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Décisions

CA Angers, ch. com., 4 octobre 2016, n° 14-01786

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SBL. (SAS)

Défendeur :

Paris Machines-Outils (SAS), Compagnie d'assurances Generali France Assurances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mmes Monge, Portmann

Avocat :

SCP Angle Droit Avocats

T. com. Laval, du 11 juin 2014

11 juin 2014

FAITS ET PROCEDURE

Le 29 juillet 2007, la société SBL a passé commande d'une installation de sciage à commande numérique auprès de la société Paris machines-outils (société PMO) moyennant le prix de 35 880 TTC.

Le 23 février 2010, la société Transports P. a livré la machine à la société SBL.

Ayant constaté des dysfonctionnements, la société SBL a sollicité et obtenu, le 14 février 2011, du juge des référés du Tribunal de commerce de Laval la désignation d'un expert judiciaire. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 19 décembre 2011.

Par acte du 25 avril 2012, la société SBL a assigné la société PMO devant le Tribunal de commerce de Laval en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Par acte du 3 décembre 2012, la société PMO a appelé la société Generali France assurances (la société Generali) en garantie.

Par jugement du 11 juin 2014, le Tribunal de commerce de Laval a dit que la société SBL n'apportait pas la preuve de l'existence d'un vice caché préalable à la vente de l'installation de sciage automatique, débouté la société SBL de toutes ses demandes et condamné la société SBL à payer respectivement à la société PMO et à la société Generali une indemnité de procédure de 1 500 euros pour la première et de 1 000 euros pour la seconde, outre les dépens.

Selon déclaration adressée le 8 juillet 2014, la société SBL a interjeté appel de cette décision.

Les parties ont toutes conclu.

Une ordonnance rendue le 17 mai 2016 a clôturé la procédure.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les dernières conclusions, respectivement déposées les 2 avril 2015 pour la société SBL, 5 décembre 2014 pour la société PMO et 1er décembre 2014 pour la société Generali, auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La société SBL demande à la cour de dire recevable et bien fondé son appel, d'infirmer le jugement déféré, de prononcer la résolution de la vente de l'installation pour vices cachés, de dire qu'en conséquence la société PMO devra procéder à l'enlèvement à ses frais de la machine sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de condamner la société PMO à lui restituer le prix versé de 30 000 euros et à lui payer une somme de 28 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et financier, subsidiairement, de désigner tel expert qu'il plaira à la cour en lui confiant la mission de déterminer l'origine du dysfonctionnement affectant le programmateur et, accessoirement, de chiffrer le préjudice économique et financier résultant de l'autofinancement d'une machine inutilisable depuis sa livraison, d'évaluer le surcoût de main d'œuvre généré par l'impossibilité d'utiliser ce nouveau matériel, dans cette hypothèse, de lui allouer une provision de 10 000 euros et de condamner la société PMO ou qui mieux le devra au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Elle expose que la machine lui a été livrée le 24 février 2010 et que le 1er mars 2010, un technicien de la société PMO se déplaçait pour procéder à sa mise en route et qu'il n'a pu le faire. Elle indique qu'elle a versé la somme de 30 000 euros sur le prix de 35 880 euros pour un matériel inutilisable. Elle précise que l'expert judiciaire, M. B., a, à l'issue de différents essais et réglages de programmation et de mise en route, constaté, au contradictoire de ses adversaires, que la machine n'était pas en état de fonctionnement et que son défaut majeur tenait à l'impossibilité de la programmer.

Elle conteste que la société PMO puisse utilement lui opposer la clause de réserve de propriété qui ne lui fait pas perdre sa qualité de vendeur de l'appareil ni la clause d'exonération de responsabilité non opposable au non-professionnel de la vente de machines-outils qu'elle est en sa qualité de fabricant de remorques agricoles.

Elle soutient rapporter la preuve d'un vice caché tenant à l'impossibilité de programmation qui n'est apparu que lors de la tentative infructueuse de la mise en route par le technicien de la société PMO. Elle explique que lors de la réception de la machine, elle a émis les réserves suivantes : quatre pieds réglables cassés, manque de deux supports en plastique, six pieds tordus, courroie d'entraînement écourtée, manque de la clé de l'armoire électrique, du schéma électrique et du manuel d'utilisation. Elle fait valoir que rien n'indique, à défaut d'examen de la pièce par l'expert, que le programmateur ne fonctionne pas à raison d'un choc. Elle estime que la société PMO ne combat pas utilement la présomption qui pèse sur elle en sa qualité de vendeur professionnel et que la charge de la preuve que le défaut serait imputable à un tiers pèse sur elle. Elle maintient sa demande de résolution de vente avec restitution du prix payé et paiement de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1645 du Code civil. Elle insiste sur le fait qu'elle a tout entrepris pour parvenir à une solution amiable et que la société PMO, faisant preuve d'un caractère de procédurier, s'y est opposée.

La société PMO demande à la cour, à titre principal, de constater que la société SBL ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché dont elle serait responsable, en conséquence de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de constater l'existence d'une clause de réserve de propriété à son profit, en conséquence de débouter la société SBL de toutes ses demandes, à titre infiniment subsidiaire, de constater l'existence d'une clause exonératoire de responsabilité s'opposant à l'action formée par la société SBL à son encontre, en conséquence de débouter celle-ci de toutes ses demandes, en tout état de cause, de débouter la société SBL de sa demande de dommages et intérêts et de donner acte à la société Generali de ce qu'elle ne conteste pas sa garantie sous réserve de l'application d'une franchise contractuelle, de dire que la société Generali sera condamnée à la garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge et de condamner la société SBL à lui payer une indemnité de procédure de 7 500 euros, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir que les risques du transport de la machine dans les locaux de la société SBL pesaient sur celle-ci et qu'il est acquis au débat que le matériel est arrivé endommagé, le destinataire ayant fait des réserves sur les dégâts constatés visuellement. Elle explique que l'expert a rendu un rapport qu'elle qualifie d'énigmatique. Elle ajoute que désavouant son salarié, M. L., signataire du procès-verbal de réception, la société SBL soutient que la machine litigieuse n'a pas été réceptionnée en état de fonctionnement lors de l'enlèvement puisque de convention expresse la mise en route devait être effectuée dans ses ateliers par la société, alors que M. L. a signé ce procès-verbal en attestant qu'elle était en bon état de fonctionnement après l'avoir essayée. Elle conclut que la société SBL n'apporte pas la preuve d'un vice, antérieur à la vente, qui lui soit imputable et insiste sur le fait que cette preuve lui incombe et qu'elle n'a pas à établir, contrairement à ce que soutient l'intimée, que le vice est imputable à un tiers.

Subsidiairement, elle invoque la clause de réserve de propriété attachée à la vente jusqu'au paiement intégral de prix et dénie à la société SBL la possibilité de fonder son action sur l'article 1641 du Code civil, faute d'avoir acquitté la totalité du prix. Elle souligne que la société SBL n'a diligenté aucune procédure contre le transporteur rendant impossible tout recours malgré des dégradations évidentes.

Elle invoque encore une clause exonératoire de responsabilité figurant dans ses conditions générales de vente qu'elle estime valable entre deux professionnels de même spécialité.

Concernant le préjudice, elle s'oppose au paiement d'une somme de 35 000 euros de dommages et intérêts alors que l'expert judiciaire avait retenu que le préjudice était réparable à hauteur d'une somme de 4 851 euros. Elle rappelle que la société SBL a mis deux ans à procéder à l'enlèvement de sa machine. Enfin elle invoque la garantie de la société Generali qui, selon elle, ne peut être déniée.

La société Generali demande à la cour, à titre principal, de dire que la société SBL ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché au moment de la vente de l'installation de sciage, en conséquence de confirmer le jugement querellé, en toute hypothèse, de dire qu'elle est recevable et bien fondée à opposer l'application d'une franchise de 10 % des dommages avec un minimum de 3 200 euros par sinistre et un maximum de 8 000 euros qui restera à la charge de la société PMO et de condamner tout succombant à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros, outre les entiers dépens.

S'agissant de sa garantie, elle observe que, non partie aux opérations d'expertise, celles-ci ne lui sont pas opposables mais qu'elle n'entend pas en soulever la nullité à son égard.

Elle rappelle que la société SBL n'a procédé à l'enlèvement de la machine commandée en 2008 et sur le prix de laquelle un acompte de 5 000 euros avait été versé le 1er août 2008, qu'après une mise en demeure adressée par la société PMO le 11 décembre 2009 et que le 20 janvier 2010, M. L., préposé de la société SBL, a réceptionné l'installation dans les locaux de la société PMO, après l'avoir examinée et essayée, sans assortir sa réception de réserves. Elle ajoute que conformément aux conditions générales de vente de la société PMO, les frais et les risques du transport étaient à la charge de la société SBL et que celle-ci a déchargé le transporteur de toute responsabilité, en dépit des dégâts constatés à la livraison.

Elle soutient que la société SBL tente de renverser la charge de la preuve de l'existence du vice caché qu'elle allègue alors qu'elle reconnaît que l'origine du désordre est demeurée indéterminée, l'expert ayant échoué à préciser la cause des défauts rendant impossible l'utilisation normale de la machine. Elle approuve le tribunal d'avoir rejeté les demandes de la société SBL.

Subsidiairement, elle se prévaut des limites contractuelles de sa garantie et conteste devoir supporter la restitution du prix ou le paiement d'une astreinte. Enfin, elle s'oppose à toute nouvelle expertise.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'un vice caché

Attendu qu'il incombe à celui qui invoque l'existence d'un vice caché, au sens de l'article 1641 du Code civil, d'en rapporter la preuve ;

Que la qualité de vendeur professionnel du cocontractant n'exonère pas l'acquéreur de rapporter cette preuve ;

Qu'elle le dispense seulement de démontrer qu'il connaissait les vices de la chose vendue pour prétendre, le cas échéant, à des dommages et intérêts complémentaires, en application de l'article 1645 du même Code ;

Or attendu qu'en l'espèce la société SBL ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché, soit d'un vice non apparent préexistant à la vente de la machine ou, à tout le moins, à son enlèvement des locaux de la société PMO ;

Attendu, en effet, que mise en demeure par lettre du 11 décembre 2009 (pièce n° 10 de la société PMO) de prendre livraison de l'installation automatique de sciage à commande numérique RGA type 370 n° 93787 commandée courant juillet 2008 (pièce n° 1 de la société PMO), elle apparaît avoir délégué un salarié, M. L., qui, le 20 janvier 2010, dans les ateliers de la société PMO a signé un document suivant lequel il déclarait " après avoir examiné, essayé la(es) machine(s) ", " l "(les avoir réceptionnée(s) en bon état de fonctionnement et conforme(s) aux règles d'hygiène et de sécurité en vigueur, sans réserve d'aucune sorte ;

Qu'à cette date, existait ainsi une présomption de ce que la machine était en bon état de fonctionnement, même s'il était prévu des essais et une mise en route assurés par les techniciens de la société PMO dans les locaux de la société BSL lorsque la machine y aurait été livrée ;

Que l'attestation, produite par la société PMO (pièce n° 8-1 de l'appelante), de M. C., responsable de production ayant accompagné M. L., qui explique que les essais de coupe pratiqués l'ont été en usage manuel et non en automatique, le magasin chargeur permettant l'approvisionnement des barres n'étant pas, selon lui, raccordé à la scie, n'est pas de nature, à elle seule, à détruire cette présomption et n'établit, en tout état de cause, pas que la machine n'ait pas été en état de fonctionner normalement en automatique ;

Qu'il n'est pas discuté que le transport, ses frais et ses risques, étaient à la charge de la société SBL, le bon de commande spécifiant que le matériel était 'vendu départ usine' ;

Que le 23 février 2010, le chauffeur des Transports P.' a accepté d'effectuer le transport de la machine de Leers, dans le Nord, à La Chapelle-au-Riboul, en Mayenne, sans apposer de réserves sur l'état de la machine au moment du chargement ;

Qu'à la livraison, le même jour, la société SBL a apposé sur la lettre de voiture (pièce n° 6 de la société PMO) les réserves suivantes :

- 4 pieds réglables cassés,

- 6 pieds tordus + 2 supports plastiques manquants + 1 courroie écourtée' ;

Que le 1er mars 2010, les techniciens de la société PMO chargés d'assurer la mise en route de la machine, n'y sont pas parvenus (pièce n° 23 de l'appelante) ;

Et attendu que l'expert judiciaire indique, dans son rapport, que 'suite aux différents et nombreux essais de réglages, de programmation et de mise en route effectués sur la machine, au contradictoire des parties, il est avéré que cette machine n'est pas en état de fonctionnement' (page 13 du rapport, pièce n° 1 de l'appelante) ;

Qu'il a retenu que 'le défaut majeur' de la machine apparu lors des essais était 'une impossibilité de la programmer', ajoutant que d'autres défauts complémentaires n'étaient pas exclus mais ne pouvaient être mis en évidence en raison de l'impossibilité de mettre la machine en route (page 13 du rapport) ;

Qu'il a évalué le coût de réparation à la somme de 4 400 euros et le préjudice subi par la société SBL à la somme de 4 851 euros (page 13 du rapport) ;

Que répondant à la question de savoir si les éventuels défauts étaient dus au transport, l'expert a indiqué 'Manifestement, il ne peut être exclu, sans pouvoir être affirmé, que la torsion des pieds de réglage de la machine soit due au transport. Il reste que les autres défauts mineurs constatés ne le sont pas et que seul un examen complémentaire du programmateur par le constructeur, au contradictoire des parties, serait à même de déterminer si le défaut constaté sur cet élément pourrait être, en tout ou partie, attribué au transport' (page 14 du rapport) ;

Qu'ainsi, si l'expert judiciaire n'a, en effet, pas retenu que l'impossibilité de la programmation était nécessairement due à l'avarie survenue pendant le transport, il ne l'a pas davantage exclue ;

Que, dans ces conditions, la preuve positive que doit rapporter la société SBL de ce que le défaut affectant la machine et la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée, ici l'impossibilité de la programmer, constitue un vice antérieur au transport imputable à la société SBL n'est pas ici rapportée, la société PMO, contrairement à ce que soutient l'appelante, n'étant, quant à elle, pas tenue d'établir que le défaut constaté serait le fait du transporteur ;

Et attendu que la demande formée par la société SBL, à titre subsidiaire, de soumettre à une expertise complémentaire le programmateur de la machine entreposée dans ses locaux dans des conditions ignorées pendant près de six ans, ne peut être aujourd'hui accueillie ;

Que le jugement qui l'a déboutée de toutes ses demandes sera confirmé ;

Attendu qu'au vu du sens du présent arrêt, l'appel en garantie de la société PMO est sans objet ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que la société SBL succombant en son appel en supportera les dépens, sera condamnée à verser sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à la société PMO la somme de 2 000 euros et à la société Generali celle de 1 000 euros et sera déboutée de sa propre demande de ce chef ;

Par ces motifs La cour, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la société S.B.L. aux dépens, La Condamne à payer à la société Paris machines-outils la somme de deux mille euros (2 000 euros) et à la société Generali France assurances la somme de mille euros (1 000 euros), sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.