Cass. soc., 4 novembre 2016, n° 15-18.956
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sevin
Défendeur :
Labo MD (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Alt
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Sevin, engagé par la société Labo MD (la société) en tant que VRP le 1er mars 2005, a démissionné le 3 janvier 2011 et quitté son travail après avoir perçu la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence ; que l'employeur, soutenant que cette clause n'avait pas été respectée, a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la clause d'exclusivité abusive, alors, selon le moyen qu'au terme de l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts, un voyageur représentant placier peut bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels ; que si l'application de la déduction forfaitaire spécifique est subordonnée à la condition que le ou les salariés ou leurs représentants, préalablement consultés, ne s'y soient pas expressément opposés, l'employeur conserve néanmoins la faculté d'appliquer la déduction forfaitaire spécifique ou d'y renoncer ; qu'en se bornant, par motifs adoptés, à énoncer que " la société Labo MD et M. Sevin avaient convenu l'application de la déduction forfaitaire, dès le contrat de travail initial et la signature d'un avenant en 2005 prévoit une rémunération uniquement sur commissions " pour en déduire qu'" il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. Sevin, dans la limite de la prescription quinquennale (soit pour la période du 30 septembre 2006 à décembre 2009) et du plafond annuel ", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les parties n'avait pas choisi d'appliquer un autre système d'indemnisation des frais professionnels consistant dans le remboursement direct des frais engagés avant décembre 2009, nonobstant ce que prévoyait le contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2009 (NOR: SANS0224282A) et de la circulaire ministérielle DSS/SDFSS/5 B n° 2005-376 du 4 août 2005 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la clause contenue au contrat empêchait seulement le salarié de travailler pour un concurrent de la société et ne limitait pas sa liberté de travailler, dans le cadre du temps partiel dont il disposait, pour un autre employeur, à condition de ne pas concurrencer la société Labo MD, la cour d'appel en a, sans dénaturation, exactement déduit que la demande n'était pas fondée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais, sur le premier moyen du même pourvoi : - Vu les articles 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1121-1 du Code du travail et 17 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants et placiers du 3 octobre 1975 ; - Attendu que, pour déclarer la clause de non-concurrence valable et condamner le salarié à verser à la société des sommes perçues en contrepartie de cette clause, l'arrêt énonce que celle-ci, insérée au contrat, fait interdiction au salarié d'exercer directement ou indirectement, que ce soit pour son compte personnel ou pour le compte d'un autre employeur ou producteur, une activité similaire portant sur des produits identiques ou similaires à ceux qui lui ont été confiés par la société, sur son secteur et dans les départements où il a exercé une activité et ce pendant une période de six mois, limitée dans le temps et l'espace, au secteur d'activité territorial qu'il connaît parfaitement ; que cette partie de la clause est donc licite ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le champ de l'obligation correspondait au secteur tel qu'il avait été modifié par l'avenant du 15 avril 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur les deuxième et troisième moyens du même pourvoi : Vu les articles 2242 du code civil, L. 3245-1 et R. 1452-1 du Code du travail dans leur rédaction alors applicable ; - Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;
Attendu que, pour déclarer prescrite une partie de la demande en rappel des cotisations, l'arrêt énonce que cette demande, formulée pour 4 1986 la première fois par des conclusions du 31 juillet 2012, est irrecevable pour la période antérieure au 31 juillet 2007 ;
Attendu que, pour déclarer prescrite une partie de la demande en rappel des retenues opérées sur le salaire au titre des cadeaux effectués aux clients entre le mois d'octobre 2006 et le mois de mai 2010, l'arrêt énonce que cette demande, présentée pour la première fois en mai 2014, est atteinte par la prescription triennale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 30 septembre 2011 même si certaines demandes avaient été présentées en cours d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le pourvoi incident de l'employeur : - Vu l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts ; - Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre des frais professionnels, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les parties avaient convenu de l'application de la déduction forfaitaire et qu'il convient, pour calculer le montant de la créance du salarié, de déduire chaque mois 30 % du salaire brut et de recalculer sur la masse restante les cotisations sociales dues, le surplus devant être reversé au salarié ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les parties n'avaient pas choisi un autre système d'indemnisation des frais professionnels consistant dans le remboursement direct des frais engagés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare valable la clause de non-concurrence et condamne M. Cyril Sevin à payer à la SARL Labo MD la somme de 2 409,04 euros au titre des sommes versées en contrepartie du respect de la clause y compris les charges patronales et la somme de 34 529,56 euros au titre de la clause pénale pour non-respect de la clause de non concurrence, en ce qu'il déboute M. Cyril Sevin de sa demande relative aux cadeaux effectués aux clients et en ce qu'il confirme le jugement sur le rappel des cotisations sauf à indiquer que la somme due est 9 465,56 euros et condamne la SARL Labo MD à payer cette somme à M. Cyril Sevin, l'arrêt rendu le 3 avril 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans.