CA Douai, 1re ch. sect. 1, 27 octobre 2016, n° 15-05309
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Peugeot Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.Zavaro
Conseillers :
M. Poupet, Mme Boutié
Le 12 juillet 2011, M. Abdelilah Z. a acquis de Mme Sarah L., moyennant 11 450 euros, un véhicule d'occasion de marque Peugeot, modèle 308 Diesel, mis en circulation le 29 octobre 2007 et affichant 80 860 kilomètres au compteur.
Faisant état de l'existence d'un vice caché affectant ce véhicule et se prévalant d'un rapport d'expertise amiable contradictoire, il a assigné Mme Sarah L. et la société Peugeot Automobiles devant le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe par acte des 3 et 4 mai 2012 en résolution de la vente et indemnisation de son préjudice. Une expertise judiciaire a été ordonnée dans le cadre de la mise en état du dossier.
Par jugement contradictoire du 16 juin 2015, le tribunal a :
- prononcé la résolution de la vente,
- condamné Mme Sarah L. à payer à M. Abdelilah Z. la somme de 11 450 euros représentant le prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2012,
- dit que M. Abdelilah Z. devra restituer le véhicule à Mme Sarah L. dans les dix jours du remboursement effectif du prix de vente,
- condamné la société Peugeot Automobiles à verser à M. Abdelilah Z. la somme de 2 815,76 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté la société Peugeot Automobiles de sa demande tendant à voir fixer la part de responsabilité de M. Abdelilah Z. dans le dommage à un minimum de 35 %,
- débouté Mme Sarah L. de sa demande en garantie à l'encontre de la société Peugeot Automobiles,
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Mme Sarah L. à l'encontre de M. Abdelilah Z.,
- condamné la société Peugeot Automobiles à payer à M. Abdelilah Z. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné ladite société aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Mme Sarah L., ayant relevé appel de ce jugement, demande à la cour de l'infirmer et de :
- statuer ce que de droit quant à l'appréciation du vice caché,
- débouter M. Abdelilah Z. de sa demande indemnitaire à hauteur de 198,50 euros,
- condamner la société Peugeot Automobiles à la garantir de l'ensemble des sommes qui pourraient être mises à sa charge au titre de la résolution de la vente du véhicule à M. Abdelilah Z.,
- subsidiairement, dire qu'elle est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Peugeot Automobiles sur le fondement des articles 1641 et 1644 du Code civil,
- en conséquence, condamner la société Peugeot Automobiles à lui payer la somme de 11 450 euros correspondant au prix du véhicule avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2012 outre la somme de 198,50 euros si elle est validée,
- ordonner à M. Abdelilah Z. de restituer le véhicule muni des éléments suivants : certificat d'immatriculation, clefs du véhicule, clef à codes, certificat administratif de non gage datant de moins de deux mois, certificat de cession à son profit,
- dire que la société Peugeot Automobiles devra la garantir des sommes mises à sa charge au plus tard au moment de la restitution du véhicule par M. Abdelilah Z.,
- dire que Mme Sarah L. ne sera tenue de restituer le véhicule à la société Peugeot Automobiles que lorsqu'elle l'aura elle-même reçu, fixer un calendrier pour ce faire,
- débouter M. Abdelilah Z. et la société Peugeot Automobiles de toutes autres demandes formulées contre elle,
- condamner la société Peugeot Automobiles à lui payer 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et la même somme à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de son conseil.
M. Abdelilah Z. demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement mais, y ajoutant, de :
- condamner la société Peugeot Automobiles à lui verser la somme de 19 918,45 euros à titre de dommages et intérêts, soit 17 860 euros en réparation de son préjudice de jouissance et 2 058,45 euros au titre des frais d'assurance du véhicule,
- condamner Mme Sarah L. à lui payer la somme de 276,50 euros au titre des accessoires du prix,
- condamner in solidum Mme Sarah L. et la société Peugeot Automobiles aux dépens d'appel et à lui payer 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
La société Peugeot Automobiles, enfin, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme Sarah L. de sa demande de garantie à son encontre,
- à titre subsidiaire, à supposer fondée la demande de garantie de Mme Sarah L. à hauteur de 11 726 euros, condamner cette dernière à lui restituer le véhicule avec tous ses accessoires dans les dix jours de la décision à intervenir,
- débouter Mme Sarah L. de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. Abdelilah Z. a somme de 2 815,76 euros à titre de dommages et intérêts et l'a déboutée de sa demande tendant à voir fixer la part de responsabilité de M. Abdelilah Z. dans le dommage à un minimum de 35 %,
- faire droit à cette dernière demande,
- débouter M. Abdelilah Z. de ses autres demandes,
- condamner in solidum Mme Sarah L. et M. Abdelilah Z. à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.
