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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 8 septembre 2016, n° 14-03665

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alpes Construction Services (SARL)

Défendeur :

Illico Travaux France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Devalette

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

SCP Aguiraud Nouvellet, Selarl Gibert Malo & Associés, Selarl Laffly & Associés-Lexavoué Lyon, Me Bensoussan

T. com. Lyon, du 19 mars 2014

19 mars 2014

EXPOSE DU LITIGE

La SA Illico Travaux France (ITF) a créé, courant 2000, un concept de courtage en travaux qu'elle a développé à travers un réseau national de franchisés sous l'enseigne Illico Travaux, consistant à faciliter toutes mises en relations des clients professionnels ou particuliers avec des entreprises prestataires indépendants, préalablement sélectionnés selon des critères qualitatifs précis.

Dans ce cadre, elle a conclu pour une durée de 7 ans avec la SARL Alpes Construction Services un contrat de franchise le 1er mars 2010 ainsi que d'autres contrats de franchise avec les SARL Altitude Habitat Services, Courtage Rochelais, Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage entre le 21 juillet 2008 et le 15 février 2011.

La contrepartie à l'intégration du réseau consistait dans le versement d'un droit d'entrée et d'un forfait formation, chaque franchisé s'engageant également à payer une redevance fixe mensuelle de 550 euro HT, 5 % de son chiffre d'affaires ainsi qu'une redevance annuelle de communication de 5 000 euro HT.

En 2011, la société ITF a fait évoluer son concept de courtage en travaux et un avenant a alors été régularisé avec les franchisés et notamment le 4 mai 2011, par la société Alpes Construction Services, dont le gérant est Monsieur B.

Cette évolution étant considérée comme trop coûteuse par ces 8 franchisés, confrontés à des difficultés économiques, ceux-ci ont alors émis des doutes sur le savoir-faire de la société ITF et sur la pertinence commerciale du concept et ont résilié leurs contrats fin décembre 2011 en invoquant des manquements graves et une nullité des contrats dès l'origine.

Dans ce contexte, la société ITF a, par acte du 24 janvier 2012, assigné ces 8 franchisés en vue de voir réparer son préjudice et de les faire condamner au paiement des redevances dues jusqu'au terme des contrats.

Par jugement en date du 19 mars 2014, le Tribunal de commerce de Lyon a, en substance :

- débouté les sociétés défenderesses, Altitude Habitat Services, Hautil Courtage, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, les sociétés Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze, 1000 Travaux Courtage et Alpes Construction Services, de leur demande en nullité des contrats de franchise signés avec la société ITF au motif du dol ou de l'erreur,

- débouté les mêmes de leurs demandes de restitution des sommes versées par application de ces contrats ainsi que de leurs demandes de condamnation de la société ITF à leur verser des dommages et intérêts,

- constaté que les sociétés défenderesses ont résilié abusivement les contrats de franchise conclus avec la société ITF,

- prononcé la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de ces sociétés

- constaté que le contrat de franchise liant la société ITF à la société Courtage Rochelais a été résiliée aux torts exclusifs de cette dernière en date du 29 novembre 2011,

- fixé la créance de la société ITF au passif de la liquidation judiciaire de la société Courtage Rochelais à hauteur de 12 693,60 euro à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Saleve Habitat Travaux à payer la somme de 10 569,99 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Hautil Courtage à payer la somme de 8 649,99 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Travaux Habitat Corrèze à payer la somme de 7 613,64 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Alpes Construction Services à payer la somme de 7 981,44 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Service Confort Habitat à payer la somme de 9 141,15 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société Altitude Habitat Services à payer la somme de 7 936,35 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- condamné la société 1000 Travaux Courtage à payer la somme de 6 601,50 euro HT à la société ITF à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

- débouté la société ITF de sa demande de paiement in solidum de la somme de 160 000 euro par les sociétés défenderesses,

- jugé que le préjudice causé par chacun des franchisés n'est pas à l'origine d'un même dommage et que les sociétés en défense ne sont pas co-auteurs d'un même dommage,

