CA Lyon, 3e ch. A, 27 octobre 2016, n° 15-05204
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
D'Ames et d'Hommes (SARL)
Défendeur :
Cotis Développement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Aguiraud, Nouvellet, SCP Bourgeon Meresse Guillin Bellet, Associés, SCP Baufumé, Sourbe, Selarl Simon, Associés
EXPOSE DU LITIGE
Les sociétés Cotis Développement (Cotis), dirigée par Monsieur C. et d'Ames et d'Hommes, dirigée par Monsieur B., ancien DRH en entreprises souhaitant créer sa propre entreprise, ont signé un contrat de franchise le 12 juin 2007, d'une durée de 7 ans.
Ce contrat concernait l'exploitation d'une agence de travail temporaire à Compiègne sous enseigne Cotis Interim, spécialisée dans le BTP et le transport logistique. Le droit d'entrée de 10 000 euro HT a été acquitté, ainsi que le pack de démarrage de 25 000 euro, la formation initiale théorique de 10 jours (10 000 euro HT), l'assistance au démarrage de 30 jours (20 000 euro HT), la mise aux normes du réseau des locaux de l'agence.
En avril 2010, le groupe Adequat s'est porté acquéreur de 80 % du capital social de la société Cotis, Jean-Luc C., fondateur du réseau Cotis Interim, demeurant associé avec 20 %.
Les franchisés furent informés de cette opération d'entrée au capital en mai 2010.
Par avenant du 15 février 2011, la redevance mensuelle a été ramenée à 3 500 euro par mois.
Le 3 novembre 2011, la société d'Ames et d'Hommes, confrontée à certaines difficultés dans ses relations avec le franchiseur, a adressé un courrier à la société Cotis pour lui faire part de ses griefs et le mettant en demeure de prendre certaines mesures et, par courrier du 28 février 2012, la société d'Ames et d'Hommes a réitéré ses griefs et indiqué, qu'en l'absence de réponse satisfaisante à sa mise en demeure, elle entendait résilier le contrat, avec effet au 31 mars 2012, et réclamation d'une indemnité de résiliation.
Le 4 avril 2012 la société d'Ames et d'Hommes a pris acte de la résiliation avec effet au 31 mars 2012 et annoncé le retour de manuels en sa possession et le paiement de redevances.
La société Cotis a alors assigné, par acte du 9 juillet 2012, la société d'Ames et d'Hommes devant le Tribunal de commerce de Lyon afin de faire dire que la résiliation est intervenue aux torts exclusifs de cette société et de la voir condamner au paiement de la clause pénale prévue dans le contrat, soit 289 000 euro.
De son côté, la société d'Ames et d'Hommes reprochait divers manquements de la société Cotis à ses obligations contractuelles, contestait pour sa part toute mauvaise exécution du contrat ou concurrence déloyale et en concluait que la résiliation était aux torts de la société Otis et réclamait une indemnisation de 189 000 euro outre indemnité de procédure.
Par jugement en date du 12 juin 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- déclaré la société Cotis recevable et partiellement fondée dans ses demandes, fins et conclusions,
- jugé que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société d'Ames et d'Hommes,
- condamné la société d'Ames et d'Hommes à payer à la société Cotis la somme de 100 000 euro,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Cotis formée au titre de la concurrence déloyale,
- débouté la société d'Ames et d'Hommes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société d'Ames et d'Hommes à verser la somme de 1 500 euro à la société Cotis en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société d'Ames et d'Hommes aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 26 juin 2015, la société d'Ames et d'Hommes a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 15 janvier 2016, la société d'Ames et d'Hommes demande à la cour de :
- dire et juger que la société Cotis Développement n'a pas respecté le caractère intuitu personae du contrat,
- constater que la société Cotis Développement a commis de nombreux manquements contractuels à compter du mois de mai 2010,
- dire et juger que la perte de confiance de la société d'Ames et d'Hommes envers son franchiseur, la société Cotis Développement, est avérée et légitime,
- constater que la société d'Ames et d'Hommes n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et post-contractuelles,
- constater que la société d'Ames et d'Hommes n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme,
en conséquence,
- infirmer le jugement du 12 juin 2015 en intégralité sauf en ce qu'il a débouté la société Cotis Développement de ses demandes fondées sur des actes de concurrence déloyale et des manquements de la société d'Ames et d'Hommes à ses obligations post-contractuelles,
et, statuant à nouveau,
- dire et juger que la résiliation anticipée du contrat de franchise du 12 juin 2007 est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société Cotis Développement,
- débouter la société Cotis Développement de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à verser à la société d'Ames et d'Hommes la somme de 189 000 euro à titre de dommages et intérêts,
- subsidiairement, ramener la condamnation de la société d'Ames et d'Hommes à de plus justes proportions,
- condamner la société Cotis Développement à payer à la société d'Ames et d'Hommes la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet.
La société d'Ames et d'Hommes rappelant que le contrat de franchise instaure un partenariat quotidien, étroit et loyal tout au long du contrat, et apporte aux franchisés du réseau un avantage concurrentiel, considère que celui-ci est un contrat conclu intuitu personae et que le consentement du franchisé doit obligatoirement être recueilli avant de procéder à une opération pouvant entraîner un changement dans la personne du franchiseur, quelle qu'en soit la forme : fusion, apport partiel d'actif ou prise de contrôle, même si le contrat est silencieux sur ce point, d'autant plus lorsque la prise de contrôle est effectuée par un concurrent direct du réseau, le groupe Adequat.
Elle affirme que c'est la personnalité de Monsieur C., fondateur et dirigeant de la société Cotis à l'époque qui a été l'élément déclencheur de son adhésion et soutient que sa personnalité et le maintien du contrôle de celui-ci sur la société Cotis, outre son savoir-faire, sont rentrés dans le champ contractuel. Elle en veut pour preuve les renseignements visés dans le DIP (R. 330-1) parmi lesquels figurent l'identité des dirigeants, l'expérience professionnelle acquise, l'évolution de la société et indique qu'elle avait clairement soulevé ce problème par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 novembre 2011 et que la poursuite du contrat après cette date n'emporte pas acceptation de sa part de l'opération.
Elle soutient que le franchiseur, dans sa nouvelle composition, a d'ailleurs cessé d'exécuter plusieurs de ses obligations contractuelles à compter de son rachat notamment quant à l'animation du réseau (plus de convention nationale depuis le 26 mai 2010, aucune action de formation proposée en 2011, aucune visite d'animation depuis le 26 mai 2010), au suivi et au contrôle des franchisés ou encore quant à la communication nationale presse et médias, tournée essentiellement au profit de l'enseigne Adequat, ces manquements entraînant une perte de confiance qui justifiait sa décision de mettre un terme anticipé à la relation contractuelle.
Elle relève que le litige qui a opposé Monsieur C. au groupe Adequat, et qui est pendant devant la cour démontre que le contrat de franchise n'a pas été correctement exécuté.
Elle indique qu'après la prise de contrôle, elle a en effet progressivement perdu toute confiance en son franchiseur, par suite des manquements de ce dernier, de la mise à l'écart de Monsieur C., de la volonté du groupe Adequat de stopper le développement du réseau Cotis Interim, tout en s'appropriant son savoir-faire, du refus d'assurer au franchisé l'absence d'implantation d'une agence Adequat sur son secteur d'exclusivité et de la tentative de débauchage d'une partie de son personnel.
Elle prétend qu'elle a résilié le contrat conformément aux termes de l'article 17, puisqu'elle a adressé une mise en demeure suffisamment interpellative à la société Cotis visant clairement les manquements de celle-ci par courrier recommandé du 3 novembre 2011, griefs de nouveau notifiés par courrier recommandé du 28 février 2012, indiquant son intention d'user cette fois de la clause résolutoire.
Elle estime donc, contrairement aux premiers juges, que la résiliation anticipée du contrat est intervenue aux torts de la société Cotis et que, suite à la rupture, elle a dû engager d'importantes nouvelles dépenses, organiser un changement d'enseigne, et retravailler sa communication.
Elle considère subsidiairement que la clause pénale est manifestement excessive et qu'elle doit être réduite en application de l'article 1152 du Code civil, la société Cotis n'ayant fourni aucune contrepartie susceptible de justifier le paiement du double de redevances calculées en brut et ne pouvant réclamer une perte prématurée d'enseigne et une atteinte à son image, ou une perturbation du réseau.
