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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 25 octobre 2016, n° 15-08511

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Solid Air (SARL)

Défendeur :

RCO Systèmes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

MM. Leplat, Ardisson

Avocats :

Mes Buquet Roussel, Boccalini, Lafon, Megret Roth Meyer

T. com. Versailles, 2e ch., du 4 nov. 20…

4 novembre 2015

FAITS

Vu l'appel interjeté le 8 décembre 2015, par la société Solid Air d'un jugement rendu le 4 novembre 2015 par le Tribunal de commerce de Versailles qui a :

- condamné la société RCO Systèmes à payer à la société Solid Air la somme de 47 567,07 euros en principal, majorée d'un intérêt égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de financement la plus récente majoré de dix points à compter du 4 août 2013 ;

- condamné la société Solid Air à payer à la société RCO Systèmes la somme de 45 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat d'agent commercial majorée de l'intérêt légal à compter de la date de signification du jugement ;

- débouté la société RCO Systèmes de sa demande reconventionnelle au titre des factures de service après-vente ;

- débouté la société Solid Air du surplus de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société RCO Systèmes aux dépens.

Vu les dernières écritures en date du 1er juillet 2016, par lesquelles la société Solid Air demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial de 45 000 euros,

- confirmer le jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

- constater que la société RCO Systèmes ne justifie pas de son inscription au registre spécial des agents commerciaux,

- constater que la société RCO Systèmes a commis une faute grave,

- en conséquence, la déclarer irrecevable et mal fondée en sa demande en paiement d'une indemnité de rupture,

Subsidiairement :

- dire la société RCO Systèmes irrecevable et mal fondée en ses demandes,

En tout état de cause :

- condamner la société RCO Systèmes au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement d'une somme incontestablement due ;

- condamner la société RCO Systèmes au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les dernières écritures en date du 22 août 2016, aux termes desquelles la société RCO Systèmes prie la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles le 4 novembre 2015 en ce qu'il a considéré :

- que les circonstances de la résiliation du contrat d'agent commercial du 29 mars 2012 étaient imputables à la société Solid Air ;

- que la faute grave imputée par la société Solid Air à la société RCO Systèmes à raison d'une représentation de produits de marque concurrente en violation du contrat d'agent commercial du 29 mars 2012 n'était pas établie ;

- que la société Solid Air devait être condamnée à payer à la société RCO Systèmes l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce à raison de la rupture du contrat du contrat d'agent commercial du 29 mars 2012 ;

- faisant droit à l'appel incident, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 4 novembre 2015 en ce qu'il a limité à la somme de 45.000 euros l'indemnité de rupture allouée à la société RCO Systèmes en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

- statuant à nouveau de ce chef, condamner la société Solid Air au paiement de la somme de 101 205,19 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter des présentes écritures, au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles le 4 novembre 2015 en ce qu'il a débouté la société Solid Air de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- faisant droit à l'appel incident, infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de ses factures n° 00000031 et n° 00000032 afférentes aux interventions urgentes mises en œuvre en raison des défaillances du matériel de la société Solid Air ;

- statuant à nouveau de ce chef, condamner la société Solid Air au paiement de la somme de 54 824,64 Euros TTC en règlement de ses factures n° 00000031 et n° 00000032 ;

- y ajoutant, en tout état de cause :

- débouter la société Solid Air de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société SOLID AIR au paiement d'une somme globale de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

- la société RCO Systèmes, représentée par M. P., a pour activité la réalisation d'études techniques et de programmation de tout système d'automatisme et d'informatique, la vente de tous systèmes d'équipements techniques du bâtiment,

- par acte sous seing privé du 29 mars 2012, la société Solid Air lui a confié un mandat d'agent commercial à durée indéterminée, avec date d'effet au 1er mars 2012 et pour secteur géographique les départements 91, 92, 93, 95, 75, 77, 78, secteur sur lequel l'agent bénéficiait d'une exclusivité auprès de certaines entreprises nommément désignées,

- la société RCO Systèmes était également cliente de la société Solid Air auprès de laquelle elle a notamment passé 3 commandes en février et avril 2013,

- la troisième commande de la société RCO Systèmes a fait l'objet d'une facturation de 113 093,76 euros qui est restée partiellement impayée pour un montant de 64 165,63 euros,

- le 20 février 2014, la société Solid Air a assigné la société RCO Systèmes devant le Tribunal de commerce de Versailles en paiement de la somme de 64 65,63 euros outre intérêts, de celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- la société RCO Systèmes a répliqué au débouté des demandes, à la compensation du solde de la facture avec les sommes qui lui seraient dues au titre de ses factures de commissions (20 253,54 euros), de ses factures d'intervention (54 824,64 euros), sollicitant en outre le prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Solid Air, la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 101 205,19 euros à titre de dommages et intérêts,