- débouté la société ITF de sa demande de condamnation in solidum des sociétés défenderesses

- débouté la société ITF de ses demandes de versement des sommes de 8 619,27 euro TTC par Alpes Construction Services, 1 338,52 euro TTC par Altitude Habitat Services, 17 514,53 euro TTC par Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, 1 386,16 euro TTC par Hautil Courtage, 5 623,06 euro TTC par Saleve Habitat Travaux, 1 051,50 euro TTC par Service Confort Habitat, 1 890,51 euro TTC par Travaux Habitat Corrèze et 5 005,27 euro TTC par 1000 Travaux Courtage,

- enjoint les sociétés Alpes Construction Services, Altitude Habitat Services, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage de respecter leurs obligations post-contractuelles sous astreinte chacune d'une somme de 300 euro par jour de retard passé un délai de un mois à compter de la signification du jugement,

- débouté les sociétés Alpes Construction Services, Altitude Habitat Services, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage de toutes leurs autres demandes, fins et prétentions,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné solidairement les sociétés Alpes Construction Services, Altitude Habitat Services, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage à payer à la société ITF la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné solidairement et à parts égales les sociétés Alpes Construction Services, Altitude Habitat Services, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Service Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage aux entiers dépens de l'instance,

- dit que les dépens et l'article 700 du CPC seront tirés en frais de procédure privilégiés à l'égard de la société Courtage Rochelais.

Par déclaration reçue le 2 mai 2014, la société Alpes Construction Services a relevé appel de ce jugement, intimant la société ITF, Me Jean B., ès qualités de liquidateur de la société Altitude Habitat Services, Me Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, les sociétés Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Services Confort Habitat, Travaux Habitat Corrèze et 1000 Travaux Courtage, et l'affaire a été enregistrée sous le n° RG 14/03665.

Par déclaration reçue le 19 mai 2014, la société Travaux Habitat Corrèze a également relevé appel de ce jugement, intimant la société ITF, Me Jean B., ès qualités de liquidateur de la société Altitude Habitat Services, Me Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, les sociétés Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Services Confort Habitat et 1000 Travaux Courtage, et l'affaire a été enregistrée sous le n° RG 14/04085.

Par ordonnance du 9 décembre 2014, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures 14/04085 et 14/3665 sous le numéro 14/3665.

Par ordonnance du 28 avril 2015, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société Travaux Habitat Corrèze de son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 19 mars 2014 et dit que l'instance perdure entre les autres parties.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 14 mars 2016, la société Alpes Construction Services demande à la cour de :

- dire et juger que la société Alpes Construction Services est recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du du 19 mars 2014 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise liant la société ETF à ses torts,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'indemnités du fait de la résiliation de son contrat de franchise,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné in solidum toutes les sociétés dont elle-même au paiement de 8.000 euro au titre de l'article 700 CPC et aux entiers dépens,

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société ITF tendant à la condamnation in solidum des dites sociétés dont elle-même, en réparation du préjudice lié à la disparition de l'enseigne Illico Travaux,

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de la société ITF à son encontre,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de franchise signé entre elle et la société ITF

- condamner en conséquence la société ITF à lui payer la somme de 203 400 euro

à titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société ITF,

- condamner en conséquence la société ITF à lui payer la somme de 162 272 euro,

en tout état de cause,

- condamner la société ITF, sur le fondement de l'article 700 CPC au paiement d'une somme de 8 000 euro ;

- condamner la société ITF aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet.

La société Alpes Construction Services affirme concernant sa demande principale en nullité du contrat, pour défaut de l'information pré-contractuelle imposée par l'article L. 330-3 du Code de commerce,

- que les chiffres d'affaires prévisionnels fournis par la société ITF étaient irréalistes et trompeurs, comme le démontre l'écart entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires effectivement réalisé (écart de 59 % sur la première année et de 45 % sur la deuxième année ) ou l'écart entre le business plan fourni par ITF et celui réalisé (64 % année 1 et 60 % année 2), ce même écart se retrouvant pour les autres sociétés ou pour le courtier en travaux d'Illico Travaux, l'agence ITPC.

