CA Lyon, 1re ch. civ. B, 22 novembre 2016, n° 15-05428
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Automobiles Peugeot (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carrier
Conseillers :
Mme Guigue, M. Ficagna
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Le 1er juin 2007, M. Olivier M. a acquis de M. G. Gérard, exerçant sous l'enseigne Carrosserie Europ 2 000, un véhicule Peugeot 407 SW HD, mis en circulation le 27 octobre 2005 et affichant 21 000 km au compteur.
Courant mai 2010, M. M. a confié son véhicule au garage Slica Peugeot à Champagne au Mont d'Or pour des travaux de carrosserie pour un montant de 6 371,40 euros.
Courant octobre 2010, le véhicule a présenté un dysfonctionnement au niveau du moteur.
Par acte du 8 juillet 2011, M. M. a assigné M. Gérard G. et la société SLICA - Peugeot, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 19 septembre 2011, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise dont les opérations ont été étendues à la société Automobiles Peugeot.
L'expert, M. M., a déposé son rapport le 9 mars 2013, aux termes duquel il a conclu que les problèmes rencontrés sur le véhicule de M. M. provenaient d'un défaut de fabrication des injecteurs de carburant du moteur du véhicule, non décelable par un non professionnel, rendant le véhicule impropre à son usage.
Par acte du 17 juillet 2013, M. M. a assigné la société Automobiles Peugeot, pour solliciter sa condamnation, au visa des articles 1134, 1146, 1641 et 1644 du Code civil à lui payer :
- 2 671,20 euros au titre des frais de remise en état
- 1 700 euros au titre des frais d'assurance,
- 17 000 euros au titre de son préjudice financier,
- 5 000 euros au titre de son préjudice moral
Par jugement en date du 8 janvier 2015, le tribunal a condamné la Société Automobiles Peugeot à payer à M. M. :
- la somme de 2 671,20 euros au titre des frais de remise en état
- outre celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a débouté M. M. du surplus de ses demandes.
M. M. a interjeté appel de ce jugement quant au quantum des dommages et intérêts alloués.
La société automobile Peugeot a relevé appel incident du jugement.
M. Olivier M. demande à la cour :
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
- d'infirmer parte in qua le jugement dont appel,
- d'homologuer le rapport d'expertise,
- de dire que le véhicule est atteint d'un vice caché le rendant impropre à l'usage.
- de condamner le constructeur à payer à M. M. les sommes suivantes:
Frais de remise en état : 2 671,20 euros (confirmation du jugement) /
Assurance payée en vain : 1 700 euros
Préjudice financier subi : 17 000 euros
Préjudice moral : 5 000 euros
Article 700 du Code de procédure civile : 3 000 euros
- de condamner l'appelante en tous les dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise (3 285,27 euros), lesquels seront distraits au profit de la SCP A.-N., avocat sur son offre de droit.
Il soutient :
- que bien que le rapport d'expertise mentionne que " le défaut des injecteurs n'existait pas lors de la vente du véhicule en 2007", l'expert fait allusion à la manifestation du défaut des injecteurs,
- qu'il est bien certain que le désordre ayant pour origine un défaut de fabrication, le vice existait lors de la vente du véhicule de M. M.
- que c'est en fonction d'une analyse méticuleuse du carburant et de l'huile et en procédant par élimination, que l'expert a pu conclure que les désordres provenaient bien d'un défaut de fabrication des injecteurs de carburant du moteur du véhicule.
- que s'il est certain que la périodicité d'entretien préconisée par le constructeur n'a pas été respectée, Peugeot ne préconise aucune intervention sur le circuit de carburant (contrôle, remplacement du filtre à gasoil) lors de ce premier entretien, et l'expert précise que le dépassement de cette première date d'entretien a une influence sur la qualité de l'huile de lubrification, mais pas sur les injecteurs,
- que la mise en doute de l'authenticité de la facture d'entretien du garage Montesquieu est sans fondement et n'a pas fait l'objet d'un dépôt de plainte.
La société Automobiles Peugeot demande à la cour :
Vu l'article 1315 et 1641 et suivants du Code civil ,
A titre principal,
- de rejeter toutes les demandes formées à l'encontre de la société Automobiles Peugeot, le vice de la chose antérieur à la vente n'étant pas démontré
À titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement et rejeter comme non fondées et injustifiées toutes les demandes indemnitaires formées par M. M. au titre des prétendues primes d'assurance, prêt, et préjudice moral
En toute hypothèse,
- de condamner M. M. à payer à la Société Automobiles Peugeot la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile , et aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la Selarl P. et Associes, avocat sur son affirmation de droit.
Elle soutient :
- que l'analyse de l'expert judiciaire est contestable, dans la mesure ou celui-ci n'a pas déterminé quelle était la cause de la défaillance des injecteurs, s'étant contenté d'indiquer qu'ils étaient défaillants, ce qui ne suffit pas à faire la démonstration d'un vice imputable au constructeur,
- que l'analyse d'huile effectuée lors de l'expertise a démontré la présence d'une viscosité très basse qui a pour origine vraisemblable une présence d'eau très importante, mais pas de carburant,
- que cette analyse a conclu à une possible dilution et à un colmatage du filtre à carburant,
- que le dépassement des hauteurs de pistons n'a également pas été contrôlé, la mesure du taux de compression sur les quatre cylindres paraissant insuffisante pour valider le bon état de la base moteur,
- que suite au démontage des bougies de préchauffage, il a été constaté que trois des quatre bougies étaient endommagées,
- qu'il n'a jamais été répondu à la question de savoir si les morceaux de ces bougies étaient dans le moteur ou non,
- qu'il n'est donc pas rapporté la preuve d'un vice, caché, antérieur à la vente, qui serait imputable au constructeur du véhicule.
