Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 20 septembre 2016, n° 14-03713

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Novalie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Olive

Conseillers :

M. Bertrand, Mme Ferranet

Avocats :

Mes Argellies, Apollis, Itrac, Senmartin

T. com. Montpellier, du 7 avr. 2014

7 avril 2014

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société à responsabilité limitée Novalie fabrique et commercialise des produits à base de résine époxy destinés à la rénovation et à la décoration des sols.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2011, elle a conclu avec M. Laurent X un contrat d'agence commerciale à durée indéterminée, au terme duquel elle a confié à celui-ci le mandat exclusif de vendre divers produits (Drainazzo, Epok'Roc, Drainazzo Kid, Novaprosol, Novaprolisse et Epok cirène et sol), dans les départements 85, 44, 17, 49 et 79.

L'article 7 du contrat prévoit un commissionnement de 7 % calculé sur les montants HT, déduction faite de toute remise immédiate ou différée, des ventes réalisées dans le secteur par l'agent ; le fait générateur de la commission étant constitué par l'acceptation de la commande par le mandant.

Au début de l'année 2012, la société Novalie et la société Vendée Béton ont créé en partenariat un produit dénommé Duoliss, résultant de l'association entre une dalle en béton drainant et une résine de sol époxy décorative.

Au cours de l'année 2012, M. X a participé à la promotion de ce produit en qualité de moniteur-démonstrateur.

Par courriel du 5 décembre 2012, M. R., gérant de la société Novalie, a indiqué à M. X que les factures de commissions d'août, septembre et octobre, seraient payées à la fin du mois et l'a informé qu'au vu de l'évolution de leurs relations et surtout de celles avec Vendée Béton, il allait lui envoyer, en recommandé, une lettre mettant fin à leur collaboration, à laquelle il devrait répondre afin que la rupture ait lieu dans les meilleures conditions.

Le 28 décembre 2012, la société Novalie a adressé à M. X, un courrier recommandé avec accusé de réception ainsi rédigé : " Pour faire suite à différents entretiens avec notre client Vendée Béton avec qui nous avons développé un partenariat poussé (développement d'un système breveté Duoliss en commun), et nous-mêmes, je suis contraint d'arrêter notre collaboration à partir de la réception de cette lettre. En tant que gérant de Novalie et vu l'importance que représente un client comme Vendée Béton (client stratégique), vous connaissez les raisons pour lesquelles je suis contraint de prendre cette décision. "

En réponse du 4 janvier 2013, M. X a déploré la résiliation anticipée du contrat d'agence commerciale engendrant une perte de revenus et a demandé quelles seraient les conditions de son indemnisation. Par lettre du 10 janvier 2013, la société Novalie a précisé que les deux dernières factures de commissions seraient réglées mais qu'elle n'envisageait aucune indemnisation, lui rappelant que la situation résultait des relations de l'intéressé avec la société Vendée Béton, qui avait sollicité l'arrêt de la collaboration.

Après mises en demeure infructueuses, M. X a fait assigner la société Novalie devant le Tribunal de commerce de Montpellier, par acte d'huissier du 30 avril 2013, en paiement des commissions, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de fin de contrat.

Par jugement contradictoire du 7 avril 2014, le tribunal a notamment :

- débouté la société Novalie de ses demandes comme infondées et injustifiées ;

- condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 2 172,67 euros, pour non-respect du préavis avant la rupture du contrat d'agent commercial ;

- condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 8 365 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de rupture du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 ;

- condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 1 282,93 euros, au titre des factures d'octobre, novembre et décembre 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013 ;

- condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 2 500 euros, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 1 250 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Novalie aux dépens de l'instance.

La SARL Novalie a interjeté appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 7 avril 2014.

M. X a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à assortir le jugement de l'exécution provisoire, au visa de l'article 525-1 du Code de procédure civile. Il a été débouté de sa requête par ordonnance du 21 janvier 2015.

Dans ses conclusions transmises au greffe le 30 juin 2014, la société Novalie a conclu à la réformation partielle du jugement, demandant à la cour de débouter M. X de ses demandes, et à titre reconventionnel, de le condamner à lui payer un trop-perçu de commissions de 3 693,36 euros, de procéder par compensation entre cette somme et la somme de 1 282,93 euros qu'elle doit au titre des factures d'octobre, novembre et décembre 2012. Elle sollicite l'allocation de la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que :

- la relation contractuelle a duré 15 mois ;

- M. X n'a pas démarché ni étendu le fichier clientèle et ne s'est pas impliqué dans la commercialisation du produit Duoliss ; son incompétence et son manque de professionnalisme attestés par Mme B., chef du marché béton de la société VM Béton, caractérisent des fautes graves justifiant la rupture du contrat ;