- et que s'agissant d'un prévisionnel qui a bien été fourni par la société ITF avant la signature du contrat de franchise, il a été déterminant dans la décision de contracter.

Elle soutient avoir bien réalisé un prévisionnel avant de devenir franchisé, ce prévisionnel reposant sur les éléments chiffrés fournis par la société ITF à laquelle elle a fait confiance, étant novice en matière de courtage.

Elle prétend, sur le fondement du dol, que les prévisionnels fournis par la société ITF révèlent une manœuvre volontaire de cette société destinée à tromper les candidats à la franchise, les agences-pilotes auxquelles le DIP se réfère n'étant en rien représentatives de l'état du réseau et le DIP omettant de faire connaître que sur les 134 agences franchisées en janvier 2010, 72 agences ont fait l'objet de procédures collectives et que d'autres avaient alors des capitaux propres négatifs ou ont quitté le réseau. Elle explique cette situation non par la crise économique du secteur de la construction, qui n'a pas empêché la société ITF depuis 2008 de faire des prévisionnels à la hausse, mais par une stratégie qui l'a conduite à privilégier, via sa holding Archipelle, le réseau Camif Habitat plutôt que celui d'Illico Construction.

Elle soutient que son gérant était totalement néophyte en matière de courtage en travaux au moment de son entrée dans le réseau.

Elle considère que les chiffres fournis par la société ITF ont provoqué une erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise, qualité substantielle du contrat et élément déterminant de son engagement.

Elle estime qu'en cas de prononcé de la nullité du contrat de franchise, elle est fondée à demander réparation des préjudices qu'elle a subis, à savoir notamment la restitution du droit d'entrée, des redevances versées, des frais de formation, dépenses de publicité, d'enseigne, pertes, manque à gagner et dommages intérêts, soit au total 203 400 euro HT.

Elle fait valoir, subsidiairement, sur la résiliation du contrat aux torts de la société ITS, sur le fondement de l'article 19 du contrat, que celle-ci a gravement manqué à plusieurs obligations, justifiant la résiliation du contrat aux torts exclusifs de cette société,

- à son obligation d'assistance, aucun suivi personnalisé n'ayant été assuré malgré ses demandes, pas de visite pendant 22 mois malgré son inexpérience dans le réseau et ses difficultés financières, et le nouvel extranet n'ayant jamais bien fonctionné,

- à son obligation de publicité, les redevances de communication n'ayant jamais servi à développer la notoriété du réseau mais seulement à favoriser l'entrée de nouvelles recrues, une seule campagne télé ayant été menée en 2010,

- en bouleversant l'économie du contrat puisque cette société lui a fait signer un avenant au contrat initial ayant profondément modifié le fonctionnement de l'activité de courtage en travaux et l'économie du contrat : présentation aux clients des seules entreprises référencées par Veripro, entreprise qui n'a aucune compétence ni agrément d'un organisme certificateur, ce nouveau référencement impliquant également une redevance supplémentaire pour l'entreprise référencée, un mandat de recherche payant pour les clients, une réduction de la marge du franchisé sans contrepartie publicitaire du franchiseur.

Elle veut pour preuve de ce bouleversement l'effondrement du chiffre d'affaires et indique qu'il lui a été imposé et effectué sans test ni accompagnement.

Elle estime que la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société ITF implique l'indemnisation des pertes subies, constituées des pertes d''exploitation, des redevances de communication, du solde des emprunts bancaires contractés pour les besoins de l'activité, des dommages et intérêts liés au préjudice commercial et moral et du manque à gagner.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 21 mars 2016, la société ITF demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la société Alpes Construction Services, appelante, et les autres de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

constaté que la société Alpes Construction Services, a résilié abusivement son contrat de franchise la liant à la société ITF,

prononcé la résiliation du contrat de franchise ayant lié la société ITF à la société Alpes Construction Services aux torts exclusifs de cette dernière,

fait injonction à la société Alpes Construction Services de respecter l'intégralité de ses obligations post-contractuelles, sous astreinte d'une somme de 300 euros par jour de retard,

condamné solidairement la société Alpes Construction Services, appelante, et les autres sociétés, à lui verser au titre des frais irrépétibles devant le tribunal, une somme de 8 000 euro,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné la société Alpes Construction Services à payer la somme de 7 981,44 euro à titre d'indemnité de résiliation anticipée,

débouté la société ITF de sa demande de condamnation de la société Alpes Construction Services à lui payer la somme de 8 619,27 euro au titre des factures restant impayées,

et, statuant de nouveau,

condamner la société Alpes Construction Services à payer à la société ITF :

la somme de 8 985 euro à titre d'indemnité contractuelle de résiliation anticipée,

la somme de 8 619,27 euro TTC au titre des factures restant impayées,

- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait l'annulation du contrat de franchise, réduire de 75% le montant des sommes réclamées par la société Alpes Construction Services au titre des restitutions consécutives à la nullité, au regard des restitutions réciproques à opérer au bénéfice de la société ITF,

- en toute hypothèse, condamner la société Alpes Construction Services à payer à la société ITF une somme de 8 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, outres les entiers dépens dont distraction au profit de Me Romain Laffly, Avocat.

La société ITF fait valoir que la société Alpes Construction Services a pris part à une manœuvre concertée et illicite avec les autres sociétés intimées, en rompant unilatéralement et sans mise en demeure préalable, les contrats de franchise, sans faire la démonstration d'une faute rendant impossible le maintien du lien contractuel, les huit lettres de résiliation, comportant une rédaction similaire et des demandes identiques et ne faisant état d'aucun grief, lui ayant été adressées par ces sociétés à quelques jours près, les échanges démontrant des relations contractuelles normales tout au long de la collaboration.

Elle prétend, concernant la demande de nullité du contrat de franchise

- qu'elle n'avait aucune obligation de fournir des informations relatives à la situation économique des franchisés dans le DIP communiqué, conformément aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, et expose que même s'il ne s'agit pas d'une information devant être communiquée, le DIP n'occulte pas le fait que certains franchisés ont fait l'objet de procédures collectives (page 9 du DIP) ou que l'implication est volatile comme impliquant de la part des franchisés un très faible investissement financier (50 000 euro) mais un lourd travail de prospection.

Elle soutient qu'elle n'a communiqué que de simples prévisionnels-type, indicatifs, basés sur les résultats réalisés par d'autres unités du réseau, ces indications ne constituant en aucun cas un prévisionnel d'activité propre au fonds qui allait être exploité, adapté aux spécificités de la zone d'implantation, l'attention du franchisé ayant été, en outre, attirée dans le contrat sur le fait que les données transmises ne pouvaient servir que de base pour l'établissement de son propre compte d'exploitation provisionnel. Elle indique qu'elle n'est pas l'auteur du "business plan" qui est en fait un compte de résultat dont la source n'est pas indiquée et relève que la société Alpes Construction Services n'a pas cru devoir procéder à son propre prévisionnel et à son obligation de renseignement, avant de signer, sur le marché local, en tant que commerçant indépendant.

Elle fournit une série d'exemples de chiffres d'affaires réalisés par d'autres franchisés qui démontrent que ceux-ci sont réalisables et profitables aux franchisés.

Elle prétend sur le dol ou l'erreur que le gérant de la société Alpes Constructions Services n'était pas un novice en matière commerciale, ni en matière de distribution en réseau et qu'il a bénéficié d'amples délais de réflexion puisqu'il a eu connaissance du DIP 7 mois avant la signature du contrat, un premier DIP ayant été communiqué à celui-ci le 27 juillet 2009. Elle relève à cet égard que lors de la signature de l'avenant de mai 2011 sur l'extension du secteur d'activité, celui-ci avait indiqué ne nourrir aucun grief à l'encontre de la société ITF.

