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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 9 septembre 2016, n° 13-02505

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Aco Sécurité (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Le Potier, Lefeuvre

CA Rennes n° 13-02505

9 septembre 2016

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Alloua T. a assigné devant le Tribunal d'instance de Nantes Monsieur Rachid D. et la société ACO Sécurité en annulation pour dol de la vente du véhicule Peugeot 306 que Monsieur D. lui avait consentie le 20 septembre 2009 et qui était devenue définitive le 17 octobre 2009, et en indemnisation de ses différents préjudices.

Par jugement du 5 mars 2013, le Tribunal d'instance de Nantes a :

- débouté Monsieur Allaoua T. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur Allaoua T. aux dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

- débouté Monsieur Rachid D. et la SAS ACO Sécurité de leurs demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 5 avril 2013, Monsieur T. a interjeté appel de cette décision.

En l'état de ses dernières conclusions, il demande à la cour :

Vu les pièces régulièrement versées au débats,

Vu les articles 1116 et 1382 du Code civil,

d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

- de dire et juger que la vente du véhicule de marque Peugeot 306 immatriculé 6470 ZWS7 intervenue le 20 septembre 2009 et rendue définitive le 17 octobre 2009 est nulle en raison d'un vice du consentement, en l'espèce le dol,

- de condamner in solidum Monsieur Rachid D. et la société ACO Sécurité à payer à Monsieur T. la somme de 2 288,19 euro à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice matériel,

- de condamner in solidum Monsieur Rachid D. et la société ACO Sécurité à payer à Monsieur T. la somme de 1 700 euro à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,

- de débouter Monsieur Rachid D. et la société ACO Sécurité de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, spécialement les éventuelles demandes reconventionnelles visant à la condamnation de Monsieur T. à une amende civile ou à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

- constatant que le véhicule, détruit par les services de la fourrière ne peut être restitué, de dire et juger que l'acquéreur est dispensé de restituer le véhicule en contrepartie du remboursement de prix de cession, le risque de destruction du véhicule étant à la charge du vendeur fautif,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que la restitution du véhicule aura lieu par équivalent pour un montant de 400 euro, prix de cession du véhicule par le premier acquéreur à l'intimé,

- de condamner solidairement Monsieur Rachid D. et la société ACO Sécurité aux entiers dépens.

Monsieur Rachid D., par dernières conclusions du 19 novembre 2015, demande à la cour :

Vu le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Nantes, le 5 mars 2013,

Vu l'article 1116 du Code civil,

Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

A titre principal

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur Allaoua T. de l'ensemble de ses demandes ;

- de dire et juger que le contrat de vente conclu entre Monsieur T. et Monsieur D. est valable ;

A titre subsidiaire

- de dire que Monsieur D. sera seulement tenu de restituer le prix de cession du véhicule en contrepartie de la restitution, par Monsieur T. d'une indemnité égale à la valeur du Véhicule au jour de la conclusion du contrat annulé ;

- de débouter Monsieur T. de ses demandes formulées au titre de réparation de son préjudice matériel et moral ;

En toutes hypothèsesl

- de condamner Monsieur T. au paiement d'une amende civile pour procédure abusive ;

- de condamner Monsieur T.1 aux entiers dépens.

La société ACO Sécurité, par dernières conclusions du 19 novembre 2015, demande à la cour :

- de déclarer Monsieur T. mal fondé en son appel et l'en débouter ;

Constatant que Monsieur T. ne communique pas les pièces sur lesquelles il entend faire reposer ses prétentions ;

Constatant que Monsieur T. ne peut prétendre à la condamnation de la société concluante à restituer ce qu'elle n'a pas reçu ;

Constatant que la preuve n'est rapportée ni de faute commise par la société concluante ni d'un préjudice susceptible d'en avoir résulté ;

- de déclarer Monsieur T. irrecevable, subsidiairement mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, et de l'en débouter ;

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Additant :

- de condamner Monsieur T. à verser à la société concluante la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelant fait valoir que, alors que Monsieur D. a acheté le véhicule litigieux le 20 septembre 2009 à Monsieur Damien D.-P. pour le prix de 400 euro, lequel avait signalé à son acheteur des dysfonctionnements importants, il le lui a revendu le jour même pour le prix de 1 100 euro ; que la vente a été définitivement conclue et le prix payé après un contrôle technique effectué par la SAS A.C.O. Sécurité le 17 octobre 2009, qui n'a signalé qu'une ceinture ARJ en mauvais état de fonctionnement comme seul défaut nécessitant une contre visite, lui-même ayant utilisé la voiture entre septembre et octobre ; que par la suite, et après qu'il ait lui-même constaté d'autres désordres importants pour la sécurité, il a fait subir un nouveau contrôle technique à la voiture, le 5 janvier 2010, qui a révélé l'existence d'autres désordres.

