CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 29 septembre 2016, n° 14-18369
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Elu Pneu (SARL)
Défendeur :
Van Den Ban Autobanden (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roussel
Conseillers :
Mmes Durand, Chalbos
Avocats :
Mes Baradat-Bujoli-Tollinchi, Trolliet-Malinconi
La SARL Elu Pneu se fournissait en pneumatiques exclusivement auprès de la société Van den Ban Autobanden, société de droit néerlandais.
Par courrier du 30 septembre 2010 la société Van den Ban Autobanden a adressé à la société Elu Pneu 11 factures non encore réglées s'échelonnant du 19 juillet 2010 au 20 septembre 2010 d'un montant de 6 971,16 euros, certaines ayant dépassé leur date d'échéance, lui demandant de lui faire parvenir le paiement par retour de courrier ainsi que ses remarques.
La société Elu Pneu a envoyé à la société Van den Ban Autobanden une liste de pneus dont elle lui demandait la reprise.
Par courrier du 24 février 2011 la société Van den Ban Autobanden lui a répondu ne pouvoir accéder à sa demande, les pneus listés n'ayant plus aucune valeur commerciale et lui a demandé de lui régler la somme lui restant due au titre des factures impayées, soit 4 265, 03 euros, après déduction de l'avoir de 2 706,13 euros émis en sa faveur.
Par exploit du 10 septembre 2013 la société Van den Ban Autobanden a assigné la société Elu Pneu devant le Tribunal de commerce de Fréjus en paiement de la somme de 4 265,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2011.
Reconventionnellement la société Elu Pneu a sollicité la condamnation de la société Van den Ban Autobanden au paiement de la somme de 15 000 euros pour préjudice commercial et financier en application de l'article L. 442-6 alinéa 5 du Code de commerce, lui reprochant d'avoir cessé brusquement leurs relations commerciales.
Par jugement du 7 juillet 2014 le tribunal a :
Condamné la société Elu Pneu au paiement de la somme de 4 265,03 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2011,
Débouté la société Elu Pneu de ses demandes,
Dit qu'il n'y a pas lieu au paiement de pénalités demandées par la société Van den Ban Autobanden au titre de l'article L. 411-6 du Code de commerce,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Condamné la société Elu Pneu au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société Elu Pneu a interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2014.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 juin 2015 il a été donné acte à la société Elu Pneu de ce qu'elle se désistait devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dit qu'il n'y avoir lieu à disjonction et à renvoi devant la Cour d'appel de Paris et l'appel interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Fréjus en date du 7 juillet 2014 a été déclaré recevable.
Par conclusions récapitulatives et en réponse déposées et notifiées le 13 juin 2016, tenues pour intégralement reprises, la société appelante demande à la cour de :
Au principal,
Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu l'article D. 442-3 du même Code,
Vu l'ordonnance définitive rendue le 11 juin 2015 par le conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel recevable,
Vu la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par la société Elu Pneu devant le tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Dire que le Tribunal de commerce de Fréjus aurait dû d'office se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille exclusivement compétent en raison de la matière,
Réformer ou annuler, au besoin d'office, en toutes ses dispositions le jugement déféré sur le fondement de la violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public,
Vu l'évolution du litige, et notamment la renonciation de sa demande reconventionnelle en cause d'appel,
Dire n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire devant la Cour d'appel de Paris ni à examen de celle-ci par la Cour de céans, laquelle n'est pas en raison de la matière, juge d'appel du Tribunal de commerce de Marseille,
Renvoyer en conséquence la société Van den Ban Autobanden à se pourvoir ainsi qu'elle avisera,
Très subsidiairement,
Vu l'article 1147 du Code civil,
Dire que la demande en paiement de la somme de 4 265,03 euros n'est justifiée par aucune obligation valable et décharger la société Elu Pneu de la condamnation prononcée à son encontre,
Donner acte à l'appelante de ce qu'elle réitère l'offre du 5 janvier 2011 de reprise par le fournisseur d'un stock de pneus d'une valeur de 5 090,98 euros laissant une marge positive de 825,95 euros pour solde de tous comptes,
Constater le refus exprimé par la société Van den Ban Autobanden au motif que la marchandise n'a plus de valeur commerciale,
Débouter la société Van den Ban Autobanden de son appel incident totalement injustifié et de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 10 juin 2016, tenues pour intégralement reprises, la société Van den Ban Autobanden demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1153 et 1650 du Code civil, L. 441-6 du Code de commerce,
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Elu Pneu au paiement de la somme de 4 265,03 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2011, de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
Le réformer partiellement et condamner la société Elu Pneu au paiement des pénalités légales de l'article L. 441-6 du Code de commerce, soit au taux de refinancement de la banque centrale européenne majoré de 10 points à compter de l'échéance de chaque facture impayée, et la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L'affaire a été clôturée en l'état le 16 juin 2016.