Elle affirme que l'appelante ne peut invoquer une erreur sur la rentabilité de l'activité, aucun compte d'exploitation prévisionnel affecté au fonds de commerce ne lui ayant été communiqué, et que si une erreur a eu lieu, elle n'est pas excusable.

Elle soutient que si la demande de nullité était accueillie, la demande d'indemnisation du gain manqué est irrecevable puisque celle-ci devrait bénéficier non pas à l'appelante mais à son gérant, qui n'est pas partie à la procédure, et puisqu'en cas de nullité du contrat de franchise celui-ci est censé ne jamais avoir existé.

Elle estime par ailleurs qu'en cas de nullité du contrat, elle doit être indemnisée des prestations fournies au titre de la formation initiale, de l'accès et de la jouissance de la marque Illico Travaux et de l'exclusivité de l'enseigne sur le territoire contractuel, évaluées à un montant équivalent à trois quarts du montant de la redevance initiale forfaitaire et des redevances de franchise définies par le contrat, à l'exclusion des autres dépenses liées aux besoins de l'exploitation.

Elle considère, sur la demande subsidiaire de résiliation, ne pas avoir manqué à son obligation d'assistance, aucune mise en demeure et aucun reproche ne lui ayant été adressé avant la présente instance, ni à son obligation de publicité, des investissements très importants en communication de marque ayant été engagés.

Concernant l'évolution du concept, elle indique qu'il avait pour but d'optimiser le savoir-faire en direction du consommateur (compte séquestre notamment) et observe qu'il a été accepté par un avenant, sans réserve ni critique.

Elle demande l'indemnisation du préjudice pour résiliation anticipée à hauteur de 62 mois, telle que prévue à l'article 19 du contrat, outre le paiement des redevances contractuelles qui restent dues, et la condamnation sous astreinte à respecter les obligations post contractuelles de confidentialité et de non utilisation du savoir-faire.

Maître Jean B., ès qualités de liquidateur de la société Altitude Habitat Services, Maître Delphine R., ès qualités de liquidateur de la société Courtage Rochelais, et les sociétés Hautil Courtage, Saleve Habitat Travaux, Services Confort Habitat et 1000 Travaux Courtage n'ont pas constitué avocat. Toutes n'ont pas été touchées à personne par l'assignation qui leur a été délivrée.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mars 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure.

Le présent arrêt est prononcé par défaut, certains intimés défaillants n'ayant pas été touchés à personne.

Le cour n'est pas saisie des dispositions du jugement concernant ces sociétés intimées défaillantes, celles-ci n'ayant pas interjeté appel du jugement et la société ITF sollicitant de son côté la confirmation du jugement à leur égard.

Par suite du désistement d'appel de la société Travaux Habitat Corrèze, les dispositions du jugement concernant cette dernière sont définitives car non critiquées par la société ITF avant ce désistement qui a dessaisi la cour.

La recevabilité de l'appel formé par la société Alpes Construction Services n'est pas en cause devant la cour.

Le litige oppose désormais uniquement cette dernière à la société ITF, de sorte que tous les éléments ou attestations fournis concernant les autres sociétés qui ne sont plus dans la cause, ne valent que pour étayer l'argumentation de la société Alpes Constructions Services dans ses rapports contractuels avec la société ITF.

Sur la demande en nullité du contrat de franchise

Cette demande de la société Alpes Construction Services est fondée sur un défaut d'information pré-contractuelle, une erreur sur la rentabilité ou un dol, toutes circonstances imputables à la société ITF, et ayant vicié son consentement.

Au titre du défaut de l'information précontractuelle obligatoire visée aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, la société appelante, ne conteste pas les autres éléments d'information figurant au DIP, ce document contenant effectivement les informations visées à ces articles, et ne conteste plus la date de remise du DIP et le respect à cet égard du délai de 21 jours.

