-délictuelle en ce qu'elle tend à obtenir des intimés réparation des préjudices causés par leur dol, le non-respect de certaines dispositions d'ordre public du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation, et un manquement à leur obligation d'information et de conseil.

La société Stellium Immobilier soulève l'irrecevabilité des demandes de monsieur et madame R. en ce qu'elles ont été présentées pour la première fois devant la Cour sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, alors qu'une telle demande n'avait pas été reprise de manière autonome dans le dispositif de leurs conclusions de première instance.

L'examen du dispositif des dernières conclusions remises et notifiées par les époux R. devant le Tribunal de grande instance amène cependant à constater qu'il était demandé au Tribunal de condamner la Sccv Médoc 2005, la société FcomFree et la société Stellium Immobilier à payer des dommages et intérêts aux demandeurs après avoir constaté qu'avaient " participé ou profité du dol ou encore failli à leur devoir de renseignement le promoteur et les mandataires commerciaux, et qu'en tout état de cause, leurs agissements (avaient) causé un préjudice aux acquéreurs. "

Il apparaît ainsi que le Tribunal, qui a d'ailleurs statué sur cette demande dans son jugement, avait été saisi de prétentions visant à mettre en jeu la responsabilité délictuelle des défendeurs ou de certains d'entre eux.

L'article 564 du Code de procédure civile n'exige pas que pour ne pas encourir l'irrecevabilité prévue par ce texte et ne pas être qualifiée de nouvelle, une prétention doive être formulée en première instance de manière autonome et non comme l'accessoire ou la conséquence d'une autre demande présentée à titre principal. Il en résulte que les demandes des époux R. ne sont pas nouvelles au sens de ce texte et que la fin de non-recevoir soulevée par la société Stellium Immobilier doit être écartée.

- Sur la prescription :

Les demandes fondées sur le dol ne sont pas prescrites car l'action dont elles sont issues, de nature extra-contractuelle telle que présentée devant la Cour, se prescrivait par dix ans, aux termes de l'article 2270-1 du Code civil, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui a unifié les délais de prescription contractuelle et délictuelle qu'elle a portés à cinq ans. En l'espèce, si dans l'hypothèse la plus défavorable aux époux R., l'on prend pour point de départ de la prescription la date de signature du contrat de vente, soit le 16 décembre 2005, ces derniers disposaient pour agir d'un délai expirant le 16 décembre 2015. A l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, ce délai s'est trouvé ramené au 19 juin 2013. L'action a par suite été introduite dans les délais de la loi et ne se trouve pas prescrite.

Il en est de même pour les prétentions fondées d'une part sur les dispositions du Code de la consommation relatives aux caractéristiques essentielles du bien vendu, d'autre part sur celles du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation relatives au démarchage à domicile, dont le non-respect n'est pas invoqué devant la Cour au soutien d'une action en nullité, laquelle serait soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du Code civil pour les nullités relatives, mais au soutien d'une action en responsabilité extra-contractuelle visant à sanctionner la faute commise par la Sccv Médoc 2005, la société Stellium Immobilier et la société FcomFree à l'origine du préjudice dont les époux R. souhaitent obtenir réparation.

La prescription sera également écartée pour les demandes fondées sur le manquement au devoir d'information et de conseil, dont la conscience par les époux R. est nécessairement postérieure de plusieurs mois, voire plusieurs années, à la livraison du bien intervenue en septembre 2006. En toute hypothèse, l'action introduite au mois de février 2013 n'est pas prescrite puisque les époux R. disposaient avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 d'un délai de trente ans pour agir en matière contractuelle et de dix ans pour agir en matière délictuelle, de sorte que leur action, par l'effet de l'intervention de la loi nouvelle, ne se prescrivait que le 19 juin 2013.

- Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société FcomFree :

Les époux R. affirment avoir été démarchés par la société FcomFree, représentée par son gérant monsieur Le C., pour la réalisation de leur projet immobilier.

