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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 8 novembre 2016, n° 14-08514

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Kriss Laure (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Jeannesson

Avocats :

Mes Bonte, Domingues, Gautier

TGI Saint-Nazaire, du 18 sept. 2014

18 septembre 2014

I - Exposé du litige :

La SNC Kriss Laure commercialise des produits diététiques selon un système de vente directe multi-niveaux consistant à diffuser les produits directement auprès des consommateurs par la création d'un réseau de distributeurs indépendants.

Madame C. a signé en novembre 2001 un contrat de vendeur indépendant avec la SNC Kriss Laure, puis le 11 juillet 2002 un contrat d'agent commercial. Monsieur C., son conjoint, a également signé un contrat d'agent commercial avec la SNC Kriss Laure le 2 mai 2004.

Les chiffres de vente de Madame C. et de Monsieur C. s'avérant très satisfaisants, la SNC Kriss Laure a conclu le 1er janvier 2006 avec Madame C. et Monsieur C. un contrat de coordinateur régional pour une durée de trois mois renouvelable tacitement de trois mois en trois mois.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 1er octobre 2008, la SNC Kriss Laure a notifié à Madame C. et Monsieur C. la fin de leur contrat à compter du 31 décembre 2008.

Par acte du 2 février 2010, Madame C. et Monsieur C. ont fait assigner la SNC Kriss Laure devant le Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat.

Par jugement en date du 18 septembre 2014, le Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a notamment :

- débouté Madame C. et Monsieur C. de toutes les demandes qu'ils ont formées du chef de la rupture du contrat de coordinateur régional,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné Madame C. et Monsieur C. aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Madame C. a interjeté appel de cette décision le 28 octobre 2014.

Elle sollicite notamment de :

- réformer le jugement,

- à titre principal,

- condamner la SNC Kriss Laure à lui payer la somme de 302 968 euros au titre de l'indemnité de rupture outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la SNC Kriss Laure à lui payer la somme de 75 742 euros au titre des commissions éludées pendant le délai raisonnable qui a suivi la cessation du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du dépôt des conclusions n° 1 en première instance,

- subsidiairement,

- condamner la SNC Kriss Laure à lui payer la somme de 75 742 euros à titre de dommages et intérêts à la suite du préjudice subi du fait du non renouvellement abusif du contrat de coordinateur régional,

- en tout état de cause,

- condamner la SNC Kriss Laure à lui payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la SNC Kriss Laure aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître B.

La SNC Kriss Laure sollicite de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- dire et juger que le mandat de coordinateur régional est un mandat d'intérêt commun,

- subsidiairement,

- dire et juger qu'à la date de cessation des relations entre les parties fixée au 31 décembre 2008, la SNC Kriss Laure et Madame C. étaient liées par un contrat à durée déterminée de trois mois ayant commencé à courir le 1er octobre 2008,

- constater la déchéance de Madame C. à tout droit à indemnité de fin de contrat en application du deuxième alinéa de l'article L. 134-13 du Code de commerce faute d'interruption du délai annal avant le 31 décembre 2009,

- s'il était considéré que Madame C. n'était pas déchue de son droit à indemnité, dire et juger qu'elle a commis une faute grave la privant de la réparation prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce,

- si la faute grave n'était pas caractérisée, fixer l'indemnité compensatrice à une somme symbolique du fait de la durée de la relation contractuelle limitée à trois mois,

- débouter Madame C. de ses demandes,

- condamner Madame C. à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame C. aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 29 février 2016 pour Madame C. et le 3 août 2016 pour la SNC Kriss Laure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 août 2016.

II - Motifs :

Sur la qualification juridique du contrat de coordinateur régional

Madame C. expose que le contrat de coordinateur régional doit recevoir la qualification de contrat d'agent commercial au sens des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, et que si un doute subsistait sur cette qualification, il faudrait lui accorder le même régime qu'au contrat principal dont il est l'accessoire et le prolongement. Elle fait valoir que :

- l'activité d'agent commercial implique la constitution et la gestion d'un réseau de clientèle ainsi que la conclusion de contrats de vente pour le mandant et que le contrat de coordinateur régional correspond à cette définition,

- l'obligation principale du contrat de coordinateur régional est la vente et la démultiplication des ventes,

- l'animation d'un réseau aux fins de vendre est le propre du contrat d'agent commercial,

- le but de ses actions était le développement des ventes par le réseau, de sorte que le contrat de coordinateur régional est un contrat d'agent commercial,

- le contrat de coordinateur régional ne trouve sa raison d'être qu'au travers de l'existence du contrat d'agent commercial,

- le renouvellement du contrat de coordinateur régional est subordonné à son passage au degré de superviseur dans le cadre de l'exécution du contrat principal, de sorte que l'accessoire suivant le principal, le régime du contrat d'agent commercial et les conditions de sa rupture sont applicables au contrat de coordinateur régional.

