CA Nîmes, 4e ch. com., 3 novembre 2016, n° 15-03317
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Pierres des Cevennes (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
Mmes Rochette, Lefeuvre
Avocats :
Mes Domergue, Andrieu
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 9 juillet 2015 par Mme X à l'encontre du jugement prononcé le 28 mai 2015 par le Tribunal de commerce de Mende dans l'instance n° 201400052.
Vu les dernières conclusions déposées le 2 septembre 2016 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions déposées le 3 décembre 2015 par la SARL Pierres des Cévennes, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 28 septembre 2016 en date du 13 juin 2016.
Par acte notarié du 22 décembre 2010, la SARL "Y" représentée par Mme X, a cédé son fonds de commerce d'agent immobilier à la SARL Pierres des Cévennes. Egalement gérante de la SCI Z, Mme X a donné à bail commercial à l'acquéreur, par contrat du même jour, les locaux dans lesquels l'activité était exercée.
Le 26 juin 2012, Mme X et la SARL Pierres des Cévennes ont conclu un contrat de représentation commerciale d'agent immobilier à durée indéterminée prévoyant :
- que l'agence immobilière confie à l'agent qui l'accepte, le mandat de solliciter des mandats de vendre et de vendre au nom et pour le compte de l'agence immobilière
- qu'une exclusivité dans le secteur géographique était conférée à Mme X à savoir pour tous secteurs. (Gard, Lozère et autres),
- que le contrat était susceptible d'être rompu par l'une ou l'autre des parties en respectant, sauf faute grave de l'une des parties ou cas de force majeure, un préavis réciproque de 3 mois,
- une clause de non-concurrence rédigée en ces termes : en cas de cessation du contrat à quelque époque et pour quelque cause que ce soit, l'agent s'interdit d'assurer, sous quelque forme que ce soit, d'exercer directement ou indirectement la même activité qui a fait l'objet du présent mandat confié par l'agence immobilière.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2014, la SARL Pierres des Cévennes prise en la personne de son gérant a notifié à Mme X la rupture du contrat de représentation commerciale de la manière suivante : " Je viens par la présente pour signifier mon intention de mettre fin au contrat d'agent commercial pour le compte de l'agence immobilière la SARL Pierres des Cévennes que je représente. Cette rupture prendra effet à la date de réception de ce courrier ". Ce courrier a été réceptionné par Mme X le 26 mai 2014.
Par exploit du 6 octobre 2014, elle a fait assigner la SARL Pierres des Cévennes en paiement de dommages et intérêts devant le Tribunal de commerce de Mende qui, par jugement du 28 mai 2015, a :
- dit irrecevable la demande de la SARL Pierres des Cévennes tendant à voir constater la nullité de l'assignation introductive d'instance du 6 octobre 2014,
- débouté Mme X de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme X à indemniser la SARL Pierres des Cévennes de la somme de 314 euros au titre de la réparation des dommages subis par l'ordinateur de l'agence
- condamné Mme X à payer à la SARL Pierres des Cévennes la somme de 700 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance liquidés à 70,20 euros TTC au titre des frais de greffe.
Mme X a relevé appel de ce jugement pour voir:
- lui donner acte de son désistement d'appel concernant la réparation du préjudice matériel de la SARL Pierres des Cévennes à hauteur de 314 euros,
- réformant pour le surplus le jugement déféré,
- constater le caractère abusif de la rupture contractuelle et au visa des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi du fait de cette rupture,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes au paiement de la somme de 53 133 euros représentant le montant de 2 années de commissions brutes sur la base de ses déclarations auprès du régime social des indépendants (RSI) pour les années 2012, 2013 et 2014,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice découlant de la perte de chance d'apporter un mandat et de conclure une vente pendant le temps du préavis,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice moral,
- faire injonction à la SARL Pierres des Cévennes de communiquer la totalité des factures émises pour la période du 26 juin 2012 au 20 août 2014,
- subsidiairement, condamner la SARL Pierres des Cévennes à lui payer la somme de 24 000 euros représentant le montant des commissions auxquelles elle pourrait forfaitairement prétendre,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour le surplus d'activité administrative et de secrétariat,
- dire nulle et de nul effet la clause de non-concurrence figurant à l'article 7 du contrat de représentation commerciale,
- condamner la SARL Pierres des Cévennes aux dépens tant de première instance que d'appel et au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Pierres des Cévennes conclut pour voir :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Mende du du 28 mai 2015,
- condamner Mme X aux entiers dépens de l'appel outre le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
Discussion
Sur la procédure :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Sur la nullité de l'assignation du 6 octobre 2014
La SARL Pierres des Cévennes ne soutient plus la nullité de l'assignation introductive d'instance et demande confirmation en toutes ses dispositions du jugement du Tribunal de commerce de Mende.