Monsieur T. fait valoir que son vendeur a commis un dol en usurpant l'identité de Monsieur D.-P. sur le certificat de cession, identité également utilisée lors de la présentation du véhicule au contrôle technique d'octobre 2009, ce que Monsieur D. a reconnu lors de la procédure de composition pénale qui suivi la dénonciation de ces faits par Monsieur T. ; que son vendeur, qui était informé par Monsieur D. -P. des défauts du véhicule, que ce dernier n'avait vendu que pour reprise des pièces, les a dissimulés à Monsieur T..

S'agissant de l'organisme de contrôle technique, Monsieur T. met en cause sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, pour négligence susceptible de porter atteinte à la sécurité, compte tenu de l'importance des défauts qui ont été constatés lors du contrôle de janvier 2010, et que la seule utilisation du véhicule entre la vente et ce dernier contrôle, ne peut expliquer.

Monsieur D., intimé, soutient que la vente n'est intervenue que le 17 octobre 2009, lui-même ayant acquis le véhicule le 20 septembre 2009, et ayant été effectivement informé de divers défauts par son vendeur et ayant ensuite réalisé les réparations nécessaires, notamment le remplacement de la pompe à injection.

Il a fait ensuite procéder au contrôle technique le 17 octobre 2009 par SAS ACO Sécurité, qui n'a relevé qu'un défaut nécessitant une contre visite laquelle devait intervenir avant le 17 décembre 2009 à la diligence du nouvel acheteur, la vente s'étant réalisée le jour même de ce contrôle.

Monsieur D., qui ne conteste pas avoir établi un faux sur le certificat de cession, ce qui a donné lieu à la composition pénale, en imitant la signature de Monsieur D.-P. ayant lui-même égaré le premier certificat de vente du 20 septembre 2009, soutient que cet élément ne peut constituer une manœuvre frauduleuse dès lors que Monsieur T., qui était son voisin et ami de longue date, connaissait parfaitement son identité et savait qu'il était son vendeur.

Il fait valoir par ailleurs que les défauts constatés le 17 octobre 2009, étaient connus de Monsieur T. auquel il avait remis le procès-verbal de contrôle technique ; qu'il n'est donc pas démontré que les défauts dont ce dernier se prévaut désormais à la suite du contrôle technique qu'il a fait faire le 5 janvier 2010, existaient avant la vente, le véhicule ayant parcouru par ailleurs 2372 km en moins de trois mois, et Monsieur T. l'ayant utilisé jusqu'en avril 2010.

Subsidiairement, il conclut à la réduction de l'indemnisation de son adversaire.

Dénonçant le caractère procédurier de Monsieur T., qui avait même tenté de faire pression sur un des témoins de Monsieur D., ce dernier sollicite sa condamnation au paiement d'une amende civile.

La société ACO Sécurité intimée soutient en premier lieu qu'elle ne saurait être tenue à restituer le prix de vente en cas d'annulation de celle-ci, elle-même ne l'ayant pas perçu.

Elle fait valoir ensuite et sur le fond, que la preuve de sa faute alléguée par Monsieur T., n'est pas établie, elle-même ayant procédé aux vérifications auxquelles elle était tenue, et la preuve contraire ne pouvant être désormais rapportée, le véhicule ayant été détruit.

Elle fait observer que depuis le contrôle qu'elle a réalisée, le véhicule a pu parcourir plus de 2000 km et que, à supposer avérée la réalité des vices qui auraient été découverts par la suite en janvier 2010, la preuve de leur antériorité par rapport à sa propre intervention en octobre 2009 n'est pas rapportée, pas plus que celle de la menace sur la sécurité du véhicule.

Subsidiairement, la société ACO Sécurité conclut au rejet des demandes au titre des préjudices allégués comme lui étant imputables.

L'annulation de la vente sollicitée sur le fondement du dol nécessite la démonstration des manœuvres pratiquées et de leur influence sur le consentement de l'acheteur, lequel n'aurait pas contracté si ces manœuvres n'avaient pas été pratiquées.

En l'espèce, la vente du véhicule Peugeot 307, mis en circulation le 17 avril 1997 et totalisant 300 000 km au jour de cette cession, par Monsieur Damien D.-P. à Monsieur D. est intervenue le 20 septembre 2009, pour un prix de 400 euro, le vendeur ayant cédé le véhicule sans contrôle technique préalable, pour pièces ou réparations éventuelles et ayant informé son acheteur des défauts existants, soit le problème d'essieu arrière, le problème de la pompe à injection hors service, le problème au niveau de la ceinture arrière gauche et la réparation 'artisanale' de l'aile arrière gauche.

S'il n'est pas contesté que cette cession est intervenue le 20 septembre 2009, la preuve de la seconde vente qui aurait été réalisée ce jour-là entre Monsieur D. et Monsieur T. n'est pas rapportée.