La SNC Kriss Laure soutient que :

- le contrat d'agent commercial et le contrat de coordinateur régional ont un objet totalement différent,

- l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat de location ou de prestations de service au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux,

- le coordinateur régional est responsable de la formation, de l'information, du développement, de l'animation et de la surveillance du réseau de vente,

- le coordinateur régional ne conclut aucun contrat d'achat ou vente pour le compte de son mandant,

- le contrat de coordinateur régional est indépendant du contrat d'agent commercial et n'en est pas l'accessoire.

L'objet du contrat d'agent commercial conclu par Madame C. est de visiter la clientèle au nom et pour le compte du mandant, en vue de la promotion et de la vente de tous les produits fabriqués ou distribués par la SNC Kriss Laure. L'agent pourra visiter la clientèle soit personnellement, soit par l'intermédiaire des membres du réseau qu'il aura personnellement constitué. L'agent est libre de définir son secteur géographique d'activité sur le territoire français. Il est rémunéré par des commissions calculées sur les ventes qu'il a lui-même réalisées ou celle réalisées par les distributeurs de son réseau qu'il a personnellement constitué et qu'il devra animer.

L'objet du contrat de coordinateur régional est la formation, l'information, le développement, l'animation et la surveillance du réseau de vente situé sur le secteur géographique suivant : départements 29, 56, 35, 44, 22 (soit la région Bretagne et le département de la Loire-Atlantique). La rémunération est fonction des ventes réalisées par les membres du réseau dans le secteur géographique concerné.

La définition des cinq missions du coordinateur régional est précisée dans le chapitre coordination régionale du contrat. Elles visent uniquement les mandataires ou les moniteurs (c'est-à-dire les distributeurs qui sont mandataires occasionnels ou les agents commerciaux moniteurs tels que définis au manuel du distributeur - pièce 19 de la SNC Kriss Laure) et ne comporte en aucun cas la négociation et/ou la vente à une clientèle. La rémunération est fonction des ventes réalisées par les membres du réseau auprès de leur propre clientèle, grâce notamment aux actions performantes du coordinateur régional. Le contrat de coordinateur régional ne correspond pas à la définition du contrat d'agent commercial prévue à l'article L. 134-1 du Code de commerce rappelée ci-dessus ni à celle du contrat d'agent commercial signé par Madame C. et leurs missions respectives diffèrent distinctement de sorte qu'il ne peut être qualifié de contrat d'agent commercial. De surcroît, il ne prévoit pas que les missions du coordinateur régional doivent être exercées par un agent commercial et il peut être exercé par un vendeur indépendant, de sorte qu'il n'en est pas non plus l'accessoire, peu important dès lors que Madame C. ait été parallèlement à son activité de coordinateur régional, également agent commercial de la SNC Kriss Laure, observation faite que l'argument tiré de l'objectif commun de vente des produits est parfaitement inopérant dès lors que la vente est par essence l'objectif de toute entreprise. La stipulation contractuelle, acceptée par Madame C., qui prévoit que le coordinateur régional devra impérativement se qualifier Superviseur dans un délai de deux ans faute de quoi le contrat prendra fin sans autre formalité ni préavis est liée aux performances d'objectifs de l'activité du mandataire telle que développée dans le manuel du distributeur qui comporte huit degrés de qualification, et non au contrat d'agent commercial même qui subsiste en tout état de cause.

Le jugement qui a débouté Madame C. de ses demandes au titre du contrat d'agent commercial sera en conséquence confirmé.

Sur le non-renouvellement du contrat

Madame C. expose subsidiairement que le régime de mandat d'intérêt commun doit être appliqué au contrat de coordinateur régional de sorte qu'il ne peut être révoqué librement par la volonté de l'une des parties mais seulement de leur consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice ou suivant les clauses et conditions spécifiées par le contrat. Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute et que la SNC Kriss Laure n'est pas en mesure de démontrer le comportement qu'elle lui impute dans le courrier de rupture du contrat.

La SNC Kriss Laure réplique que le mandat d'intérêt commun à durée déterminée prend fin à son terme et qu'aucune indemnité n'est due, qu'en l'espèce, le contrat prévoyait les modalités de fin de contrat et qu'elle a appliqué les stipulations contractuelles.

L'article 2004 du Code civil dispose que le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. Il est constant que le mandat d'intérêt commun peut être révoqué notamment suivant les clauses et conditions spécifiées au contrat.

L'article XIV du contrat de coordinateur régional stipule :

Le présent contrat est conclu pour une durée de trois mois soit du 1er janvier 2006 au 31 mars 2006.

Il se renouvellera tacitement de trois mois en trois mois. Il pourra y être mis fin immédiatement et par anticipation en cas de manquement grave du coordinateur à l'une de ses obligations.

Il n'est pas contesté que le contrat de coordinateur régional est un contrat de mandat d'intérêt commun. Le contrat de coordinateur régional est conclu à durée déterminée de trois mois. La SNC Kriss Laure a décidé d'y mettre fin par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 1er octobre 2008 à effet au 31 décembre 2008 de sorte qu'elle a fait application des termes du contrat sans qu'aucun abus ne puisse lui être reproché.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SNC Kriss Laure les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits. Madame C. sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Elle sera également condamnée aux dépens.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne Madame C. à payer à la SNC Kriss Laure la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demande, Condamne Madame C. aux dépens d'appel.