Il y a lieu donc lieu de confirmer cette décision en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation ayant saisi le Tribunal de commerce de Mende.
Sur le fond :
Sur les demandes en dommages-intérêts fondée sur le caractère abusif de la rupture
Mme X constate que la lettre de rupture du contrat de représentation commerciale ne contient aucun motif et que l'absence de référence à un quelconque préavis laisserait conclure à une faute. Cette rupture ne repose selon elle sur aucun grief avéré ni faute établie et a donc un caractère abusif qui doit être réparé au visa des articles susvisés par l'allocation de dommages-intérêts calculés à partir de deux années de commissions brutes au titre de la perte financière outre la réparation du choc violent subi.
La SARL Pierres des Cévennes répond que le contrat d'agent commercial n'est pas un contrat de travail salarié de sorte que sa rupture n'a pas à être motivée d'autant que Mme X connaissait parfaitement les raisons ayant conduit à cette décision. Rappelant les difficultés économiques et personnelles ayant amené l'appelante à vendre le fonds puis à intégrer l'agence dans le cadre du contrat de représentation en cause, elle explique que Mme X s'était rapidement révélée colérique et injurieuse à l'égard du personnel de l'agence et qu'elle avait manqué à son obligation de loyauté à son égard puisqu'elle se présentait à la clientèle comme agissant pour son compte alors qu'elle avait mandat d'agir pour le compte de la SARL Pierres des Cévennes en entretenant à escient une confusion génératrice d'incompréhension de la part de clients et de quiproquos alors que d'autres s'étaient plaints de manœuvres et de tromperies de la part de Mme X.
L'article 4, alinéa 2, de la loi Hoguet dispose que "les dispositions du chapitre IV du titre III du Livre 1er du Code de commerce sont applicables aux personnes habilitées par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier lorsqu'elles ne sont pas salariées".
Il n'est pas discuté que les dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce insérées dans le chapitre IV susvisé s'appliquent au cas d'espèce.
Elles prévoient qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi mais que cette réparation n'est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
Le contrat de représentation commerciale d'agence immobilière conclu entre les parties consacrait également la possibilité d'une rupture de la relation contractuelle par l'une ou l'autre des parties en respectant, sauf faute grave de l'une des parties ou en cas de force majeure, un préavis réciproque de 3 mois.
La lettre de rupture du contrat de représentation commerciale notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2014, mentionnait que cette rupture était à effet immédiat, cette circonstance laissant présumer que la SARL Pierres des Cévennes reprochait à sa partenaire une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle jusqu'au 20 août, date d'expiration du préavis contractuel.
La faute grave se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il est constant à cet égard que pour apprécier si les manquements de l'agent commercial à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat sans indemnité, les juges ont à prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenue jusqu'au jour de la décision. Ainsi la circonstance que la lettre de rupture ne soit pas motivée n'est pas rédhibitoire puisque devant les juges, l'auteur de la rupture peut invoquer des manquements antérieurs de l'agent qui se seraient révélés postérieurement à l'envoi du courrier.
La SARL Pierres des Cévennes reproche à sa partenaire différentes fautes qu'elle s'abstient néanmoins de qualifier de graves et qui sont un comportement colérique, un manque de loyauté et de professionnalisme. Sur le premier grief, elle justifie d'attestations de quatre personnes faisant état de " langage déplacé ", de " colère excessive ", " d'un caractère imprévisible et autoritaire ". Si le témoignage de l'épouse du gérant doit effectivement être écarté en raison d'un risque de partialité et si Mme A explique dans une 2e attestation avoir rédigé la première sous la pression de celle-ci, il convient de constater que ce grief reste corroboré par les attestations de deux autres personnes dont l'une n'était pas dans un lien de subordination à l'égard de la SARL Pierres des Cévennes. Pour autant, cette dernière ne justifie pas avoir mis en garde son agent sur son comportement pendant l'exécution du contrat et n'établit pas quelles en auraient été les conséquences sur le fonctionnement de la société. De plus il apparaît que les mouvements d'humeur reprochés à l'intéressée ne se manifestaient que dans le cercle interne de l'agence et non à l'égard de la clientèle. Cette faute ne peut ainsi être retenue comme grave.
La SARL Pierres des Cévennes reproche également à l'appelante son manque de loyauté à son endroit qui serait effectivement susceptible d'être qualifié de faute grave à la condition d'être avéré mais il convient de constater que la SARL Pierres des Cévennes ne corrobore matériellement ce grief que par la production de la pièce n° 11 qui est la copie de mauvaise qualité et partiellement illisible d'un mandat de recherche signé par Mme X sur lequel le tampon de l'agence n'a pas été porté. La SARL Pierres des Cévennes en tire la conclusion que Mme X agissait pour son propre compte mais ce document unique ne permet pas de retenir le grief dès lors que l'absence de tampon peut résulter d'un simple oubli. Les différentes attestations produites par Mme X laissent conclure qu'elle développait effectivement un intuitu personae fort avec les clients démarchés par ses soins à tel point que certains ne voulaient avoir affaire qu'à elle. Mais cette seule circonstance ne permet pas de retenir qu'elle aurait transgressé les termes de son mandat qui était d'agir au nom et pour le compte de la SARL Pierres des Cévennes qui ne justifie pas que des mandats de recherches ou des ventes auraient été conclues directement par Mme X sans passer par l'office de l'agence. Ce grief sera donc écarté.
La SARL Pierres des Cévennes s'emploie à démontrer en appel le manque de professionnalisme de Mme X par le témoignage de quatre clients Elle justifie que les époux C. ont engagé le 15 janvier 2015 une assignation contre la société pour manquement à une obligation de renseignements et de conseils de l'agent immobilier sur l'existence de désordres (fort taux d'humidité par capillarité) qu'il ne pouvait ignorer, étant établi par la production de la facture d'honoraires correspondante du 02 août 2015 que Mme X s'est chargée de cette vente. L'attestation du client M. D. est explicite et circonstanciée en ce qu'il lui impute un comportement déloyal consistant dans le fait de lui avoir sciemment caché l'impossibilité d'accéder en voiture à la maison qu'elle lui avait présentée en 2014 et qu'il se trouve aujourd'hui dans l'obligation de revendre. Deux autres courriers adressés à l'agence déplorent le défaut d'implication de Mme X pour faire visiter une maison mise en vente en 2013 ou encore pour entreprendre les démarches administratives à l'accomplissement desquelles elle s'était engagée concernant l'imputation de la taxe d'ordures ménagères pour l'exercice 2014 pour un bien vendu en 2013.
Si les deux premiers faits sont de nature à porter préjudice à l'image d'une agence immobilière implantée dans un environnement rural, il convient de relever que l'instance judiciaire invoquée est en cours et qu'il n'est donc pas établi que la responsabilité de l'agence soit retenue. Les griefs formulés par M. D. n'ont donné lieu à l'engagement d'aucune action en justice bien qu'ils sous-tendent un comportement dolosif de la part de Mme X. De plus celle-ci produit à l'inverse des témoignages de satisfaction de la clientèle. S'ils émanent pour quatre d'entre eux de clients qu'elle avait fidélisés à une époque où elle exploitait seule l'agence, les autres sont établis par des clients nouveaux qui vantent la qualité de son travail et de la relation de confiance créée. Ainsi les deux faits isolés mis en exergue par la SARL Pierres des Cévennes sur une période d'activité de plus de deux ans ne peuvent être qualifiés de fautes graves ni davantage les deux autres faits plus anecdotiques.
Enfin, l'argumentaire de la SARL Pierres des Cévennes selon lequel elle n'aurait nullement entravé la possibilité pour Mme X de venir travailler à l'agence pendant la durée du préavis contractuel laisse conclure que les fautes qui lui étaient reprochées n'étaient pas suffisamment graves au point d'empêcher la poursuite de la relation de travail pendant le préavis.
