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Décisions

ADLC, 23 novembre 2016, n° 16-D-25

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne

ADLC n° 16-D-25

23 novembre 2016

L'Autorité de la concurrence (vice-président désigné pour adopter seul la décision),

Vu la lettre, enregistrée le 30 juillet 2013 sous le numéro 15/0011 F par laquelle la société Idéal Assistance Habitat a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Google ; Vu la décision de secret des affaires n° 16-DSA-330 du 7 octobre 2016 ; Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 462-5 ; Vu la décision n° 16-JU-06 du 29 septembre 2016, par laquelle le président de l'Autorité de la concurrence a désigné M. Thierry Dahan, vice-président, pour adopter seul la décision qui résultera de l'examen de la saisine enregistrée sous le numéro 15/0011 F ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur et le rapporteur général adjoint entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 17 novembre 2016, la société Idéal Assistance Habitat et le commissaire du gouvernement ayant été régulièrement convoqués. Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Par lettre enregistrée le 30 juillet 2013 sous le numéro 15/0011 F, la société Idéal Assistance Habitat (ci-après " IAH "), anciennement dénommée Allianz Service, a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") de pratiques mises en œuvre par les sociétés Google Ireland et Google Inc. (ci-après " Google ") dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches.

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LA SOCIÉTÉ IDEAL ASSISTANCE HABITAT

2. IAH a été créée en octobre 2009 sous la forme d'une société par actions simplifiée. Elle exerçait principalement des activités d'installation, de réparation et de dépannage dans les domaines de la serrurerie, la plomberie et l'électricité à Paris et en région parisienne. Elle réalisait, au moment des faits, un chiffre d'affaires annuel d'environ 3 millions d'euros par an et employait 25 salariés.

3. Elle a été déclarée en cessation des paiements le 20 août 2012 et le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire le 25 septembre 2013. IAH est aujourd'hui en attente de radiation du registre du commerce et des sociétés.

2. LA SOCIÉTÉ GOOGLE

4. Google est une société américaine dont la principale activité commerciale est la vente de publicité en ligne liée aux recherches et de publicité contextuelle liée au contenu de la page Internet.

5. Le service de publicité de Google le plus utilisé est AdWords. Il permet à l'annonceur d'associer un ou plusieurs mots-clés à ses annonces. AdWords est basé sur un système d'enchères au deuxième prix pour l'achat des mots-clés. En pratique, les annonceurs enchérissent sur des mots-clés afin qu'apparaisse un lien commercial, à côté ou au-dessus des résultats naturels du moteur de recherche si les mots-clés sont présents dans la requête de l'internaute. L'annonceur paie alors pour chaque clic effectué sur les liens commerciaux.

B. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

6. IAH exerçait ses activités d'installation, de réparation et de dépannage sous différents noms commerciaux et a créé, pour promouvoir ses services, de nombreux sites internet comme http://as-serrurier.fr, http://as-plombier.fr, http://24hserrurier.fr, http://proserrurier.fr ou encore http://proplombier.fr.

7. En 2010, IAH a décidé d'utiliser le service de référencement payant AdWords de Google et a signé un contrat de publicité avec Google Ireland Limited le 4 mai 2012.

8. De septembre 2011 à juin 2012, IAH a remporté les enchères organisées par Google lui permettant de figurer en première position sur ses domaines d'activité, notamment le dépannage d'urgence en serrurerie et plomberie. Le coût moyen par clic était alors facturé entre 15 et 25 euros. À cette époque, le budget publicitaire d'IAH sur AdWords était de l'ordre de 8 000 à 9 000 euros par mois. À compter de juin 2012, les dépenses publicitaires d'IAH ont très fortement augmenté pour atteindre 78 523 euros en juillet 2012 et 167 466 euros en août 2012. IAH a alors signalé à Google des " clics frauduleux " qui avaient pour effet d'augmenter ses coûts publicitaires alors que son activité et son chiffre d'affaires étaient stables.

9. Google a mis en œuvre son programme de détection de comportements et clics " incorrects ". Une enquête manuelle a également été lancée et les sites de l'annonceur ont été mis sous étroite surveillance afin de déceler tout clic anormal (cotes n° 108, 112, 116 et 120). Google a alors constaté que beaucoup de clics ne correspondaient pas " à une activité normale d'un utilisateur " et a mis en évidence l'existence d'utilisateurs liée à des " robots enchérisseurs " ou des " sociétés fantômes ".

10. Toutefois, Google a également établi que la hausse des enchères avait en réalité deux causes : d'une part, les offres réalisées par des sociétés fantômes et, d'autre part, les propres offres d'IAH très élevées au regard de son niveau d'activité.

11. Google a néanmoins accordé, à partir d'un décompte détaillé, un avoir d'un montant de 91 534 euros le 26 novembre 2012 (cotes n° 157 et 159). Entre mai 2012 et janvier 2013, Google a également consenti à IAH plusieurs gestes commerciaux sous forme d'avoir et de remise. Malgré ces remises, IAH a cessé d'acquitter ses factures Adwords à partir d'août 2012, estimant qu'elles n'étaient pas justifiées. En février 2013, après plusieurs relances du service comptable, Google a clos le compte Adwords d'IAH (cote n° 18).

12. Le saisissant considère que cette fermeture, qu'il juge brutale et injustifiée, constitue un abus de position dominante et justifie son propre refus d'acquitter ses factures en dénonçant l'inefficacité du système de surveillance de clics " frauduleux " de Google et un mode de facturation non transparent entraînant une surfacturation des services proposés.

II. Discussion

13. L'article L. 462-8 alinéa 2 du code de commerce énonce que " l'Autorité de la concurrence peut (...) rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ".

A. SUR LES PRATIQUES ALLÉGUÉES

1. SUR LES CONTRÔLES EXERCÉES PAR GOOGLE

14. IAH, sans contester l'affirmation de Google selon laquelle " aucun clic correspondant à une activité anormale ne [lui] a été facturé sur les périodes considérées " (cote n° 112), affirme que des clics frauduleux non détectés auraient été facturés sans faire ensuite l'objet d'un avoir commercial, mais n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation.

15. De même, s'agissant des sociétés " fantômes ", Google a mis en place un certain nombre de contrôles afin de vérifier l'identité des sociétés suspectes et a procédé à des fermetures de compte. Ces mesures ont contribué à la diminution du coût par clic pour IAH qui a retrouvé en septembre 2012 un niveau équivalent à celui préexistant aux pratiques alléguées (cotes n° 138 et 504). La plaignante n'apporte aucun élément tendant à démontrer que ce travail n'aurait pas été correctement fait et pris en compte dans le calcul des avoirs consentis.

2. SUR LA RUPTURE DES RELATIONS COMMERCIALES

16. Il ressort des pièces du dossier que, nonobstant les mesures prises par Google pour faire baisser la dette d'IAH, cette dernière a cessé de régler la totalité de ses factures à partir du mois d'août 2012. La rupture des relations entre les deux sociétés n'a toutefois pas été brutale puisque ce n'est qu'après six mois de relances improductives de son service comptable que Google a suspendu les comptes de la société IAH, le 5 février 2013.

3. CONCLUSION

17. Les éléments apportés par la plaignante dans sa saisine apparaissent très insuffisants pour démontrer un abus.

18. En outre, elle a ignoré toutes les demandes des services d'instruction pour étayer ses affirmations et nourrir sa plainte. Malgré les nombreux délais accordés pour apporter des réponses, ces relances sont restées vaines d'autant que, selon les déclarations de l'avocat de la société, son dirigeant aurait quitté la France.

19. Enfin, ni la saisissante ni son conseil ne se sont présentés à la séance. Il n'a donc pas non plus été possible d'obtenir des éléments complémentaires lors du débat oral.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les faits dénoncés par la saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants. Il convient, en conséquence, de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 du code de commerce et de rejeter la saisine.

DÉCISION

Article unique : La saisine enregistrée sous le numéro 15/0011 F est rejetée.