A l'audience la cour a invité les parties à faire toutes observations sur la fin de non-recevoir relevé d'office des demandes présentées à titre principal par l'appelante au visa des articles L. 442-6 et D. 441-3 du Code de commerce se heurtant au principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui au regard des dispositions de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 juin 2015 ayant donné acte à la société Elu Pneu de ce qu'elle se désistait devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce et déclaré en conséquence recevable l'appel formé devant la Cour de céans.
L'appelant, par note adressée par rpva le 30 juin 2016, tout en reconnaissant que 'la frontière de l'estoppel pourrait être proche mais la ligne n'a pas été franchie' soutient que son intérêt à agir est légitime alors qu'il défend une argumentation en l'éclairant totalement, sans faire preuve de mauvaise foi, le désistement excluant la mauvaise foi mais marquant une volonté légitime d'éclairer la juridiction. Il soutient qu'au contraire c'est la société Van den Ban Autobanden qui a fait preuve de mauvaise foi en soutenant l'incident d'irrecevabilité d'appel au motif de l'incompétence de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence tout en étant restée taisante devant le Tribunal de commerce de Fréjus tout aussi incompétent pour connaître de ce litige.
Par note en réponse déposée par rpva le 11 juillet 2016 la société intimée fait valoir que le désistement de la société Elu Pneu de son appel incident indique qu'elle renonce à fonder sa demande d'annulation/réformation du jugement attaqué sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, et que cette demande en tout état de cause ne repose sur aucun texte ni fondement légal et que la société appelante ne répond pas vraiment à la fin de non-recevoir relevée d'office.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir relevée d'office tirée de l'Estoppel :
Attendu que la société Elu Pneu demande au principal à la cour, dans ses dernières écritures en date du 13 juin 2016, au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, de dire que le Tribunal de commerce de Fréjus aurait dû d'office se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille exclusivement compétent en raison de la matière, et de réformer ou annuler, au besoin d'office, en toutes ses dispositions le jugement déféré sur le fondement de la violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public ;
Attendu qu'elle ajoute dans ces écritures qu'ayant renoncé à sa demande reconventionnelle en cause d'appel de condamnation de la société intimée au paiement de dommages et intérêts présentée devant le tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il n'y a pas lieu à renvoi de l'affaire devant la Cour d'appel de Paris ni à examen de celle-ci par la cour de céans, laquelle n'est pas en raison de la matière, juge d'appel du Tribunal de commerce de Marseille, et demande de renvoyer en conséquence la société Van den Ban Autobanden à se pourvoir ainsi qu'elle avisera ;
Attendu toutefois que celui qui adopte un comportement contraire à son attitude ou à ses dires antérieurs est de mauvaise foi, car il viole la confiance légitime de l'adversaire, ce qui le rend irrecevable, en vertu de la règle de l'estoppel, à soutenir une demande par un moyen contraire à celui auquel il a expressément renoncé ;
Attendu que devant le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident d'irrecevabilité de l'appel formé par la société Elu Pneu, au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, au motif que les demandes additionnelles formulées relevaient de la compétence de la Cour d'appel de Paris, la société Elu Pneu a demandé de lui donner acte de son désistement sur la rupture brutale des relations commerciales devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et a sollicité que soit disjointe la demande principale tendant à l'infirmation de sa condamnation au paiement de la somme de 4 265,03 euros à la société intimée ;
Attendu que par ordonnance définitive du 11 juin 2015 le conseiller de la mise en état a :
- donné acte à la société Elu Pneu de ce qu'elle se désistait devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- dit qu'il n'y avait lieu à disjonction ni à renvoi devant la Cour d'appel de Paris alors que le désistement de la société Elu Pneu de ses demandes additionnelles devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence entraînait le dessaisissement de la cour de céans de ces chefs,
- déclaré recevable l'appel interjeté, relevant qu'en l'état du désistement de la société Elu Pneu de ses demandes additionnelles l'appel principal n'était pas affecté d'irrevevabilité.