- par lettre recommandée du 26 juin 2014, réceptionnée le 2 juillet 2014, la société Solid Air a résilié le contrat de représentation,

- c'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement déféré ;

Considérant que ne sont pas remises en cause devant la cour, les dispositions du jugement entrepris qui ont condamné la société RCO Systèmes à payer à la société Solid Air la somme de 47 567,07 euros, après compensation entre la créance de cette dernière à hauteur de la somme de 64 165,63 euros au titre d'une facture du 5 juin 2013 et le montant des commissions qu'elle doit à la société RCO Systèmes pour la somme de 16 598,56 euros;

Que restent en litige en cause d'appel, le paiement de l'indemnité de rupture et la demande en paiement de factures d'intervention formée par la société RCO Systèmes ;

Sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial :

Considérant que pour s'opposer au paiement d'une indemnité compensatrice, la société Solid Air oppose la non-inscription de la société RCO Systèmes au registre spécial des agents commerciaux, qu'elle soutient que dans le contrat d'agent commercial cette société a indiqué : inscrit au registre spécial des agents commerciaux au Greffe de Versailles sous le n° de SIRET (en cours d'immatriculation), que toutefois elle ne s'est jamais immatriculée à ce registre, que l'article L. 134-6 du Code de commerce n'interdit pas aux parties de subordonner la prise d'effet du contrat d'agent commercial à l'immatriculation de l'agent sur le registre spécial, qu'en l'espèce, elle pensait que la société RCO Systèmes serait immatriculée à ce registre, cette exigence étant fondée sur le fait que les deux sociétés ont des activités concurrentes et qu'il ne fallait pas que soit instaurée une confusion, que par voie de conséquence, la société RCO Systèmes ne saurait prétendre à une indemnité de rupture ;

Mais considérant que la formalité d'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux est une simple mesure de police professionnelle, qu'un agent commercial peut prétendre à l'indemnité de fin de contrat alors même qu'il n'est pas immatriculé à ce registre; que si les parties peuvent subordonner la prise d'effet du contrat d'agent commercial à l'immatriculation de l'agent, encore faut-il que cela résulte d'une stipulation expresse du contrat qui fait défaut en l'espèce, de sorte que l'argumentation développée par la société Solid Air est inopérante ;

Considérant que la société appelante, qui rappelle que le contrat d'agent commercial a été résilié le 26 juin 2014, prétend que la société RCO Systèmes n'a pas respecté ses obligations contractuelles dans la mesure où elle a proposé sur son site Internet du matériel de marques Dadanco et Hidria directement concurrentes aux siennes, ce qu'attestent Monsieur P. et de Monsieur B., alors que l'article 5-1 du contrat stipule que l'agent s'engage à ne pas accepter une représentation d'un groupe ou du département d'un groupe concurrent sauf accord préalable du mandant; qu'elle fait valoir que la promotion de sociétés concurrentes ne correspond pas à une exécution de bonne foi du contrat d'agent ;

Or considérant, en dépit des attestations produites en cause d'appel, datées du 10 février 2016, établies par d'anciens salariés de la société Solid Air, que la société RCO Systèmes relève pertinemment que le contrat d'agent lui conférait la représentation des produits de la société Solid Air listés en annexe, en Ile-de-France, sur une liste de clients expressément et limitativement définis, que dès lors, l'engagement souscrit de ne pas accepter une représentation d'un groupe ou du département d'un groupe ne pouvait s'entendre que dans cette limite ;

Qu'au demeurant, il ressort d'un mail daté du 11 avril 2013, que la société Solid Air a elle-même invité la société RCO Systèmes à se rapprocher de la société Dadanco en tant que fournisseur ;

Que la société Solid Air ne saurait davantage reprocher à la société à la société RCO Systèmes de ne pas l'avoir associée à la réalisation du projet Equation Ney, alors que celle-ci verse aux débats les relevés de commissions établis au titre de l'achat de ses matériels auprès de la société Solid Air pour les besoins de ce chantier ;

Considérant que confirmant le jugement déféré sur ce point, la faute grave alléguée à l'encontre de la société RCO Systèmes n'est pas démontrée ;

Considérant que l'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;

Qu'en l'espèce, le contrat d'agent commercial a été conclu le 29 mars 2012 à effet au 1er mars 2012 ; qu'il a été exécuté normalement jusqu'à la fin de l'année 2013 et a été résilié par courrier du 26 juin 2014 réceptionné le 2 juillet 2014, alors que la procédure était engagée devant le Tribunal de commerce de Versailles, la société RCO Systèmes sollicitant reconventionnellement la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial aux torts de la société Solid Air ;

