CA Riom, 3e ch. civ. et com., 26 octobre 2016, n° 15-02750
RIOM
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Financo (SA)
Défendeur :
Partenaire de l'Habitat (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Riffaud
Conseillers :
MM. Juillard, Kheitmi
Avocat :
SELARL Juridome
Prononcé publiquement le 26 Octobre 2016, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
Signé par M. François Riffaud, président, et par Mme Marie-Paule Ischard, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 3 novembre 2011, les époux B. ont acheté et fait installer un portail pour le prix de 9 686 euros par la SARL Le Partenaire de l'Habitat qui a été financé par un crédit de 9 650 euros contracté le même jour auprès de la société .
Arguant de désordres affectant le portail posé en février 2012, les époux B. ont obtenu, le 5 juin 2013, la désignation en référé d'un expert en la personne de M. M. qui a rendu son rapport le 26 octobre 2013.
Par jugement du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 21 septembre 2015, maître P. es qualité de mandataire liquidateur de la société Le Partenaire de l'Habitat a été mis hors de cause et les époux B. ont été condamnés à lui payer une somme de 1 000 euros au titre des frais de procès. En outre, la juridiction a estimé que les travaux étaient affectés de vices cachés et a annulé le contrat de financement tout en précisant que la société Financo devrait faire son affaire des fonds versés par la société Le Partenaire de l'Habitat, puis elle a rejeté l'ensemble des demandes de la société Financo à l'encontre des époux B. et a condamné cette société à leur payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 19 octobre 2015 la société Financo a interjeté appel de cette décision.
Cette dernière, par conclusions signifiées par voie de communication électronique le 14 janvier 2016, demande à la cour, la réformation de la décision, le maintien dans la cause de maître P. es qualité de liquidateur de la société Le Partenaire de l'Habitat, la condamnation des époux B. à lui payer la somme de 9 616.33 euros avec intérêts au taux de 6.96 % à compter du 24 janvier 2014, ainsi que le bénéfice des dépens distraits en faveur de la SELARL K. et d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Subsidiairement, la condamnation des intimés à payer une somme de 9 650 euros sous déduction des paiements opérés par les époux B., la condamnation aux dépens de maître P. et dans tous les cas la cour devra dire qu'il n'y a lieu à aucune condamnation à l'égard de l'appelante.
Elle fait valoir que la société Le Partenaire de l'Habitat en qualité de vendeur et installateur du portail (contrat principal) ne peut être mis hors de cause ainsi que l'a décidé le premier juge.
Elle ajoute qu'aucun dol n'est démontré permettant de prononcer la nullité du contrat principal dans la mesure où les époux B. ont signé le procès-verbal de fin de chantier sans réserve en février 2012.
Enfin, s'agissant des vices cachés, l'expert a estimé que le portail nécessitait uniquement des réparations et n'était donc pas impropre à sa destination. L'appelante n'ayant pas qualité de maître de l'ouvrage elle ne pouvait actionner l'assureur éventuel de la société Le Partenaire de l'Habitat. Dès lors, l'annulation du contrat principal n'est pas envisageable. De plus, en l'absence de faute de la concluante, les emprunteurs doivent restituer le capital sous déduction des sommes remboursées conformément à la jurisprudence.
En réponse, les époux B., par conclusions signifiées par voie de communication électronique le 18 mars 2016, sollicitent de la cour, au visa des articles L. 121-3, L. 311-20, L. 311-32 du Code de la consommation et 1109 ainsi que 1641 et suivants du Code civil, à titre liminaire, la réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause maître P. es qualité, pour le surplus, la confirmation de la décision frappée d'appel, ainsi que le bénéfice des dépens distraits en faveur de maître M. et l'octroi d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Subsidiairement, les concluants souhaitent la résiliation de la vente pour dol, la reconnaissance d'une faute de l'appelante qui devra faire son affaire des sommes versées à l'occasion du contrat de crédit et la condamnation de la société Financo aux dépens et au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais de procès.
Enfin, à titre infiniment subsidiaire, la cour devra dire que la valeur du portail ne saurait excéder 5 000 euros, que l'appelante a commis une faute et devra faire son affaire des sommes versées à l'occasion du contrat de crédit et subir les condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 5 000 euros.