A titre reconventionnel, elle demande à son profit l'application de la clause de l'article 17 du contrat de franchise, la résiliation anticipée du contrat étant intervenue aux torts de la société Cotis et considère que l'indemnisation réclamée est justifiée car elle a perdu un investissement et un avantage concurrentiel important, elle a dû engager d'importantes nouvelles dépenses pour modifier son enseigne et l'agencement des locaux, et pour retravailler sa communication.
Elle réfute enfin tout manquement de sa part à ses obligations post-contractuelles - concurrence déloyale ou parasitisme - relevant que les couleurs de sa nouvelle enseigne " bleu-blanc et orange " ne sont pas originales et, partant, non susceptibles de protection, de même pour le logo ou la charte graphique.
Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 novembre 2015, la société Cotis Développement demande à la cour de :
- déclarer la société Cotis Développement recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la société d'Ames et d'Hommes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- constater que la résiliation du contrat de franchise par la société d'Ames et d'Hommes est infondée et fautive,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 12 juin 2015 en ce qu'il a jugé que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société d'Ames et d'Hommes,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 12 juin 2015 en ce qu'il a retenu 100 000 euro comme quantum d'indemnisation,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 12 juin 2015 en qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Cotis Développement formée au titre de la concurrence déloyale,
statuant à nouveau,
- condamner la société d'Ames et d'Hommes à payer à la société Cotis Développement la somme de 289 000 euro à titre d'indemnisation,
- constater les faits de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société d'Ames et d'Hommes,
en conséquence,
- faire interdiction à la société d'Ames et d'Hommes de faire usage des couleurs bleu et orange dans ses documents commerciaux, son logo, sur son site Internet,
- condamner la société d'Ames et d'Hommes à payer à la société Cotis Développement la somme de 30 000 euro à titre d'indemnisation,
en tout état de cause,
- condamner la société d'Ames et d'Hommes à payer à la société Cotis Développement la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner la société d'Ames et d'Hommes aux entiers dépens,
La société Cotis Développement affirme que le changement de contrôle intervenu au sein de son capital social est une opération usuelle même pour des réseaux exerçant sur le même secteur d'activité et avait pour objet de permettre à ce réseau plus modeste d'intégrer un grand groupe Adequat comptant plus de 130 agences ou succursales et gérant notamment des " grands comptes " avec de gros clients du BTP.
Elle estime qu'en l'absence de clause contraire, cette opération de prise de contrôle ne nécessitait pas l'accord préalable du franchisé, conformément aux solutions dégagées par la jurisprudence qui, selon elle, font la distinction entre le changement de personnalité morale du franchiseur, suite à une fusion-absorption ou à une cession du contrat à un tiers, et un simple changement de contrôle de la société sans changement de la personnalité morale du franchiseur, ni encore moins cession des contrats de franchise.
Elle relève au surplus que le franchisé a poursuivi l'exécution du contrat de franchise jusqu'en février 2012, alors qu'il avait connaissance de l'opération depuis mai 2010, jetant le doute sur la légitimité de sa résiliation anticipée et emportant acceptation de cette opération.
Elle soutient que la résiliation unilatérale de la société d'Ames et d'Hommes est irrégulière en la forme, au regard des dispositions de l'article 17 du contrat, en ce que la mise en demeure préalable constituée par le courrier du 3 novembre 2011 ne vise pas la clause résolutoire ni les obligations prétendument inexécutées, mais contient une liste de requêtes comminatoires qui ne sont d'ailleurs pas reprises dans les écritures d'appel visant de nouvelles obligations.
Elle prétend à cet égard, justifier avoir parfaitement satisfait à son obligation d'animation du réseau, à son obligation de suivi et de contrôle du franchisé pour protéger le réseau, ou encore à son obligation de communication.
Elle considère enfin que l'argumentation de la perte de confiance du franchisé n'est pas sérieuse et ne peut fonder une résiliation anticipée, en ce qu'elle constituerait une faute grave de la part du franchiseur.
Elle affirme au contraire que la résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société franchisée et que le comportement fautif de la société d'Ames et d'Hommes lui a causé un préjudice constitué des pertes des redevances (94 500 euro) qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, qui doit être doublée à titre de clause pénale. Elle considère à cet égard que la société appelante se contredit en demandant à son profit l'application d'une clause pénale qu'elle qualifie par ailleurs d'excessive. Elle sollicite également l'indemnisation à hauteur de 50 000 euro de la perte prématurée de l'enseigne dans le département de l'Oise, où n'existe plus aucune autre enseigne Cotis Interim et l'atteinte à l'image en résultant, y ajoutant un préjudice moral causé par la perturbation du réseau à hauteur de 50 000 euro.
Elle prétend enfin que la société d'Ames et d'Hommes a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en continuant à utiliser les couleurs caractéristiques du réseau, le bleu et le orange, et à utiliser des éléments forts de la charte graphique, contribuant à entretenir une confusion dès lors que l'exploitation nouvelle s'effectue dans les mêmes lieux. Elle réclame à ce titre une indemnisation à hauteur de 30000 euro.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2016.
Lors de l'audience, la société Cotis a indiqué qu'une erreur matérielle s'était glissée dans le dispositif de ses conclusions en ce qu'il fallait lire 189 000 euro d'indemnité de résiliation (au lieu de 289 000 euro), ce qui a été noté sur la feuille d'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Certaines des demandes d'indemnisation de la société Cotis ne sont pas reprises dans le dispositif de ses conclusions (perte prématurée de l'enseigne 50 000 euro, et préjudice moral pour désorganisation du réseau 50 000 euro) qui n'en est donc pas saisie en application de l'article 954.
Dans le cadre d'une procédure écrite, la rectification verbale opérée lors de l'audience par la société Cotis sur le montant de sa réclamation figurant au dispositif au titre de l'indemnisation de la résiliation ne peut être prise en compte, sauf à relever que le calcul exact de l'indemnité de résiliation contractuelle figure dans le corps même des conclusions.
Sur la forme de la résiliation anticipée du contrat
Aux termes de l'article 17 du contrat de franchise " en cas d'inexécution par le partenaire et le franchisé d'une part ou par le franchiseur, d'autre part de l'une quelconque de ses obligations mise à sa charge par le présent contrat, celui-ci sera résilié de plein droit, un mois après l'envoi d'une mise en demeure contenant l'indication de l'intention d'user de la présente clause, restée en tout ou partie infructueuse, sous forme de lettre recommandée avec demande d'avis de réception ".
Or, après plusieurs lettres énonçant explicitement ses griefs, sans rappel il est vrai de la clause résolutoire, la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2012, rédigée en ces termes : " devant la perte de confiance progressive dans votre enseigne, votre réaction tardive sur notre dossier et en l'absence de réponse satisfaisante à ma mise en demeure du 3 novembre 2011 et à ses multiples rappels, je vous notifie par la présente, en application de l'article 17 du contrat de franchise Cotis, ma décision de résilier ledit contrat dans le délai d'un mois, soit le 31 mars 2012, en l'absence de mise en conformité avec la mise en demeure du 3 novembre 2011 ", constitue, malgré la qualification inexacte de ce dernier courrier, la mise en demeure exigée par l'article 17 susvisé, contenant rappel de la clause résolutoire, et indication explicite des griefs, peu important à ce stade leur pertinence ou leur reformulation au stade de l'appel.
La résiliation du contrat de franchise par la société d'Ames et d'Hommes est donc régulière en la forme, le contraire n'ayant au demeurant aucune incidence sur l'appréciation du bien-fondé de cette résiliation.
Sur le bien-fondé de cette résiliation anticipée
C'est à la société d'Ames et d'Hommes qui a pris l'initiative de cette résiliation anticipée d'un contrat de franchise qui s'était exécuté pendant près de 5 ans, de justifier de fautes suffisamment graves du franchisé dans l'exécution de ce contrat, sachant que la perte de confiance invoquée n'est qu'une conséquence éventuelle de ces fautes à l'égard du franchisé, notamment en terme d'appréciation de leur gravité, mais non une faute imputable au franchiseur justifiant la résiliation du contrat aux torts de celui-ci.