Vu les dernières conclusions de Mme Sarah L. en date du 5 juillet 2016, de M. Abdelilah Z. en date du 6 juillet 2016 et de la société Peugeot Automobiles en date du 4 juillet 2016.
Sur ce
Attendu que l'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
que l'article 1643 précise que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ;
qu'en vertu de l'article 1644, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ;
que les articles 1645 et 1646 ajoutent que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur mais que s'il les ignorait, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ;
qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des conclusions concordantes des expertises réalisées que le véhicule litigieux présente un défaut d'étanchéité des injecteurs imputable à un vice de construction (défaut de serrage au niveau des brides de maintien), ce que tend à confirmer le fait, avéré, que la société Peugeot Automobiles a établi et diffusé des fiches techniques détaillant la marche à suivre en cas d'avarie de ce type, que ce vice existait donc lors de la vente du véhicule par Mme Sarah L. à M. Abdelilah Z., qu'il ne pouvait néanmoins être décelé par ce dernier et qu'il rend ledit véhicule impropre à sa destination, étant précisé que la panne qui a conduit à la découverte du défaut est survenue alors que M. Abdelilah Z. n'avait parcouru que cinq cents kilomètres depuis son achat et que le coût des travaux de remise en état, comprenant le changement du turbocompresseur, dépasse cinq mille euros ;
que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a prononcé la résolution de la vente intervenue entre Mme Sarah L. et M. Abdelilah Z. et ordonné les restitutions croisées du véhicule et du prix qui en sont la conséquence ;
que si le coût du nouveau certificat d'immatriculation fait partie des frais occasionnés par la vente dont l'acquéreur peut demander le remboursement au vendeur en toute hypothèse, M. Abdelilah Z. ne justifie pas de ce coût ni même de ce qu'il aurait demandé un nouveau certificat d'immatriculation, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande de ce chef dirigée contre Mme Sarah L. ;
qu'il ressort également des rapports d'expertise que Mme Sarah L., qui a fait entretenir son véhicule par un garage Peugeot et n'a pas connu d'avarie permettant la découverte du vice pendant qu'elle en était propriétaire, n'avait pas connaissance de celui-ci ;
qu'elle ne saurait donc être tenue à dommages et intérêts envers M. Abdelilah Z. qui ne lui en demande d'ailleurs pas ;
qu'en revanche, dès lors qu'il est constant qu'un acheteur peut exercer l'action en garantie des vices cachés contre son vendeur mais aussi, séparément ou cumulativement, contre les vendeurs antérieurs de la chose, M. Abdelilah Z. est bien fondé à demander réparation de son préjudice complémentaire à la société Peugeot Automobiles puisqu'il est acquis que le vice incriminé est un vice de construction et que les fabricants et vendeurs professionnels sont réputés connaître les vices des choses qu'ils vendent ;
que M. Abdelilah Z. justifie de ce qu'il a exposé du 13 juillet 2011 au 31 décembre 2015 une dépense de 2 058,45 euros au titre de l'assurance du véhicule dont il ne pouvait se servir ; qu'il doit en être indemnisé ;
que le tribunal a estimé le préjudice de jouissance de M. Abdelilah Z., sur une base forfaitaire de 10 euros par jour alors non discutée par la société Peugeot Automobiles, à 1 960 euros pour la période allant du 28 juillet 2011 au 8 février 2012, date à laquelle il a acquis un autre véhicule lui permettant de se déplacer ; qu'il est exact que M. Abdelilah Z. a quand même été privé au-delà de cette date du véhicule litigieux ou de son prix, immobilisé, et en subit un préjudice ; qu'il ressort néanmoins de ses propres écritures et des pièces qu'il produit qu'il a recherché une solution amiable au litige, que la société Peugeot Automobiles a formulé des propositions transactionnelles mais que le refus qu'y a opposé Mme Sarah L. a rendu inévitable une procédure et prolongé son préjudice ; que la société Peugeot Automobiles, si elle est à l'origine des divers chefs de préjudice de M. Abdelilah Z., ne saurait donc être tenue pour entièrement responsable de la durée d'immobilisation du véhicule ou de son prix liée au délai de résolution judiciaire du litige ; qu'une indemnité de 3 000 euros est de nature à réparer le préjudice de jouissance de M. Abdelilah Z. ;
qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce sens ;
qu'en revanche, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Peugeot Automobiles tendant à voir fixer la part de responsabilité de M. Abdelilah Z. dans le dommage à un minimum de 35 % après avoir retenu que, si M. Abdelilah Z. avait encore parcouru 250 kilomètres après l'allumage du témoin de la pression d'huile, il ressort des rapports d'expertise que cette circonstance n'avait pu aggraver le vice ni avoir concouru à l'avarie subie ;attendu qu'il existe une certaine confusion dans les demandes de Mme Sarah L. ;
qu'à tout le moins, elle demande expressément la condamnation de la société Peugeot Automobiles à la garantir de l'ensemble des sommes qui pourraient être mises à sa charge au titre de la résolution de la vente du véhicule à M. Abdelilah Z. ; que la seule somme mise à sa charge est le prix de vente qu'il lui appartient de restituer à M. Abdelilah Z.
que comme l'a rappelé le tribunal, l'obligation de rembourser le prix, qui a pour contrepartie la restitution du véhicule, n'est pas en soi un préjudice dont elle puisse être garantie par son propre vendeur ;
que si elle déclare à juste titre être en droit d'agir elle-même à l'encontre de la société Peugeot Automobiles sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, ce qui peut prendre la forme d'une action rédhibitoire, d'une action estimatoire voire d'une action en dommages et intérêts, force est de constater, à la lecture du dispositif de ses conclusions auquel, seul, est tenue de répondre la cour, qu'elle ne demande pas la résolution de la vente antérieure, de sorte que sa demande tendant à l'organisation de la restitution du véhicule et du prix entre elle-même et la société Peugeot est dépourvue d'objet, ni ne demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime, d'ailleurs à raison, subir ;qu'elle ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de garantie et des demandes qui en sont l'accessoire ;
attendu, en revanche, que le désagrément d'avoir été assignée en justice pour avoir vendu un véhicule affecté d'un vice dont elle n'était pas responsable et qu'elle ignorait comme les soucis autres que lui a occasionnés ce litige, qui trouvent leur origine dans le défaut de construction imputable à la société Peugeot Automobiles, justifient qu'il soit fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 2 500 euros ;
attendu que les considérations qui précèdent, vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile, justifient la condamnation de la société Peugeot Automobiles aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, prononcée par les premiers juges, et sa condamnation au paiement à chacune des deux autres parties d'une indemnité pour frais irrépétibles ainsi que le rejet de sa propre demande d'indemnité de ce chef.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Peugeot Automobiles à verser à M. Abdelilah Z. la somme de 2 815,76 euros à titre de dommages et intérêts, statuant à nouveau de ce seul chef, condamne la société Peugeot Automobiles à payer à M. Abdelilah Z. la somme de cinq mille cinquante-huit euros et quarante-cinq centimes (5 058,45 euro) avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur 2 815,76 euros et à compter de ce jour sur le surplus, y ajoutant, condamne la société Peugeot Automobiles à payer à Mme Sarah L. la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euro) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, Déboute M. Abdelilah Z. de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles dirigée contre Mme Sarah L.,Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples, Condamne la société Peugeot Automobiles aux dépens d'appel et au paiement à M. Abdelilah Z. et à Mme Sarah L. d'une indemnité de deux mille euros (2 000 euro) chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile.