CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 septembre 2016, n° 14-04667
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Algaflex (SAS)
Défendeur :
Ventech (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Bernabe, Seigle, Naboudet-Vogel, Coté
EXPOSE DES FAITS
La société Algaflex a pour activité la fabrication de murs, de cloisons et la conception d'espaces mobiles.
La société Ventech SARL en liquidation amiable depuis le 3 février 2014 effectuait en sous-traitance pour le compte de la société Algaflex SAS la pose de cloisons mobiles.
Au début de l'année 2010 est apparu entre les sociétés un litige portant sur la facturation et les paiements des factures, la société Algaflex ne payant plus la totalité des factures présentées par la société Algaflex et en excluant la partie contestée.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 mai 2010, la société Algaflex a mis en demeure la société Algaflex de payer la somme de 22 826,21 euros TTC dues au titre des factures émises de janvier à avril 2010.
Par acte du 20 septembre 2010, la société Algaflex a assigné la société Algaflex devant le Tribunal de commerce de Grenoble en sollicitant sa condamnation au paiement d'une somme de 47 371,58 euros outre intérêts au taux légal à compter de cette date, et l'indemnisation de son préjudice du fait de la rupture brutale des relations contractuelles par la société Algaflex.
Par jugement en date du 13 février 2012, le Tribunal de commerce de Grenoble s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement en date du 31 janvier 2014 le Tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné la société Algaflex à payer à la société Algaflex la somme de 47 371,58 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,
- condamné la société Algaflex à payer à la société Ventech la somme de 88 225 euros en réparation du préjudice subi par la rupture brutale des relations contractuelles,
- condamné la société Algaflex à payer à la société Ventech la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Algaflex aux entiers dépens de l'instance.
La société Algaflex a interjeté appel le 3 mars 2014 devant la Cour d'appel de Paris.
Par conclusions du 16 mars 2016, la société Algaflex demande à la cour de :
- juger que la société Algaflex n'a pas justifié de la réalité des prestations dont elle demande le paiement,
- juger que la société Algaflex a mis un terme aux relations contractuelles avec la société Algaflex, à compter du 1er semestre 2010,
- juger que la société Algaflex était seule responsable de la diminution de son chiffre d'affaires,
- juger qu'en tout état de cause la société Algaflex n'a pas versé aux débats les éléments comptables permettant de déterminer la marge commerciale réalisée avec la société Algaflex, depuis le début de leurs relations contractuelles,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter monsieur Radouan Z, ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner la restitution par monsieur Radouan Z, ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex, à la société Algaflex des sommes consignées le 15 mai 2014 entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations conformément à l'ordonnance de référé de monsieur le premier président de la Cour d'appel de Paris rendue le 29 avril 2014,
- condamner monsieur Radouan Z, ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex, à payer à la société Algaflex une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner monsieur Radouan Z, ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex, aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel étant distraits au profit de maître Olivier Barnabé, avocat, sur son affirmation de droit.
Par conclusions du 5 avril 2016, la société Algaflex demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel régularisé par la société Algaflex à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 31 janvier 2014,
- débouter la société Algaflex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Algaflex à payer à Monsieur Radouan Z ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex la somme de 47 371,58 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 septembre 2010, date de délivrance de l'assignation,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident de Monsieur Radouan Z ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex, du chef du quantum de préjudice subi par la rupture brutale des relations commerciales,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Algaflex à payer à monsieur Radouan Z ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex la somme de 102 423 euros en réparation du préjudice subi par la rupture brutale des relations commerciales,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a condamné la société Algaflex au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
Y ajoutant,
- condamner la société Algaflex à payer à Monsieur Radouan Z ès qualités de liquidateur amiable de la société Algaflex la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel,
- condamner la société Algaflex aux dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION
Sur le paiement des factures :
Rappelant que l'article 1315 du Code civil prévoit " celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ", la société Algaflex réfute son obligation de payer certaines factures et soutient que le montant de certaines prestations n'est pas justifié, voire majoré.
Ses contestations portent notamment sur les heures de régie, soit le nombre d'heures hors forfait, facturé au titre des chantiers.
Elle explique son refus de payer certaines factures qui ne seraient pas justifiées et insiste sur l'absence de preuve de la société Algaflex permettant de justifier le paiement des factures, notamment le nombre d'heures dues, les frais exposés ou les indemnités kilométriques sollicitées.
La société Algaflex soutient que la somme de 47 371,58 euros correspond aux retenues impayées sur ses factures de janvier à juillet 2010, et relève que la société Team Tex ne conteste pas ce montant. Elle ajoute que ses factures sont établies depuis 2001 de la même façon comme elle en justifie, et ont ainsi force de contrat tacite. Selon elle, ses augmentations de tarifs ont été portées à la connaissance de la société Team Tex qui ne les a pas contestées.
Elle expose les modalités selon lesquelles elle facturait les postes régie et souligne que les factures émises et réclamées sont conformes aux dispositions contractuelles convenues entre les sociétés, que leur paiement pendant plusieurs années vaut acceptation de ces conditions.
Elle souligne avoir répondu précisément aux contestations de ses factures et que les impayées de la société Algaflex concernent aussi les retenues de garantie qui ne sont pas payés, sans aucune justification.
Sur ce :
Les nombreuses factures adressées par la société Algaflex à la société Algaflex depuis l'année 2004 se présentent en plusieurs chapitres successifs : désignation affaires, régi, service après-vente, frais kilométriques et hôtel, suivis par la somme totale sollicitée et l'application de la TVA.
Le taux horaire appliqué aux interventions retenues au titre de la régie et du service après-vente y figure en haut de chacun de ces chapitres ; le chapitre frais kilométrique mentionne le nombre de kilomètres retenus et le coût du kilomètre, et le chapitre hôtel précise le nombre de nuitées retenues et le montant du forfait de chaque nuitée.
Dans les chapitres régies et services après-vente, les différentes interventions sur chacun des chantiers concernés par la facture sont détaillées, ainsi que le nombre d'heures correspondant.
Ces factures ont été régulièrement réglées par la société Algaflex déduction faite d'une retenue de garantie de 5 %, versée quelques semaines après le règlement principal, outre éventuellement des avoirs sur la société Algaflex.
Le litige opposant les parties porte sur le non-paiement partiel par la société Algaflex de plusieurs factures présentées par la société Algaflex au 1er semestre de l'année 2010, pour la somme de 47 371,58 euros.
A la suite de la mise en place par la société Algaflex d'un processus de contrôle de gestion, celle-ci a contesté un certain nombre d'heures et charges facturées par la société Algaflex.
En réponse aux observations de la société Algaflex sur la facture n° 2 602 du 8 janvier 2010 dont elle avait exclu la somme de 1 979 euros HT correspondant à des heures de régie qui n'auraient selon elle pas dû être facturées, la société Algaflex a précisé que les sommes facturées correspondaient aux aller-retours effectivement réalisés et apporté des précisions spécifiques pour l'un des deux chantiers sur lequel des contestations d'horaires étaient soulevées.
Il sera relevé que si la société Algaflex fait état sur trois factures d'avoirs, ceux-ci correspondraient selon la société Algaflex à des régularisations sur des tarifs de pose dues à leur transmission tardive par l'appelante (la société Algaflex produit des messages de relance à l'intimée, pièce 115).
Il n'est donc, à tout le moins, pas établi que la prise en considération de ces avoirs corresponde à l'acceptation des retenues effectuées par la société Algaflex.
La société Algaflex a aussi contesté le nombre d'heures retenues sur la facture n° 2 603 pour un chantier 49 872, et la société Algaflex y a répondu en justifiant le nombre d'heures facturées par les différentes interventions réalisées (dépose du faux plafond, modification de la zone de chargement, repose du faux plafond, démontage des parements et leur remplacement).