- que l'entretien du véhicule à 30 000 km n'est pas démontré,
- que la facture du garage Montesquieu manuscrite comporte de nombreuses anomalies qui font douter de sa loyauté,
- que M. M. n'avait jamais fait état de cette facture, qu'il semble avoir produit pour les besoins de la cause,
- que. M., fait preuve d'une particulière mauvaise foi en faisant croire que les cotisations pour assurer son véhicule se sont élevées à la somme de 1 700 euros, alors même que la pièce versée aux débats démontre que ce sont l'intégralité des garanties souscrites auprès de son assureur qui s'élèvent à ladite somme,
- qu'au surplus, le véhicule n'est tombé en panne qu'à compter de la fin du mois d'octobre 2010, et qu'il doit donc garder à sa charge les cotisations d'assurance afférentes à la période où il a utilisé son véhicule,
- qu'il n'ait par la suite plus assuré le véhicule en cause, l'attestation versée aux débats relative aux garanties souscrites pour l'année 2013 ne faisant plus mention du véhicule Peugeot immatriculé 552AXL69,
- qu'il n'est pas démontré que le tableau d'amortissement versé aux débats corresponde à un prêt destiné à l'achat exclusif d'un véhicule d'un montant de 17 000 euros,
- que M. M. ayant fait le choix de l'action estimatoire, il n'est pas fondé à faire peser sur le constructeur le coût d'achat d'un véhicule différent de celui prétendument vicié, alors même que le coût des réparations fixées par l'expert judiciaire ne s'élevait qu'à la somme de 2 671 euros, coût qu'il aurait pu tout à fait avancer, ou chercher à en obtenir le paiement par le biais d'une procédure appropriée,
- qu'il n'a pas remboursé l'intégralité du prêt, et ne peut donc en solliciter le remboursement par anticipation,
- que le préjudice moral n'est pas justifié.
Motifs
Sur la preuve d'un vice caché
Aux termes de l'article 1641 du Code civil :
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En l'espèce, il appartient à M. M. de rapporter la preuve de l'existence du vice caché qu'il allègue, à savoir un défaut de fabrication de 3 injecteurs de carburant.
L'expert indique avoir fait passer les injecteurs au banc de contrôle chez les établissements Gilardi spécialiste injection et que le résultat de ce protocole d'essai fait apparaître une défectuosité de trois injecteurs ( n° 2, 3 et 4 ) qui laissent couler le carburant en trop grande quantité , de sorte que le moteur est quasiment "noyé" de carburant, ce qui expliquerait l'emballement du moteur.
A la suite de ce contrôle l'expert affirme : "les désordres rencontrés sur le véhicule de M. M. proviennent d'un défaut de fabrication des injecteurs du moteur du véhicule."
Il indique que le constructeur Peugeot ne précise pas que les injecteurs ont une usure "normale" à 86 000 km.
Il ajoute enfin :
" Que selon la facture du 7 mars 2008, il est certain que la périodicité d'entretien préconisée par le constructeur n'a pas été respectée. On peut penser que ce fait a pu avoir une conséquence sur la détérioration des injecteurs, mais il faut constater que Peugeot ne préconise aucune intervention sur le circuit de carburant (contrôle, remplacement du filtre à gasoil) lors de ce premier entretien. Le dépassement de cette première date d'entretien a une influence sur la qualité de l'huile de lubrification mais pas sur les injecteurs".
Ainsi, il sera relevé que les vices de fabrication ne se sont manifestés qu'en octobre 2010, soit 5 ans après la date de mise en circulation du véhicule, alors que le véhicule avait parcouru 86 169 km et ce alors que la périodicité de l'entretien du véhicule n'a pas été respectée.
L'expert ne dit rien des raisons pour lesquelles le vice de fabrication ne se serait pas manifesté plus tôt.
Il ne décrit pas le défaut affectant les injecteurs, en les comparants par exemple avec des pièces neuves identiques.
D'autre part, il admet expressément que le défaut d'entretien "a pu avoir une conséquence sur la détérioration des injecteurs" ce qui est d'autant plus remarquable qu'il existe un doute sur la réalité de l'entretien effectué " à 30 000 km" par la garage Montesquieu, selon facture du 7 mars 2008.
En effet, l'expert relève lui-même qu'au vu de l'utilisation moyenne du véhicule (1650 km par an), le kilométrage du véhicule lors de la première opération d'entretien au mois de mars 2008 est certainement plus proche des 35 000 km que de la valeur notée sur la facture.
D'autre part, la facture du 7 mars 2008, présente certaines anomalies parmi lesquelles :
- des prix identiques à la facture du 16 septembre 2009,
- des interventions non préconisées à ce kilométrage,
- une absence d'indication de la qualité de l'huile fournie pour la vidange.
Ainsi d'autres causes (absence d'entretien) ont pu provoquer le dysfonctionnement des injecteurs.
En conséquence, la preuve du défaut de fabrication des injecteurs n'est pas établie et M. M. doit dès lors être débouté de ses prétentions.
Le jugement sera donc réformé de ce chef.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau, - Déboute M. Olivier M. de toutes ses prétentions, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne M. Olivier M. aux dépens de l'instance, distraits au profit de la Selarl P. et Associes, avocat sur son affirmation de droit.