- les factures n° 8 et 9 de commissions dont M. X réclame le paiement ne tiennent pas compte des remises de 30 % faites aux clients ; elle doit, à ce titre, la somme de 1 282,93 euros TTC et non 1 491,73 euros ;

- au cours de l'année 2012, M. X a trop perçu une somme de 3 693,36 euros TTC, dont 751,13 euros au titre de la facturation de la société VM distribution ;

- selon le contrat, le calcul de la commission se fait sur le montant après remise accordée par l'agent ou le mandant ; M. X n'en a pas tenu compte ;

- le préavis n'est pas dû lorsqu'il est mis fin au contrat pour faute grave ;

- en tout état de cause, la base de calcul pour 2012 n'est pas 16 729,36 euros mais 13 036 euros, de sorte que le préavis de deux mois s'élèverait à 2 172,67 euros ;

- l'indemnité de fin de contrat n'est pas due et dans le cas contraire, elle doit être fixée à 6 mois de commissions, soit 6 518 euros, compte tenu de la brièveté de la relation contractuelle ;

- le retard de paiement des commissions ne peut donner lieu qu'à la perception d'intérêts au taux légal.

Dans des conclusions transmises au greffe de la cour le 22 juillet 2014, M. Laurent X, formant appel incident, a conclu à la réformation du jugement en ce qui concerne le montant des condamnations mises à la charge de la société Novalie. Il demande à la cour de condamner cette dernière à lui payer les sommes suivantes :

- 1 491,73 euros, au titre des factures de commissions d'octobre, novembre et décembre 2012, outre intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013,

- 2 788,22 euros, à titre d'indemnité pour rupture brutale du contrat et 33 458,72 euros, au titre de l'indemnité de fin de contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013,

- la somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice subi pour réticence abusive,

- 4 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- le fait générateur de la commission est le bon de commande accepté par la société Novalie ;

- il a facturé 7 % des sommes figurant sur les bons de commande, ce qui n'a jamais été remis en cause par la société Novalie ; il était seul en contact avec les clients auxquels il pouvait accorder des remises ; il ne devait pas subir les remises éventuellement consenties par la société Novalie ;

- il n'est justifié d'aucune faute grave ; il avait une parfaite connaissance des produits à base de résine et avait assuré dans le passé des formations au sein du groupe Vendée Matériaux ;

- il lui a été attribué un diplôme de formateur pour le produit Duoliss et il s'est impliqué dans la promotion de celui-ci ; il n'avait pas à développer de la clientèle puisqu'il avait pour consigne de traiter avec les sociétés du groupe Vendée Matériaux ; il a néanmoins organisé des formations hors de son secteur géographique et a même développé le produit auprès de la société Gedimat à Pouzauges (85) ;

- il a travaillé en collaboration avec Mme B. pour l'organisation des journées de formation et c'est suite à son indécision à accepter une augmentation de ses missions concernant le produit Duoliss, que cette dernière a sollicité auprès de M. R. son remplacement ;

- la société Novalie ne lui a fait aucun reproche ;

- l'indemnité de fin de contrat doit être fixée à deux années de commissions, même si le contrat d'agence commerciale a duré 15 mois ; elle doit réparer le préjudice lié au manque à gagner et au temps nécessaire pour reconstituer une clientèle ;

- la rupture sans préavis du contrat fonde l'application de l'article L. 134-11 du Code de commerce et l'allocation d'une indemnité égale à deux mois de commissions ;

- la résistance au paiement de sommes dues au titre des commissions et des indemnités est abusive.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 31 mai 2016.

Motifs de la decision

Sur les commissions

L'article 7 du contrat d'agence commerciale fixe un commissionnement égal à 7 % du montant HT des ventes réalisées par M. X, déduction faite de toute remise immédiate ou différée. Le fait générateur de la commission étant constitué par l'acceptation de la commande par la société Novalie.

Les remises immédiates ou différées s'entendent nécessairement de celles accordées par l'agent commercial avec l'accord du mandant ou de celles consenties par celui-ci avec l'accord de l'agent.

Ainsi, les remises consenties par la société Novalie sans l'accord de M. X ne peuvent pas être prises en compte dans la mesure où elles auraient pour effet de réduire le montant des commissions auxquelles il peut prétendre.

La société Novalie a d'ailleurs payé les factures de commissions jusqu'en septembre 2012 sur la base du montant des commandes passées par l'intermédiaire de M. X, déduction faite des remises consenties par ce dernier avec son accord.

Elle ne justifie pas que M. X n'a pas pris en compte de telles remises alors que les factures mensuelles de commissions mentionnent le montant des commandes et des remises consenties.