En conséquence et en l'absence de fautes graves commises par Mme X dans l'exécution de son contrat, la SARL Pierres des Cévennes est effectivement redevable de l'indemnité réparatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce qui a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la privation des commissions dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier.
Cette indemnité doit eu égard les circonstances de l'espèce s'évaluer à hauteur de 2 années de commissions calculées sur la moyenne des années d'exécution calculées sur la base de ses déclarations auprès du régime social des indépendants (RSI) pour les années 2012, 2013 et 2014.
Mme X ayant déclaré les sommes de 6 063 euros au titre de l'année 2012, 29 941 euros au titre de l'année 2013, 3 631 euros et 14 198 euros au titre de l'année 2014, son préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme de 35 888 euros au paiement de laquelle la SARL Pierres des Cévennes sera condamnée.
Mme X n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la privation des commissions auxquelles l'exécution normale du contrat lui aurait donné droit, le lien de causalité du préjudice psychologique allégué avec la décision de la SARL Pierres des Cévennes n'étant pas établi puisque le certificat médical produit fait état d'un syndrome anxieux réactionnel le 14 mai 2014 survenu en conséquence antérieurement à la réception de la lettre de rupture, la preuve n'étant pas rapportée de ce que dès le 14 mai, le gérant de la SARL Pierres des Cévennes lui aurait annoncé sa décision.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à l'allocation de la somme supplémentaire de 10 000 euros.
Par ailleurs, si les fautes ci-dessus rappelées ne doivent pas recevoir la qualification de faute grave, il n'en demeure pas moins que le comportement de Mme X n'en était pas moins critiquable et qu'il a participé à la décision de la SARL Pierres des Cévennes.
Sur la demande en paiement au titre de la perte de chance d'activité et au titre du préjudice moral.
Mme X fait grief la SARL Pierres des Cévennes de l'avoir empêchée d'exercer son activité dès le 20 mai 2014 et pendant la durée même du préavis en l'empêchant de poursuivre l'avancement des mandats de vente qu'elle avait initiés.
La SARL Pierres des Cévennes conteste ce grief en faisant valoir que Mme X avait continué à avoir accès à l'agence immobilière pendant le délai de préavis, soulignant qu'elle en détenait les clés qui n'avaient été restituées qu'à son terme. Elle ajoute qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de ce que Mme X ne venait plus à l'agence si ce n'est le 26 mai pour détériorer du matériel en soulignant qu'elle ne lui avait jamais reproché une impossibilité quelconque d'avoir accès à l'agence et aux dossiers ayant disposé de son compte professionnel jusqu'au 27 août 2014 date de sa clôture.
Il convient en premier lieu de rappeler que le contrat conclu entre les parties prévoyait expressément l'accomplissement d'un préavis de 3 mois sauf en cas de faute grave non retenue en l'espèce.
Mme X ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de travailler à l'agence antérieurement à la réception du courrier de rupture et il n'est pas discuté qu'elle s'est bien présentée à l'agence le 26 mai 2014, le jour même de la réception de la notification du courrier de rupture qui est aussi celui au cours duquel elle a détérioré un ordinateur de l'agence à l'origine de la condamnation des premiers juges d'avoir à payer la somme aujourd'hui non contestée de 314 euros.
Par contre, la SARL Pierres des Cévennes ne démontre pas avoir notifié à un quelconque moment à Mme X qu'elle lui laissait finalement la possibilité un préavis contrairement aux termes de son courrier et force est de constater qu'elle ne justifie pas avoir répondu au courrier que lui a adressé le 3 juin 2014 le conseil de Mme X dans lequel celui-ci mettait en demeure la SARL Pierres des Cévennes de la mettre " en mesure de poursuivre son activité professionnelle dans les conditions antérieures et que tous ses documents de travail lui soient accessibles ".
Mme X indique que tel n'a pas été le cas et se prévaut de l'attestation de Mme A indique " qu'au départ de Mme X un meuble supplémentaire a bien été installé renfermant tous les dossiers sous clé. Évidemment Mme X ne détenait pas cette clé ".
