CA Lyon, 3e ch. A, 29 septembre 2016, n° 14-02696
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Electro Calorique (SAS)
Défendeur :
SVS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par arrêt du 12 mars 2015, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, la présente cour a statué ainsi :
" Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que la résiliation du contrat du 1er octobre 2007 aux torts de la société SVS par la société Electro Calorique SAS est abusive,
- condamné la société Electro Calorique SAS à payer à la société SVS la somme de 14 187,18 euro majorée de la TVA pour indemnité de préavis, outre les intérêts légaux à compter de la date effective de la résiliation, le 10 avril 2012,
- condamné la société Electro Calorique SAS à payer à la société SVS la somme de 113 497,44 euro HT pour indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, outre les intérêts légaux à compter de la date effective de la résiliation, le 10 avril 2012,
Infirme le jugement entrepris sur l'injonction de communication de pièces comptables, et avant dire plus avant,
Ordonne à la SAS Electro Calorique de communiquer l'ensemble des documents comptables permettant à la SARL SVS de calculer sa commission due sur la période du 1er avril au 10 avril 2012 ainsi que communiquer les factures adressées aux clients pour tous les marchés figurant dans la liste versée sous la pièce n° 12 de la SARL SVS en cas de conclusion des affaires dans les douze mois suivant la rupture du contrat en date du 10 avril 2012
Ordonne la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à la mise en état du 9 juin 2015. "
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 8 avril 2016, la société Electro Calorique demande à la cour de :
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 12 mars 2015 ayant ordonné la réouverture des débats et ayant statué avant-dire droit dans le périmètre suivant :
" Ordonne à la SAS Electro Calorique de communiquer l'ensemble des documents comptables permettant à la SARL SVS de calculer sa commission due sur la période du 1er avril 2012 au 10 avril 2012 ainsi que communiquer les factures adressées aux clients pour tous les marchés figurant dans la liste versée sous la pièce n° 12 de la SARL SVS en cas de conclusion des affaires dans les 12 mois suivant la rupture du contrat en date du 10 avril 2012 "
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Electro Calorique à payer à la société SVS la somme de 44 760,62 euro majorée de la TVA pour commissions dues au titre de l'article L. 134-7 du Code de commerce, outre les intérêts légaux, à compter de la date effective de la résiliation, le 10 avril 2012,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société SVS au titre des commissions prétendument dues sur le fondement du droit de suite de l'article L. 134-7 du Code de commerce ;
et, statuant à nouveau :
Sur le paiement des commissions échues et à échoir
- dire et juger que le montant maximum pouvant être alloué à la société SVS au titre des commissions échues et à échoir est de 280,33 euro HT,
Sur le paiement des commissions au titre du droit de suite
- in limine litis, sur l'incompétence de la cour d'appel pour connaître de la nouvelle demande de communication de pièces sollicitée par la société SVS, dire et juger que la nouvelle communication de pièces sollicitée par la société SVS s'apparente à une mesure d'instruction au sens de l'article 11 du code de procédure civile,
- se déclarer incompétente pour connaître de la nouvelle demande de communication de pièces sollicitée par la société SVS au visa de sa nouvelle pièce 42, seul le conseiller de la mise en état l'étant,
- en tout état de cause, sur l'irrecevabilité manifeste des demandes nouvelles de la société SVS, dire et juger que la décision avant dire droit de la cour d'appel de céans du 12 mars 2015 a circonscrit de manière définitive et non susceptible de recours le périmètre de la réouverture des débats,
- dire et juger que la nouvelle demande de communication de pièce de la société SVS sur la base de sa nouvelle pièce n° 42 et les demandes indemnitaires en découlant sont irrecevable,
- sur le fond sur le rejet des demandes de paiement des commissions au titre du droit de suite, dire et juger que la société SVS, alors qu'elle en a la charge de la preuve en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, ne prouve pas être à l'origine des affaires listées par elle à sa pièce n° 12;
- rejeter toute demande de la société SVS s'agissant du paiement de commissions au titre du droit de suite,
- à tout le moins et si par extraordinaire, la cour de céans venait à considérer que les conditions de l'article L. 134-7 du Code de commerce étaient remplies, dire et juger que le montant maximum de factures émises par la société Electro Calorique pouvant être pris en compte au titre du droit de suite et pouvant servir de base de calcul aux commissions est de 228 053,95 euro HT soit 32 383,66 euro HT de commissions,
en tout état de cause
- rejeter toute éventuelle demande de la société SVS au titre d'un éventuel paiement fondé sur l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Electro Calorique soutient que la société SVS ne fournit aucun justificatif des commissions qu'elle réclame, développant pour chacun des marchés sa propre position.
Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 25 avril 2016, la société SVS demande à la cour de :
- condamner la société Electro Calorique SAS à payer à la société SVS SARL la somme de 73 934,82 euro majorée de la TVA, au titre des commissions dues sur les factures produites au débat sur la pièce n° 41, outre la somme de 18 420,10 euro majorés de la TVA au titre des commissions sur les factures non versées au débat et correspondant aux affaires figurant dans la pièce n° 42,
- dire et juger qu'à défaut de verser aux débats les factures adressées aux clients pour tous les marchés figurant dans la liste versée sous la pièce n° 42, le montant des commissions sur les factures éludées sera évalué à la somme de 18 420,10 euro majorés de la TVA,
- débouter la société Electro Calorique SAS de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- condamner la société Electro Calorique SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- condamner la société Electro Calorique SAS à payer à la société SVS SARL la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société SVS fait valoir qu'elle ne formule aucune prétention visant à la production de pièces par son adversaire, la cour n'ayant pas vidé sa saisine sur la détermination des commissions dues par la société Electro Calorique.
Elle détaille point par point ses réclamations au titre des commissions prévues par les articles L. 134-6 et L. 134-7 du Code de commerce.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures récapitulatives des parties ;
Que la société SVS ne saisissant pas la cour d'une quelconque demande de communication forcée de pièces, mais uniquement d'une prétention tendant à faire tirer conséquence d'une carence probatoire, il n'est pas besoin de statuer sur ce point ;
Attendu que la force de chose jugée ne s'attachant qu'au dispositif des décisions, il suffit de se reporter à celui de l'arrêt précédent du 12 mars 2015 pour vérifier que la cour n'a pas statué sur les prétentions respectives portant sur la condamnation prononcée à hauteur de 44 460,72 euro HT au titre des commissions, en réponse aux demandes formées devant les premiers juges, tant sur celles déjà calculées et que sur celles qui nécessitaient la production par la mandante des éléments permettant leur détermination ;
Que l'injonction délivrée par cette cour, ayant infirmé la décision entreprise sur ce point, devait conduire la société SVS à chiffrer les commissions dont elle est susceptible de bénéficier en application des articles L. 134-6 et L. 134-7 du Code de commerce ;
Attendu qu'ayant rouvert les débats et renvoyé l'affaire à la mise en état, la cour se doit maintenant de statuer sur les commissions déjà réclamées par cette société SVS devant les premiers juges ;
Que les termes de l'article 444 du Code de procédure civile devaient ainsi conduire les parties à conclure sur les points sur lesquels la cour n'avait pas encore statué, les développements opérés par la société Electro Calorique sur les effets de l'ordonnance de clôture étant totalement inopérants en ce que cette réouverture des débats n'était par nature pas cantonnée à la réponse par les parties à une question particulière ;
Attendu que l'ordonnance de clôture à nouveau rendue le 26 avril 2016, alors que la société appelante revendiquait dans son message du même jour un " report de l'ordonnance de clôture ", comme le dépôt d'écritures de part et d'autre tendant à ce que la cour statue sur le litige subsistant, suffisent à corroborer que les parties ont clairement pris en compte la révocation de celle initialement prononcée le 14 octobre 2014 ;
Attendu que les prétentions émises par la société SVS au titre des commissions correspondant à la saisine subsistante de la cour, aucune fin de non-recevoir n'est susceptible d'être opposée par son adversaire au titre d'un " périmètre de la réouverture des débats " ;
Sur les commissions réclamées en application de l'article L. 134-6 du Code de commerce
Attendu que ce texte déjà rappelé dans l'arrêt du 12 mars 2015, dispose également en son alinéa 2 que " lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe. " ;
Que l'article R. 134-3 du Code de commerce, tout autant mis en avant dans cette décision, oblige le mandant à remettre à son agent les éléments lui permettant de chiffrer les commissions dont il est créancier ;
Attendu que l'article 4 du contrat d'agent commercial stipulait que " En contrepartie de ses services, l'agent percevra une commission sur le montant net hors taxe de la facture, déduction faite des frais de port et d'emballage.
