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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 6 octobre 2016, n° 15-09558

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Village (Sasu)

Défendeur :

Rocher des Pirates (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mme Gregori, M. Jouve

T. com. Perpignan, prés., du 7 déc. 2015

7 décembre 2015

La Sasu Le Village exploite un restaurant à l'enseigne Rocher des Pirates dans le cadre d'un contrat de franchise qu'elle a signé avec la société Rocher des Pirates.

Soutenant que la société franchisée ne payait plus les redevances qu'elle lui devait sur son chiffre d'affaires réalisé, la société Rocher des Pirates a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2015 la Sasu Le Village de communiquer ses documents comptables, par application des articles 4-11 et 11-5 du contrat de franchise ainsi qu'au paiement des factures de redevances échues à compter du mois de mai 2015.

N'ayant pas reçu réponse à sa mise en demeure, la société Rocher des Pirates a fait assigner, par acte du 23 octobre 2015, la Sasu Le Village devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Perpignan pour la voir condamner au paiement de la somme provisionnelle de 88 213,35 euros TTC correspondant au montant des redevances impayées outre la somme de 18 000 euro correspondant à la pénalité contractuellement prévue.

Par ordonnance du 7 décembre 2015, le juge des référés du Tribunal de commerce de Perpignan a condamné la Sasu Le Village à payer par provision à la société Rocher des Pirates la somme de 65 016,63 euros majorée des intérêts moratoires au taux de 2 fois le taux de l'intérêt légal à compter de l'assignation, a condamné la Sasu Le Village à payer par provision à la société Rocher des Pirates la somme de 18 000 euro au titre de l'indemnité conformément à l'article 4-11 du contrat de franchise, a constaté que dans les pièces communiquées par la Sasu Le Village figure le bilan complet de 2014 de la société, a débouté la société Rocher des Pirates de sa demande de communication du bilan, a débouté la Sasu Le Village de sa demande reconventionnelle, au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, a alloué à la société Rocher des Pirates la somme de 2 000 euros qui lui sera versée par la Sasu Le Village.

La Sasu Le Village a interjeté appel de cette ordonnance.

Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 16 mars 2016 par la Sasu Le Village, laquelle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du 7 décembre 2015, de constater l'existence d'une contestation sérieuse, de débouter la société Rocher des Pirates de ses demandes de paiement par provision des redevances et clause pénale et de la condamner à lui payer la somme de 4 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 11 août 2016 par la société Rocher des Pirates, laquelle demande la cour de constater que les obligations de la Sasu Le Village n'étaient pas sérieusement contestables, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 7 décembre 2015 et de condamner la Sasu Le Village au paiement de la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Sasu Le Village a notifié, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 25 août 2016, le 30 août 2016, de nouvelles conclusions, sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture pour permettre leur admission. Cependant la Sasu Le Village n'invoque aucun motif susceptible de caractériser une cause grave permettant la révocation de la clôture, étant observé que la nouvelle pièce jointe à ces conclusions correspond à un procès-verbal de constat du 18 janvier 2016, lequel pouvait être produit en temps utile, avant la clôture. Il convient par voie de conséquence de rejeter la demande de révocation.

Motifs

Les parties sont liées, pour la période considérée, par un contrat de franchise signé le 11 mars 2014 aux termes duquel le franchisé s'engage à verser une redevance annuelle d'exploitation au franchiseur d'un montant de " 5 % du chiffre d'affaires annuel réalisé HT ", et ce jusqu'à 2 millions d'euros (article 11-2), étant précisé que cette redevance fait l'objet d'un versement mensuel provisionnel égal à 5 % du chiffre d'affaire mensuel réalisé HT au cours du mois précédent, le montant annuel faisant l'objet d'un réajustement en fonction du chiffre d'affaires HT effectivement réalisé sur une année civile, outre le versement d'une redevance " spectacles " égale à 1 % du chiffre d'affaires HT du mois écoulé (article 11-4).