La SARL Pierres des Cévennes est impuissante à contredire ce témoignage, car celui de M. B est trop imprécis quant à la période à laquelle il fait référence quand il indique que Mme X " possédait la clé de l'agence comme tous les agents commerciaux ". Nul n'étant admis à s'établir une preuve à soi-même, l'attestation du gérant de la SARL Pierres des Cévennes certifiant avoir reçu le 26 août 2014 de Mme X, l'original de l'attestation en qualité d'agent commercial, le carnet de visite, et les clés de l'agence, ne peut qu'être écartée faute d'avoir été cosignée par l'intéressé. Enfin, la circonstance que le compte professionnel de l'intéressée ait été clos le 27 août 2014 est insuffisant à rapporter cette preuve n'étant pas démontré ce compte aurait été effectivement utilisé par l'intéressée.
Il convient en conséquence de faire droit la demande d'indemnisation de Mme X au titre de la perte de chance d'avoir réalisé des visites pendant la période de préavis qui sera évalué à hauteur de la somme de 5 000 euro par référence à la moyenne des commissions perçues les 3 dernières années (soit une moyenne de 8 972 euros sur 3 mois).
Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit à l'indemnisation du préjudice moral invoqué étant retenu que le comportement même de l'intéressé lors de la journée du 26 mai 2014 a participé à ce préjudice à le supposer établi en plaçant le gérant de l'agence dans l'impossibilité psychologique de revenir sur sa décision initiale.
Sur la demande en dommages-intérêts au titre du surplus d'activité
Mme X explique qu'en plus de ses fonctions commerciales résultant du contrat signé, elle avait été amenée à exercer de multiples tâches d'ordre administratif ne lui incombant pas et regrettant la manière dont elle a été remerciée pour ce dévouement, elle estime en droit d'obtenir réparation au titre de surcroit de travail d'une part et du préjudice moral découlant de l'indélicatesse de la SARL Pierres des Cévennes.
Mais ne justifiant pas des "multiples tâches" d'ordre administratif qu'elle aurait été amenée à assumer et se limitant à produire la procuration postale que lui avait donnée la SARL Pierres des Cévennes pour retirer et recevoir les envois de la poste, Mme X sera déboutée de ses demandes à ce titre.
Sur la demande tendant à la nullité de la clause de non-concurrence
Mme X soutient la nullité de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de représentation commerciale en raison de son caractère général excluant toute limitation géographique puisque le secteur concerné est mentionné de la manière suivante " tous secteurs (Gard, Lozère et autres) " en l'empêchant ainsi d'exercer toute activité sur le territoire national voire à l'étranger.
La SARL Pierres des Cévennes soutient à l'inverse que la clause de non-concurrence est limitée à 2 ans dans le Gard et la Lozère de sorte qu'elle est parfaitement proportionnée et licite au regard des dispositions de l'article L. 134-14 du Code de commerce tout en rappelant que l'acte de cession du fonds de commerce et le bail commercial contenaient eux-mêmes une clause de non-concurrence portant interdiction à Mme X de s'établir dans un rayon de 40 km du lieu d'exploitation du fonds cédé et pendant 5 ans, à laquelle elle n'avait nullement renoncé lors de la signature du contrat de représentation commerciale.
L'article L. 134-14 du Code de commerce prévoit la possibilité d'insérer dans le contrat d'agent commercial une clause de non-concurrence après la cessation du contrat. Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et le cas échéant le groupe de personnes confiées à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquelles il exerce la représentation aux termes du contrat. La clause de non-concurrence n'est valable que pour une période maximale de 2 ans après la cessation du contrat.
La clause de non-concurrence litigieuse a été stipulée en ces termes : " à la cessation du présent contrat à quelque époque pour quelque cause que ce soit l'agent s'interdit d'exercer directement ou indirectement la même activité qui a fait l'objet du présent mandat confié par l'agence immobilière. Cette interdiction sera limitée à une durée de 2 ans à compter de la date de rupture effective du présent contrat et au secteur géographique déterminé sous l'article 3 ". L'article 3 indique que l'agent - à savoir Mme X - exercerait son mandat dans le secteur géographique suivant : " tous secteurs. (Gard. Lozère et autres) et auprès de la clientèle suivante : tout type de clientèle".