Les taux sont fixés comme suit (...)
Les commissions sont dues non seulement sur toutes les affaires directement traitées par l'agent, mais également sur toutes les opérations émanant directement ou indirectement de son secteur.
Ce droit à commission ne sera pas acquis en cas d'inexécution de l'opération pour des motifs non imputables au mandant.
Les commissions seront réglées mensuellement au vu des relevés comptables qui lui seront donnés, le 10 du mois suivant le paiement de la facture par le client. " ;
Attendu qu'il convient également de rappeler que la société SVS bénéficiait d'une exclusivité de représentation sur huit départements, la dispensant ainsi de faire la preuve de son rôle dans la conclusion de l'opération effective au cours même du contrat de mandat ;
Que la société Electro Calorique ne contredit pas son adversaire lorsqu'elle réclame la condamnation à hauteur de 11 407,97 euro HT au titre des commissions échues (pour 2 433,57 euro) et du marché dit de " la prison de Conde-Sur-Sarthe ", pour laquelle la commande est antérieure à la cessation du mandat (pour 8 974,40 euro) ;
Attendu que seul le marché dit de " l'hôpital du Bois Petit à Sotteville-les-Rouen " est discuté comme correspondant aux commissions à arbitrer dans le cadre du droit de suite, par ailleurs examiné plus bas ;
Que, contrairement aux affirmations de la société Electro Calorique, le fait générateur du droit à commission n'est pas déterminé dans le contrat, seul le texte d'ordre public susvisé conduisant à retenir " la conclusion de l'opération " soit la commande passée par le client du secteur géographique ;
Attendu que seule l'exigibilité de la commission est ainsi régie par la loi des parties ;
Attendu que la facture dressée par cette société au titre de ce marché est datée du 26 mars 2012, antérieurement à la rupture du contrat d'agence, la commission de 16 101,16 euro HT étant également à couvrir au titre de celles acquises en cours d'exécution du contrat ;
Sur les commissions réclamées en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce
Attendu que ce texte prévoit que " pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. " ;
Qu'à ce stade, il doit être vérifié que la conclusion du marché, et non la facturation, est intervenue dans le délai raisonnable d'une année d'ores et déjà fixé par la décision rendue le 12 mars 2015, et qu'elle n'a pas été conclue grâce à l'activité de l'agent qui a succédé à la société SVS ou à celle de la société Electro Calorique ;
Attendu que le marché dit de " l'hôpital de Gisors " a fait l'objet d'une commande datée du 20 avril 2012, ainsi qu'il ressort de la pièce 52 de la société appelante comme de la pièce 30/1 adverse, et a généré un droit à commission de 1 908,40 euro HT, au regard du montant facturé, peu important qu'il n'ait pas figuré sur la pièce 12 adverse ;
Que la proximité temporelle de cette conclusion de marché ne pouvait que conduire à la retenir comme ressortissant du droit de suite ;
Attendu que le marché dit de " l'hôpital Asselin Handelin" à Yvetot a été conclu le 27 avril 2012, à la suite de la réponse à un appel d'offre émis par la société Electro Calorique au cours du mandat, le 2 avril 2012, ce qui doit conduire à retenir un droit à commission de 23 236,46 euro HT ;
Attendu que le marché dit du " Centre Hospitalier de Beaugency" a été conclu le 3 mai 2012, et a fait l'objet d'une facturation à hauteur de 7 055,93 euro et non de 328,68 euro HT ;
Que le concernant, aucune démarche particulière n'est mise en avant comme effectuée par la société Electro Calorique, la date proche de cette conclusion devant mener à retenir comme due la commission à hauteur de 1 103,93 euro HT ;
Attendu que le marché dit de " la Maison de Retraite de Harcourt" a été conclu le 6 juin 2012, sans que la société intimée n'affirme qu'elle faisait partie de ses prospects, aucun droit à commission ne pouvant être revendiqué à son titre ;