Elle lui reproche, sur la base d'un prévisionnel qu'elle présente comme élaboré par la société IPS, elle-même, de lui avoir fourni des chiffres d'affaires prévisionnels totalement irréalisables et trompeurs.

Or le prévisionnel sur 3 ans qu'elle présente en pièce 1 de son bordereau, ne permet pas de déterminer qui en serait l'auteur et à quelle date ce document aurait été établi. Selon la société appelante, ce prévisionnel serait le document transmis en pièce jointe du mail du 29 juillet 2009 de Monsieur L., de la société ITF, mais si tel est le cas, ce courriel mentionne bien qu'il s'agit d'un fichier excel permettant d'entrevoir un résultat d'exploitation et rappelant qu'il est de la responsabilité de son interlocuteur, de valider les chiffres en s'appuyant si nécessaire sur (son) expert-comptable ".

Ce prévisionnel n'est d'ailleurs pas obligatoire selon l'article R. 330-1 ni, en l'espèce, inclus dans le DIP, qui se réfère seulement à des données chiffrées résultant de deux agences pilotes à Brignais et Villefranche/Saône, en mentionnant bien, en caractères gras, que ces données chiffrées n'ont qu'un caractère purement indicatif et qu'il appartient au candidat à la franchise, en tant que commerçant indépendant, de procéder lui-même à une étude préalable d'implantation précise, lui permettant d'apprécier le potentiel, et, par là même, la viabilité du fonds et d'établir lui-même son prévisionnel.

A cet égard, la société Alpes Constructions Services prétend qu'elle a réalisé ce prévisionnel, sur la base des éléments prévisionnels fournis par la société ITF, dont elle prétend qu'ils seraient irréalistes, alors que la pièce n° 59 qu'elle présente comme étant son prévisionnel, ne comporte aucune source ni aucun tampon d'un cabinet comptable et que sa date d'établissement n'est pas mentionnée, de sorte qu'il n'est pas établi que ce prévisionnel aurait bien été établi avant la signature du contrat et constituait la base sur laquelle la société Alpes Construction Services avait entendu s'engager dans le contrat de franchise.

La société ITF n'est donc pas garante de ces éventuelles prévisions comptables de son franchisé comme elle le rappelle dans le contrat de franchise en page 5 sur une absence de garantie de résultat, l'acuité du franchisé, commerçant indépendant, à "dupliquer le succès du concept" ainsi que la conjoncture économique pouvant fortement influencer les résultats.

Au demeurant, la société Alpes Constructions Services, qui ne remet pas en cause l'existence du savoir-faire transmis par la société ITF en matière de courtage de travaux, n'établit pas que les éléments prévisionnels fournis par cette dernière, en phase pré-contractuelle, sur la base des chiffres réalisés par les deux agences pilotes étaient inexacts, et encore moins irréalisables, par la seule comparaison qu'elle fait de ces éléments avec les chiffres qu'elle a réalisés sur deux exercices, ou avec les chiffres réalisés par les autres sociétés qui, comme elle, ont résilié le contrat de manière anticipée.

La pertinence d'une telle comparaison est, au demeurant, contredite par les 17 exemples fournis de son côté par la société ITF d'entreprises ayant réalisé ou approché, sur la durée, ces chiffres.

Il se déduit par ailleurs des éléments relevés ci-dessus, que si la société Alpes Constructions Services prétend avoir commis une erreur sur la rentabilité de l'opération, en raison du caractère novice de son gérant, alors que celui-ci se présentait, dans son CV, comme expérimenté dans le domaine de la construction, cette erreur serait cependant inexcusable, car il lui appartenait, étant en possession des éléments d'information indispensables et de la liste des franchisés du réseau, de se renseigner auprès d'eux sur cette rentabilité et d'étudier la zone de chalandise concernée.

La société Alpes Constructions prétend enfin avoir été victime de manœuvres dolosives de la part de la société ITF qui lui aurait caché la volatilité de son réseau et les problèmes économiques de ses franchisés, alors que les départs, au nombre de 52 du réseau courant 2009 sont mentionnés dans le DIP, avec indication expresse des motifs de ces départs, dont 15 départs pour liquidation judiciaire, informations commerciales que la société ITF n'était pas tenue de lui fournir.