Ils soutiennent que l'article L. 311-32 du Code de la consommation impose la présence au litige de la société Le Partenaire de l'Habitat.
Ils affirment, à titre principal, que la résiliation de la vente pour vices cachés est acquise car malgré l'intervention de techniciens le portail ne fonctionne pas correctement et s'ils avaient envisagé une telle difficulté ils n'auraient pas acquis ce bien. Dès lors, le contrat principal étant résilié le contrat de crédit qui est son accessoire doit subir le même sort.
Ils ajoutent, que la société Financo a commis une faute dans la mesure où il n'y a pas eu livraison de la chose car celle-ci est affectée d'un vice caché. En conséquence, aucun remboursement du capital prêté n'est possible et il appartiendra à l'appelante de faire son affaire des sommes versées à la société Le Partenaire de l'Habitat, d'autant que le bon de commande était erroné et que la délivrance des fonds était fondée sur 'des documents falsifiés' et s'est opérée sans vérification de l'installation.
Par ailleurs, ils demandent la nullité du contrat principal en affirmant qu'ils n'ont jamais signé le bon de commande 2125 versé par la société Financo, mais uniquement celui portant le numéro 2875 -au demeurant non conforme à l'article L. 121.23 du Code de la consommation. Ils affirment qu'il s'agit là d'un comportement dolosif. En outre, la société Le Partenaire de l'Habitat a profité de l'état d'infériorité (certificats médicaux) des concluants qui avaient déjà contracté deux autres prestations en mai 2011 (7 320 euros) et en juillet 2011 (20 500 euros pour un ballon d'eau et des menuiseries), alors que les époux B. disposent uniquement de 1 500 euros de revenus par mois. En conséquence, l'annulation pour dol sera prononcée.
Ils rappellent que le contrat de crédit est résolu dès lors que le contrat principal l'est en application de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, d'autant que le prêteur a délivré les fonds à partir d'une simple photocopie de " l'attestation de mission ".
Enfin, ils indiquent que depuis plus de deux ans le portail ne fonctionne pas en mode automatique et n'a pas été réparé. En conséquence, ils souhaitent conformément à l'article 1644 du Code civil que la cour fixe le prix du portail à 5 000 euros.
La SELARL M. représentée par maître P. en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Le Partenaire de l'Habitat, sollicite par conclusions notifiées par voie de communication électronique du 9 mars 2016 la confirmation du jugement, le constat de l'absence de déclaration de créance des époux B., ainsi que la condamnation de ces derniers aux dépens distraits en faveur de la SELARL D'AVOCATS JURIDÔME et au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de procès.
Il rappelle que les époux B. sont forclos faute d'avoir effectué une déclaration de créance dans les délais légaux dans la mesure où la publication de l'ouverture de redressement judiciaire de la société Le Partenaire de l'Habitat est intervenue le 7 mars 2014, et que la publication du jugement de liquidation judiciaire a été réalisée le 15 avril 2014.
La cour se réfère aux écritures des parties pour plus ample exposé du litige et de leurs moyens conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de Maître P. représentant de la société Le Partenaire de l'Habitat
Il n'est pas contestable que la commande et l'installation du portail litigieux (contrat principal) ont été demandées à la SARL susvisée, désormais représentée par son liquidateur, maître P., à la suite du jugement du 28 mars 2014. De même, il n'est pas contesté que la société Financo a financé le portail en cause par l'octroi d'un crédit aux époux B. (contrat accessoire).
Dès lors, au regard de l'article L. 311-32 ancien du Code de la consommation alors applicable, la présence, tant de maître P. pour la société Le Partenaire de l'Habitat, que celle de la société Financo est nécessaire au procès.
Il s'ensuit que le jugement sera réformé de ce chef.
