CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 30 septembre 2016, n° 15-22360
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société d'Exploitation Hopi Caap (SEHC) (SAS)
Défendeur :
Nutripack (SASU), Mecapack (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Se prévalant de la titularité de droits portant sur une demande de brevet français intitulé " procédé et dispositif d'automatisation d'une chaine de distribution de plateaux repas déposée le 20 octobre 2005, publiée sous le n° 2 892 401 en précisant que l'invention a été mise au point par son gérant et que l'invention a fait l'objet de demandes de brevet européen déposé sous le n° 060807433 et de brevet international sous priorité de ce brevet français - et portant, par ailleurs, sur la marque communautaire verbale " Hopi Caap ", n°4 644 563, enregistrée le 08 décembre 2006 pour désigner divers produits en classes 7 et 9, la Société d'Exploitation Hopi Caap SAS (ci-après : SEHC) expose qu'après avoir rencontré divers partenaires susceptibles d'en assurer la fabrication (dont les sociétés Nutripack et Mecaplastic devenue Mecapack) elle a concédé, le 25 avril 2008, une licence exclusive d'exploitation de brevet et de marque à la société Tahmizian, laquelle, en cette qualité de licenciée et par contrat du 15 juillet 2008, a confié la distribution de " lignes automatisées d'allotissement (assemblage) de plateaux-repas " à la société Nutripack (expressément constituée sous-licenciée de la marque), ceci conformément à la convention d'agrément formalisée dans un avenant signé entre la SEHC et la société Tahmizian le 16 juillet 2008.
Ce contrat de licence prévoyait, en son article 9, un droit d'entrée " constitué par la fabrication aux frais exclusifs du licencié du prototype de l'intégralité de la chaîne de distribution de plateaux repas " outre " le versement d'une redevance de 6 % HT calculée sur le chiffre d'affaires net HT facturé par le licencié ou ses filiales en application de l'exploitation de l'invention brevetée et de l'exploitation de la marque ".
La société SEHC précise qu'à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de sa licenciée, le 24 juin 2010, et de la résiliation subséquente du contrat de distribution consenti à la société Nutripack, elle a rompu ses relations avec cette dernière mais qu'en 2013, elle a néanmoins pu constater que, sans autorisation, celle-ci faisait usage de la marque précitée " pour promouvoir la commercialisation du robot de la SEHC " sur un film vidéo, lors d'un Salon, et qu'avec la société Mecapack, elles " ont continué de fabriquer et commercialiser les lignes automatisées de distribution de la SEHC " si bien que par acte des 18 et 19 décembre 2013 elle les a toutes deux assignées en contrefaçon de marque et en contrefaçon de droits d'auteur sur son logo, les poursuivant également sur le fondement de la concurrence déloyale et de la responsabilité contractuelle.
Par jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2015 le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
- dit qu'en reproduisant le signe " Hopi Caap " sur un film publicitaire la concernant après la fin d'effectivité de la licence d'exploitation, la société Nutripack a porté atteinte à la marque " Hopi Caap " précitée, interdit sous astreinte la poursuite de ces agissements et l'a condamnée à verser à la société SEHC la somme de 10.000 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit de marque,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la société Nutripack à verser à la demanderesse la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2016 la société par actions simplifiée (société à associé unique) Société d'Exploitation Hopi Caap demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 1134, 1165,1166 et 1382 du Code civil, L 716-3, L 713-2, L 713-3, L 111-1 et suivants, L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle et R 211-7 du Code de l'organisation judiciaire, de confirmer le jugement en ce qu'il retient l'atteinte à la marque, de l'infirmer pour le surplus, de débouter les intimées de leur appel incident et :
sur la contrefaçon de marque, en considérant que la société Nutripack a porté atteinte à la marque communautaire précitée, qu'elle en reconnaît la reproduction dans ses conclusions et qu'est valide le constat d'huissier du 29 janvier 2013, de la condamner à lui verser la somme indemnitaire de 100.000 euros en réparation de son préjudice et d'ordonner une mesure d'interdiction sous astreinte,
