CA Versailles, 12e ch., 13 septembre 2016, n° 15-00164
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Toyota France (SAS)
Défendeur :
Générali Iard (SA), Maréchal Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rodenthal
Conseillers :
M. Leplat, Mme Soulmagnon
Exposé du litige
Catherine C., épouse D. a acquis un véhicule de marque Toyota le 30 mars 2007 auprès de la société par actions simplifiée Maréchal Automobiles concessionnaire de la marque Toyota, véhicule assuré auprès de la société anonyme Générali Iard.
Le 7 septembre 2007, ce véhicule s'est enflammé alors qu'il était en stationnement.
La société Générali Iard, après expertise, a remboursé Catherine D. et s'est retournée contre le vendeur, la société Maréchal Automobiles en garantie des vices cachés en la faisant assigner par acte délivré le 13 septembre 2012, devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins d'entendre ce dernier :
- condamner la société Maréchal Automobiles à payer à la Compagnie Générali Iard la somme en principale de 60.343,33 euros, outre intérêts légaux et capitalisés,
- dire et juger à la Compagnie Générali Iard qu'elle ne puisse être tenue de restituer le véhicule litigieux puisqu'il a été détruit à l'issue des opérations d'expertise judiciaire,
- condamner la société Maréchal Automobiles à payer à la Compagnie Générali Iard la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP F. C., avocats aux offres de droits.
Suite à cette assignation, la société Maréchal Automobiles a fait assigner le 30 octobre 2012, la société Toyota France en garantie.
Par jugement du 27 février 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a joint les deux instances.
Par jugement entrepris du 12 décembre 2014 le tribunal de commerce de Pontoise a :
Déclaré que l'action introduite à l'encontre de la société Maréchal Automobiles par la compagnie GENERALI LARD n'était pas prescrite ;
Débouté la société Maréchal Automobiles de sa demande au titre de la prescription de l'action ;
Condamné la société Maréchal Automobiles à payer à la Compagnie Générali Iard la somme en principal de 60 343,33 euros, outre intérêts légaux à compter de la date de l'assignation du 13 septembre 2012 ;
Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Dit que la compagnie Générali Iard n'était pas tenue de restituer le véhicule litigieux au motif qu'il a été détruit à l'issue des opérations d'expertise judiciaire ;
Déclaré la société Maréchal Automobiles partiellement fondée en sa demande reconventionnelle ;
Déclaré la société Toyota France mal fondée en sa demande reconventionnelle, fins et conclusions, l'en a débouté ;
Condamné la société Maréchal Automobiles à payer à la Compagnie Générali Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déclaré les sociétés Maréchal Automobiles et Toyota France mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les en déboute ;
Condamné la société Maréchal Automobiles aux dépens de l'instance, ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution y compris les frais d'expertise, s'il y avait lieu, dont distraction au profit de la SCP F. C., avocats aux offres de droits ;
Déclaré que la société Toyota France doit relever indemne la société Maréchal Automobiles de toutes les condamnations qui sont prononcées à son encontre au titre du litige.
Prétentions des parties
Vu l'appel interjeté le 7 janvier 2015 par la société Toyota France ;
Vu les dernières écritures signifiées le 2 mai 2016 par lesquelles la société Toyota France demande à la cour de :
Recevoir la Société Toyota France en son appel et le dire bien fondé,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement rendu le 12 décembre 2014 par le Tribunal de Commerce de Pontoise dans toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Dire et juger que la Société Générali Iard ne démontre pas l'existence d'un vice caché;
En conséquence,
Débouter Société Générali Iard de son action en garantie légale des vices cachés à l'égard de la Société Toyota France.
Débouter la Société Maréchal Automobiles de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la Société Toyota France.
Si par impossible la Cour ordonnait la résolution de la vente entre la Société Maréchal Automobiles et Madame D.,
Dire et juger que la Société Toyota France ne saurait être tenue à garantir la Société Maréchal Automobiles du prix de la vente intervenue entre la Société Maréchal Automobiles et Madame D. ;
Dire et juger que la Société Maréchal Automobiles n'a pas sollicité la résolution de la vente en date du 15 décembre 2006 ;
En conséquence,
Débouter la Société Maréchal Automobiles de son action en garantie.
En tout état de cause,
Condamner la Société Maréchal Automobiles à payer à la Société Toyota France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la Société Maréchal Automobiles aux entiers dépens de l'instance dont le recouvrement sera effectué par Maître Bertrand R., de l'AARPI JRF Avocats, avocat au Barreau de Versailles, pour ceux-là concernant conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 11 mai 2016 au terme desquelles la société Maréchal Automobiles demande à la cour de :
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que l'incendie avait pour cause un vice caché affectant le véhicule
Et, statuant à nouveau,
Constater que la preuve de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule n'est pas rapportée par la Société Générali Iard.
