Livv
Décisions

Cass. com., 8 novembre 2016, n° 14-29.884

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Financière M'Sili-Lefort (SARL)

Défendeur :

Billon, Location matériel Billon (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Gauthier

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Richard, SCP Waquet, Farge, Hazan

Cass. com. n° 14-29.884

8 novembre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 octobre 2014), que MM. Billon, Olliéric et Bernier et la société Financière M'Sili-Lefort étaient associés à parts égales de la société Financière 4F ; que par acte du 2 novembre 2007, comportant un engagement de non-concurrence, M. Billon a vendu à la société DLD, filiale à 100 % de la société Financière 4F, son fonds artisanal de travaux publics ; que par acte du 10 décembre 2008, la société Financière M'Sili-Lefort et M. Olliéric ont cédé à M. Billon les parts qu'ils détenaient dans la société Financière 4F ; que les sociétés Financière 4F et DLD ont été ultérieurement mises en redressement puis liquidation judiciaires ; que la société Financière M'Sili-Lefort a assigné M. Billon en paiement du prix de ces parts ainsi qu'en remboursement de son compte courant d'associé ; qu'il a également réclamé à M. Billon ainsi qu'à la société Location de matériel Billon (la société LMB), que celui-ci avait constituée, des dommages-intérêts pour manquement à l'engagement de non-concurrence ; que M. Billon a reconventionnellement demandé que l'acte de cession de parts soit annulé pour dol ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Financière M'Sili-Lefort fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces n° 10, 12 et 13 communiquées par elle ainsi que tous les développements de ses conclusions faisant référence au procès-verbal d'huissier de justice alors, selon le moyen, que le juge ne peut écarter des débats un élément de preuve que s'il a été obtenu par violence ou par fraude ; qu'en se bornant, pour écarter des débats les pièces n° 10, 12 et 13 communiquées par la société Financière M'Sili-Lefort, à énoncer que ces pièces faisaient référence à un constat d'huissier établi en exécution d'une ordonnance de référé qui avait été rétractée, de sorte qu'il était nul, sans constater que ces pièces auraient été obtenues par violence ou par fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que doivent être écartées des débats des pièces qui ont été obtenues de manière déloyale ; qu'ayant constaté que les pièces en cause se référaient à un constat d'huissier établi en exécution d'une ordonnance qui avait été ultérieurement rétractée, ainsi qu'à des documents qui avaient été saisis par l'huissier désigné par la même ordonnance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Financière M'Sili-Lefort fait grief à l'arrêt d'écarter des débats la pièce n° 35 communiquée par elle, intitulée " conclusions de M. Olliéric " alors, selon le moyen, que le juge ne peut écarter des débats un élément de preuve que s'il a été obtenu par violence ou par fraude ; qu'en se bornant, pour écarter des débats la pièce n° 35 de la société Financière M'Sili-Lefort, consistant en des conclusions déposées par M. Olliéric dans le cadre d'un litige l'opposant à M. Billon, à énoncer que ces conclusions n'avaient pas été valablement communiquées dans le cadre de cette instance, l'affaire ayant été radiée, pour en déduire qu'elles ne pouvaient être produites dans le cadre de la présente instance sans violer le principe du contradictoire, sans constater que cette pièce aurait été obtenue par violence ou par fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la production des éléments contestés méconnaissait le principe de la contradiction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Financière M'Sili-Lefort fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat de cession de parts conclu entre elle et M. Billon alors, selon le moyen, que la réticence dolosive est constituée par le silence d'une partie dissimulant intentionnellement à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'elle n'est pas constituée lorsque le silence est gardé sur un fait que le cocontractant pouvait connaître lui-même ; qu'en se bornant, pour décider que la société Financière M'Sili-Lefort avait fait preuve de réticence dolosive à l'égard de M. Billon lors de la cession de ses parts dans la société Financière 4F, à énoncer qu'elle ne justifiait pas lui avoir fourni les documents et informations indispensables pour lui permettre d'avoir connaissance de la situation financière réelle du groupe, bien qu'il ait été inexpérimenté, sans rechercher si M. Billon pouvait avoir connaissance par lui-même des documents comptables relatifs à la société et, partant, de sa situation financière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1109 et 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que M. Billon, associé minoritaire de la société Financière F4 jusqu'à la cession litigieuse, n'avait exercé aucune fonction au sein de cette holding ni participé à sa gestion, l'arrêt retient qu'il n'avait pas la formation nécessaire pour appréhender le montage juridique extrêmement complexe conçu par M. Olliéric, ancien banquier, en vue de la mise en place du groupe ; qu'il retient encore que ses compétences habituelles d'artisan ne lui permettaient pas de connaître la situation économique réelle de la société DLD, et par ce biais, celle de la holding, cependant que les cédants, hommes d'affaires expérimentés, étaient pleinement informés de cette situation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que M. Billon ne pouvait accéder par lui-même aux informations indispensables à un consentement éclairé, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Financière M'Sili-Lefort fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement du compte courant d'associé qu'elle détenait dans la société Financière 4F alors, selon le moyen, que la promesse de porte-fort résulte d'actes manifestant l'intention certaine du promettant de s'engager pour un tiers ; qu'en se bornant, pour décider que M. Billon ne s'était pas porté fort du remboursement à la société Financière M'Sili-Lefort, par la société Financière 4F, du compte courant qu'elle avait ouvert dans ses livres, à énoncer qu'il ne résultait ni de l'acte de cession de parts sociales, ni du procès-verbal d'assemblée générale du 10 décembre 2008, l'intention clairement exprimée de M. Billon de se porter fort de ce remboursement, sans indiquer quel autre objet aurait pu avoir la stipulation insérée dans l'acte de cession de parts sociales conclu entre M. Billon et la société Financière M'Sili-Lefort, selon laquelle le compte courant d'associé de cette dernière dans la société Financière 4F lui serait remboursé dans un délai de cinq ans, si ce n'était pour obliger M. Billon au remboursement en cas de défaillance de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1120 du Code civil ;

