CA Poitiers, 2e ch. civ., 6 septembre 2016, n° 15-04355
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Agrileader (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sallaberry
Conseillers :
Mmes Caillard, Andrieux
Avocats :
SCP Ad Litem, SCP Drouineau, Cosset, Bacle, Cabinet Lexcap
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur Serge X, né le 2 février 1959, est inscrit au Registre Spécial des Agents Commerciaux depuis le 11 février 1994 et travaille, à ce titre avec la société Tonyx, spécialisée dans le produits agricoles.
Le 12 octobre 2001, il a conclu avec la société Agrileader un contrat dénommé " Contrat de dépôt-vente " par lequel il s'engageait :
- à mettre à la disposition de la société Agrileader un entrepôt dont il était propriétaire à Moncoutant (79)
- à livrer dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres la marchandise reçue de la SA Agrileader
- à une clause de non-concurrence pendant la durée du contrat et pour une durée de deux ans après la résiliation de celui-ci.
Le contrat prévoyait que les ventes par le dépositaire devaient se faire aux tarifs fixés par la société Agrileader, en son nom et pour le compte de cette dernière.
La rémunération de Monsieur Serge X consistait en des commissions au pourcentage sur les produits vendus.
Le contrat était prévu pour une durée de deux ans renouvelable d'année en année par tacite reconduction, sauf résiliation notifiée par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de quatre mois.
Il était encore convenu expressément qu'en cas d'arrêt du contrat de dépôt-vente par l'une ou l'autre des parties, il ne serait dû aucune indemnité de part ni d'autre sous réserve du respect des clauses du contrat.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juin 2013, la SA Agrileader informait Monsieur Serge X de la non-reconduction du contrat au-delà du 12 octobre 2013.
La SA Agrileader proposait à Monsieur Serge X un contrat de travail en qualité de magasinier-livreur 2e échelon qu'il refusait.
Par acte du 11 juin 2014, Monsieur Serge X assignait la SA Agrileader à comparaître devant le Tribunal de grande instance Niort. Il demandait à ce tribunal de dire que le contrat le liant à la SA Agrileader était un contrat d'agence commerciale et il sollicitait la condamnation de la société à lui payer, au titre de commissions restées impayées, la somme de 7 230,31euro et à titre d'indemnité de fin de contrat, la somme de 131 613,18 euro correspondant à deux années de commissions.
La SA Agrileader s'opposait à cette demande en mettant en avant les clauses du contrat.
Par jugement du 31 août 2015, le Tribunal de grande instance de Niort a :
- débouté Monsieur Serge X de sa demande de requalification du contrat le liant à la SA Agrileader en contrat d'agence commerciale et en conséquence de sa demande d'indemnité de fin de contrat
- condamné la SA Agrileader à lui payer, en deniers ou quittances, la somme de 7 009,75euro pour solde de commissions
- condamné Monsieur Serge X aux dépens ainsi qu'à verser à la SA Agrileader, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 500 euro
- débouté Monsieur Serge X de sa demande faite au titre de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 22 octobre 2015, Monsieur Serge X a interjeté appel total de la décision et selon ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 23 mai 2016, il demande à la cour :
- de réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Niort du 31 août 2015, sauf en ce qu'il a condamné la SA Agrileader à lui payer la somme de 7 009,75euro
- de condamner la SA Agrileader à lui payer la somme de 131 613,18 euro au titre de l'indemnité de fin de contrat, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2014
- de condamner la SA Agrileader à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Ad Litem sur ses affirmations de droit.
Il rappelle que le statut d'agent commercial est d'ordre public et ne dépend pas de la dénomination portée en tête du contrat mais des conditions effectives de l'activité. Il soutient que dans la vente des produits de la société Agrileader, il travaillait en son nom et pour son compte en toute autonomie et qu'il prospectait sur un secteur déterminé des clients avec lesquels il avait une liberté de négociation des prix.
En ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 23 mai 2016, la société Agrileader demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande de requalification du contrat et de sa demande d'indemnité de fin de contrat
- d'infirmer le jugement du Tribunal de grande instance Niort en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur Serge X la somme de 7 009,75 euro en deniers et quittances pour solde des commissions
Statuant à nouveau :
- de dire et juger que la somme de 7 009,75 euro a d'ores et déjà été réglée
- de condamner Monsieur Serge X à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- de le condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP Drouineau, Cosset, Bacle conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Agrileader soutient au contraire que le contrat la liant à Monsieur X était justement qualifié de contrat de dépôt-vente : Monsieur X mettait à la disposition de la société un entrepôt dans lequel les marchandises étaient stockées, il avait alors mandat de vendre ces marchandises selon un argumentaire et des tarifs fixés par la société, et de les livrer sur le secteur des Deux-Sevres et de la Vendee aux clients d'Agrileader, et ce, sans pouvoir de négociation.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 mai 2016.
MOTIFS DE LA DECISION :
La qualification du contrat liant les parties n'est pas fixée par les termes qui y sont employés, elle s'apprécie au regard des conditions effectives dans lesquelles le contrat s'exerce. Il appartient au juge de donner au contrat son exacte qualification lorsqu'elle ne correspond pas à celle qui a été initialement donnée par les parties.
