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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 20 octobre 2016, n° 14-06872

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Coco's BVBA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

TGI Pontoise, du 19 mai 2014

19 mai 2014

Le 5 mai 2011, Christian S. a fait l'acquisition de deux canapés en cuir au prix de 8 500 euros, auprès d'un exposant belge de la foire de Paris, la société Coco's Bvba.

Estimant que le cuir de ces canapés souffrait d'un vice caché, il a, par acte d'huissier du 26 février 2013, fait assigner la société Coco's Bvba devant le tribunal de grande instance de Pontoise à l'effet d'obtenir le prononcé de la résolution de la vente intervenue.

Par le jugement entrepris, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 5 mai 2011 entre la société Coco's Bvba et Christian S.,

En conséquence,

- condamné la société Coco's Bvba à restituer à Christian S. la somme de 8 500 euros,

- ordonné à Christian S. de restituer les deux canapés à la société Coco's Bvba, à sa première demande, à charge pour elle d'en reprendre possession à ses frais,

- condamné la société Coco's Bvba à verser à Christian S. les sommes de :

* 600 euros à titre de dommages et intérêts,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Coco's Bvba aux entiers dépens de l'instance avec recouvrement direct.

La société Coco's Bvba a interjeté appel de ce jugement le 15 septembre 2014.

Dans ses conclusions signifiées le 17 février 2015, elle demande à la cour de :

- A titre principal, désigner un expert,

- A titre subsidiaire, débouter Christian S. de ses demandes,

- condamner Christian S. à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Dans ses conclusions signifiées le 24 décembre 2014, Christian S. demande à la cour de :

- A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, ordonné la restitution des deux canapés, condamné la société Coco's Bvba à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'infirmer s'agissant du montant des dommages-intérêts et le fixer à 2 000 euros,

- A titre infiniment subsidiaire,

- juger que si une expertise doit être ordonnée le montant de la consignation devra être mis à la charge de la société Coco's Bvba,

En tout état de cause :

- condamner la société Coco's Bvba à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 juin 2016.

Sur quoi, la COUR

Le tribunal a jugé que l'un des deux canapés est affecté de défauts multiples alors qu'il a été acquis à l'état neuf, au prix de 8 500 euros, que ces défauts de fabrication constituent des vices cachés antérieurs à la vente qui ont une incidence réelle sur l'utilité de la chose et empêchent son utilisation normale et que Christian S. n'aurait pas acquis ces canapés s'il avait eu connaissance de ces désordres.

La société Coco's Bvba fait observer qu'elle a demandé mais en vain le report de la réunion organisée par l'expert mandaté par Christian S. et que le rapport que ce dernier verse aux débats n'a pas respecté le principe de la contradiction de sorte que le tribunal ne pouvait se fonder sur ses conclusions pour statuer. Elle souligne que les défauts allégués ne concernent qu'un seul des deux canapés, que les plis du cuir sont inhérents au produit et que le basculement d'un dosseret peut aisément se corriger. Enfin elle affirme qu'elle a tenté de convenir d'un rendez-vous sur place avec l'acquéreur mais que celui-ci n'a pas donné suite à cette proposition.

Christian S. rappelle que peu de temps après la vente il a signalé les défauts des canapés et que la société Coco's Bvba s'est abstenue d'intervenir en dépit de ses promesses. Il fait valoir que l'expert mandaté par son assureur a valablement convoqué le vendeur qui ne s'est pas présenté et il conteste fermement que ce dernier ait réellement voulu organiser un rendez-vous à son domicile.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Christian S. a acquis deux canapés en cuir le 5 mai 2011, au prix de 8 500 euros. Le bon de commande mentionne que le cuir est " un taurillon de 1er choix ". Les canapés ont été livrés le 30 août 2011.

Dès le 3 octobre 2011, l'acquéreur faisait part au vendeur de son mécontentement, évoquant un cuir distendu sur les assises comme sur les dossiers. Il joignait des photographies à son message électronique. Sans réponse du vendeur, il adressait un nouveau message le 17 octobre 2011 : " Nous vous signalons que le cuir de ces 2 canapés frise de plus en plus " puis indiquait le 27 décembre 2011 : " la situation empire car les coussins s'affaissent et le cuir plisse en de nombreux endroits ". Dans ce même message, il rappelait ses nombreux appels téléphoniques et constatait que par téléphone le vendeur lui avait indiqué qu'il serait disponible après le 28 novembre sans avoir, un mois plus tard, de réaction utile de sa part.

