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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 novembre 2016, n° 14-10246

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Moquet (SARL), Daniel Moquet Signe Vos Allées (SARL)

Défendeur :

MCK Environnement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Lesénéchal, Sebban, Bonaldi, Strugeon,

T. com. Rennes, du 25 mars 2014

25 mars 2014

FAITS ET PROCÉDURE

La société MCK Environnement (ci-après la " société MCK ") exerce depuis 1986 une activité de formulation d'assemblage et de vente de résines destinées à la réalisation de revêtements de sol perméables.

La société Daniel Moquet Signe Vos Allées (ci-après la " société DMSVA ") a créé et anime un réseau d'artisans exerçant une activité d'aménagement d'allées (ci-après le " réseau Moquet ").

Le dirigeant de la société DMSVA, M. Daniel Moquet, dirige aussi la société Entreprise Moquet (ci-après la " société Entreprise Moquet " qui deviendra l'entreprise Lemoine) qui exerce directement l'activité de paysagiste et aménageur d'allées.

En 2009, la société MCK propose à la société Entreprise Moquet un produit, Hydrostar, lequel est conditionné, étiqueté et livré sous la propre marque de la société DMSVA, qu'elle livre aux affiliés du réseau Moquet.

En janvier 2012, M. Emmanuel Duschesnes, agent commercial de la société MCK chargé de la prospection du réseau Moquet, met fin à son contrat, ce dont la société MCK informe la société Entreprise Moquet par courrier du 5 avril 2012 dans lequel elle rappelle les coordonnées des commerciaux et évoque, à la suite de la réunion du mois de décembre, l'élargissement de la gamme Hydrostar à un produit Mermeaway Archi.

Par courrier du 27 juillet 2012, la société MCK constate l'absence de commande de produits Hydrostar par cette société et celles membres de son réseau et la rupture brutale des relations commerciales à l'initiative de DMSVA.

Par acte du 24 avril 2013, la société MCK assigne les sociétés Daniel Moquet Signe Vos Allées et Entreprise Moquet à comparaître devant le Tribunal de commerce de Rennes pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 25 mars 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- mis hors de cause la société DMSVA,

- dit que la société Entreprise Moquet a déréférencé et rompu brutalement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société MCK Environnement,

- condamné la société Entreprise Moquet à payer à la société MCK Environnement, la somme de 70 000 euros au titre du préjudice subi,

- condamné la société Entreprise Moquet à payer à la société MCK Environnement, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté la société MCK Environnement du surplus de sa demande,

- condamné la société Entreprise Moquet aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir dans toutes ses dispositions,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 104,17 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

La société Entreprise Moquet a fait appel de ce jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 25 mars 2014.

Par conclusions du 7 juin 2016, les sociétés Ent. Lemoine, venant aux droits de la société Ent. Moqué, appelante, et DMSVA demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- dire que la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de la SARL Entreprise Moquet ne saurait être tenue au versement de quelque somme que ce soit,

- dire qu'il en est de même pour la société DMSVA,

- condamner la société MCK Environnement à verser la somme de 30 775 euros HT à la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de la société Entreprise Moquet au titre des réparations à effectuer chez ses clients,

- condamner la société MCK Environnement au paiement de la somme de 50 000 euros à la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de l'entreprise Moquet en réparation du préjudice d'image à l'Entreprise Moquet,

- ordonner à la société MCK Environnement de verser aux débats l'intégralité des pièces de procédure dans le litige opposant cette société à son ancien agent commercial, M. Duschesne,

- faire interdiction à la société MCK Environnement de plaider le litige l'opposant à la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de la société Entreprise Moquet tant qu'elle n'aura pas communiqué les pièces de procédure du litige l'opposant à M. Duschesne,

- surseoir à statuer en l'attente des rapports de Messieurs Poux à Coutances et Dors à Chalons sur Saône,

A titre subsidiaire

Si par impossible, la cour venait à considérer que la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de la société Entreprise Moquet aurait dû respecter un préavis, il y aurait alors de :

- dire que le délai de préavis que la société Entreprise Moquet aurait dû respecter ne peut être supérieur à deux mois compte tenu du caractère récent de ses relations commerciales avec la société MCK Environnement et du fait que la rupture de leurs relations commerciales était prévisible après la réunion du 13 décembre 2011,

- dire que la société MCK Environnement n'établit pas la réalité de son préjudice dans la mesure où elle s'apprêtait à commercialiser la résine " Permeaway Archi " au lieu et place de la résine " Hydrostar ",

- débouter, en conséquence, la société MCK Environnement de sa demande de dommages-intérêts,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à considérer que la société MCK Environnement a droit à des dommages-intérêts,

- dire que le calcul du préjudice de la société doit correspondre à la moyenne de sa perte de marge nette de ses trois derniers exercices,

- constater que la société MCK Environnement n'à versé en première instance, et en cause d'appel, aux débats aucun document probant et notamment aucune justifiant de sa perte de marge nette moyenne,

- débouter, en conséquence, la société MCK Environnement de sa demande de dommages-intérêts,

- condamner la société MCK Environnement à payer à la SARL Ent. Lemoine venant aux droits de la société Entreprise Moquet et à la société Daniel Moquet Signe Vos Allées la somme 8 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société MCK Environnement l'intégralité des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 1er septembre 2016, la société MCK Environnement demande à la Cour de:

- prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 7 juin 2016,

- subsidiairement, écarter des débats comme tardives, les conclusions et pièces des Entreprises Lemoine et DMSVA,

Sur le fond

- confirmer le jugement entrepris sur le principe de la rupture brutale des relations commerciales et le réformer sur le quantum du préjudice et sur la mise hors de cause de la société DMSVA,

- dire que la société DMSVA a déréférencé brutalement les produits de la société MCK Environnement et que les sociétés DMSVA et Entreprise Moquet ont rompu brutalement les relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société MCK Environnement,

- dire que la société DMSVA est responsable de l'intégralité du préjudice subi par la société MCK Environnement suite à la rupture brutale des relations commerciales entretenues avec cette dernière,

En conséquence,

- condamner à titre principal la société DMSVA à payer à la société MCK Environnement, la somme de 329 368 euros au titre du préjudice subi du fait du déréférencement global,

- condamner à titre subsidiaire la société Entreprise Moquet à payer à la société MCK Environnement, la somme de 35 562 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales avec cette société précisément,

Sur les demandes de la société ent. Lemoine et de la société DMSVA,

- dire que les demandes de la société Entreprise Moquet sont irrecevables comme nouvellement soulevées en cause d'appel,

- débouter la société Entreprise Moquet de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés DMSVA et Entreprise Moquet à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés DMSVA et Entreprise Moquet aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

A l'audience, il a été décidé de faire droit à la demande sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture, et de procéder à une nouvelle clôture au 7 septembre 2016.

Motivation

Sur la mise hors de cause de la société DMSVA

La société Ent. Lemoine rappelle que la société DMSVA a été mise hors de cause, qu'elle ne faisait que référencer la résine litigieuse pour ses affiliés qui passaient directement commande auprès de la société MCK, de sorte que seuls la société Ent. Lemoine et les autres affiliés du réseau Moquet étaient clients de la société MCK, qui n'entretenait aucune relation d'affaires avec la société DMSVA.

La société MCK entend obtenir l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société DMSVA et sollicite la condamnation de cette dernière dans la mesure où c'est celle-ci qui a déréférencé de manière fautive de son réseau les produits de la société MCK.

Sur ce

Il est établi par les factures versées (pièce 13 appelant) que c'est la société Ent. Daniel Moquet, et non la société DMSVA, qui passait commande du produit Hydrostar auprès de la société MCK.

La cour relève du reste que le courrier du 5 avril 2012 de la société MCK adressé à la société Ent. Daniel Moquet confirme le fait que cette société et les autres membres du réseau passaient commande en produits directement auprès d'elle, qui n'avait ainsi pas de relation commerciale avec la société DMSVA.

Par ailleurs, le procès-verbal de constat dressé le 18 septembre 2012 montre que le site www.daniel-moquet.com dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du site de la société DMSVA, présente dans la liste des matériaux de ses fournisseurs le produit Hydrostar, avec deux fournisseurs proposés dont la société MCK.

Ainsi, ce site continuait de référencer le produit Hydrostar de la société MCK après le courrier de celle-ci du 27 juillet 2012 dans lequel elle se plaignait de ne plus recevoir de commande de ce produit, et la société MCK n'établit pas que ce site a cessé ce référencement.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement de 1re instance en ce qu'il a déclaré la société DMSVA hors de cause.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

La société Ent. Lemoine soutient que la résine Hydrostar commercialisée par la société MCK était défectueuse en ce qu'elle provoquait un délitement de la surface et un jaunissement dû à une ultra sensibilisation aux ultraviolets, défaut de qualité qui avait été reconnu par la société MCK lors de la réunion du 13 décembre 2011.

Elle expose qu'à la suite de ces difficultés différentes expertises ont été diligentées courant 2014 pour évaluer la qualité de la résine Hydrostar. Elle conteste la valeur du rapport de l'expert Le Bouedec en soutenant qu'il n'a apporté aucun élément probant et demande à la cour de surseoir à statuer en l'attente des rapports des experts Poux à Coutances et Dors à Chalons sur Saône.

Elle fait par ailleurs valoir que seule la défectuosité de la résine Hydrostar l'a incitée à changer de fournisseur et réfute la thèse selon laquelle elle aurait décidé de changer de fournisseur lorsque Monsieur Duschesnes était devenu l'agent commercial de la société BASF, en janvier 2012.

Elle estime qu'elle ne saurait être sanctionnée pour non-respect d'un quelconque préavis.

La société MCK soutient que la société Entreprise Moquet ne lui avait jamais fait état de ce problème durant leur relation commerciale, et n'apporte pas la preuve de la défectuosité de sa résine. Elle cite le rapport Le Bouedec qui considère que les désordres ne proviennent pas de la composition de la résine mais de la mise en œuvre du procédé Hydrostar, et s'oppose à la demande de sursis à statuer dans l'attente des rapports attendus formulée par l'appelante dans la mesure où celle-ci n'avait jamais évoqué la question de la qualité de la résine avant la rupture des relations.

Elle soutient que la soi-disante défectuosité de la résine alléguée par la société Ent. Lemoine ne saurait légitimer la rupture brutale. Elle rappelle que pour qu'une rupture brutale (sans préavis) des relations commerciales ne donne pas lieu à indemnisation, la partie à l'origine de la rupture doit pouvoir justifier de manquements graves imputables à l'autre partie et de remontées suffisantes d'informations, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.

Sur ce

Si la société Ent. Lemoine fait état des problèmes apparus dans l'emploi du produit Hydrostar et soutient que la société MCK en avait connaissance puisqu'il en avait été question lors de la réunion du 13 décembre 2011 à l'issue de laquelle ce fournisseur avait proposé un produit de remplacement (la résine Permeaway Archi), elle ne produit pour en attester qu'une lettre d'un de ses employés Monsieur Minguet (sa pièce 1), qui doit donc être considérée avec prudence, au vu du lien de subordination existant.

Dans un mail du 9 novembre 2011 afin de fixer la date de cette réunion, Monsieur Minguet de la société Entreprise Moquet indiquait qu'il souhaitait rencontrer la société MCK "afin de faire le point de l'année 2011 sur l'Hydrostar et de prévoir l'année 2012", mail qui n'évoque pas les difficultés qui auraient été rencontrées sur ce produit, l'évocation de l'année suivante ne laissant pas augurer de l'arrêt de son utilisation.

Le courrier du 5 avril 2012 de la société MCK dans lequel elle fait état de l'élargissement de sa gamme de résines avec un produit - le Permeaway Archi - qui serait "un produit de haute qualité préféré aux autres solutions du marché pour sa brillance durable son insensibilité aux UV et l'absence de jaunissement" ne signifie pas que son attention avait été attirée sur des problèmes liés à l'utilisation du produit Hydrostar, les propos contenus dans ce mail paraissant faire la promotion d'un nouveau produit auprès d'un client mais ne constituant pas une reconnaissance implicite des difficultés que rencontrerait le produit Hydrostar.

Dans un mail précédent du 16 mars 2012, la société MCK recommandait à la société Ent. Lemoine d'adjoindre le nouveau produit à l'Hydrostar afin de répondre aux attentes des clients souhaitant conserver le brillant initial du revêtement, ce qui ne signifie pas non plus une reconnaissance des difficultés de l'Hydrostar.

Enfin, ce courrier proposait d'effectuer un ou deux prélèvements sur les quelques chantiers qui présenteraient un délitement de graviers.

Il en résulte qu'un tel problème n'a été évoqué que dans ce courrier par la société MCK, et la société Ent. Lemoine ne justifie pas de son côté des courriers qu'elle aurait pu adresser à la société MCK pour s'en plaindre, ni de la réponse qu'elle a apportée à cette proposition d'effectuer des prélèvements. Enfin, le courrier du 16 mars 2012 évoque déjà un problème de mise en œuvre du produit et non du produit lui-même.

Il n'apparaît ainsi pas démontré que la société MCK avait été avisée avant le mois de mars 2012 de l'existence de problèmes qui pourraient être en lien avec l'utilisation du produit Hydrostar par l'appelante, qui ne verse pas d'autres pièces en justifiant.

Par ailleurs, la société Ent. Lemoine ne justifie pas de l'importance de ces difficultés, ni du nombre des plaintes qu'elle aurait reçues de clients en produisant des courriers sur les situations envisagées en 2012.

Si la société Ent. Lemoine sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'expertises ordonnées par les juridictions de Châlon-sur-Saône le 21 juillet 2015 et Coutances le 20 août 2015, les pièces versées ne permettent pas de savoir à quelle date les dommages allégués devant ces juridictions seraient survenus. Aussi, il n'apparaît pas justifié de surseoir à statuer, ce d'autant que deux expertises judiciaires ont déjà été diligentées.

Deux rapports d'expertise sont déjà intervenus à la suite d'ordonnances de référé des 8 juillet 2013 à Brest et 31 juillet 2013 à Laval.

Dans celui rendu à la suite d'une ordonnance du juge des référés de Brest les deux clients ont signalé les malfaçons par courriers des 18 juin 2012 et 29 avril 2013, soit après la fin des commandes de produits Hydrostar par la société Ent. Lemoine, et dans celui réalisé à la suite d'une ordonnance du juge des référés de Laval l'expert a analysé six chantiers sur lesquels des désordres ont été constatés, sans indiquer la date de réalisation des travaux.

Dans le rapport de Brest l'expert a conclu que "les désordres ne proviennent pas d'un défaut dans la composition de la résine mais dans la mise en œuvre du procédé Hydrostar", alors que dans celui de Laval il conclut à l'engagement de la responsabilité de la société MCK pour utilisation d'une résine non adaptée à l'usage.

Pour autant, il n'est pas établi par les pièces versées par la société Ent. Lemoine que les dommages en cause seraient intervenus avant la cessation de commandes de produits Hydrostar à la société MCK, ni que les problèmes rencontrés quant à l'utilisation du produit Hydrostar étaient nombreux avant la fin de ces commandes.

Comme déjà relevé, la société Ent. Lemoine ne justifie pas être intervenue auprès de la société MCK pour se plaindre de problèmes avant la fin des commandes.

Par ailleurs, il n'est pas justifié que ces difficultés - si tant est qu'elles puissent trouver leur origine dans le produit Hydrostar puisque les deux expertises réalisées présentent des conclusions contradictoires quant à la défectuosité ou non du produit Hydrostar - présentent un caractère de gravité et d'urgence tel qu'une rupture brutale des relations commerciales s'imposait.

Il ressort des dires de la société MCK et des factures produites que les relations commerciales avec la société Ent. Daniel Moquet ont commencé en 2009 et se sont poursuivies en 2010 et 2011, ce que ne conteste pas l'appelante.

Les données fournies par les parties concordent pour établir que le volume de ces commandes a augmenté de manière importante depuis 2009 (ainsi, selon les factures versées par la société Ent. Lemoine elle aurait acquis des produits de la société MCK à hauteur de 6 409 euros en 2009, 33 474 euros en 2010 et 53 386 euros en 2011, alors que selon la société MCK ces achats se seraient élevés à 5 132 euros en 2009, 51 408 en 2010 et 47 027 en 2011).

La société MCK indique que les commandes de la société Ent. Lemoine ont alors cessé, ce que cette dernière ne conteste pas, ni ne justifie lui avoir passé de commande à partir du mois de janvier 2012.

Il sera relevé que la société Daniel Moquet, comme d'autres membres du réseau, a en mai 2012 passé commandes de produit Hydrostar auprès de la société Duchesnes, dont il n'est pas contesté qu'elle a été créée par Monsieur Duchesnes, ancien agent commercial en charge de la prospection du réseau Daniel Moquet pour la société MCK et qui l'a quittée en janvier 2012.

Sur ce point il ne sera pas fait droit à la demande de la société Ent. Lemoine tendant à ordonner à la société MCK de produire toutes les pièces relatives au litige l'opposant à Monsieur Duchesnes, ces éléments ne pouvant permettre à l'appelant de justifier de la rupture des relations commerciales avec la société MCK qui lui est reprochée.

Ainsi la société Ent. Lemoine a cessé de passer toute commande à la société MCK à compter du mois de janvier 2012, ce qui révèle une rupture des relations commerciales, sans l'en avertir, et elle ne peut justifier cette rupture par la mauvaise qualité du produit Hydrostar.

La rupture de cette relation commerciale apparaît brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce, du fait de l'absence de préavis formel de la fin de la relation commerciale par la société Ent. Lemoine.

Sur le préavis

La société Ent. Lemoine estime que le délai ne saurait être supérieur à deux mois, les relations commerciales entre ses affiliés et la société MCK étant inférieures à trois ans, et le ralentissement des commandes étant à prévoir du fait des plaintes évoquées.

Elle conteste la saisonnalité des ventes des produits en question et l'allégation selon laquelle le produit Hydrostar serait un produit à marque de distributeur, ce produit étant fabriqué et élaboré par la société MCK sans participation de sa part.

La société MCK revendique un préavis minimum de sept mois, au vu de la saisonnalité du produit qui ne peut être posé qu'entre les mois de mai et septembre, durée qui devrait être doublée car elle fournissait des produits à marque de distributeur et ne pouvait donc trouver de débouché de substitution lorsque les commandes ont cessé. Elle ajoute que sa résine a été réalisée au vu des exigences et tests réalisés avec la société Moquet.

Sur ce

Les commandes de produits Hydrostar par la société Ent. Lemoine sont justifiées pour les années 2009 à 2011, et ont cessé en 2012 sans qu'aucun préavis ne soit respecté.

Il s'en suit que les relations commerciales entre les sociétés avaient une faible ancienneté. Par ailleurs, si les ventes de produits Hydrostar à la société Ent. Lemoine ont progressé entre les années 2009 et 2011, la société MCK ne justifie pas de la part de sa production qui était achetée par la société Ent. Daniel Moquet par des pièces certifiées.

Si la société Ent. Lemoine conteste la saisonnalité du produit, elle reconnaît que la pose de revêtements perméables à base de résine répond à des contraintes climatiques, ce qui se traduit dans les faits par des variations de volumes d'achat en fonction des saisons d'utilisation.

L'article L. 112-6 du Code de la consommation applicable alors prévoyait en son alinéa 2: "est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu".

En l'espèce la marque Hydrostar a été déposée par la société "Daniel Moquet Signe Vos Allées".

Si la société MCK soutient que la formule de sa résine a été réalisée sur la base des exigences et tests réalisés avec la société Moquet, elle ne produit aucune pièce provenant de l'intimée pour l'établir et la seule fourniture d'un de ses courriers du 8 septembre 2010 dans lequel elle indique avoir respecté le cahier des charges et les exigences de la société Moquet, ce dont elle ne justifie pas, ne saurait l'établir.

Aussi, faute de justifier que la société MCK a participé à l'élaboration de la résine proposée par la société MCK, celle-ci ne peut bénéficier de l'allongement du délai prévu pour les produits vendus sous marque de distributeur.