En l'espèce il convient de déterminer si le contrat qualifié de dépôt-vente constitue plutôt un contrat d'agence commerciale dont les particularités trouveraient alors à s'appliquer de plein droit.
L'article L. 134-1 du Code de commerce définit le statut d'agent commercial de la façon suivante : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat , de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autre agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. "
La caractéristique du statut d'agent commercial réside dans la mission de négocier et de conclure des contrats de vente avec des clients qu'il recherche.
Aux termes du contrat litigieux (pièce 2 de l'appelant), Monsieur Serge X avait pour mission :
- de mettre à la disposition de la société Agrileader un entrepôt situé à Moncoutant dont il était propriétaire pour que la société y déposât pour une quantité restant à son appréciation des marchandises dont elle restait propriétaire (articles 2 et 5 du contrat)
- de vendre les marchandises déposées dans cet entrepôt au nom et pour le compte de la société Agrileader et au tarif fixé par cette dernière (article 3-7 du contrat)
- de livrer les marchandises dans les département 85 et 79 suivant une liste fixée par la société expurgée quand cette dernière le souhaitait du nom des clients qu'elle considérait comme douteux (article 3-7 et 3-9 du contrat)
Monsieur Serge X, inscrit au registre des agents commerciaux depuis 1994, a signé en 2001, en toute connaissance de cause, un contrat dérogeant sur de nombreux points à un contrat d'agent commercial.
Ce contrat ne lui donnait pas le pouvoir, inhérent au contrat d'agent commercial, de négocier des contrats de vente :
- il était lié par un fichier de clientèle fixé par la société : la pièce 14 fournie par l'appelant ne montre pas " qu'il se chargeait de la tenue du fichier client qu'il tenait à la disposition de son mandant " mais qu'au contraire, la société Agrileader lui adressait un fichier de clientèle sur lequel il était seulement chargé de vérifier et de remplir quelques précisions.
- il recevait des indications très précises concernant le discours commercial à mettre en avant
- il ne pouvait pas négocier les prix et la pièce 45 qu'il fournit montre que la société Agrileader encadrait très précisément les promotions et remises pouvant être consenties sans faculté pour le mandant d'y déroger.
- il ne pouvait pas négocier les quantités vendues puisque la société déposante gardait l'entière appréciation quant à l'approvisionnement du dépôt en marchandises.
Les multiples attestations de clients visités par Monsieur X qui indiquent avoir été " démarchés " par lui ne sont pas antinomiques avec l'objet et la pratique du contrat qui impliquait un contact entre Monsieur X et les clients d'Agrileader, elles ne suffisent pas à démontrer l'effectivité d'une activité de démarchage dont le jugement entrepris a justement conclu que Monsieur Serge X échouait à apporter la preuve.
Le premier juge a exactement considéré que Monsieur Serge X ne justifiait pas de la qualité d'agent commercial de la société Agrileader et ne pouvait pas prétendre à l'indemnité de fin de contrat qu'il entendait réclamer en cette qualité.
Sur le rappel de commissions :
Le jugement entrepris a condamné la SA Agrileader à verser à Monsieur Serge X, en deniers ou quittances, la somme de 7 009,75 euro pour solde de commissions.
Monsieur Serge X sollicite la confirmation de l'arrêt sur ce point.
La SA Agrileader ne conteste pas le montant de la somme due pour solde de commissions, elle indique avoir adressé cette somme à Monsieur Serge X le 6 janvier 2015 (pièce 15 de l'intimée). Elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer cette somme en deniers ou quittances.
Les parties s'accordent sur le montant de la somme qui restait due au titre du solde des commissions de Monsieur Serge X.
Le premier juge constatait que l'accusé de réception de la lettre recommandée du 6 janvier 2015 contenant le chèque de 7 009,75 euro n'était pas versé au dossier et qu'il n'avait pas la preuve de la réception du chèque et de la perception de la somme. Il en induisait une condamnation en deniers ou quittances.
L'accusé de réception n'est pas plus produit en appel et Monsieur Serge X n'indique pas à ses conclusions s'il a, ou non, reçu cette somme, de sorte que la cour ne peut pas dire et juger que la somme a déjà été réglée.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Agrileader à payer à Monsieur Serge X la somme de 7 009,75 euro en deniers ou quittances pour solde des commissions
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris a justement condamné Monsieur Serge X aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en le déboutant de sa demande faite au titre de l'article 699 du Code de procédure civile.
Monsieur Serge X qui succombe une nouvelle fois en cause d'appel sera condamné à payer à la SA Agrileader la somme de 2 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP D. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR - Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Niort du 31 août 2015 Y ajoutant - Condamne monsieur Serge X à payer à la SA Agrileader la somme de 2 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile - Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires - Condamne Monsieur Serge X aux dépens d'appel lesquels seront directement recouvrés par la SCP Drouineau, Cosset, Bacle, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.