De ses propres écritures il résulte que la société Coco's Bvba aurait proposé un rendez-vous au domicile de l'acquéreur le 26 avril 2012. Outre le fait que l'acquéreur conteste cette allégation, il sera observé que le vendeur aurait ainsi attendu près de 7 mois avant de faire une proposition constructive, à la supposer établie. La société Coco's Bvba est donc particulièrement mal venue de reprocher à Christian S. d'avoir saisi son assureur en protection juridique sans attendre un règlement amiable de leur litige.

Mandaté par l'assureur de Christian S., l'expert a adressé à la société Coco's Bvba une convocation reçue le 27 juin 2012 (ce que celle-ci ne conteste pas) en vue d'une réunion contradictoire devant se tenir le 19 juillet 2012. Il n'est produit aucune pièce de nature à établir que le vendeur aurait tenté d'obtenir un report de cette réunion.

Il y a lieu de juger en conséquence que c'est à raison que le tribunal a rejeté la demande d'expertise que la société Coco's Bvba formait devant lui à titre subsidiaire et s'est fondé sur le rapport d'expertise amiable, dont il a été contradictoirement débattu, pour statuer.

Dans son rapport daté du 17 août 2012, l'expert indique que les assises des canapés basculent pour permettre une profondeur d'assise plus importante et constate que :

- le canapé trois places présente une assise plus souple que l'autre,

- le cuir de ce canapé se plisse excessivement en raison d'une grande souplesse,

- l'un des dosserets de ce canapé présente un basculement anormal sur le côté, qui dénature son aspect esthétique,

- le dosseret de gauche de ce canapé bascule anormalement vers la gauche et présente un défaut d'alignement par rapport aux deux autres.

L'expert évoque la possibilité de remplacer les assises et le dosseret du canapé trois places et ajoute qu'il ignore si cette solution est techniquement réalisable en l'absence de la société Coco's Bvba à la réunion. Ainsi, l'expert n'a pas considéré comme convaincantes les affirmations du vendeur, qui, au vu des photographies adressées par Christian S., avait répondu à celui-ci que l'aspect du canapé était " conforme à ce qui est attendu de semblables canapés en cuir " et qu'il était normal, s'agissant d'un produit naturel, qu'il s'étire un peu. Il n'a en effet pas échappé à l'expert que le cuir était sujet à transformation mais il affirme qu'au cas présent le cuir se plisse de façon excessive. Dès lors que le vendeur ne s'est jamais déplacé au domicile de l'acquéreur en dépit de ses promesses et ne s'est pas rendu à la réunion d'expertise, il est certain qu'il n'a pu se rendre compte par lui-même des défauts allégués dès l'origine par Christian S. et les réponses qu'il y apporte sont d'ordre théorique et général.

A la suite du tribunal, la cour observe que le canapé est affecté de plusieurs défauts qui atteignent sa structure, sa fonctionnalité et son aspect esthétique, alors même qu'il s'agit d'un bien acquis neuf au prix de 8 500 euros.

C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé que les défauts décrits au rapport du 17 août 2012 devaient s'analyser en des vices cachés antérieurs à la vente et qui ne sont apparus que postérieurement à la livraison des canapés. Ces vices, s'ils ne sont pas constitutifs d'une impropriété à l'usage, diminuent en revanche cet usage, ne serait-ce que par ce qu'ils ne permettent pas de s'y asseoir convenablement, les dosserets basculant anormalement sur le côté. Si Christian S. avait connu ces vices, il n'aurait pas acheté les canapés ou les aurait acquis à un prix bien moindre.

Il sera observé que même si comme le souligne l'appelante, les vices n'affectent qu'un seul des deux canapés, le bon de commande regroupe les deux canapés avec un prix unique de telle sorte que la résolution de la vente doit être prononcée pour le tout.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Coco's Bvba à restituer le prix de vente et a ordonné à Christian S. de tenir à la disposition du vendeur les deux canapés dont l'enlèvement se fera aux frais du vendeur.

Le tribunal a justement évalué le préjudice subi par Christian S. à la somme de 800 euros mais par suite d'une erreur purement matérielle a mentionné celle de 600 euros dans son dispositif. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement de ce chef et de condamner Coco's Bvba à payer à Christian S. la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et l'indemnité de procédure seront confirmées.

En remboursement de ses frais irrépétibles d'appel, Christian S. est fondé à demander l'allocation de la somme de 1 500 euros.

La société Coco's Bvba, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct.

Par ces motifs, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement en ce qu'il a alloué à Christian S. la somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts, Statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne la société Coco's Bvba à payer à Christian S. la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts, Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant, Rejette la demande tendant au prononcé d'une expertise, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Coco's Bvba à payer à Christian S. la somme de 1 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Coco's Bvba aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.