sur la contrefaçon de droit d'auteur, en considérant que l'intimée a contrefait son logo protégé par le droit d'auteur, de la condamner au paiement de la somme indemnitaire de 10.000 euros en prononçant une mesure d'interdiction sous astreinte,
sur la concurrence déloyale et parasitaire,
- en considérant que la société Nutripack a commercialisé au moins trois lignes automatisées en détournant à son seul profit les actions engagées conjointement avec la SEHC avant la fin du contrat de licence la liant à la société Tahmizian, que ce comportement constitue un acte de concurrence déloyale et parasitaire, de condamner la société Nutripack à lui verser la somme forfaitaire de 145.800 euros en réparation de son préjudice,
- en considérant que les sociétés Nutripack et Mecapack ont eu un comportement déloyal et parasitaire en détournant et en s'appropriant ses investissements, ses efforts et son savoir-faire, la privant ainsi d'un marché qu'elle a créé, détournant ainsi sa clientèle et désorganisant son activité et en considérant, de plus, qu'elles l'ont empêchée de poursuivre l'exploitation de ses investissements et de son savoir-faire, occasionnant de la sorte un préjudice distinct, de les condamner solidairement à lui verser la somme indemnitaire de 1.131.800 euros en réparation globale du préjudice subi,
- d'ordonner sous astreinte des mesures d'interdiction et de retrait outre la publication du " jugement à intervenir ", par voie de presse et sur internet, et de se réserver la liquidation des astreintes,
- de condamner solidairement les sociétés Nutripack et Mecapack à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2016, les sociétés par actions simplifiées Nutripack et Mecapack demandent en substance à la cour, visant les articles 1165 et 1382 du Code civil :
- d'infirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont défavorables, de prononcer la nullité du procès-verbal de constat précité et d'en déduire que n'est pas rapportée la preuve de la contrefaçon ; de dire que la société Nutripack n'a commis aucun acte de contrefaçon,
- de confirmer le jugement pour le surplus,
en tout état de cause, de débouter l'appelante de l'intégralité de ses prétentions en la condamnant à leur verser une somme globale de 50.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles et à supporter les dépens.
SUR CE,
Considérant que si la société SEHC sollicite, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'infirmation du jugement en ses dispositions qui ne lui sont pas favorables, au rang desquelles figure le débouté de sa demande fondée sur les manquements contractuels de la société Nutripack, alors que cette dernière en poursuit la confirmation en soutenant notamment qu'elle était tiers à ce contrat de licence mettant à la charge du seul licencié l'obligation de s'acquitter de redevances, force est de considérer, comme le fait d'ailleurs cette intimée, que l'appelante ne développe aucun moyen ni ne formule de demande de ce chef ;
Que par application des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile, il convient en conséquence de considérer que la cour n'est pas saisie d'une telle demande et qu'il n'y a pas lieu à infirmation ;
Sur l'action en contrefaçon de la marque verbale communautaire" Hopi Caap " n° 4644563
Sur la preuve de la contrefaçon
Considérant que, sur appel incident, les sociétés intimées poursuivent la nullité du procès-verbal de constat dressé le 29 janvier 2013 duquel il ressort que la société Nutripack a diffusé sur le stand qu'elle tenait à l'occasion du Salon d'exposition SIRHA 2013, une vidéo au cours de laquelle est apparu le logo " Hopi Caap " ;
Qu'elles font grief au tribunal de ne l'avoir point analysé en une " saisie-contrefaçon déguisée " alors que, quand bien même les dispositions du Code de la propriété intellectuelle ne sont pas exclusives d'autres moyens de preuve des faits de contrefaçon qui peuvent être établis par tous moyens, l'huissier ne s'est pas borné, en l'espèce, à effectuer de simples constatations purement matérielles en procédant, sans autorisation, à une captation d'images diffusées sur l'emplacement privé que constituait son stand, passant même outre le refus opposé par le représentant de la société Nutripack ; que ce constat a donc été réalisé, soutient-elle, en violation des dispositions légales impératives régissant ce type de procédure ;
