CA Versailles, 12e ch., 13 septembre 2016, n° 15-03562
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Halle Laitière (SAS)
Défendeur :
International Stocks Trading (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mme Soulmagnon, M. Leplat
Vu l'appel interjeté le 11 mai 2015, par la société Halle Laitière d'un jugement rendu le 18 mars 2015 par le Tribunal de commerce de Pontoise qui a :
* déclaré la société Halle Laitière recevable mais mal fondée en son exception de défaut de qualité à agir de la société International Stocks Trading,
* condamné la société Halle Laitière à payer à la société International Stocks Trading la somme de 201 907,17 euros majorée des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du jour suivant la date d'exigibilité du règlement figurant sur les factures visées,
* débouté la société Halle Laitière de ses exceptions et conclusions reconventionnelles,
* condamné la société Halle Laitière à payer à la société International Stocks Trading la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 3 février 2016, par lesquelles maître B. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Halle Laitière, maître M. ès qualités de mandataire judiciaire de la société Halle Laitière et la société Halle Laitière, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demandent à la cour de:
* constater l'irrecevabilité des demandes de la société International Stocks Trading qui n'apporte pas la preuve de son droit puisqu'elle exploite un site de e-commerce, la déclarer irrecevable à agir,
* prononcer la nullité du contrat de vente avec toute conséquence de droit,
* à titre subsidiaire, constater que la société International Stocks Trading n'a pas exécuté son obligation de délivrance et à tout le moins n'a pas rempli son obligation de délivrance conforme,
* faisant droit à l'exception d'inexécution, rejeter les demandes de la société International Stocks Trading
* à défaut, condamner la société International Stocks Trading à livrer les marchandises objets des factures contestées, de qualité marchande, sous astreinte de 1 euro par bouteille et par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir;
* dire que ces marchandises seront réglées à la livraison si celles-ci correspondent à une qualité marchande, ce qui devra être constaté contradictoirement par les parties,
* condamner la société International Stocks Trading au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 5 février 2016, aux termes desquelles la société International Stocks Trading prie la cour de:
* juger que la demande de la société Halle Laitière en vue de déclarer nul le contrat liant les parties est irrecevable au visa de l'article 564 du Code de procédure civile,
* fixer sa créance au passif de la société Halle Laitière, à titre chirographaire, comme suit:
- 201 907,17 euros en principal, outre les intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du jour suivant la date d'exigibilité du règlement figurant sur les factures visées,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
* dire que les dépens de première instance seront inscrits à titre privilégié au passif de la société Halle Laitière,
* y ajoutant, condamner la société Halle Laitière et ses mandataires judiciaires au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de la procédure;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
* la société International Stocks Trading est une plate-forme d'e-commerce qui propose à une clientèle de professionnels des opérations de déstockage sur divers produits,
* la société Halle Laitière a pour activité le commerce en gros d'alimentation générale et de produits laitiers,
* elle a souhaité bénéficier d'une opération de déstockage portant sur des boissons gazeuses de marques Coca-Cola et Fanta et a commandé 477 696 bouteilles au prix unitaire HT de 0,50 euros,
* la société International Stocks Trading a émis et adressé cinq factures d'un montant global de 301 907,17 euros TTC,
- FA000400 du 22 novembre 2012 d'un montant de 56 842,14 euros TTC,
- 2012006 du 30 novembre 2012 d'un montant de 5 446,61 euros TTC,
- 2012007 du 30 novembre 2012 d'un montant de 4 129,63 euros TTC,
- 20120008 du 30 novembre 2012 d'un montant de 129 924,90 euros TTC,
- 20130189 du 21 août 2013 d'un montant de 105 563,99 euros TTC,
* la société Halle Laitière a procédé au règlement de la facture FA000400 à hauteur de 50 000 euros et de la facture 20120008 à hauteur de 50 000 euros,