Attendu que le marché dit du " CHS de Navarre " à Evreux n'est pas contesté comme ayant été conclu le 3 septembre 2012 (date de la commande notée dans la pièce 52 de la société mandante), alors qu'aucun document n'est produit de part et d'autre pour conforter leurs opinions contraires sur la source même de la passation de cette commande ;
Que si la société SVS ne verse pas aux débats le devis qu'elle met en avant comme remontant au 24 janvier 2012, son adversaire ne fournit pas plus d'éléments sur une intervention réalisée postérieurement à la fin du mandat ;
Attendu que la proximité temporelle de cette conclusion du marché, en l'état d'une période estivale écouée dans l'intervalle, ne peut conduire qu'à retenir que la permanence de l'ancien agent commercial sur le secteur depuis plusieurs années en a été à l'origine ;
Que la commission de 3 356 euro HT doit être retenue comme due par la mandante ;
Attendu que le marché dit du " Centre Pénitentiaire d'Orléans" ayant été conclu le 15 novembre 2012, alors que la société SVS justifie avoir connu des échanges de courriels les 5 et 7 février 2012, il appartenait à son adversaire de caractériser ses propres diligences auprès de ce client ;
Que le montant de commission à hauteur de 15 194 euro HT doit également être retenu ;
Attendu que pour les autres clients visés par les parties dans leurs pièces respectives 12 et 52, la société SVS ne peut arguer de la résistance de sa mandante à faire figurer dans son tableau la date de conclusion des marchés pour espérer obtenir une commission qui nécessite qu'elle articule principalement son rôle, alors qu'elle indique elle-même que " l'on ne peut vérifier si celles-ci entrent dans le périmètre du droit à commission au titre de l'article L. 134-7 du Code de commerce " ;
Que la carence probatoire doit ainsi être opposée à cette société et non à sa mandante, en l'absence de caractérisation de l'existence d'un droit à commission au titre de ces marchés pour lesquels la société Electro Calorique a pris soin de noter des dates de facturations qui pour certaines étaient proches de la fin du mandat (CH Honfleur, CH Avranches) ;
Attendu que le montant total des commissions au titre de ce droit de suite doit en conséquence être arrêté à 44 798,79 euro ;
Attendu qu'il convient, en conséquence, d'infirmer pour le surplus le jugement entrepris et de condamner la société Electro Calorique à verser à la société SVS la somme totale de 72 307,92 euro HT, majorée de la TVA, et de débouter cette dernière du surplus de ses demandes au titre des commissions impayées ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que la société Electro Calorique, succombant totalement en son appel, doit en supporter les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Que ceux de première instance ne peuvent ainsi être à nouveau arbitrés en cet état ;
Attendu que l'équité commande de décharger la société SVS des frais irrépétibles engagés dans cet appel et de condamner la société Electro Calorique à lui verser une indemnité de 5.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Vu l'arrêt du 12 mars 2015 ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Electro Calorique SAS à payer à la société SVS la somme de 44 760,62 euro majorée de la TVA pour commissions dues, au titre de l'article L. 134-7 du Code de commerce, outre les intérêts légaux à compter de la date effective de la résiliation, le 10 avril 2012, et statuant à nouveau sur le montant des commissions réclamées ; Condamne la SAS Electro Calorique à verser à la SARL SVS la somme de 72 307,92 euro HT, majorée de la TVA ; Déboute la SARL SVS du surplus de ses demandes au titre des commissions ; Confirme pour le surplus les autres dispositions déférées ; Condamne la SAS Electro Calorique à verser à la SARL SVS une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Electro Calorique aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.