La société d'Ames et d'Hommes ne peut en premier lieu reprocher à la société Cotis Développement une violation de l'intuitu personae caractérisant le contrat de franchise, du fait de l'opération de prise de contrôle de ladite société par le groupe Adequat, devenu actionnaire majoritaire en avril 2010, alors qu'aucune stipulation contractuelle n'excluait une telle opération de la part du franchiseur, que cette opération n'opère par changement de la personnalité morale du franchiseur, à la différence d'une fusion-absorption, ni cession des contrats de franchise ou de la marque, par transfert partiel ou total d'actif à un cessionnaire.
Même si la personnalité et le savoir-faire de Monsieur C., fondateur et dirigeant de la société Cotis Développement sont entrés dans le champ précontractuel et ont pu être un élément déterminant de l'engagement du dirigeant de la société d'Ames et d'Hommes dans son réseau, Monsieur C. est resté dirigeant de la société Cotis après cette opération présentée, par ce dernier, dans la presse comme à l'égard des franchisés comme une " alliance stratégique " permettant à la société franchiseur de renforcer son " back office " et de bénéficier d'accords-cadres de la société Adequat avec des clients " grands comptes ", du BTP notamment, chacune de ces sociétés conservant sa marque, et son réseau de franchisés ou, majoritairement, de succursales pour la seconde.
Le changement de composition du capital de la société Cotis Développement en avril 2010, sur information délivrée à tous les franchisés en mai 2010 ne peut donc constituer un motif légitime et suffisamment grave de rupture unilatérale du contrat de franchise en février 2012, un tel laps de temps ne caractérisant, certes pas une acceptation par le franchisé de cette opération, qui n'avait pas à être donnée, ni une renonciation à s'en prévaloir, mais fragilisant l'argumentation de la société d'Ames et d'Hommes, sur la résiliation, de droit qui en résulterait, seule comptant la manière dont s'est exécuté le contrat de franchise après cette prise de contrôle.
La société appelante retient trois manquements contractuels consécutifs à cette prise de contrôle, qui selon elle aurait bouleversé l'économie du contrat : une absence d'animation, de contrôle et suivi du réseau, et de communication nationale de la part de son franchiseur.
Concernant l'absence d'animation du réseau à partir de l'année 2011 qui a suivi cette entrée au capital du groupe Adequat, la société appelante en veut pour preuve, au visa de l'article 8-1 du contrat de franchise, l'absence cette année-là d'une convention nationale, de challenge organisé ou d'action de formation en direction des franchisés, de visite d'animation dans son agence de Compiègne.
S'agissant d'une preuve négative, la société d'Ames et d'Hommes n'apporte guère d'éléments sur ce point mais est contredite par Cotis Développement qui, n'a certes pas organisé de convention nationale depuis le 26 mai 2010, mais :
- a mis en place sur toute l'année 2011 une commission de travail sur la sécurité, à laquelle a participé Monsieur B.,
- organisé un séminaire le 31 janvier 2012 sur l'évolution du réseau Cotis, l'intervention d'un expert de la fédération française de la franchise, les retours d'expérience sur les opérations puissance 10 ou des derniers franchisés, les avancées 2011 et la protection du chef d'entreprise dans le métier du travail temporaire, séminaire auquel a participé Monsieur B.,
- organisé une conférence téléphonique le 14 février 2012 sur la stratégie du franchiseur pour, en substance, développer l'image de l'enseigne, informer sur les modalités relatives aux grands comptes, établir un projet de charte entre les enseignes,
- proposé le 4 janvier 2012 à la société d'Ames et d'Hommes d'organiser une action puissance 10 dans son secteur exclusif, ce qu'a refusé le gérant de cette dernière le 2 janvier 2012 au motif qu'une enseigne Adequat allait s'installer dans l'Oise, ce qui ne constituait pas une violation des obligations du franchiseur Cotis Développement.
Au regard de la relative ancienneté de la société d'Ames et d'Hommes dans le réseau, et de la reprise d'animation en début d'année 2012, il ne peut être considéré que le seul ralentissement de cette animation et non de formation durant l'année 2011 de la part du franchiseur, était suffisamment grave pour justifier une résiliation unilatérale et anticipée du contrat.
De la même façon, la société appelante ne caractérise pas les manquements dont aurait fait preuve la société Cotis Développement dans le suivi et la protection du réseau, à l'échelle de celui-ci, alors que l'évolution de son savoir-faire, notamment sur les " grands comptes " était en œuvre, prioritairement sur le secteur BTP, domaine prioritaire d'intervention de la société franchisée et que le secteur d'exclusivité de celle-ci dans l'Oise ne concernait que l'enseigne Cotis Interim.