La société Algaflex s'est également opposée aux retenues effectuées sur deux factures n° 2 618 et 2 619 par l'appelante qui contestait le nombre d'heures qu'elle estimait trop important, de même que pour les factures n° 2 629 et 2 630 pour lesquelles la société Algaflex a détaillé le nombre d'heures comptabilisées pour chacun des chantiers concernés.
Elle a enfin contesté les retenues de la société Algaflex sur les factures n° 2 638 et 2 639, qui correspondaient essentiellement à des heures de chantier et des frais kilométriques, ainsi que sur les factures n° 2 644 et 2 645, en mettant en avant la charge du transport du matériel du dépôt de la société Algaflex à Evry aux chantiers concernés.
La société Algaflex ne justifie pas qu'il existait, avant son courrier du 2 juin 2010, un accord sur un forfait kilométrique incluant les frais de déplacement dans un rayon de 50 kilomètres autour du point de départ, ce d'autant que depuis 2004 les factures émises par la société Algaflex présentent un kilométrage considérable pouvant se justifier par un nombre important d'aller-retours.
En outre, les pièces échangées entre les sociétés montrent que la société Algaflex était informée de la mise à sa disposition des équipes Algaflex l'une étant basée à Paris et l'autre en Normandie et donc du kilométrage à prévoir, outre du volume horaire d'intervention.
Il ressort de ce qui précède que la société Algaflex a fourni des explications répondant aux contestations soulevées par la société Algaflex sur les factures qui lui étaient adressées, lesquelles sont établies sur le même mode depuis 2004.
La société Algaflex avait depuis 2004 accepté ce mode de facturation, sans solliciter jusqu'au début d'année 2010 de justificatifs.
Dans son mail du 29 septembre 2008 sur la mise en place par la société Algaflex d'une nouvelle équipe de pose, la société Algaflex indiquait que les tarifs à appliquer pour la pose réalisée par cette équipe seront ceux actuellement en cours entre nos deux sociétés, ce qui confirme l'existence d'un accord entre elles sur la tarification alors appliquée entre ces sociétés, à la fois quant à son principe et quant à son montant.
Les deux sociétés travaillaient depuis des années dans une confiance réciproque, qui reposait notamment sur la fourniture par la société Algaflex de facturations détaillées afin de permettre leur contrôle par la société Algaflex, sans que celle-ci ne sollicite de justificatifs supplémentaires.
Les conditions figurant dans le courrier du 2 juin 2010 de la société Algaflex, dans lequel elle énonce que les seuls travaux en régie pouvant être pris en compte sont ceux qui ont fait l'objet par la société Algaflex d'une offre ou d'un devis, et d'un bon de commande de sa part, pour contester la facturation appliquée par la société Algaflex, apparaissent nouvelles par rapport aux usages entre ces sociétés jusqu'alors.
Au vu de ce qui précède, il est établi que les retenues effectuées par la société Algaflex sur les factures en cause ne sont pas justifiées, et le jugement en cause qui a condamné la société Algaflex au paiement de l'intégralité des retenues sur les factures émises par la société Algaflex, soit la somme de 47 371,58 euros, sera confirmé.
Sur l'absence de rupture brutale des relations commerciales :
La société Algaflex conteste être responsable d'une rupture brutale de relations commerciales du fait d'une modification des conditions tarifaires, son document " méthode de calcul, tarif de pose " du 3 juin 2010 adressé à la société Algaflex constituant non une modification mais un rappel des méthodes de calcul utilisées par ses sous-traitants.
Elle estime que ce document ne saurait constituer une rupture abusive des relations contractuelles en ce qu'elle aurait modifié unilatéralement les conditions tarifaires, entraînant la réduction de la marge nette de la société Algaflex. Elle conteste tout changement des montants de frais kilométriques, ajoute qu'une telle modification ne saurait constituer une rupture des relations commerciales, ce alors que la société Algaflex a utilisé cette méthode pour établir certaines factures.
Selon elle, c'est la société Algaflex qui a tenté de lui imposer une modification unilatérale de ses tarifs horaires à compter du 1er juin 2010, qui a rompu les relations contractuelles en refusant de nouveaux chantiers, sa décision expliquant la diminution de son chiffre d'affaires.
Elle ajoute que la surfacturation systématique de la société Algaflex constitue un manquement grave à l'obligation de loyauté contractuelle justifiant une rupture brutale.
La société Algaflex impute la responsabilité de la rupture brutale à la société Algaflex a tenté d'imposer une modification unilatérale, sans préavis et même rétroactive de ses conditions tarifaires, ce qui l'a amené à prendre acte de la rupture brutale de leurs relations commerciales existant depuis 2001.
Elle précise que la société Algaflex a imposé brusquement ses nouvelles conditions tarifaires et a cherché à les appliquer rétroactivement aux factures déjà émises et non encore réglées.
Elle ajoute que la société Algaflex n'apporte pas la preuve que la preuve que la société Algaflex aurait refusé la poursuite de leurs relations aux tarifs antérieurs, ou que des heures de régie ou de déplacement lui auraient été facturées indûment, de sorte qu'elle est à l'origine de la rupture des relations contractuelles.
Sur ce
L'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le fait, par tout producteur, commerçant, industriel de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels.
Il ressort de l'analyse des factures versées par la société Algaflex depuis 2004 que le taux horaire était de 27,44 euros, qu'il a été porté en janvier 2006 à 30,18 euros, puis à 38 euros en juillet 2009. Ce taux apparaît en juin 2010 porté à 40 euros.
Ces factures montrent également que l'indemnité kilométrique était de 0,46 euros en 2004, portée à 0,50 euros en janvier 2005, à 0,55 euros en janvier 2006, à 0,69 euros en juin 2008, à 0,72 euros en juin 2010.
La nuitée d'hôtel était en 2004 de 53,36 euros, portée à 58,67 euros en janvier 2006, et à 64 euros sur les factures de la société Algaflex de juin 2010.
Ces différentes augmentations, figurant régulièrement sur les factures de la société Algaflex, n'ont pas été contestées au cours des années précédant le litige apparu en 2010 par la société Algaflex qui les a réglées, ce qui révèle leur acceptation tacite.
Par un mail du 12 mai 2010 adressé à la société Algaflex, la société Algaflex a précisé le détail des tarifs qu'elle entendait appliquer dorénavant, en indiquant qu'il s'agissait de la même base de calcul pour tous les sous-traitants.
Cependant, elle ne justifie pas de l'acceptation par la société Algaflex de ces tarifs qu'elle prétend appliquer avec ses autres sous-traitants.
Ce mail indique notamment l'absence de frais kilométriques dans un rayon de 50 kilomètres.
La teneur de ce mail fait apparaître qu'il s'agit de nouvelles dispositions, qui ne correspondent pas aux pratiques précédentes entre les deux sociétés.
De son côté, la société Algaflex lui a adressé le 18 mai 2010 une lettre recommandée précisant ses nouveaux tarifs - taux horaires, frais kilométriques et d'hôtel - devant entrer en vigueur au 1er juin 2010. Elle y demandait à la société Algaflex de lui transmettre ses modalités de calcul des tarifs, afin de pouvoir calculer ses tarifs selon la procédure de la société Algaflex.
La société Algaflex ne peut faire état utilement d'un mail de réponse du 28 mai 2010 sur les nouveaux tarifs de la société Algaflex pour soutenir les avoir contestés, s'agissant d'un mail interne à la société Algaflex dont rien n'indique que la société Algaflex en ait été rendue destinataire.