Au vu de ce qui précède, il convient de retenir qu'un délai d'une durée de 4 mois aurait dû être respecté.

Sur l'indemnisation du préjudice

La société Ent. Lemoine conteste le bien-fondé de la demande en indemnisation et soutient que pour calculer cette indemnisation doit être prise en compte la marge nette des trois derniers exercices de la société MCK et non la marge brute du dernier exercice comme l'intimée le demande. Elle ajoute qu'il revenait à la société MCK de communiquer les pièces comptables nécessaires pour permettre aux parties et à la cour de vérifier sa marge nette.

La société MCK soutient que doit être prise en compte la marge brute - soit la différence entre le prix de vente du produit et son coût de revient -, au cours du dernier exercice dans la mesure où les volumes d'affaires ont augmenté de manière exponentielle pendant la durée des relations de sorte que la moyenne des marges brutes est inférieure à la marge brute qu'elle pouvait escompter réaliser au cours du préavis. Elle fait état d'un taux de marge brute de 59,35 %.

Sur ce

La demande de réparation du préjudice causé par la société Ent. Lemoine ne peut être fondée qu'au vu des commandes passées par la société Entreprise Moquet, et non au vu de celles qui ont été passées par l'ensemble des sociétés du réseau de franchise.

La société Ent. Lemoine justifie par la production de factures, des commandes passées par la société Entreprise Moquet à hauteur de 6 409 euros en 2009, 33 474 euros en 2010 et 53 386 euros en 2011, alors que de son côté la société MCK soutient que ces achats s'élevaient à 5 132 euros en 2009, 51 408 en 2010 et 47 027 en 2011.

Les données retenues pour le calcul seront celles figurant sur les factures versées par la société Ent. Lemoine, et leur moyenne sur les trois exercices précédant la rupture, la société MCK ne pouvant tirer argument de l'augmentation des commandes pour ne se fonder que sur les chiffres de l'année précédant la rupture, alors que l'activité commerciale est soumise à de nombreux aléas et qu'il ressort des propres chiffres de la société MCK (sa pièce 9) que les commandes de la société Ent. Lemoine auraient été moins importantes en 2011 qu'en 2010.

Il convient d'appliquer le taux de marge réalisé par la société MCK sur ces ventes de 2011, soit 59,35 %, comme indiqué par son expert-comptable.

Aussi, et au vu de ce qui précède, l'indemnisation due par la société Ent. Lemoine à la société MCK sera fixée à 18 000 euros.

Sur la demande en condamnation de la société MCK au paiement de 30 775 euros

La société Ent. Lemoine fonde cette demande sur les interventions qu'elle aurait dû réaliser à la suite des malfaçons constatées chez ses clients, provoquées par l'utilisation du produit Hydrostar.

Cependant, il ressort de la lecture du jugement du 25 mars 2014 que cette demande n'a pas été présentée en 1re instance, et la société Ent. Lemoine ne peut soutenir qu'il s'agit de faits nouveaux alors que les dates d'interventions figurant sur le tableau qu'elle produit sont dans leur grande majorité antérieures à l'année 2014.

Par conséquent, et étant rappelé qu'il n'est pas établi que la société Entreprise Moquet ait fait état avant la rupture des relations commerciales de difficultés liées à l'utilisation du produit Hydrostar, cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes

La société Ent. Lemoine succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens ainsi qu'à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Confirme le jugement du 25 mars 2014 en ce qu'il a mis la société Daniel Moquet Signe Vos Allées hors de cause et en ce qu'il a condamné la société Ent. Lemoine au titre de la rupture brutale des relations commerciales, ainsi que sur l'article 700 et les dépens, l'Infirme sur le préjudice de la société MCK environnement, Et statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société Ent. Lemoine en réparation de ce préjudice au paiement de la somme de 18 000 euros, Rejette la demande de la société Ent. Lemoine en paiement de la somme de 30 775 euros, Condamne la société Ent. Lemoine au paiement des dépens, Condamne la société Ent. Lemoine au paiement à la société MCK de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.