La société appelante n'établit pas, sur la période considérée, une perte notable de franchisés ou même un ralentissement des adhésions au réseau qui seraient imputables au franchiseur.
La société appelante n'établit pas enfin l'absence de communication nationale qu'elle impute à son franchiseur alors que l'article 9.1 du contrat de franchise indique qu'aucun budget de communication nationale n'est prévu au démarrage du réseau et qu'une telle communication pourra être envisagée à partir de 10 adhérents, à charge de définir la participation financière incombant à chaque franchisé. Faute de preuve, qu'une fois le seuil de 10 adhérents atteint, il ait été sollicité par les franchisés la mise en place d'une communication nationale, et que celle-ci s'avérait nécessaire pour la pérennité du réseau, il ne peut être considéré que ce grief était constitutif d'une faute contractuelle de la part de la société Cotis Développement, suffisamment grave de surcroît pour justifier la résiliation anticipée du contrat.
Dans ces conditions, le jugement qui a dit que cette résiliation était imputable à la société d'Ames et d'Hommes et qui a débouté celle-ci de toutes ses demandes contre la société Cotis Développement, doit être confirmé.
En application de l'article 17 du contrat de franchise, " 'la partie aux torts de laquelle le contrat a été résilié doit verser à l'autre une indemnité équivalente au double du montant estimatif des redevances qui auraient été payées au franchiseur jusqu'au terme normal du contrat. Cette indemnité sera, en toute hypothèse, au moins égale à 50 000 euro. "
Sur les 27 mois restant à courir jusqu'au terme du contrat, la perte, non contestée de redevances est de 94 500 euro, soit une indemnité pouvant être réclamée, à titre de clause pénale, par la société Cotis Développement de 189 000 euro, manifestement excessive, au sens de l'article 1152 du Code civil, dès lors que les redevances sur plus de deux ans intègrent les prestations d'assistance et de formation qui ne sont plus assurées après la résiliation.
En considération du préjudice subi par la société Cotis Développement du fait de la résiliation anticipée du contrat, la société d'Ames et d'Hommes doit être condamnée à lui verser 63 000 euro d'indemnité de résiliation anticipée.
Le jugement doit être infirmé sur le montant de cette indemnité.
Sur les autres demandes
En dehors des chefs de demande qui ne sont pas repris dans le dispositif de ses conclusions, la société Cotis Développement demande la condamnation de la société d'Ames et d'Hommes à l'indemniser pour avoir fait usage, après la résiliation, d'un logo de couleur bleu et orange et de ces mêmes couleurs sur son site Internet, et d'utiliser sur ce site des éléments forts de sa charte graphique, pour se placer dans son sillage et entretenir une confusion sur son appartenance persistante au réseau Cotis.
Or, comme le relève la société d'Ames et d'Hommes, qui par ailleurs a restitué tout son matériel, déposé l'enseigne et restructuré son agence, la société Cotis Développement n'établit pas que les couleurs bleu et orange, seraient, en elles-mêmes, les couleurs distinctives du réseau Cotis, et que leur emploi, serait en lui-même source de confusion pour la clientèle, de même pour la charte graphique du réseau, dont celle de la société d'Ames et d'Hommes n'est pas la copie servile et qui ne présente pas, en soi, un caractère d'originalité telle qu'elle serait susceptible de protection, ou source de confusion dans l'esprit de la clientèle.
Le jugement qui a débouté la société Cotis Développement de sa demande de dommages intérêts à ce titre doit être confirmé, y compris sur l'indemnité de procédure allouée à cette dernière.
L'équité commande en revanche qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement, Confirme le jugement entrepris excepté sur le montant de l'indemnité de résiliation mise à la charge de la société d'Ames et d'Hommes ; Et statuant à nouveau de ce chef, Condamne la SARL à associé unique d'Ames et d'Hommes à payer à la société Cotis Développement la somme 63 000 euro à titre d'indemnité de résiliation anticipée; Y ajoutant, Déboute les parties de leur demande d'indemnité de procédure ; Condamne la SARL à associé unique d'Ames et d'Hommes aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.