* le 9 septembre 2013, la société International Stocks Trading a mis en demeure la société Halle Laitière de lui régler la somme de 201 907,17 euros TTC,
* en réponse, la société Halle Laitière a contesté par lettre recommandée du 26 septembre 2013, le bien-fondé de la réclamation au motif qu'elle aurait émis des réserves à la réception de 168 palettes de packs de bouteilles,
* le 27 novembre 2013, la société International Stocks Trading a assigné la société Halle Laitière devant le Tribunal de commerce de Pontoise en paiement de la somme de 201 907,17 euros outre intérêts de retard,
* c'est dans ces circonstance qu'est intervenu le jugement déféré;
Sur la recevabilité à agir de la société International Stocks Trading:
Considérant que maître B., maître M. et la société Halle Laitière soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées par la société International Stocks Trading, faisant valoir qu'elle n'est qu'une plate-forme d'e-commerce qui sélectionne des offres à des tarifs privilégiés, qu'à aucun moment, il n'est indiqué sur son site internet qu'elle émettrait des factures à son nom et pour son compte, de sorte qu'elle n'est qu'un intermédiaire et non un vendeur et qu'en l'absence de preuve de la propriété des marchandises livrées, elle est irrecevable à agir;
Mais considérant ainsi que le relève la société International Stocks Trading, qu'il résulte de ses statuts et de l'extrait K-Bis que son objet social est le négoce de stocks de marchandises et de prestations de services à l'international; que via son site internet, elle propose des offres de déstockage, la vente de produits à des grossistes et distributeurs; qu'ayant ainsi la qualité de vendeur, elle est recevable à agir;
Que l'exception d'irrecevabilité a été justement écartée par le tribunal;
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle en nullité de la vente:
Considérant que maître B., maître M. et la société Halle Laitière sollicitent la nullité de la vente en application de l'article 1108 du Code civil;
Que la société International Stocks Trading soulève l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile;
Mais considérant que le moyen tiré de la nullité de la vente sur lequel est fondée la demande constitue une défense au fond rendant recevable la prétention pour la première fois en cause d'appel;
Sur la demande en paiement:
Considérant que maître B., maître M. et la société Halle Laitière soutiennent que la société International Stocks Trading n'a pas exécuté son obligation de délivrance;
Qu'ils exposent que la société International Stocks Trading ne communique pas les bons de commande et les offres auxquelles aurait souscrits la société Halle Laitière, de sorte qu'elle ne prouve pas l'accord sur le prix;
Qu'ils prétendent que la société Halle Laitière n'a jamais pu voir la marchandise avant sa livraison, a commencé à régler les factures avant d'avoir reçu la moindre marchandise, que les marchandises livrées n'étaient pas conformes à la commande, qu'il s'agissait de bouteilles invendables, soit parce que la date limite de consommation n'avait pas été respectée, soit parce que la date de livraison ne permettait pas de les revendre dans un délai raisonnable, soit parce que les marchandises étaient livrées dans un état non exploitable;
Qu'ils font valoir que la société Halle Laitière a dès réception émis toutes les réserves quant à la qualité des produits et de leur état à la livraison, soulignant les réserves mentionnées par les transporteurs, rappelant un courrier du 26 septembre 2013 adressé à la société International Stocks Trading faisant état du litige portant sur la livraison de 168 palettes pour lesquelles 113 palettes de coca avec une DCL comprise entre 4 et 15 jours de date lors de la livraison ce qui n'était pas convenu lors de la proposition, 55 palettes couchées et impropre à la vente, percées, collantes, 10 palettes périmées de Fanta, payé au prix fort et des mails datés du 15 février et du 8 mars 2013;
Considérant qu'il ne peut être soutenu que la société Halle Laitière n'aurait pas contracté et qu'il n'y aurait accord sur le prix puisqu'il ressort de ce courrier en date du 26 septembre 2013, que la société Halle Laitière n'a jamais démenti l'existence des commandes et des livraisons;
Considérant sur les défauts des produits livrés, que l'article 9 des conditions générales de la société International Stocks Trading stipule que toute anomalie concernant la livraison (produit manquant) devra impérativement être notifiée, le jour même de la réception ou au plus tard le premier jour ouvré suivant la réception, au service clients du vendeur, par courrier recommandé avec avis de réception;