Par ailleurs, les augmentations annoncées par la société Algaflex le 18 mai 2010 apparaissent s'inscrire dans une logique d'actualisation des coûts supportés par le sous-traitant en cohérence avec les augmentations régulières préalablement intervenues et non contestées par la société Algaflex.
Par un autre courrier recommandé du 18 mai 2010 portant en objet règlement de nos factures, la société Algaflex mettait la société Algaflex en demeure de régler les sommes qui lui étaient dues.
En réponse, le 2 juin 2010, la société Algaflex précisait dans un courrier ayant pour objet règlement de factures que le forfait contenait des frais de déplacement dans un rayon de 50 kilomètres autour du point de départ.
Pour autant, la cour constate qu'aucune des factures produites intervenues entre janvier 2004 et juin 2010 entre les deux sociétés ne faisait apparaître un tel forfait kilométrique, qui constitue ainsi une disposition nouvelle.
La société Algaflex ne justifie pas que la grille tarifaire transmise le 3 juin 2010 à la société Algaflex lui avait été transmise précédemment, cet envoi étant une réponse à la demande cette société contenue dans son 1er courrier du 18 mai 2010.
Il résulte de ce qui précède que l'envoi de cette nouvelle grille tarifaire la société Algaflex a modifié notamment le calcul des frais kilométriques, en supprimant leur remboursement pour des trajets inférieurs à 100 kilomètres.
Le fait pour la société Algaflex d'avoir indiqué qu'elle était prête à accepter le nouveau système de calcul retenu par la société Algaflex, sous la condition préalable du paiement par cette société des retenues qu'elle avait opérées sur les factures précédemment émises, ne constituait pas un engagement à la poursuite de relations commerciales.
La modification constituée par cette nouvelle grille tarifaire de la société Algaflex caractérise une rupture des relations entretenues avec la société Algaflex, en ce qu'elle apporte une modification substantielle aux conditions dans lesquelles s'inscrivaient les relations contractuelles.
Elle apparaît brutale, en ce qu'elle est imposée unilatéralement par la société Algaflex, sans négociation préalable intervenue entre les deux parties.
La société Algaflex n'était pas obligée d'accepter une telle modification, l'accord donné par la voix de son conseil était sous condition et ne constituait pas un engagement ferme à la poursuite des relations.
Il ressort du reste du courrier adressé le 31 août 2010 que la société Algaflex n'a pas accepté la proposition présentée par la société Algaflex au cours d'une réunion intervenue entre ces sociétés le 19 août.
La société Algaflex ne peut dès lors faire état utilement des propositions de chantiers qu'elle aurait adressées à la société Algaflex qui les aurait refusées, ce d'autant qu'elle n'en justifie que par un mail du 15 septembre 2010 ne démontrant ce refus, et qu'il ressort d'un courrier du 24 août 2010 que la société Algaflex souhaitait que tout nouveau chantier fasse l'objet d'une proposition forfaitaire, soit des modalités nouvelles par rapport aux pratiques précédentes.
Il est ainsi établi que c'est bien la société Algaflex qui a rompu brutalement les relations contractuelles existant avec la société Algaflex.
Sur la durée du préavis et le préjudice :
Après avoir relevé que le préjudice relève de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même, la société Algaflex soutient que le jugement a retenu à tort que le préjudice correspondait au résulte d'exploitation perdu en six mois et non de la perte de marge enregistrée, et que la société Algaflex ne justifie pas de son préjudice.
Elle relève que la société Algaflex ne justifie pas de son taux de marge, conteste la crédibilité des attestations de son expert-comptable, et soutient que la perte de résultat de cette société s'explique par une volonté de réduire son activité, qu'illustre la cession de deux contrats d'agents commerciaux et le refus de cette société de nouveaux chantiers.
Elle se fonde sur une durée de relations commerciales entre les sociétés de six années pour en déduire que le délai de préavis ne devrait pas être supérieur à 3 mois.