Il est établi et nullement contesté que monsieur Le C. était effectivement le gérant de cette société. Néanmoins, à l'époque des contrats de réservation et de vente (27 mai et 16 décembre 2005), il apparaissait également, sur le site Société.com, comme exerçant en son nom personnel une activité d'auxiliaire de service financier, et il avait signé le 27 septembre 2000 une convention de collaboration avec la société Conseil Finance, devenue par la suite société Stellium Immobilier. En revanche, aucun des documents contractuels ne fait mention de l'intervention de la société FcomFree. Tout au plus, la fiche de dépôt de prêt mentionne-t-elle le nom de monsieur Le C. comme " déposant ", sans indication de la société FcomFree, qui ne figure pas davantage dans la case relative à l'identité du " conseiller ".

Dans ces conditions, et ainsi que l'a relevé le Tribunal, la possession par les époux R. d'une carte de visite faisant apparaître le nom de la société FcomFree ne suffit pas à établir que dans la transaction litigieuse, monsieur Le C. soit intervenu comme mandataire de cette dernière.

Dans le même ordre d'idées, il ne peut être tiré de l'indication par monsieur Le C., dans son profil Linkedin 2015, qu'il a exercé une activité de conseil en matière d'investissement pour le compte de la société FcomFree entre les années 2000 et 2009, la conséquence qu'il ait représenté cette société dans l'opération immobilière réalisée par monsieur et madame R..

Les trois courriers produits par les appelants, en date des 21 juin 2006, 8 mars 2010 et 22 mars 2010 ne sont pas probants sur la réalité de l'intervention de la société FcomFree dans la transaction. En effet, ces courriers sont postérieurs au contrat de réservation et à la signature de l'acte authentique de vente. Les deux premiers visent à proposer aux acquéreurs la souscription d'une garantie locative et de réévaluer le prêt contracté auprès du Crédit Foncier. Ils ne permettent pas d'établir que la société FcomFree soit intervenue au stade de la formation du contrat de vente. Le dernier a été signé par monsieur Le C. à titre personnel, et non en qualité de gérant de la société FcomFree, et fait référence à l'acquisition du bien des époux R. par l'intermédiaire de la société Omnium Finance, devenue société Stellium Immobilier. A aucun moment dans ce courrier, il n'est fait référence à une intervention de la société FcomFree comme commercialisateur dans l'opération immobilière litigieuse.

Il ne peut être considéré que la possession par les époux R. d'une carte de visite au nom de la société FcomFree et l'existence d'un " profile " internet associant monsieur Le C. à la société FcomFree constituent des éléments propres à établir que monsieur Le C. aurait agi dans le cadre d'un mandat apparent pour le compte de la société FcomFree. En effet, au-delà de ces simples indices, les époux R. ne démontrent pas que dans les relations d'affaires qu'ils ont eues avec monsieur Le C., ce dernier se soit présenté comme agissant ou ait donné l'apparence d'agir au nom de la société FcomFree, et aucun document contractuel ou précontractuel ne mentionne l'existence de cette société. Par suite, les époux R. ne prouvent pas les circonstances d'où résulterait l'apparence. Les lettres à en-tête de la société FcomFree ne peuvent constituer un élément induisant l'existence d'un tel mandat, dans la mesure où elles sont postérieures au contrat de réservation et au contrat de vente.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la société FcomFree après avoir retenu qu'elle n'avait aucunement participé à l'opération critiquée.

- Sur les manquements de la société Stellium Immobilier et de la Sccv Médoc 2005 à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil :

Les époux R. soutiennent que la société Stellium Immobilier et la Sccv Médoc 2005 ont manqué à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil en ce qui concerne le potentiel locatif du bien, sa valeur patrimoniale et la teneur du dispositif de défiscalisation qu'elles les ont incités à choisir.

Si la plaquette publicitaire du programme " le Jardin des Templiers " donne de l'immeuble une description flatteuse en indiquant notamment qu'il est promis à " une forte demande locative ", cette présentation qui a pour objectif avoué de convaincre les acquéreurs potentiels de s'engager dans l'opération, ce que les époux R. ne pouvaient ignorer, n'excède pas la mesure d'un document publicitaire non contractuel destiné à favoriser la commercialisation d'un bien. Il appartenait aussi aux époux R. de ne pas s'arrêter à la description nécessairement favorable donnée par la brochure et de prendre des renseignements complémentaires sur le potentiel locatif d'une commune de 3 500 habitants située dans le Médoc, dans une zone rurale à vocation exclusivement viticole, relativement éloignée de la grande ville la plus proche, en l'occurrence Bordeaux. En effet, les époux R., qui exercent tous deux la profession de médecin, étaient des contractants suffisamment avisés pour savoir que le marché locatif d'une commune rurale non touristique est sans commune mesure avec celui d'une ville touristique ou d'une agglomération importante.

Le dossier de réservation fait état d'un loyer HT de 521,00 euro, mais ce montant n'est pas garanti puisque figure la mention, sous les signatures de la Sccv Médoc 2005 et de la société Omnium Gestion : " Nous nous engageons donc à tout mettre en œuvre pour louer cette opération sur la base de cette grille ", ce qui démontre qu'aucun engagement ferme n'a été pris concernant le montant du loyer, qui était dès lors davantage présenté comme un objectif à atteindre dans le cadre d'une obligation de moyens que comme une garantie de perception par les acquéreurs en vertu d'une obligation de résultat. En toute hypothèse, les époux R. ne pouvaient ignorer que le montant des loyers était nécessairement fluctuant en fonction de l'offre et de la demande locative, et qu'il pouvait exister des périodes de carence et de vacance locative. Monsieur et madame R. pouvaient d'autant moins ignorer l'existence de tels risques qu'ils avaient souscrit une assurance garantissant la perte financière consécutive à l'absence de loyer résultant de la non location des locaux assurés.

C'est par suite à juste titre que les premiers juges ont estimé que les caractéristiques du bien acquis "apparaissent sur la fiche d'identification générale, la fiche de pré-réservation et le dossier de réservation, permettant d'appréhender de manière satisfaisante la situation et la nature du bien vendu."

Les époux R. ne démontrent pas que la baisse du prix du loyer qu'ils ont consentie au moment où ils ont reloué l'immeuble soit imputable à un manquement de la société Stellium Immobilier et de la Sccv Médoc 2005 à leur devoir d'information. En effet, ils n'établissent pas que cette diminution puisse avoir une autre cause que les aléas inhérents au marché locatif, soumis de surcroît, à cette époque, aux conséquences de la crise financière et immobilière de 2008 survenue postérieurement à l'acquisition du bien.

Aucun élément ne permet par ailleurs d'affirmer qu'au moment de la vente, le prix de l'immeuble ait été surévalué. L'estimation au demeurant non contradictoire produite par les époux R. et datée du 19 mars 2015, proposant une évaluation de l'ordre de 80 000,00 euro, se réfère à la valeur actuelle du bien, postérieure à la crise de 2008, et cette évaluation ne peut être transposée au marché immobilier tel qu'il se présentait à l'époque de la vente. En outre, l'agent immobilier contacté par monsieur et madame R. se montre évasif sur l'évaluation qu'il a proposée, en employant la formule pour le moins dubitative selon laquelle "il semblerait que les appartements T3 se vendent environ 80 000,00 euro aujourd'hui."

Le dispositif fiscal attaché à l'investissement immobilier réalisé est celui issu de la loi de Robien. Il convient de rappeler qu'aucune garantie de rendement locatif valant engagement contractuel n'a été souscrite par la société Stellium Immobilier et par la Sccv Médoc 2005 envers les appelants. Il appartenait en toute hypothèse aux acquéreurs de se renseigner sur le dispositif fiscal attaché au bien acquis. La vacance locative est un risque connu de tout propriétaire immobilier et constitue un aléa dont il a été vu qu'il n'était pas imputable à la société Stellium Immobilier et à la Sccv Médoc 2005. L'étude du gain fiscal a été réalisée par monsieur Le C., qui n'est pas partie à l'instance, en fonction des éléments d'information que lui ont communiqués monsieur et madame R.. Il résulte de ces éléments qu'il ne saurait être reproché à la société Stellium Immobilier et à la Sccv Médoc 2005 un manquement à leur devoir d'information s'agissant des pertes dont se plaignent les appelants sur les avantages fiscaux escomptés de l'opération.