Sur la demande d'annulation du contrat
S'agissant de la 'nullité' du contrat principal sur le fondement du dol et du Code de la consommation, c'est après s'être livré à une exacte analyse des circonstances de l'espèce et par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a constaté l'absence de faits précis pouvant démontrer l'existence de manœuvres imputables à l'appelante ou à la société Le Partenaire de l'Habitat. En effet, les époux B. ont disposé d'un délai de quasiment trois mois pour contracter, l'état de santé dégradé de M. B. n'est apparu qu'en 2013, or le contrat en cause a été signé en 2011. Les falsifications de bons de commandes sont alléguées mais nullement établies ainsi que l'a démontré le premier juge. En outre, le fait d'avoir déjà contracté avec le même vendeur n'est d'aucun secours pour contester le présent contrat. Enfin, avoir libéré les fonds à la demande des époux B. ne peut être reproché à la société Financo dès lors que ces derniers ont réceptionné sans réserve l'installation du portail et demandé le financement auprès du prêteur. Partant, il n'appartenait pas à l'appelante de se livrer à des investigations sur le produit financé à crédit, ce qui n'est finalement que le constat d'une évidence, à savoir que la personne la mieux à même de juger de l'installation du portail est le client final et nullement un prêteur de deniers.
Sur l'existence de vices cachés affectant le portail
Les époux B. demandent, à titre principal, la résiliation du contrat principal sur le fondement des vices cachés et corrélativement celle du contrat accessoire de financement de l'achat et de l'installation du portail motorisé objet du litige.
Il résulte des articles 1641 et 1644 du Code civil, que le vendeur est tenu de garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Si la garantie lui est acquise, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix arbitrée par experts.
L'article 1645 du même Code dispose encore que lorsque le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, le vendeur professionnel étant présumé connaître les vices de la chose vendue.
L'action rédhibitoire aboutit à l'anéantissement du contrat, l'acheteur devant rendre la chose et le vendeur le prix. Elle constitue une action en résolution exercée dans les conditions spéciales des articles 1641 et suivants et il appartient à celui qui invoque l'existence d'un vice caché d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il ressort de l'expertise judiciaire de M. M. une série de désordres affectant le portail motorisé installé par la société en cause, désordres qui ont été détaillés à juste titre par le premier juge (fixations manquant de rigidité entraînant des desserrements et descellements, jeu anormal entre les vantaux, absence de butées mécaniques etc.). L'expert a conclu que l'installation n'avait pas été réalisée dans les règles de l'art, que les difficultés de fonctionnement sont apparues dans les cinq mois suivant l'installation et n'étaient pas visibles lors de la livraison (un vantail a été arraché par le vent, le moteur a été remplacé, un vantail force en mode manuel, des fixations et des réglages ont été repris). Il ajoute que la gravité des désordres engendre des dégradations sur les matériels (moteur et mécanismes) et sur les fixations ; phénomènes s'aggravant avec le temps. En outre, le portail devait être motorisé or il n'a fonctionné qu'en mode manuel et l'expert affirme qu'il conviendrait de reprendre l'installation et les réglages avec l'assistance du constructeur (BFT France).
Dès lors, il est indubitable que l'installation est atteinte de vices cachés rendant le portail impropre à sa destination en dépit d'une réception sans réserve des intimés qui ne pouvaient déceler les désordres apparus dans les premiers mois qui ont suivi la vente et il est indéniable que les époux B. n'auraient pas conclu la commande s'ils avaient su qu'ils ne pourraient pas faire l'utilisation du portail en mode motorisé, ce, sans même évoquer la dégradation progressive de l'installation mise en exergue par l'expert.
En conséquence, la résolution du contrat principal tout comme celle du contrat accessoire de crédit (le capital initial demeurant dû par les intimés en raison de l'absence de faute imputable au prêteur, ainsi qu'il a été démontré ci-dessus) s'imposerait si les intimés en formulaient la demande.
Toutefois, les époux B. souhaitent, in fine de leurs conclusions, conserver le portail, mais en voir le prix diminué conformément à l'article 1644 du Code civil et versent pour ce faire une évaluation (Auvergne Expertises, pièce 9) à hauteur de 5 000 euros qui n'est pas l'objet de contestation efficiente des autres parties.
Dès lors, la cour procédera à la diminution du prix à la hauteur susvisée.
Toutefois, la créance susceptible de résulter de la mise en jeu de la garantie des vices cachés et de la résolution du contrat ou de la diminution du prix en résultant, est née à la date de la conclusion du contrat de vente et donc, en l'espèce, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Partant, cette créance détenue par les époux B. devait être déclarée au passif de la société en cause et faute d'avoir accompli cette formalité les intimés ne peuvent en obtenir l'inscription au passif de la liquidation de la société Le Partenaire de l'Habitat qu'ils n'ont d'ailleurs pas sollicitée.
Il peut être ajouté à titre informatif que même si les consorts B. avaient déclaré leur créance, encore aurait-il fallu que le liquidateur détienne des fonds pour les indemniser.
S'agissant de la société Financo, contre laquelle il n'est pas démontré de manquement dans la libération des fonds, laquelle n'est intervenue qu'après la demande de financement de M. B. comme l'a justement démontré le premier juge. En outre, il est indiscutable que les vices cachés ne sont apparus que postérieurement -environ 5 mois après l'installation du portail- à la remise des fonds, par le prêteur, à la société Le Partenaire de l'Habitat. Dès lors, l'appelante ne peut se voir reprocher aucune faute de nature à la priver du remboursement du capital. A cet égard, il peut être précisé que le contrat accessoire à la vente étant résolu, les époux B. n'auront pas à régler les intérêts et frais qui étaient, pour la société Financo, la contrepartie du contrat de crédit qui vient d'être résolu.
Il s'ensuit qu'en l'absence de faute de l'établissement dispensateur du crédit, celui-ci est en droit d'obtenir le remboursement du capital par les époux B., à hauteur de 9 650 euros.
Il ressort de la pièce 8 de la société Financo qu'elle reconnaît avoir été réglée par les époux B. des mensualités de 115.01 euros entre le 24 octobre 2012 et le 24 février 2014 inclus, soit un montant de 1 840.16 euros (115.01 x 16). Cet élément n'est pas contesté par les intimés, qui, quant à eux, ne versent aucune pièce probante concernant d'autres paiements. En conséquence, les époux B. demeurent devoir à la société Financo la somme de 7 809.84 euros (9 650 - 1 840.16).
En revanche, contrairement aux affirmations du premier juge, il n'appartenait pas à la société Financo de mettre en cause l'assurance de responsabilité professionnelle de la société Le Partenaire de l'Habitat qui était seule, avec les époux B., a pouvoir agir en ce sens. En effet, aucun fondement juridique ne permet de retenir une telle solution.
En conséquence, la décision sera réformée.
Sur les dépens et leurs accessoires
Succombant en appel, la SARL Le Partenaire de l'Habitat devra supporter les dépens d'appel et de première instance, distraits en faveur de maître M. et de la SELARL K., ainsi qu'une indemnité de 1 000 euros au titre des frais de procès en faveur des époux B. et de 1 000 euros au profit de la SA Financo.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ; Réforme le jugement, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que la SELARL M. anciennement maître P. ne saurait être mis hors de cause dans la présente instance en sa qualité de liquidateur de la SARL Le Partenaire de l'Habitat ; Dit que les travaux d'installation du portail motorisé réalisés par la SARL Le Partenaire de l'Habitat ont été affectés de vices cachés ; Dit que M. René B. et Mme Solange B. née V. ont opté pour la conservation du portail et la restitution d'une partie du prix conformément à l'article 1644 du Code civil ; Dit que le prix du portail motorisé objet du litige sera réduit à la somme de 5 000 euros ; Constate que M. René B. et Mme Solange B. née V. n'ont pas déclaré de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Partenaire de l'Habitat et qu'ils n'ont pas formé de demande tendant cette fixation ; Dit que M. René B. et Mme Solange B. née V. demeurent tenus exclusivement au paiement du capital qui est fixé à la somme de 9 650 euros à l'égard de la SA Financo ; Condamne solidairement M. René B. et Mme Solange B. née V. au paiement d'une somme de 7 809.84 euros après déduction des paiements effectués par ces débiteurs ; Condamne la SARL Le Partenaire de l'Habitat représentée par la SELARL M. anciennement maître P. en sa qualité de liquidateur aux dépens d'appel et de première instance, distraits en faveur de maître M. et de la SELARL K., et à payer à M. René B. et Mme Solange B. née V. une indemnité de 1 000 euros en application l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Le Partenaire de l'Habitat représentée par la SELARL M. anciennement maître P. en sa qualité de liquidateur à payer à la SA Financo une indemnité de 1 000 euros en application l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.