À cet égard, le franchisé s'engage, en application de l'article 4-11 du contrat, à transmettre au franchiseur, au plus tard le 5 de chaque mois, le chiffre d'affaires réalisé par le restaurant lors du mois précédent, la transmission devant être effectuée selon " tous moyens indiqués par le franchiseur ".

En l'occurrence, ces informations devaient être communiquées par le franchisé au moyen du " drive " informatique.

Il n'est pas contestable, ni au demeurant contesté, que ce " drive " n'a plus été renseigné par le franchisé depuis le mois de mai 2015, la société Rocher des Pirates réclamant en vain la communication des documents comptables lui permettant d'établir les factures.

La Sasu Le Village ne saurait, à ce stade de la procédure, prétendre démontrer les dysfonctionnements du " drive " par la production d'un long courriel rédigé par ses soins (pièce 8) ou encore par la production d'un procès-verbal de constat (pièce 8bis), essentiellement descriptif et qui reprend les observations émises par le responsable de la Sasu Le Village, sans analyse des dysfonctionnements allégués. Au demeurant l'appelante n'a pas tenté de transmettre par tout autre moyen les éléments comptables permettant l'établissement des factures.

Contrairement à ce que peut affirmer l'appelante, la société Rocher des Pirates a bien adressé à son franchisé des factures, nécessairement établies sur des estimations, ce qui apparaît notamment à la lecture des courriels des 2 juin et de juillet 2015 qui font expressément référence à celles-ci.

Enfin, la société Rocher des Pirates a fait délivrer par courrier du 7 septembre 2015, par son avocat, une mise en demeure à la Sasu Le Village d'avoir à procéder à la communication des documents comptables prévus par les articles 4-11 et 11-5 du contrat de franchise ainsi qu'au paiement des factures établies sur les estimations.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu, pour chiffrer la provision due au titre des redevances impayées, le chiffre d'affaires mentionné par le tableau produit par la Sasu Le Village elle-même, excluant à cet égard toute contestation sérieuse, et retenu au titre de l'indemnité prévue par l'article 4-11 autant d'infractions que de mois pour lesquels le franchisé s'est abstenu de communiquer les informations comptables alors que la mise en demeure du 7 septembre 2015 a bien visé une période correspondant à six mois, les informations comptables devant être communiquées mois par mois, et est restée sans effet au-delà du délai de huit jours repris par le deuxième alinéa de l'article 4-11 du contrat de franchise.

L'ordonnance entreprise sera par voie de conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné la Sasu Le Village à payer par provision à la société Rocher des Pirates la somme de 65 016,63 euros, calculée sur le tableau récapitulatif du chiffre d'affaires réalisées entre les mois d'avril 2015 et septembre 2015 inclus, majorée des intérêts moratoires contractuels au taux de 2 fois le taux de l'intérêt légal à compter de l'assignation et a condamné la Sasu Le Village à payer par provision à la société Rocher des Pirates la somme de 18 000 euro au titre de l'indemnité conformément à l'article 4-11 du contrat de franchise.

C'est par des motifs tout aussi pertinents, et non contradictoires avec ceux précédemment exprimés, que le premier juge a pu retenir que la demande reconventionnelle formée par la Sasu Le Village se heurtait à une contestation sérieuse alors qu'elle tend à apprécier la responsabilité de la rupture du contrat, appréciation qui ne peut relever que d'un examen au fond et l'ordonnance entreprise ne peut par voie de conséquence qu'être confirmée en ce qu'elle a débouté la société Rocher des Pirates de sa demande de communication du bilan, a débouté la Sasu Le Village de sa demande reconventionnelle.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Rocher des Pirates partie des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer en cause d'appel et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2 000 euros.

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, Condamne la Sasu Le Village à payer à la société Rocher des Pirates, en sus de la somme allouée à ce titre par le premier juge, la somme de 2 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la Sasu Le Village aux dépens.