CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 28 octobre 2016, n° 14-13417
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Quentin
Défendeur :
Pages Jaunes (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Lis Schaal, Thomas
Avocats :
Mes Decap, Couet, Fromantin, Quenet
Monsieur Olivier Quentin, qui exploite à Charmoy (Yonne), un fonds de commerce de matériaux anciens, a conclu, le 5 janvier 2012, avec la société Pages Jaunes un contrat pour la parution d'insertions dans les annuaires éponymes de l'Yonne édition 2012. Sa commande comprenait une inscription de quelques lignes dans l'annuaire imprimé, sous la rubrique "matériaux de constructions anciens", et un accès sur Internet fixe et média mobile, image et un lien vers le site "www.vieuxmat.com". L'inscription prévue sur l'annuaire imprimé devait paraître en mai 2012 et celle prévue sur Internet en avril 2012.
En juillet 2012, Monsieur Quentiin a constaté que son numéro de téléphone avait été remplacé par celui de son concurrent direct, Michel Matériaux Anciens, sis à Auxerre. Reconnaissant son erreur, la société Pages Jaunes a corrigé l'annuaire consultable en ligne "http://pagesjaunes.fr", omettant de corriger l'annuaire électronique "feuilletable" en ligne (service "mes annuaires" "http://mesannuaires.pagesjaunes.fr"), l'annuaire papier déjà édité n'ayant pas pu être modifié.
Le 6 août 2012, M. Quentin a mis en demeure Pages Jaunes de modifier l'annuaire feuilletable sur le site. Le 16 août 2012, Pages Jaunes s'est engagée à procéder à la correction souhaitée sur Internet et a précisé que la mise à jour interviendrait dans les meilleurs délais.
Le 3 août 2012, Pages Jaunes a présenté une offre de dédommagement à Monsieur Quentin.
N'acceptant pas l'offre, ce dernier a saisi le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement en date du 10 juin 2014, le Tribunal de commerce de Paris a débouté M. Quentin de toutes ses demandes.
Le tribunal a estimé que le non-respect des stipulations contractuelles par M. Quentin qui a fait preuve de négligence est la cause directe de l'erreur d'insertion de numéro de téléphone.
Monsieur Quentin a régulièrement interjeté appel de cette décision le 30 juin 2014.
M. Olivier Quentin, par conclusions signifiées le 20 juin 2016, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 102 588 euros en réparation de son préjudice financier moral et commercial ;
- rejeter les demandes reconventionnelles de la société Pages Jaunes ;
- la condamner à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir que la substitution de ses coordonnées par celles de la société Michel Matériaux Anciens est imputable à la seule société Pages Jaunes. Il indique que les clauses insérées dans le bon de commande et dans les conditions générales excluant la responsabilité de la société Pages Jaunes dans l'hypothèse où le client n'aurait pas sollicité l'envoi du détail de sa commande ou aurait omis de signaler une erreur doivent être réputées non écrites en ce qu'elles contredisent la portée de l'obligation essentielle de la société Pages Jaunes. Il soutient également que les usages professionnels de la Fédération de l'imprimerie et de la communication graphique, stipulant qu'en absence de bon à tirer résultant du fait du client, la responsabilité de l'industriel est dégagée, lui sont inopposables. Il fonde sa demande de réparation sur le fait d'une part, que la société Pages jaunes a commis une faute lourde et inexcusable, d'autre part, qu'elle a refusé de la corriger dans son annuaire papier après sa demande.
La société Pages Jaunes, par ses conclusions signifiées le 31 août 2016, conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Monsieur Quentin et à sa condamnation à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle soutient que Monsieur Quentin a ratifié l'ordre d'insertion du 5 janvier 2012 qui indique qu'il a pris connaissance des clauses insérées et des conditions générales figurant au verso comprenant une clause située au-dessus de sa signature, par laquelle il devait informer Pages Jaunes de l'erreur que comportait le document (détail de la commande), qu'il ne l'a pas fait, que les parties ont expressément convenu que le client est réputé avoir vérifié que ce document reproduit parfaitement la commande. Elle ajoute que la vérification du client est obligatoire, quel que soit l'ancienneté des relations entre les parties. Aucune faute lourde ne peut donc lui être reprochée, l'erreur provenant de l'absence de vérification de Monsieur Quentin qui a approuvé l'ordre d'insertion.
Sur ce
Considérant qu'il est établi que Monsieur Olivier Quentin a souscrit, le 5 janvier 2012, auprès de la société Pages Jaunes, un ordre d'insertion prévoyant la parution d'un numéro de téléphone erroné ; qu'en signant l'ordre d'insertion, Monsieur Quentin déclaré avoir pris connaissance des clauses qui y sont insérées et des conditions générales figurant au verso ; qu'au-dessus de sa signature, l'ordre d'insertion comportait une clause prévoyant que Pages Jaunes s'engage à lui adresser le détail de la commande dans les 21 jours de la signature ; que, le 19 janvier 2012, Pages Jaunes a adressé à Monsieur Quentin le plan de communication comprenant un numéro de téléphone erroné ; que ce courrier lui demandait de "bien vérifier la conformité de son contenu" et que, pour toute correction, il était invité à renvoyer, par fax, le document comportant les modifications sollicitées ;
Considérant que Monsieur Quentin s'est engagé à informer Pages Jaunes par écrit, sous huitaine à l'expiration du délai de 21 jours, s'il ne recevait pas le détail de la commande ou si ce document ne reproduisait pas parfaitement cette commande ; qu'il ne conteste pas ne pas avoir saisi Pages Jaunes ; qu'en l'absence de rectification demandée, il était réputé avoir vérifié que le document qui lui avait été transmis reproduisait parfaitement la commande ; qu'il n'a pas usé de son droit à rectification ou à demander le détail de sa commande ; que l'ancienneté des relations entre les parties est sans effet sur l'obligation pesant sur le client de respecter les dispositions contractuelles et de vérifier le contenu de l'ordre d'insertion ;
Que les conditions générales figurant au verso de l'ordre d'insertion stipulent que "le client s'engage à contrôler le bon à tirer et/ou le détail des insertions publicitaires qui lui est adressé, en conséquence, le Client ne pourra pas mettre en jeu la responsabilité de Pages jaunes dans le cas où il aurait omis de lui signaler une erreur ou omission apparaissant sur le bon à tirer et/ou le détail des insertions publicitaires dans les délais indiqués par Pages jaunes" ; qu'en conséquence, l'indication d'un numéro de téléphone autre que celui du client ne relève pas d'une faute lourde de Pages Jaunes mais de l'absence de vérification du client sur le contenu de l'ordre d'insertion qu'il a approuvé ;
Que la responsabilité de l'éditeur ne peut être recherchée dès lors qu'il a publié ce qui avait été convenu entre les parties ; que l'obligation essentielle de Pages Jaunes est de publier les mentions convenues avec son client, telles qu'elles résultent de la commande passée, ainsi que le stipulent les conditions générales du contrat : "Pages jaunes s'engage à faire paraître dans les annuaires... ou à citer les insertions publicitaires souscrites par le Client conformément aux termes de la présente commande et des conditions générales"; que les clauses du contrat sont en outre conformes aux usages professionnels appliqués dans ce domaine, qui prévoient que Chacun de ces bons (bons à tirer) sans autre formalité que leur signature par le client dégage formellement la responsabilité de l'industriel graphique pour les travaux exécutés antérieurement à ladite signature, sous réserve, bien entendu, qu'il soit tenu compte des corrections et indications portés sur le "bon". Lorsque l'absence de bon à tirer résulte de la volonté ou du fait du client, la responsabilité de l'industriel graphique est dégagée"; que n'est, dans ces conditions, établie à l'encontre de Pages jaunes aucune négligence d'une extrême gravité révélant l'inaptitude totale du débiteur à l'accomplissement de sa tâche ;
Considérant que le comportement de Pages jaunes n'encourt aucune critique dès lors que :
- à la suite de la réclamation de Monsieur Quentin, elle a immédiatement rectifié l'erreur dans l'annuaire pagesjaunes.fr et a proposé une diffusion massive des coordonnées de Monsieur Quentin sur tout le département via www.pagesjaunes.fr ;
- elle ne pouvait procéder à aucune rectification dans l'annuaire papier imprimé et diffusé depuis mai 2012 ;
- à titre de geste commercial, elle a proposé un remboursement à hauteur de 1 247,43 euros TTC et une gratuité dans les annuaires en ligne jusqu'au 1er avril 2013, proposition refusée par Monsieur Quentin ;
- l'article L. 34 du Code des postes et communications ne s'applique pas à l'espèce, Pages jaunes n'étant pas un opérateur de téléphonie et n'ayant pas d'abonnés ;
Qu'en conséquence, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Quentin de sa demande ;
Considérant que l'équité impose de condamner Monsieur Quentin à payer à Pages Jaunes la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne Monsieur Olivier Quentin à payer à Pages jaunes la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Le Condamne aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Fromentin en application de l'article 699 du Code de procédure civile.