De son côté, la société Algaflex, qui a été liquidée amiablement, fait état d'un préjudice considérable, au vu de la part de la société Algaflex dans son chiffre d'affaires et de l'incidence de cette rupture sur les résultats de son activité. Elle produit des attestations de son expert-comptable et souligne avoir versé ses bilans sur les années en cause, qui fondent sa demande de préjudice.
Elle met en avant l'ancienneté des relations commerciales, le déséquilibre entre les sociétés, et le caractère abusif de la rupture de son principal fournisseur, à l'origine de son préjudice et de sa liquidation. Elle estime une durée de préavis raisonnable à six mois.
Sur ce
Si la société Algaflex soutient que les relations entre les sociétés ont commencé en 2001, les pièces versées montrent que les relations commerciales entre les sociétés Algaflex et Algaflex se sont déroulées de 2004 à 2010, de sorte qu'une durée de relations de sept années sera retenue.
Il ressort de l'attestation la plus récente de l'expert-comptable de la société Algaflex que la part de la société Algaflex dans son chiffre d'affaires représentait 82,98 % en 2006, 75,58 % en 2007, 59,19 % en 2008, 75,32 % en 2009 et 50,63 % en 2010, les bilans de la société Algaflex sur ces trois dernières années étant versés aux débats.
Au vu de ces éléments, le tribunal de commerce a fait une juste appréciation en fixant la durée du préavis qui aurait dû être appliqué à six mois.
L'évaluation du préjudice subi par la société Algaflex doit être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute qu'elle pouvait escompter si les relations commerciales n'avaient pas été rompues.
La moyenne du chiffre d'affaires réalisé HT entre les sociétés au cours des exercices précédant la rupture peut être retenue comme base de détermination du préjudice.
La société Algaflex ne peut mettre en avant le fait que les attestations produites par la société Algaflex pour justifier du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec la société Algaflex ont été rédigées par l'expert-comptable de l'intimée pour les contester, alors que sont notamment produits les bilans 2008 à 2011.
Comme indiqué précédemment, au cours de l'exercice 2007, le chiffre d'affaire de la société Algaflex avec la société Algaflex s'est monté à 217 466 euros.
Ce chiffre d'affaires était de 261 245 euros en 2008, et de 433 619 euros en 2009.
Aussi, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé lors de ces trois exercices précédant la rupture par la société Algaflex avec la société Algaflex est de 25 342 euros.
La rupture brutale des relations commerciales entre les sociétés a causé un préjudice important à la société Algaflex, ce d'autant que la société Algaflex représentait plus de la moitié de son chiffre d'affaires.
Si la société Algaflex soutient que la société Algaflex a pris la décision de réduire puis de cesser son activité, la cession par l'intimée de carte commerciale sur plusieurs départements au profit de sociétés tierces, après en avoir informée la société Algaflex qui avait donné son accord, ne saurait à elle-seule démontrer cette volonté de mettre un terme à son activité, et ni supprimer le préjudice subi par l'intimée du fait de la rupture des relations commerciales dont la société Algaflex est à l'origine.
Il convient de se fonder sur le montant du bénéfice de la société Algaflex (160 157,63 euros) pour un total des produits de 454 525,05 euros en 2008, et de ses bénéfices en 2009 comparés au total de ses produits.
En conséquence, il convient de réduire le montant retenu par le tribunal de commerce au titre du préjudice, qui sera fixé à la somme de 55 221 euros.
Sur les autres demandes :
La société Algaflex succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
Étant condamnée au paiement des dépens, elle sera condamnée au paiement d'une somme supplémentaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, que l'équité commande de fixer à 3 000 euros.
Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 31 janvier 2014, à l'exception du montant du préjudice, Fixe à 55 221 euros le montant du par la société Algaflex à la société Ventech en réparation du préjudice subi par la rupture brutale des relations commerciales, Condamne la société Algaflex au paiement d'une somme supplémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Algaflex aux entiers dépens de première instance et d'appel.