Considérant, ceci rappelé, qu'un tel grief ne peut être retenu qu'autant qu'il est établi que l'huissier s'est livré à des opérations relevant des pouvoirs exorbitants propres à la saisie-contrefaçon ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que lesdites opérations se sont déroulées depuis un lieu ouvert au public (à savoir, selon le procès-verbal de constat (pièce 14 des intimées) " à 14h 30 depuis une [...] (...) ") et que, comme pertinemment retenu par les premiers juges, l'huissier s'est contenté de filmer, à l'aide d'un camescope, un poste de télévision sur lequel était diffusé un film sans interpellation des personnes présentes, sans effectuer de quelconques recherches et sans retranscrire le moindre propos si bien que leur demande ne saurait prospérer ;
Sur les faits de contrefaçon de marque incriminés
Considérant qu'alors que, se prévalant d'une contrefaçon par reproduction, la société SEHC poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a été fait application des dispositions de l'article 9 du règlement CE 207/2009 et qu'elle tire argument d'une absence d'autorisation d'exploiter la marque en 2013, soit postérieurement à la résiliation du contrat, en reprochant à la société Nutripack d'en avoir fait usage dans la vie des affaires à des fins notamment commerciales et publicitaires pour faire croire au public concerné qu'elle continuait à exploiter son propre produit, les sociétés intimées qui ne contestent pas l'apparition du signe distinctif revendiqué dans quatre images (à 2mn16, 2mn19, 2mn24 et 2mn31 d'un film d'une durée totale de 3mn56) évoquent son caractère discret dans un plan d'ensemble destiné à montrer une personne manipulant le prototype mis au point par la société Tahmizian et arguent de sa seule vocation de rappel historique à des fins descriptives et non point d'un usage destiné à promouvoir les lignes automatisées dénommées "Autoplate System " que commercialise la société Nutripack ;
Qu'elles ajoutent au soutien de leur appel incident que de manière erronée le tribunal a jugé que le signe en cause a ainsi été représenté à une clientèle potentielle sur des prototypes commercialisés par la société Nutripack alors que le prototype réalisé dans le cadre du contrat de licence n'a servi que de test dans un centre hospitalier et qu'il n'a jamais fait l'objet d'aucune vente mais a entièrement été démonté ; qu'en outre, cette diffusion n'a pu affaiblir le pouvoir distinctif ou porter atteinte à la notoriété de la marque dès lors que la société SEHC ne justifie pas de la commercialisation d'un produit concurrent ;
Considérant, ceci étant rappelé et la reproduction, au sens de l'article 9 précité, du signe revendiqué apposé sur le prototype n'étant pas contestée, que le fait qu'il ait été fait usage de ce signe dans le cadre d'un contrat de licence de marque suivi d'un contrat de sous-licence n'est pas de nature à conférer au sous-licencié, en l'absence de stipulations contraires, le droit d'en poursuivre sans autorisation l'usage après la résiliation du contrat, même apposé sur un produit dont ce signe avait vocation à indiquer l'origine ;
Que, s'agissant de se prononcer sur le point de savoir si l'usage incriminé entre dans le champ du droit conféré au titulaire de la marque, il n'est pas suffisant de prétendre, comme le fait la société Nutripack en invoquant l'absence de tromperie du public quant à la provenance du produit, que cette marque ne sert pas, dans le support promotionnel employé qui vise à procurer un avantage économique dans un contexte commercial, à désigner les produits Autoplate System commercialisés par la société Nutripack ;
Que le bénéfice de la protection peut être accordé s'il est porté atteinte aux diverses fonctions de la marque qui ne se limitent pas à celle d'indication de provenance ainsi qu'il ressort de la jurisprudence communautaire ;
Qu'à cet égard, il convient de considérer que la société SEHC, qui ne fait état que de l'exploitation de la marque sur un prototype, ne peut se prévaloir d'une atteinte à sa fonction d'exclusivité dès lors qu'elle ne produit pas d'éléments de preuve de nature à démontrer " la nécessité de protéger son droit contre un concurrent qui voudrait abuser de la position et de la réputation de sa marque pour la commercialisation ou la promotion de produits identiques ou similaires " (CJUE, Centrafarm, 31 octobre 1974) ;
Qu'elle ne démontre pas davantage qu'il ait été porté atteinte aux fonctions postérieurement dégagées par cette même juridiction (CJUE, L'Oreal/Bellure, 18 juin 2009) allant même jusqu'à reprocher, non sans paradoxe, à la société Nutripack, dans le cadre de son argumentation relative aux fautes délictuelles commises par les intimées (§ 53 de ses conclusions), de communiquer désormais " sans faire référence à la société SEHC " ;