L'octroi aux clients du secteur dévolu à M. X, de remises ou réductions supplémentaires sans l'accord de celui-ci, ne saurait lui être opposé valablement s'agissant d'une atteinte portée à son droit à commission et fonder la demande en paiement d'un trop-perçu.

La société Novalie est donc redevable d'une somme de 1 491,73 euros (990,28 euro + 501,45 euro), au titre des commissions facturées en octobre, novembre et décembre 2012.

Elle sera condamnée à payer à M. X la somme de 1 491,73 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 2013.

Sur la rupture du contrat d'agence commerciale

Il résulte de la combinaison des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent ou résulte de son initiative, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

La société Novalie n'a reproché aucune faute à M. X dans le courrier de rupture du 28 décembre 2012, puisque son gérant a indiqué qu'il était contraint d'arrêter leur collaboration, compte tenu de l'évolution des relations entretenues avec la société Vendée Béton.

Il ressort du courriel du 5 décembre 2012 et de l'attestation de Mme B., chef du marché béton au sein de la société Vendée Matériaux que celle-ci s'est plainte des prestations fournies par M. X, en qualité de moniteur-démonstrateur du nouveau produit Duoliss et a donc souhaité qu'une autre personne intervienne pour la promotion de ce produit.

Le contrat d'agence commerciale conclu avec la société Novalie ne concerne pas la commercialisation du produit Duoliss et le prétendu manque d'implication reproché à M. X par un partenaire commercial de celle-ci, dans le cadre de ses fonctions de moniteur-démonstrateur de ce produit, qui n'entraient pas dans sa mission de mandataire, ne pouvait justifier une rupture unilatérale aux torts de celui-ci.

Ainsi la société Novalie qui a pris l'initiative de la rupture ne démontre pas que M. X a commis des fautes dans l'exécution de son mandat d'agent commercial.

En conséquence de cette rupture décidée par la société Novalie sans respect du préavis prévu à l'article L. 134-11 du Code de commerce, M. X a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité de rupture.

L'indemnité de préavis sera calculée sur la base de la moyenne mensuelle des commissions acquises au cours de l'exercice 2012 soit 1 394,11 euros (16 729,36 euro/12). Le contrat ayant été rompu au cours de la deuxième année, elle sera fixée à la somme de 2 788,22 euros (1 394,11 euro X 2).

L'indemnité de fin de contrat a pour objet d'assurer à l'agent, dont le contrat est rompu, la réparation complète de son préjudice résultant de la perte pour l'avenir des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature ou si elles proviennent d'une clientèle préexistante au contrat ou au contraire d'une clientèle créée, apportée et développée par l'agent.

Pour l'évaluation du préjudice consécutif à la cessation du contrat, il convient de retenir que la relation contractuelle entre les parties a duré 15 mois, que M. X bénéficiait d'une exclusivité pour la représentation des produits de la société Novalie, qu'il perd le droit de prospecter la clientèle constituée de centrales de béton importantes dans les secteurs géographiques qui lui étaient dévolus et que la reconstitution d'une clientèle équivalente nécessitera du temps.

En l'état de ces éléments, l'indemnité de cessation de contrat sera fixée à la somme de 20 000 euros.

Il n'est justifié d'aucun autre chef de préjudice indemnisable, distinct de la rupture du contrat d'agence commerciale et du retard dans le paiement réparé par les intérêts moratoires.

La demande en paiement d'une indemnité de 5 000 euros sera rejetée et le jugement infirmé de ce chef.

La société Novalie sera donc condamnée à payer à M. X la somme de 2 788,22 euros, au titre de l'indemnité de préavis et celle de 20 000 euros, au titre de l'indemnité de cessation de contrat, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise ne demeure du 31 janvier 2013.

Le jugement sera réformé en ce qui concerne le montant des condamnations mises à la charge de la société Novalie.

Sur les autres demandes

La société Novalie succombant en son appel sera condamnée à payer à M. X la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a : - condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 2 172,67 euros, au titre de l'indemnité de préavis, - condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 8 365 euros, au titre de l'indemnité de cessation de contrat, - condamné la société Novalie à payer à M. X la somme de 1 282,93 euros, au titre des factures de commissions ainsi qu'une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ; Condamne la société Novalie à payer à M. X : * la somme de 1 491,73 euros, au titre des factures de commissions, outre intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013, * 2 788,22 euros, au titre de l'indemnité de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013, * 20 000 euros, au titre de l'indemnité de cessation de contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 ; Déboute M. X de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant ; Condamne la société Novalie à payer à M. X la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Novalie de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Novalie aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.