Attendu que la société Elu Pneu en se prévalant dans ses dernières écritures postérieures à l'ordonnance définitive du 11 juin 2015, des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce au soutien de sa demande de nullité ou de réformation du jugement attaqué, au motif de l'incompétence du Tribunal de commerce de Fréjus pour connaître de sa demande reconventionnelle, expressement abandonnée devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui ne demeure saisie que de la seule demande de la société Van den Ban Autobanden en condamnation de cette société au paiement d'un solde de factures, se contredit au détriment de son adversaire, étant rappelé que son appel a été déclaré recevable exclusivement en raison de son désistement de ses demandes additionnelles fondées sur les articles précités ;
Attendu que par ailleurs ce n'est pas le désistement constaté par le conseiller de la mise en état qui est regardé comme fait de mauvaise foi, mais le maintien de la demande d'annulation ou de réformation du jugement attaqué au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, en contradiction avec ce désistement dont il a été pris acte par une ordonnance définitive ;
Attendu que par suite la demande présentée à titre principal de réformation ou annulation, au besoin d'office, en toutes ses dispositions le jugement déféré sur le fondement de la violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public, est rejetée comme étant irrecevable ;
Sur les demandes de la société Van den Ban Autobanden :
Attendu que la société Van den Ban Autobanden demande à la société Elu Pneu le paiement d'un solde restant dû de factures s'échelonnant du 19 juillet 2010 au 20 septembre 2010 d'un montant de 4 265,03 euros ;
Attendu que les pneus facturés ont été livrés et réceptionnés sans réserve ni observation par la cliente, qui a reconnu dans un courrier du 5 janvier 2011 que sa dette s'élevait à la somme de 4 265,03 euros ;
Attendu que la société Van den Ban Autobanden a refusé de reprendre la totalité du stock restant en possession de la société Elu Pneu chiffré par cette dernière à 5 090,98 euros ;
Attendu que l'affirmation selon laquelle celle-ci ne pouvant renouveler à loisir ce stock était dans l'impossibilité de distribuer les marques de la société Van den Ban Autobanden de manière à assurer à sa clientèle un service digne d'un professionnel du pneu est sans incidence sur l'obligation de la société Elu Pneu de régler la somme restant due à la société Van den Ban Autobanden ;
Attendu qu'en tout état de cause le fournisseur qui réclamait le paiement de factures impayées n'était pas tenu de reprendre les pneus listés par la société Elu Pneus, que ceux-ci présentent ou non encore une valeur commerciale ;
Attendu par ailleurs que les moyens développés au titre des prescriptions du Code de la route et de la réglementation en matière de montage de pneus sur les véhicules automobiles sont inopérants dans le cadre du présent litige en paiement de factures à un fournisseur ;
Attendu qu'il appartiendra à la société Elu Pneu, si elle le juge utile, de les développer devant la juridiction compétente dans le cadre d'une action pour rupture brutale des relations commerciales ;
Attendu qu'il s'ensuit que la société Elu Pneu a été condamnée à bon droit au paiement de la somme de 4 265,03 euros à la société Van den Ban Autobanden, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2011 ;
Attendu que les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues à l'article L. 441-6 du Code de commerce sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats ;
Attendu par conséquent que sont dues les pénalités de retard prévues par l'article précité au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter de l'échéance de chaque facture impayée ;
Attendu que la société Elu Pneu est condamnée au paiement d'une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que, partie perdante, elle est condamnée aux entiers dépens ;
Par ces motifs, LA COUR statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement, Rejette comme étant irrecevable en vertu du principe de l'Estoppel la demande principale présentée par la société Elu Pneu au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce tendant à la réformation ou à l'annulation, au besoin d'office, en toutes ses dispositions du jugement déféré sur le fondement de la violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public et au renvoi de la société Van den Ban Autobanden à se pourvoir ainsi qu'elle avisera, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a : Condamné la société Elu Pneu au paiement de la somme de 4 265,03 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2011, Condamné la société Elu Pneu au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, Le réforme en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au paiement de pénalités demandées par la société Van den Ban Autobanden au titre de l'article L. 411-6 du Code de commerce, Statuant de nouveau et y ajoutant, Condamne la société Elu Pneu au paiement des pénalités légales de l'article L. 441-6 du Code de commerce, soit au taux de refinancement de la banque centrale européenne majoré de 10 points à compter de l'échéance de chaque facture impayée, Dit n'y avoir lieu de donner acte à la société Elu Pneu de ce qu'elle réitère l'offre du 5 janvier 2011 de reprise par le fournisseur d'un stock de pneus d'une valeur de 5 090,98 euros laissant une marge positive de 825,95 euros pour solde de tous comptes, Condamne la société Elu Pneu au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.