En effet, le certificat de cession entre Monsieur D. et Monsieur T., s'il est faussement imputé comme étant intervenu entre ce dernier et Monsieur Damien D.-P., est bien daté, sans contestation à ce titre, du 17 octobre 2009.

Il est établi et non contestable que c'est Monsieur D. qui a faussement rempli et signé ce certificat de cession, en y faisant mention de son propre vendeur comme étant le vendeur direct de Monsieur T.. Cependant, celui-ci connaissait sans conteste l'identité de son vendeur, Monsieur D., et cette fausse indication de Monsieur Damien D.-P. ne peut avoir été un élément déterminant de l'acquisition par lui du véhicule en cause, dès lors qu'au contraire, il était, jusque-là, l'ami de Monsieur D., avait donc confiance en ce dernier et ne pouvait pour ce motif avoir des doutes ni sur l'identité de celui-ci ni sur l'état de la voiture, laquelle au demeurant avait déjà parcouru 300 000 km.

S'agissant des défauts invoqués comme ayant été dissimulés à l'acheteur, Monsieur T. invoque le contrôle technique qu'il a fait effectuer en janvier 2010, par comparaison avec celui dont il a disposé lors de son acquisition.

Il sera relevé à ce titre que, sauf à démontrer une collusion entre le contrôleur technique qui a fait le premier contrôle et le vendeur Monsieur D., l'existence de défauts supplémentaires ne peut constituer à elle seule une manœuvre constitutive d'un dol, ces défauts pouvant être apparus par la suite.

Il sera retenu en effet à ce titre qu'entre les deux contrôles l'acheteur a parcouru 2372 km.

En second lieu, il ressort de la déclaration de main courante faite par Monsieur T. le 6 janvier 2010 que le contrôle technique auquel il avait fait procéder la veille avait été motivé par l'impossibilité pour lui de faire changer la ceinture arrière gauche du véhicule, en raison de l'état de corrosion avancée de la voiture. Or la nécessité de procéder à ce changement a été mentionnée comme étant le seul défaut relevé et nécessitant une contre-visite lors du contrôle technique effectué le 17 octobre 2009 et à l'issue duquel il a néanmoins acheté le véhicule litigieux. Il s'ensuit que ce désordre a bien été porté à sa connaissance et qu'il a ainsi procédé à l'acquisition de la voiture en ayant été dûment informé de ce défaut déterminant pour la suite.

Quant aux autres défauts relevés par le second contrôle technique, outre que la destruction du véhicule à l'initiative de Monsieur T. ne permet pas de vérifier leur réalité et leur importance, il ne peut non plus en être tenus compte faute de démonstration de leur existence avant la vente, et en raison de l'âge du véhicule et du kilométrage parcouru avant la vente, et après celle-ci.

En l'absence de toute démonstration de manœuvres frauduleuses de nature à dissimuler des éléments déterminants pour l'acheteur et à le convaincre de procéder à l'acquisition de la voiture en cause, il ne peut être fait droit à la demande de l'annulation de la vente pour dol.

S'agissant de la faute invoquée à l'encontre de la société ACO Sécurité, elle est également présentée par l'acheteur comme justifiant l'annulation de la vente aux torts du contrôleur technique in solidum avec le vendeur.

Le contrôleur technique n'étant pas lié à Monsieur T. par le contrat de vente, ne saurait voir sa responsabilité recherchée à ce titre.

En second lieu, et pour les mêmes motifs que ci-dessus, compte tenu du délai écoulé entre les deux contrôles techniques et du kilométrage parcouru, la preuve de ce que les désordres dénoncés dans le second contrôle technique existaient déjà lors du premier, n'est pas rapportée et ne peut plus l'être désormais en raison de la destruction du véhicule. Tel est le cas de l'insuffisance du frein de stationnement qui peut avoir été endommagé par un usage inadéquat, du rétroviseur mal fixé lequel peut avoir été déplacé récemment, des jeux dans les demis trains arrière et avant qui résultent d'un choc qui ne peut être daté, de même que le frottement de la roue sur la carrosserie, la fuite d'un silencieux d'échappement.

Dans ces conditions, la preuve d'une négligence aggravée de nature à porter atteinte à la sécurité du véhicule et de ses passagers n'étant pas rapportée, la responsabilité du contrôleur technique ne peut être retenue.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Il ne sera pas fait droit à la demande de Monsieur D. tendant à voir prononcer une amende civile à l'encontre de Monsieur T..

Monsieur T., qui succombe sur le mérite de son appel, devra en supporter les entiers dépens.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société ACO Sécurité au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Déboute Monsieur D. de sa demande tendant à voir prononcer une amende civile à l'encontre de Monsieur T. ; Déboute la société ACO Sécurité de sa demande de frais irrépétibles ; Condamne Monsieur T. aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.