- Sur la violation des règles relatives au démarchage à domicile et à la protection de l'acquéreur immobilier :

Monsieur et madame R. font grief à la Sccv Médoc 2005 et à la société Stellium Immobilier d'avoir commis les irrégularités suivantes, en méconnaissance des dispositions d'ordre public du Code de la consommation et du Code de la construction et de l'habitation :

- absence du nom du démarcheur sur le contrat préliminaire (article L. 121-23 du Code de la consommation);

- absence de la mention : " Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre " (article R. 121-3 du Code de la consommation);

- irrégularités formelles affectant le formulaire de rétractation (articles R. 121-4 et R. 121-5 du Code de la consommation);

- versement d'un dépôt de garantie avant l'expiration du délai de réflexion (article L. 121-26 du Code de la consommation);

- absence de justification de la notification de la réservation à chacun des co-acquéreurs (article L 271-1 du Code de la construction et de l'habitation).

Monsieur et madame R. sollicitent la condamnation des intimés à les indemniser d'un préjudice représenté par les sommes qu'ils n'auraient pas eu à débourser si le contrat n'avait jamais existé, à savoir :

- différence entre le prix de vente payé et la valeur réelle du bien au moment de la vente (27 000,00 euro);

- perte de gain fiscal (5 300,00 euro);

- perte de revenus locatifs (15 754,00 euro).

Monsieur et madame R. ajoutent à ces préjudices matériels un préjudice moral qu'ils évaluent à 10 000,00 euro.

Il convient de constater qu'il n'existe aucun lien de causalité directe entre les dommages invoqués par les époux R., qui ne sollicitent plus la nullité des contrats de réservation et de vente, et le non-respect allégué des dispositions susvisées du Code de la consommation.

S'agissant de l'absence de notification à l'un des époux du contrat préliminaire selon les modalités de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, le Tribunal a relevé à juste titre que les époux R. avaient signé la page de l'acte de vente sur laquelle figuraient les mentions relatives au délai de réflexion de l'acquéreur; qu'aux termes de celles-ci, les époux R. reconnaissaient avoir reçu sept jours plus tôt, soit le 30 novembre 2005, notification du contrat de réservation par lettre recommandée avec avis de réception conformément aux dispositions de l'article L. 271-1 alinéa 3 du Code de la construction et de l'habitation, ainsi que du projet d'acte authentique; qu'ils ne contestaient pas avoir à cette occasion disposé d'une information répondant aux exigences légales et réglementaires; que dès lors qu'ils n'avaient pas utilisé ce nouveau délai de rétractation pour revenir sur leur engagement, les irrégularités antérieures susceptibles d'affecter la validité du contrat de réservation étaient dépourvues de tout lien causal avec le préjudice invoqué.

- Sur les autres demandes :

La société FcomFree forme une demande reconventionnelle tendant à voir condamner les époux R. à lui payer la somme de 3 000,00 euro pour procédure abusive. Cette demande a été à bon droit rejetée par le Tribunal, en l'absence de démonstration du caractère abusif des prétentions des appelants à son encontre, un tel abus ne pouvant résulter du seul exercice de leur droit d'agir en justice.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Les époux R., qui succombent en leurs prétentions, seront condamnés aux dépens de l'appel.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle non compris dans les dépens.

Par ces motifs : La Cour, Reçoit monsieur et madame R. en leur appel ; Donne acte aux époux R. de ce qu'ils ne sollicitent plus la nullité de l'acte authentique de vente régularisé le 16 décembre 2005 ; Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Stellium Immobilier en application de l'article 564 du Code de procédure civile ; Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action des époux R. ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 3 juin 2014 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux ; Y ajoutant, Rejette les demandes formées devant la Cour sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne monsieur et madame R. aux dépens d'appel.