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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2016, n° 15-12.521

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Degreane Horizon (SAS)

Défendeur :

Francesch, Zomero, Porporat, Lamy, Made (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Rousseau, Tapie

Cass. com. n° 15-12.521

20 septembre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2014), que la société Degreane Horizon et la société Made exercent leur activité dans le même domaine et ont comme client commun la société EDF ; que reprochant à la société Made des actes de concurrence déloyale par copie de ses produits et débauchage de ses salariés, MM. Francesch, Zomero, Porporat et Lamy, la société Degreane Horizon l'a assignée, ainsi que ces derniers, en réparation de ses préjudices ; qu'une expertise judiciaire comparative des produits de chacune des sociétés a été ordonnée ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du principe de la contradiction alors, selon le moyen : 1°) que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du Code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de soumission aux parties des résultats des investigations techniques auxquelles l'expert a procédé hors leur présence constitue l'inobservation d'une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en retenant, au contraire, qu'une telle irrégularité devrait entraîner la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du contradictoire " sans qu'il y ait lieu de constater l'existence d'un grief ", la cour d'appel a violé les articles 175 et 114 du Code de procédure civile ; 2°) que l'existence d'un grief permettant de prononcer la nullité d'opérations d'expertise en raison de l'inobservation d'une formalité substantielle doit s'apprécier en considération des protestations que l'intéressé est susceptible de formuler devant le juge ; que, pour prononcer la nullité du rapport d'expertise de l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'irrégularité en cause n'avait mis la société Made " en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations expertales et des pré-conclusions de l'expert ni d'établir un dire technique en réponse aux pré-conclusions de l'expert ", et que " le débat contradictoire devant le tribunal n'était pas susceptible de pallier cette absence de débat devant l'expert " ; qu'à supposer qu'elle ait ainsi entendu caractériser l'existence d'un grief subi par la société Made, la cour d'appel, en refusant de tenir compte des protestations que celle-ci avait pu formuler devant le tribunal, a violé les articles 175 et 114 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert, avant de déposer son rapport, n'avait pas répondu à la demande de la société Made, adressée par lettre des 11 et 25 janvier 2010, sollicitant l'organisation d'une réunion de présentation de ses investigations effectuées hors la présence des parties, et de ses pré-conclusions, et retenu qu'ainsi, la société Made n'avait été en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations et des pré-conclusions, ni d'établir un dire en réponse et que le débat contradictoire devant le juge du fond n'était pas susceptible de pallier le non-respect du principe de la contradiction avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a, à bon droit, prononcé la nullité du rapport d'expertise ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu de demander à l'expert judiciaire de compléter son rapport d'expertise par une réponse au dire du conseil technique de la société Made par application de l'article 245 du Code de procédure civile alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de complément d'expertise formulée à titre subsidiaire par la société Degreane Horizon, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire en refusant d'ordonner le complément d'expertise demandé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Made et de MM. Francesch, Zomero, Porporat et Lamy à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice alors, selon le moyen : 1°) que la société Degreane Horizon faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'eu égard à l'ancienneté, à la qualité technique et au positionnement stratégique de MM. Francesch, Zomero et Porporat au sein de son département " énergie ", leur embauche par la société Made avait entrainé une désorganisation de la société Degreane Horizon ; que pour démontrer l'importance stratégique de ces salariés, elle produisait un organigramme faisant apparaître que MM. Francesch et Zomero étaient les responsables du département " énergie " ; qu'en affirmant cependant, pour juger que la désorganisation invoquée ne serait pas établie, qu' " aucune pièce ne démontrer[ait] (...) que ces (...) salariés auraient eu une importance stratégique pour le secteur énergie de la société Degreane Horizon ", sans s'expliquer, même sommairement, sur l'organigramme produit par la société Degreane Horizon qui établissait cette importance stratégique, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part du chiffre d'affaires global générée par ce département ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département " énergie " avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que " le secteur énergie ne représentait en 2006 que 4,34 % de l'activité de la société " (en termes chiffre d'affaires), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part représentée par ces salariés dans son effectif total ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département " énergie " avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que le caractère massif de ces départs au regard de l'effectif de la société Degreane Horizon n'était pas prouvé, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que l'embauche des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise ; que le fait que ces salariés aient été dispensés d'exécuter une partie de leur préavis ne saurait avoir pour effet d'effet d'exclure la désorganisation résultant de leur départ ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département " énergie " avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que la société Degreane Horizon avait accepté d'écourter le préavis des salariés concernés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient l'absence de caractère massif du débauchage de salariés, au regard de l'effectif total de la société, et d'utilisation de procédés déloyaux pour les inciter à démissionner ; qu'il relève, d'une part, que MM. Francesch, Zomero et Porporat ont bénéficié d'un préavis écourté, et, d'autre part, que le secteur énergie, auquel ces derniers appartenaient et dans lequel ils n'avaient pas une position stratégique, ne représentait en 2006 que 4,34 % de l'activité de la société Degreane Horizon ; qu'en l'état de ces appréciations, dont elle a déduit que le départ de ces salariés n'avait pas désorganisé l'entreprise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.