Considérant que si la société Halle Laitière a émis des réserves auprès des transporteurs, elle a cependant accepté l'intégralité des marchandises livrées aux mois de novembre et décembre 2012 et n'a formé une contestation sur la qualité de 168 palettes que par un premier mail du 15 février 2013, soit presque deux mois après la dernière livraison;
Que force est de constater que les contestations soulevées par la société Halle Laitière dans son courrier du 26 septembre 2013 et les deux mails des 15 février et 8 mars 2013, fixant les termes du litige, portaient sur la somme de 33 433,80 euros TTC, le solde à payer équivalant à la somme de 164 473,37 euros n'ayant pas été contesté;
Que dans ces circonstances, les reproches énoncées par la société Halle Laitière étaient circonscrites à:
- 113 palettes de coca avec une DCL comprise entre 4 et 15 jours de date lors de la livraison ce qui n'était pas convenu lors de la proposition,
- 55 palettes couchées et impropre à la vente, percées, collantes,
- 10 palettes périmées de Fanta, payé au prix fort;
Que la société International Stocks Trading justifie que les 113 palettes de produits livrés contenant une date limite de consommation comprise entre 4 et 15 jours lors de la livraison, sont conformes aux commandes, dès lors que les factures y afférentes comportent expressément la mention " DLUO ", que la société Halle Laitière a participé à une opération de déstockage impliquant des contraintes inhérentes à ce type d'opérations et acceptées par elle; qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les produits n'ont pu être revendus;
Que concernant les 55 palettes réceptionnées, couchées, percées et collantes, il ressort des factures correspondantes, que la société International Stocks Trading a tenu compte des réserves émises par la société Halle Laitière puisqu'elle a procédé à une remise commerciale en fixant le prix unitaire des bouteilles à 0,30 euro, au lieu de 0,50 euro, soit à une remise de 40%;
Que s'agissant des 10 palettes de bouteilles Fanta réceptionnées alors qu'elles étaient périmées, que la société International Stocks Trading indique, sans être démentie, que cette commande n'a pas fait l'objet de facturation;
Considérant par voie de conséquence, que les appelants manquent à rapporter la preuve qui leur incombe de l'absence de délivrance conforme, de sorte que sera confirmée la décision déférée qui a rejeté l'exception d'inexécution soulevée par la société Halle Laitière; qu'il s'ensuit que la société appelante sera déboutée de sa demande en nullité de la vente;
Considérant que compte tenu du prononcé du redressement judiciaire de la société Halle Laitières, les sommes allouées par le tribunal à la société International Stocks Trading serviront de base à la fixation de sa créance au passif à titre chirographaire;
Sur les autres demandes:
Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier à la société International Stocks Trading;
Que maître B. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Halle Laitière, maître M. ès qualités de mandataire judiciaire de la société Halle Laitière supporteront la charge des dépens d'appel;
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf sur le prononcé des condamnations pécuniaires, Statuant à nouveau, Fixe la créance de la société International Stocks Trading au passif du redressement judiciaire de la société Halle Laitière, à titre chirographaire, aux sommes suivantes: * 201 907,17 euros en principal, outre les intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du jour suivant la date d'exigibilité du règlement figurant sur les factures visées, * 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance, Dit que les dépens de première instance seront inscrits à titre privilégié au passif de la société Halle Laitière, Rejette toutes autres demandes,
Condamne maître B. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Halle Laitière, maître M. ès qualités de mandataire judiciaire de la société Halle Laitière à payer à la société International Stocks Trading la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne maître B. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Halle Laitière, maître M. ès qualités de mandataire judiciaire de la société Halle Laitière aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.