Que dans ces circonstances, en l'absence d'une faute grave de la société RCO Systèmes, celle-ci a droit à l'indemnité compensatrice, sans qu'il soit besoin d'examiner les prétendues fautes de la société Solid Air et peu important l'antériorité de la demande de résiliation du contrat qui n'est pas reprise au dispositif des conclusions de la société RCO Systèmes, de sorte que la cour n'a pas à statuer sur cette prétention, dès lors que l'article 954 du Code de procédure civile énonce que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Que la société RCO Systèmes sollicite une indemnité égale à deux années de commissions brutes, calculée sur les deux dernières années d'exercice du contrat d'agent, en additionnant les commissions acquises sur cette période, à savoir du 1er mars 2012 au 31 décembre 2013, soit 101 205,19 euros ;

Considérant que le contrat a été exécuté durant environ deux années, que le total des commissions facturées s'établit à 87 326,79 euros pour la période de mars 2012 à décembre 2012 et à 13 878,40 euros pour la période de janvier 2013 à avril 2013;

Que compte tenu de l'ancienneté de la relation entre les deux sociétés, au regard des pièces produites et les montants des commissions, les premiers juges, usant de leur pouvoir d'appréciation du préjudice subi par la société RCO Systèmes, doivent être approuvés en ce qu'ils ont fixé le quantum de l'indemnité compensatrice de rupture à 45 000 euros ;

Sur la demande en paiement au titre de factures d'intervention :

Considérant que la société RCO Systèmes poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'elle a été déboutée de sa demande en paiement de la somme de 54 824,64 euros en règlement de deux factures n° 31 et 32 afférentes à ses interventions mises en œuvre du fait de la défaillance du matériel de la société Solid Air ;

Qu'elle expose que ce sont les défaillances des pompes à chaleur fournies par la société Solid Air qui sont à l'origine des difficultés rencontrées sur le chantier " Campus 15 " au niveau des centrales de traitement d'air, que ces défaillances ont entraîné ses interventions en raison de la nécessité de refaire des prestations d'équipement et de reprendre des prestations, qu'au mois de novembre 2013, loin de contester les défaillances de ses équipements et la réalité des interventions, le gérant de la société Solid Air a indiqué : En effet il y (a) eu beaucoup d'interventions sur notre matériel mais maintenant il est très difficile de justifier (auprès de la Hollande) ces prestations complémentaires alors que les CTA ont été livrées il y a environ 18 mois ;

Qu'elle soutient que la société Solid Air avait accepté sinon demandé ses interventions et/ou de la société DCS sur les dysfonctionnements de ses matériels et qu'elle est fondée à lui en facturer le coût ;

Considérant que la société Solid Air réplique que la société RCO Systèmes ne l'a jamais avertie de dysfonctionnement sur les chantiers " Campus 15 " et " Front Parc ", n'a commencé à se plaindre que lorsque la procédure a été engagée, que sur ces affaires la société RCO Systèmes était son agent commercial mais aussi son sous-traitant via la société DCS, que pour la commande du projet " Campus " il a été expressément précisé que tous les problèmes relatifs à la fourniture du matériel y compris l'installation est à la charge de notre fournisseur, que toutes les plaintes dont fait mention la société RCO Systèmes sont de la seule responsabilité de la société DCS, que les surcoûts dont il est fait état sont des factures de prestations que la société DCS a envoyées à la société RCO Systèmes, qu'il s'agit d'une auto-facturation ;

Considérant, sans qu'il soit besoin d'entrer dans le détail inopérant de l'argumentation des parties, que force est de constater que concernant les deux factures litigieuses qu'aucun devis ou bon de commande signé de la société Solid Air n'est versé aux débats, que la société RCO Systèmes manque à rapporter la preuve qui lui incombe de l'accord de la société Solid Air pour procéder aux interventions et facturer les sommes réclamées ;

Que par voie de conséquence, la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a débouté la société RCO Systèmes de sa demande en paiement au titre des deux factures précitées ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande en dommages et intérêts formée par la société Solid Air pour résistance abusive ;

Considérant que le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que l'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions au titre de la procédure d'appel ; qu'il y a lieu, en outre de laisser à la charge des parties les dépens par elle exposés au cours de cette procédure ;

Par ces motifs : par arrêt contradictoire ; Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ; Y ajoutant ; Rejette toutes autres demandes ; Laisse à la charge de chacune des parties les dépens exposés en appel.