Il s'ensuit que stipulée en ces termes, la clause était illimitée d'un point de vue géographique et donc disproportionnée puisque son étendue " tous secteurs. Gard Lozère et autres " excluait toute possibilité pour Mme X de retrouver la liberté d'exercice de sa profession même en dehors du Gard et de la Lozère. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de celle-ci et de prononcer la nullité de ladite clause. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de communication de factures
Rappelant avoir été privée de toute possibilité d'accès à son activité pendant le temps du préavis, Mme X indique qu'elle ignore ce qui avait été fait sur le plan comptable au regard des dossiers en cours alors que son contrat de représentation prévoit une rémunération de 25 % des honoraires pour chaque vente par l'agence immobilière outre 25 % des honoraires sur les ventes d'un immeuble démarché par elle. Or à ce jour, elle n'avait perçu que 25 % des honoraires de ses propres ventes sans disposer des éléments lui permettant de savoir si elle peut prétendre ou non à une rémunération supplémentaire. Subsidiairement, elle estime que la SARL Pierres des Cévennes a pu facturer mensuellement une somme de 4 000 euros à titre d'honoraires à ses différents négociateurs au nombre de quatre, et que par application de l'article 5 du contrat de représentation commerciale, elle est en droit de prétendre au paiement d'une somme de 1 000 euros par mois, soit 24 000 euros pour la période travaillée à l'agence.
La SARL Pierres des Cévennes s'oppose à cette demande faisant valoir que tous les mandats de vente apportés par Mme X ont été rémunérés constatant que l'appelante ne fait état d'aucune facture impayée.
Le contrat conclu entre les parties prévoyait dans un article 5 intitulés " rémunération " : " en rémunération de ses services l'agent percevra une commission de 25 % de la commission pour l'apport d'un mandat d'un bien vendu et de 25 % de la commission pour la vente d'un bien vendu par l'agence immobilière. ".
Ces dispositions doivent s'interpréter au regard de la précision " en rémunération de ses services " définis dans l'article 1, intitulé " mandat " qui dispose que "l'agence immobilière confie à l'agent qui accepte le mandat de solliciter des mandats de vendre et de vendre au nom et pour le compte de l'agence immobilière".
Ainsi la rémunération convenue se rapporte-t-elle d'une part aux apports de mandats de vendre et d'autre part aux ventes effectives conclues par l'intermédiaire de Mme X
Les dispositions précitées ne s'interprètent pas comme donnant un droit à Mme X d'obtenir un pourcentage sur chaque vente par l'agence immobilière en sus du pourcentage de 25 % sur la vente d'un immeuble démarché par elle.
Par ailleurs, dans le cadre d'un contrat d'agent commercial exécuté dans le cadre du statut d'auto entrepreneur, cette rémunération impliquait effectivement l'établissement par Mme X des factures sur chaque opération obtenue par son entremise et non l'inverse.
Elle sera donc de déboutée de sa demande de communication de factures formées au visa des dispositions du contrat précité.
Sur la demande tendant à la condamnation de Mme X à réparer les dégradations matérielles commises.
La SARL Pierres des Cévennes rappelle que le 26 mai 2014, Mme X avait volontairement jeté au sol un ordinateur endommageant le disque dur du système informatique et demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à indemniser cette perte à hauteur de 314 euros
Mme X indique qu'elle se désiste de son appel concernant ce chef de décision. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur les frais de l'instance :
La SARL Pierres des Cévennes qui succombe au principal supportera les dépens engagés de première instance et d'appel et devra payer à Mme X la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme. Au fond, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme X de ses demandes en dommages intérêts pour préjudice moral, de sa demande en paiement au titre d'un surplus d'activité administrative et de secrétariat et de sa demande de communication des factures, l'Infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la SARL Pierres des Cévennes à payer à Mme X la somme de 35 888 euros au titre de l'indemnité réparatrice due au visa de l'article L. 134-12 du Code de commerce, Condamne la SARL Pierres des Cévennes à payer à Mme X la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité de préavis au visa de l'article L. 134-11 du Code de commerce, Annule la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de représentation commerciale conclu le 26 juin 2012, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Dit que la SARL Pierres des Cévennes supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à Mme X une somme de 1 300 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.