Qu'eu égard aux éléments soumis à son appréciation, la cour est conduite à considérer que la société Nutripack est fondée à prétendre que ces images furtives avaient un caractère purement informatif et ne constituaient qu'une évocation, à des fins descriptives, de l'historique du développement et de l'évolution du produit en cause ;
Que cet usage échappant, par nature, au champ de la protection, la contrefaçon ne saurait être retenue si bien que doit être infirmé le jugement qui en décide autrement ;
Sur l'action en contrefaçon de droit d'auteur
Considérant que l'appelante se prévaut de la titularité de droits d'auteur sur un logo visible sur le visuel contesté en en reproduisant l'image, sans le décrire, dans ses conclusions ; qu'elle donne à voir la représentation graphique du terme " Hopi " en couleur doté d'une lettre " O " constitué de trois flèches s'organisant dans un sens circulaire autour d'un point central et du terme " caap " de couleur grise accolé au-dessous du " I " de " Hopi " comportant le signe " @ " aux lieu et place de son second " a ", la formule " Robotics & Food Services " s'inscrivant en lettres de taille très inférieure à celle des deux autres termes au-dessous du terme " caap " ;
Qu'afin de voir infirmer la décision des premiers juges qui, pour rejeter sa demande, se sont fondés sur l'absence de description de cette œuvre, sur le défaut de caractérisation de son originalité, sur l'absence d'éléments relatifs à sa création et à sa diffusion ou encore sur l'identité des faits dénoncés à ce titre et de ceux dénoncés au titre de la contrefaçon, la société Nutripack se prévaut de la présomption de titularité des droits sur cette œuvre graphique, éligible à la protection du Livre I du Code de la propriété intellectuelle, dont l'atteinte est d'une nature différente de celle portée au droit de marque et qui n'a pas le même objet ;
Qu'elle en caractérise l'originalité en exposant qu'elle " réside particulièrement dans le choix des couleurs, de la disposition des lettres, la composition de la lettre " O " constituée d'un " rond " de taille très réduite et entourée par trois flèches ", ajoutant que son nom est présenté " de manière stylisée ";
Considérant, ceci exposé, que si les intimées sollicitent, dans le dispositif de leurs dernières conclusions et sans plus d'éléments, la confirmation du jugement à ce titre, il convient de relever que le dispositif de cette décision ne comporte pas de disposition déclarant la société SEHC irrecevable à agir à ce titre et que le tribunal a " rejeté " cette prétention après s'être prononcé sur les conditions de fond permettant à une œuvre d'accéder à la protection du droit d'auteur ;
Que, d'ailleurs, elles n'évoquent ce point que pour dire que " l'on peine à comprendre en quoi le logo " Hopi Caap " porterait la patte d'un créateur spécifique, son style, sa façon personnelle de voir et de concevoir " puisqu'elle ne donne, poursuivent-elles, aucun élément concret sur la personne de l'auteur, ni sur les conditions de création et de divulgation, sans pour autant apporter la contradiction à la revendication de la présomption de titularité des droits d'auteur dont peut se prévaloir la personne morale exploitant paisiblement une œuvre de l'esprit et dont entend bénéficier la société SEHC versant, en particulier, en pièce 18 un courriel de son dirigeant adressé le 17 août 2010 à un préposé de la société Nutripack qui supporte cette œuvre graphique ;
Que, sur le fond, s'il n'est pas contesté que cette œuvre est susceptible d'accéder à la protection recherchée, encore faut-il que celui qui en revendique le bénéfice démontre que la combinaison de ses caractéristiques est imprégnée de la personnalité de son auteur et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Qu'effet, la société SEHC laisse sans réponse l'argumentation adverse qui lui oppose à juste titre le fait que pour caractériser l'originalité de cette œuvre, elle se borne à faire la simple description de ses composantes incluant, notamment, trois flèches qui ne sont pas autre chose que la représentation inversée du ruban de Möbius permettant d'identifier le caractère recyclable d'un produit, alors qu'il lui appartenait de s'attacher aux choix arbitraires opérés par le créateur pour combiner ces éléments selon sa touche personnelle ;
Qu'il s'infère de ce défaut de démonstration de l'originalité de l'œuvre revendiquée que le jugement mérite confirmation en ce qu'il la déboute de cette demande ;
Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme
Considérant que l'appelante reproche au tribunal, énonçant qu'il ne s'est agi que de la reprise d'une idée et qu'il n'est pas fautif, en l'absence de droit privatif, de commercialiser des produits identiques à ceux de son concurrent, d'avoir suivi ses adversaires en leurs moyens et souligne l'importance du fait que la société Nutripack n'était pas un simple tiers mais son ancien distributeur en soutenant que les deux sociétés intimées ont engagé leur responsabilité délictuelle ;
Qu'à partir de la comparaison des lignes automatisées conçues par l'inventeur et elle-même et celles qui sont actuellement commercialisées par les intimées, l'appelante fait valoir qu'elles se sont livrées à un détournement de ses investissements et de son savoir-faire, ne disposant pas à l'origine des compétences requises pour la fabrication du robot et collaborant étroitement avec elle-même sur le plan technique et commercial jusqu'en 2010 ; qu'en attestent le recrutement par la société Nutripack de l'ancien dirigeant de la société Tahmizian, après la liquidation judiciaire de celle-ci, lequel dirigeant était tenu à une obligation de confidentialité ou encore l'achat par la société Nutripack du prototype qui lui appartenait et qu'elle qualifie de frauduleux ;
Qu'elle leur impute également à faute le détournement, postérieurement à 2010, des ventes initiées durant la période des relations contractuelles entre les sociétés SEHC, Tahmizian et Nutripack, évoquant des ventes finalisées en 2013 ou 2014 avec le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier outre celles réalisées avec les CHU de Marseille, Saint-Etienne et Valenciennes ; qu'elle soutient que si ces faits ne sont pas sanctionnables sur le terrain de la responsabilité contractuelle, ils le sont sur celui de l'article 1382 du Code civil puisqu'ils résultent des actes dénoncés comme constituant un détournement de savoir-faire et d'investissements ; que ce détournement de clientèle et de ventes associées s'appuie particulièrement, soutient-elle encore, sur le fait que les sociétés adverses tirent profit de la communication sur sa propre ligne robotisée réalisée par la société Nutripack antérieurement à 2010 en inscrivant désormais leurs offres commerciales dans la continuité des offres passées " sans faire référence à la société SEHC " ;
Qu'il est résulté de cet ensemble de faits, précise-t-elle, une perte de clientèle et une désorganisation de son entreprise qui, en particulier, n'a pu tirer profit des ventes espérées de robots et ne peut exploiter l'invention depuis juin 2010 ;
Considérant, ceci étant exposé, que si la société SEHC impute à faute aux intimées un détournement de savoir-faire et d'investissements, elle ne les caractérise pas précisément, en dépit des conclusions de ses adversaires qui en tirent pourtant argument ;
Que dès lors que la société SEHC n'agit pas en contrefaçon du brevet dont elle est titulaire, force est de considérer qu'il ne peut s'agir de ceux relatifs à l'invention protégée par le brevet dont la revendication 1, comportant en préambule les différents éléments d'un dispositif d'automatisation de chaîne de distribution de plateaux-repas ressortant de l'art antérieur, se caractérise " en ce que le système informatique est adapté à remplir des chariots (200) en minimisant le nombre de destinations de chaque chariot " ;
Qu'au demeurant les intimées établissent que la ligne automatisée qu'elles exploitent n'entre pas dans la portée du brevet, ainsi qu'apprécié par un conseil en propriété industrielle qu'elles ont consulté, ceci après analyse du brevet européen et de la chaîne de distribution développée par ces dernières (lettre du 12 mars 2013, pièce 21) ; que ce conseil relève, en particulier, que " le dispositif (en cause) ne comprend pas de moyen d'identification comportant une étiquette électronique, une pluralité de chariots et un système informatique adapté à associer les plateaux, à l'aide d'étiquettes électroniques, aux chariots pour que chaque plateau soit transporté, dans un chariot, jusqu'à son destinataire " ;
Qu'il en résulte que l'appelante ne peut valablement prétendre qu'en raison des agissements des sociétés intimées " depuis juin 2010, (elle) ne peut pas exploiter son invention, son brevet (...) " ;