La société Alpes Construction Service, à qui il appartenait là encore de se renseigner sur les problèmes du réseau, et qui disposait de tout le temps nécessaire pour le faire, ne démontre pas les manœuvres ou abstentions dolosives dont elle aurait été victime et sans lesquelles elle n'aurait pas signé le contrat de franchise.

Le jugement qui a débouté la société Alpes Construction Services de sa demande de nullité du contrat de franchise et de ses demandes subséquentes, doit être confirmé.

Sur l'imputabilité de la résiliation anticipée initiée par la société Alpes Construction Services.

C'est à la société Alpes Construction Services qui a résilié, le 24 janvier 2012 le contrat de franchise souscrit le 1er mars 2010 pour une durée de 7 ans, d'établir que cette résiliation était justifiée par des manquements contractuels de la société ITF, suffisamment graves pour justifier une telle résiliation anticipée.

En dehors de la lettre de résiliation qui ne détaille pas les manquements graves invoqués, la société Alpes Construction Services reproche à la société ITF d'avoir manqué à son obligation d'assistance permanente, en l'absence de toute visite pendant 22 mois, manquement d'autant plus grave qu'elle était nouvellement arrivée dans le réseau et qu'elle rencontrait des difficultés.

Selon les dispositions contractuelles, et dans l'esprit même du contrat d'intérêt commun qu'est le contrat de franchise, la société ITF s'était en effet engagée à assurer une formation et une assistance initiales et, sur la durée, une session annuelle de formation continue, un séminaire annuel et des réunions d'échanges, et une permanence téléphonique les jours ouvrables. Le franchiseur ne s'est donc pas engagé sur des visites périodiques aux franchisés, et la société appelante ne prétend ni ne justifie que la société ITF aurait manqué à ses autres obligations ou n'aurait pas répondu à ses sollicitations téléphoniques ou électroniques ou à une quelconque alerte sur ses difficultés. Ce manquement contractuel n'est donc pas caractérisé.

N'est pas non plus établi le manquement de la société ITF à ses obligations en termes de campagnes publicitaires, auxquelles contribuent par leurs redevances les franchisés, la société Alpes Construction Services ne justifiant pas que les budgets consacrés à ces campagnes par la société ITF, qui en justifie, étaient insuffisants, ou uniquement destinés, comme elle le prétend, à trouver de nouveaux franchisés plutôt qu'à intéresser les entreprises ou particuliers à celui-ci en tant que clients.

Surtout, dans les deux cas, la société Alpes Construction Services ne s'est jamais plainte, pendant ces 22 mois, de ces prétendus manquements, démontrant ainsi qu'ils n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une résiliation anticipée, sans mise en garde antérieure et après avoir sollicité et obtenu, par avenant du 4 mai 2011, une extension de territoire, à l'occasion de laquelle a été mentionné qu'ITF avait parfaitement respecté ses obligations de franchiseur.

Il est enfin reproché à la société ITF d'avoir fait signer à l'ensemble des franchisés, et notamment à la société Alpes Construction Services le 11 mai 2011, un avenant qui aurait bouleversé l'économie générale du contrat mais cette dernière n'établit pas en quoi cet avenant, qui s'inscrit dans l'évolution normale du savoir-faire par rapport à l'évolution du marché, et qu'elle a signé, sans justifier qu'elle y aurait été forcée, aurait considérablement modifié l'équilibre économique de l'opération et serait à l'origine de ses difficultés et de sa décision de résiliation 7 mois plus tard.