Mais attendu que c'est souverainement que la cour d'appel a estimé que ni la clause litigieuse de l'acte de cession ni le procès-verbal d'assemblée ne traduisaient l'intention claire et non équivoque de M. Billon de se porter fort du remboursement de ce compte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen : - Attendu que la société Financière M'Sili-Lefort fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. Billon et de la société LMB au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage ; qu'en énonçant, pour décider que M. Billon n'avait pas fait concurrence à la société DLD en créant la société LMB, que cette création avait été décidée avec l'accord des autres associés pour la gestion du matériel dont la reprise n'était pas souhaitée, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à priver la société Financière M'Sili-Lefort du droit d'obtenir réparation du préjudice que lui avait causé le manquement de M. Billon à ses obligations de non-concurrence, a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil ; 2°) qu'aux termes de l'article 7 de l'acte de cession du fonds artisanal du 2 novembre 2007 conclu entre, d'une part, la société DLD, et d'autre part, M. Billon et Mme Bichon, il était fait interdiction à ces derniers, pendant un délai de cinq ans, d'acquérir ou d'exploiter " une exploitation semblable ou voisine ", de démarcher la clientèle du fonds cédé et de recruter des salariés attachés à l'acquéreur du fonds ; qu'en se bornant, pour décider que M. Billon n'avait pas fait concurrence à la société DLD en créant la société LMB, à énoncer que cette dernière, adonnée à la location de matériel, n'était pas en concurrence avec les sociétés DLD ou Financière 4F dont l'activité était la réalisation de travaux publics, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sociétés DLD et LMB avaient une activité voisine, en ce qu'elles fournissaient le matériel permettant la réalisation des mêmes travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société LMB, qui avait une activité de location de matériels, n'était en concurrence ni avec la société Financière 4F, ni avec la société DLD dont l'activité était la réalisation de travaux publics, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que la demande de dommages-intérêts formée par la société Financière M'Sili-Lefort au titre de la clause de non-concurrence devait être rejetée ; que le moyen, inopérant en sa première branche, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.