Que, par ailleurs, les principes de libre concurrence et de la liberté du commerce et de l'industrie ont vocation à trouver application, sauf à démontrer la réalité d'un comportement s'écartant de la conduite normale d'un professionnel avec pour effet de fausser l'équilibre entre concurrents ;
Que, s'agissant du savoir-faire et des investissements susceptibles d'avoir été transmis et engagés à l'occasion de l'élaboration du prototype de ligne automatisée fabriqué, en exécution du contrat de licence, aux frais de la société Tahmizian, il convient d'abord de considérer que la société SEHC le présente comme étant sa propriété et se fonde, pour ce faire, sur les termes de l'article 9 du contrat de licence repris ci-avant qui ne contient pourtant pas de stipulation dans ce sens ; qu'elle n'explique pas, de plus, son absence de protestation lorsqu'il fut présenté comme étant la propriété de la société Tahmizian, qui en a financé la fabrication, dans le contrat signé avec le CHU de Montpellier ni de revendication dans le cadre de la liquidation de la société Tahmizian alors qu'il a été inclus dans ses actifs et a fait l'objet d'une vente aux enchères au profit de la société Nutripack ;
Qu'il convient ensuite de considérer, à s'en tenir aux conclusions des intimées, qu'il a été acquis pour être démantelé et (page 54/66) qu'il leur a servi de base de départ mais a perpétuellement évolué ;
Que, si, dans ce contexte, un savoir-faire a pu être transmis, des investissements engagés par la société SEHC durant la vie du contrat de licence et la période de conception de ce prototype qui ne reprend pas les caractéristiques de l'invention, les éléments de preuve qu'elle produit pour attester de leur substance et les comportements déloyaux s'y rapportant qu'elle incrimine ne permettent pas d'emporter la conviction de la cour ;
Qu'en effet, le tableau Excel que fournit l'appelante en pièce 5bis pour synthétiser les frais qu'elle aurait exposés entre 2005 et 2011 (chiffrés à la somme de 332.946,79 euros) n'est complété par aucun justificatif et recèle de multiples incohérences quant à la date ou encore l'objet de ces investissements ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être considéré comme ayant une valeur probante, ainsi que le font valoir les intimées à la faveur d'un examen circonstancié et pertinent ; qu'il en va de même des études de faisabilité réalisées avec le concours du dirigeant de la société SEHC entre 2005 et 2008, tardivement communiquées en pièce 5bis, dont l'examen révèle qu'elles sont étrangères à la question de la robotisation de lignes de distribution de plateaux-repas, de même que le mémoire technique faisant l'objet d'un constat d'huissier dressé le 14 mars 2005 qui se rapporte aux caractéristiques de l'invention et non point aux lignes d'allotissement exploitées par les intimées (pièce 5) ;
Que, quand bien même, dans le cadre du contrat de licence qui les liait, les sociétés SEHC et Tahmizian auraient mutualisé leurs compétences techniques et ensemble investi dans la recherche et le développement pour parvenir à la mise au point du prototype, l'appelante ne fournit aucun élément permettant de prouver, voire même d'identifier le savoir-faire et les investissements qui auraient été précisément détournés à son préjudice, mais s'attache à dénoncer une série de comportements qu'elle estime fautifs ;
Qu'elle ne peut cependant tirer argument, comme elle le fait, de la simple circonstance que les deux sociétés intimées ne disposaient pas de compétences techniques pour en déduire qu'il y eu nécessairement détournement de son savoir-faire, ceci sans plus de précisions sur ce qui a pu faire l'objet d'un pillage, d'autant que les intimées justifient de leurs compétences propres ainsi que de la participation à leurs efforts d'une société tierce, la société Création Technique (devenue Idpack) avec laquelle la société Mecapack a fusionné en 2011 (pièce 42) et qui proposait déjà différentes lignes automatisées sur le marché (pièces 34 à 39) ;
Que, par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de la liberté du travail permet à une société d'embaucher qui bon lui semble, fût-ce un ancien dirigeant d'une société concurrente comme l'était celui de la société Tahmizian liquidée, et qu'est par principe licite l'utilisation du savoir-faire acquis par un préposé auprès du précédent employeur ;