Cet avenant prévoit en effet d'une part un référencement national et payant des entreprises cotées par Veripro, avec une partie (450 euro) des frais de référencement payés par le client, rétrocédée au franchisé, d'autre part, l'utilisation d'un modèle commun de mandat de recherche, avec plafonnement des frais de dossier et de courtage, enfin l'utilisation d'un compte séquestre sur lequel doivent transiter les acomptes des clients, à restituer en cas de défaillance des entreprises, toutes mesures protectrices des consommateurs, dont rien n'indique qu'elles modifient, sensiblement la marge finale du courtier ou son portefeuille d'entreprises, en raison du droit d'entrée de 650 euro HT que ces dernières ont à payer pour un référencement.

Il n'est pas établi non plus, que la société ITF se serait engagée à employer une partie des droits de référencement à l'augmentation des dépenses publicitaires et qu'elle aurait manqué à cet engagement qu'aucun document ne mentionne.

Au demeurant, ces mesures de sélection des entreprises partenaires, de compte séquestre et de plafonnement des frais et honoraires de courtage, sont de nature, même si la société Veripro n'est pas agréée, à améliorer l'image de marque du concept de courtage de travaux, et à garantir le courtier franchisé en termes de litiges et de responsabilité.

Il n'est d'ailleurs pas démontré que le nouvel avenant aurait été mis en œuvre par la société Alpes Construction Services et aurait contribué aux difficultés économiques de cette dernière, avant une décision de résiliation anticipée qui ne semble pas avoir été occasionnée par de graves difficultés puisque la dite société, selon son extrait Kbis, est toujours in bonis et exerce son activité en direct comme agent commercial.

En l'absence de caractérisation de manquements contractuels graves qui seraient imputables à la société ITF, le jugement qui a dit que la résiliation anticipée était bien imputable à la société Alpes Construction Services et qui a débouté celle-ci de ses demandes subséquentes, doit être confirmé.

En application de l'article 19 du contrat de franchise, cette dernière doit être condamnée à verser une indemnité de résiliation équivalente à 12 mois de chiffre d'affaires, soit, sur la base des éléments chiffrés et non contestés, une somme de 8 985 euro, au lieu des 7 981,44 euro retenus par le tribunal de commerce, sur la base d'un chiffre d'affaires " extrapolé " sur 12 mois.

Le jugement doit être réformé sur ce point.

Il doit être également infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de paiement complémentaire formée par la société ITF comme portant sur des redevances publicitaires postérieures à la résiliation, alors que cette dernière réclame en fait le paiement de redevances de franchise ou de frais impayés avant la résiliation, à hauteur de 8 619,27 euro, selon factures produites en cause d'appel et non contestées par la société appelante.

Cette dernière doit être en conséquence condamnée à payer cette somme, outre intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2014, date de l'audience au cours de laquelle ont été reprises les demandes reconventionnelles de la société ITF.

Le jugement doit être confirmé sur la condamnation solidaire ou in solidum de la société Alpes Construction Services, avec les autres sociétés défenderesses à payer une indemnité de procédure à la société ITF, l'équité commandant qu'il ne soit pas ajouté à cette indemnité en cause d'appel.

Par suite de la résiliation du contrat de franchise, la société Alpes Construction Services est bien tenue de respecter les obligations post-contractuelles stipulées au contrat, mais il n'y a pas lieu d'assortir ces obligations de simple abstention, d'une astreinte.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par défaut, et dans les limites de sa saisine, Confirme le jugement entrepris excepté - sur la somme allouée au titre de l'indemnité de résiliation, - sur le rejet de la demande en paiement complémentaire, - sur l'astreinte assortissant la condamnation à respecter les obligations post contractuelles, Et statuant à nouveau sur ces chefs infirmés, Condamne la société Alpes Construction Services à payer à la société ITF les sommes suivantes, - 8 985 euro à titre d'indemnité de résiliation, - 8 619,27 euro à titre de solde de factures impayées, outre intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2014; Dit n'y a voir lieu d'assortir la condamnation de la société Alpes Construction Services à respecter les dispositions post-contractuelles d'une astreinte; Y ajoutant, Déboute la société ITF de sa demande d'indemnité de procédure en cause d'appel; Condamne la société Alpes Construction Services aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.