Par voie de conséquence,
Débouter la Société Générali Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conséquences.
A titre subsidiaire, et si par impossible la Cour devait retenir que le véhicule est affecté d'un vice caché,
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société Toyota France à relever indemne et garantir la Société Maréchal Automobiles de l'ensemble des condamnations qui viendraient à être prononcés à son encontre au profit de la Société Générali Iard.
Débouter la Société Toyota France de toutes demandes plus amples ou contraires.
Condamner tout succombant à verser à la Société Maréchal Automobiles une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner pareillement tout succombant aux entiers dépens de l'instance et AUTORISER la Société P. M. H. & Associés à procéder à leur recouvrement en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 7 avril 2016 par lesquelles la société Générali Iard demande à la cour de :
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil
Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Robert H. du 11 avril 2012
Confirmer purement et simplement la décision entreprise,
En conséquence,
Dire et juger recevable et bien fondée la Compagnie Générali Iard en son action,
Condamner la société Maréchal Automobiles à verser à la compagnie Générali Iard la somme en principal de 60 343,33 euros outre intérêts légaux et capitalisés,
Dire et juger à la compagnie Générali Iard qu'elle ne peut être tenue de restituer le véhicule litigieux puisqu'il a été détruit à l'issue des opérations d'expertise judiciaire,
Condamner la société Maréchal Automobiles et la Société Toyota à verser à la compagnie Générali Iard la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
Motifs de la décision
Sur l'existence d'un vice caché :
La société Générali Iard, assureur de Catherine C., épouse D., acquéreur du véhicule de marque Toyota, le 30 mars 2007, auprès de la société par actions simplifiée Maréchal Automobiles, concessionnaire de la marque Toyota, qui s'est enflammé, en stationnement, le 7 septembre 2007, agit contre le vendeur du véhicule en garantie des vices cachés, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, selon lequel : Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Elle estime qu'il se déduit du rapport d'expertise du Cabinet Alliance Management, qu'elle a fait diligenter, que l'origine du feu est consécutive à un court-circuit du bloc de jonction ;
Que l'expert judiciaire, commis par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 3 novembre 2009, va dans le même sens, Robert H. ayant conclu, dans son rapport déposé le 11 avril 2012, que :
- l'incendie s'est limité, hors habitacle, avec un foyer principal dans le compartiment moteur dans la zone à la gauche du groupe motopropulseur et avec comme combustible le gasoil provenant des circuits coupés,
- le développement du feu s'est effectué dans la zone comprise entre le Calculateur moteur et le filtre à gasoil,
- le déclencheur de l'incendie est un vice caché au niveau du Calculateur moteur, à boiter en aluminium, créant un point très chaud (foyer de combustion) provoquant sa fusion et sa coulée, propageant ensuite l'incendie sur le circuit gasoil ;
Que les opérations d'expertise judiciaire ont donc conclu au vice intrinsèque du véhicule, le localisant au niveau du calculateur moteur et non pas au bloc de jonction ; que cela reste un vice interne et rédhibitoire, la cause de la cause ne l'intéressant pas.
La société Maréchal Automobiles remet en cause les conclusions de l'expert judiciaire, qui n'aurait pas procédé à l'expertise complète du calculateur moteur, qui aurait évoqué aussi le bloc électrique ou encore un suintement de gasoil, ce qui ne permettrait pas de mettre en évidence avec certitude la cause du sinistre, qui pourrait être une cause étrangère, environnementale.
Elle souligne un kilométrage parcouru variant de 11 000 à 30 000 km, selon les expertises, ce qui démontre une utilisation soutenue du véhicule en six mois de temps, et de s'étonner que le point chaud, évoqué par l'expert, n'ait pas, plus tôt, déclenché un incendie.
La société Toyota France estime aussi que l'existence d'un vice caché n'est pas démontrée puisqu'en page 37 du rapport, l'expert indique que la certitude de la mise en cause d'un défaut du calculateur moteur nécessiterait son expertise complète sur un composant équivalent démonté et ne peut donc, dans le même temps, conclure en page suivante que le déclencheur de l'incendie est un vice caché au niveau du Calculateur moteur.
Elle expose que la cause de l'incendie n'est pas précisément définie par l'expert, dont elle ajoute qu'il a confondu dans son rapport le calculateur moteur avec le boîtier EDU, ce qui est de nature à remette en cause sa compétence technique, puisqu'il n'est pas en mesure de dire quelle pièce est à l'origine de l'incendie.