Que si la société SEHC, qui se prétend victime d'un débauchage déloyal et sur qui pèse la charge de la preuve de l'existence d'une faute, soutient que l'embauche de cet ancien dirigeant a permis l'utilisation déloyale de son propre savoir-faire technique, commercial et pédagogique, outre la communication de documents et d'informations, elle entend le prouver en invoquant l'article 8 du contrat de licence qui prévoyait une clause de confidentialité, tire encore argument du fait que les intimées n'avaient pas de compétences dans le domaine considéré et ajoute que la signature d'un contrat de licence démontre que ce dirigeant ne disposait pas de tout le savoir-faire nécessaire pour élaborer seul le prototype ;
Qu'il apparaît toutefois que l'article 8A du contrat de licence décrivait l'étendue du savoir-faire technique, technico-commercial et pédagogique de ce dirigeant, et que les intimées qui se prévalent de la licéité de l'utilisation du savoir-faire personnellement acquis opposent à juste titre à la société SEHC son défaut d'identification de ce qui, à la faveur de cette embauche et hors ces compétences propres, aurait été fautivement transmis à la suite de la réalisation d'un prototype ne reprenant pas les caractéristiques du brevet de la société SEHC et dont, à tort, elle prétend qu'il aurait fait l'objet d'un achat frauduleux, comme énoncé ci-avant ;
Qu'en outre, ne saurait être retenu le détournement de clientèle, également invoqué par l'appelante pour caractériser les faits imputés à faute aux sociétés intimées, qu'autant qu'elle démontre que la société Mecapack et la société Nutripack - qui avait en charge la distribution du produit élaboré par les sociétés SEHC et Tahmizian et a, par ailleurs, recruté l'ancien dirigeant de cette dernière - ont utilisé des informations privilégiées recélées dans le fichier-clients auquel elles n'ont pu accéder qu'en raison de la qualité de distributeur ou des fonctions exercées par cet ancien dirigeant ;
Que la démonstration n'en est pas faite alors qu'il ressort des pièces versées aux débats par les intimées que si des projets d'installation de la ligne automatisée telle que réalisée, à savoir le prototype, ont pu être envisagés avant que la société Tahmizian ne fasse l'objet d'une liquidation et que le contrat de distribution ne soit résilié, le CHU de Montpellier signant un prêt à titre gratuit avec pour objectif de tester le produit, aucun contrat portant sur ce prototype n'a été signé ;
Que le démarchage de centres hospitaliers auquel, par la suite, les sociétés intimées ont pu se livrer pour vendre leur produit concurrent ne peut être tenu pour une utilisation fautive d'informations privilégiées sur le fichier-clients, d'autant que ce type d'installation avait vocation à être acquis par cette clientèle, à s'en tenir au préambule-même du brevet en cause qui indique " [001] " La présente invention (') s'applique, en particulier, à la distribution de repas en collectivité, en restauration collective, plus particulièrement en milieu hospitalier " ;
Qu'il s'évince de tout ce qui précède qu'échoue en sa demande la société SEHC qui n'identifie pas le savoir-faire dont elle aurait été dépossédée ni ne justifie (alors qu'elle expose dans ses écritures (§ 6) qu'elle n'était pas financièrement en mesure d'assurer la fabrication de la ligne automatisée de distribution) de la réalité des lourds investissements dont elle prétend qu'auraient illicitement tiré profit les intimées (qui justifient quant à elles, en pièce 24, d'investissements à hauteur de près de 300.000 euros entre 2010 et 2013), ceci grâce à une série de comportements qui, pris isolément ou dans leur ensemble, ne peuvent être tenus pour déloyaux, de sorte que le jugement qui en dispose ainsi mérite confirmation ;
Sur les autres demandes
Considérant que la solution donnée au litige par la cour conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Que l'équité commande d'allouer aux sociétés Nutripack et Mecapack une somme globale de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que l'appelante qui succombe sera déboutée de ce dernier chef de prétention et condamnée à supporter les dépens ;
Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a retenu l'existence de faits de contrefaçon de marque et condamné la société Nutripack SAS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en lui faisant supporter les dépens et, statuant à nouveau ; Déboute la Société d'Exploitation Hopi Caap SAS de sa demande au titre de la contrefaçon de la marque communautaire verbale " Hopi Caap " n°4644563 enregistrée le 18 décembre 2006 dont elle est titulaire ; Condamne la Société d'Exploitation Hopi Caap SAS à verser à la société Nutripack SAS et à la société Mecapack SAS une somme globale de 15.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.