Mais la cour relève qu'aucune cause externe au véhicule n'est soutenue par les parties quant à l'origine de l'incendie, dont l'expert judiciaire, sans équivoque, le décrit comme étant limité au compartiment moteur. Il s'agit donc d'un vice intrinsèque de la chose vendue, dont il n'est non plus pas allégué de défaut d'entretien ou un usage non conforme de la part de son acquéreur.
L'expert a certes évoqué diverses hypothèses dans son rapport, mais ses conclusions n'en retiennent qu'une seule : un déclenchement d'incendie au niveau du calculateur moteur, ce qui ne met pas directement en cause cette pièce, mais localise néanmoins avec grande précision le démarrage du sinistre, que l'on ne peut autrement expliquer que par un défaut caché de la chose vendue, un véhicule en stationnement, mis en circulation six mois auparavant et en bon état d'entretien, n'étant normalement pas conçu pour s'enflammer spontanément.
Il doit aussi être relevé que ni la société Toyota France, ni la société Maréchal Automobiles, qui remettent en cause les conclusions de l'expertise et la compétence de Robert H. n'ont sollicité la désignation d'un nouvel expert.
La cour confirmera donc le jugement en ce qu'il a estimé le véhicule assuré par la société Générali Iard, comme étant atteint d'un vice caché le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné et en ce qu'il a condamné la société Maréchal Automobiles à indemniser l'assureur subrogé de l'acquéreur du véhicule.
Sur le préjudice :
La société Générali Iard demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme totale de 60.343,33 euros, représentant celle de 44.427 euros qu'elle a elle-même versé à son assurée, outre la facture de 15.916,33 euros de frais de gardiennage du véhicule par le garage Antonnelli à Vitry sur Seine, mise aux débats.
Elle se prévaut de l'action estimatoire que lui offre l'article 1644 du Code civil, ajoutant que la société Maréchal Automobiles, vendeur professionnel, étant présumée avoir connaissance des vices internes de la chose, est tenue, outre à la restitution du prix, à tous dommages et intérêts envers l'acheteur, par application de l'article 1645 du Code civil.
La société Maréchal Automobiles, qui se contente d'appeler la société Toyota France en garantie, ne discute pas le montant de l'indemnisation, pas davantage que cette dernière, qui entend se dégager de toute obligation à ce sujet.
Dans ces conditions, la cour confirmera le montant de l'indemnité allouée à la société Générali Iard par le tribunal de commerce de Pontoise avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts, dans les conditions du dispositif du jugement entrepris.
Sur l'appel en garantie de la société Toyota France par la société Maréchal Automobiles :
En sa qualité de vendeur intermédiaire, la société Maréchal Automobiles entend être indemnisée de son préjudice de la part de la société Toyota France, si le vice caché était retenu par la cour, ce qui est le cas en l'espèce.
Elle déclare agir, elle aussi, sur le fondement des articles 1641 et 1647 du Code civil, la chose qui avait des vices ayant péri par suite de sa mauvaise qualité.
La société Toyota France s'oppose à cette action de son concessionnaire, qu'elle estime être récursoire à une action rédhibitoire, qui n'a pas été, en l'occurrence, exercée par l'acquéreur final ou son assureur subrogé.
Elle ajoute, mais sans le reprendre dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour, par application de l'article 954 du Code de procédure civile, que si cette action rédhibitoire était intentée devant la cour, elle serait irrecevable pour être nouvelle. La cour n'est donc pas saisie de cette fin de non-recevoir.
En tout état de cause, selon l'article 1647 du Code civil : Si la chose qui avait des vices a péri par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l'acheteur à la restitution du prix et aux autres dédommagements expliqués dans les deux articles précédents.
Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour le compte de l'acheteur.
Force est, en l'espèce, de constater que la chose, atteinte d'un vice caché, a péri, le véhicule ayant été mis en destruction à l'issue de l'expertise (page 5 du rapport) ; que l'action intentée par la société Générali Iard est bien estimatoire et non rédhibitoire et qu'il n'existe aucune condition, pour le vendeur intermédiaire, subissant les conséquences pécuniaires d'un vice caché, pour agir à l'encontre du vendeur originaire.
Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a dit que la société Toyota France devait garantir la société Maréchal Automobiles des condamnations prononcées à son encontre au titre de la garantie des défauts cachés.
La cour confirmera donc le jugement sur ce point et, partant, en toutes ses dispositions frappées d'appel.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à la société Générali Iard une indemnité de procédure de 3.000 euros. La société Maréchal Automobiles et la société Toyota France, qui succombent, seront, en revanche, déboutées de leur demande de ce chef.