CA Bordeaux, 2e ch. civ., 23 novembre 2016, n° 13-04302
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Château les Garelles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, M. Pettoello
FAITS ET PROCÉDURE
En date du 24 janvier 2012, la SARL Château les Garelles a commandé à la SARL B. Frères une décavaillonneuse au prix de 21 647,60 euros sur lequel elle a versé un acompte de 6 000 euros.
La SARL B. a acheté ce matériel à la SARL Jean Michel E.
Dès sa mise en service par un agent de la société E. après sa livraison intervenue le 9 mars 2012, ce matériel aurait présenté des dysfonctionnements non résolus malgré retours en atelier et mises en demeures de l'utilisateur.
Pour l'année 2012, la société Château les Garelles a fait appel à un prestataire, M. T., pour des travaux de décavaillonnage pour un montant facturé de 7 475 euros.
Ainsi, en date du 18 octobre 2012, la SARL Château les Garelles assignait la SARL B. Frères devant le tribunal de commerce de Libourne et par acte du 19 décembre suivant cette dernière assignait à son tour la SARL Jean Michel E. devant la même juridiction.
Par jugement contradictoire du 7 juin 2013, le tribunal de commerce de Libourne a joint les deux procédures et :
Déclaré la SARL Château les Garelles recevable en ses demandes,
Prononcé la résolution de la vente de la décavaillonneuse par la société B. A la SARL Château les Garelles,
Condamné la société B. au paiement, à la SARL Château les Garelles, de 6 000 euros au titre de l'acompte indu, 7 475 euros au titre de dommages et intérêts, 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société Jean Michel E. de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration faite au greffe le 9 juillet 2013, la SARL B. Frères a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance du 31 octobre 2014, le conseiller de la mise en état de la cour de céans a débouté la SARL Château les Garelles de sa demande d'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Libourne du du 7 juin 2013 , ordonné une expertise.
L'expert désigné, M. Pascal L., a rendu son rapport le 6 juillet 2015.
Par courrier RPVA du 5 octobre 2016, la SARL Jean Michel E. a demandé un nouveau délai pour fournir de nouveaux éléments en sa possession.
Prétentions des parties
Dans ses dernières écritures en date du 3 octobre 2016 auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses moyens et arguments, la SARL B. Frères demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes d'appel en garantie de la société E.,
en conséquence, de condamner cette dernière à la relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre à la requête de la SARL Château les Garelles et de lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle se dit fondée à demander la garantie de son fournisseur au titre du vice caché tel que relevé par l'expert qui a retenu sur ce point un défaut de conception ou de fabrication du réglage hydraulique concernant la hauteur du terrage gauche.
Elle conteste que la nouvelle machine qu'elle a reçue de la société E. l'était en remplacement de celle livrée à la société Château les Garelles.
Dans ses dernières écritures en date du 7 septembre 2016 auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses moyens et arguments, la SARL Château les Garelles demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Prononcer la résolution de la vente de la décavaillonneuse intervenue entre elle et la société B. Frères sur le fondement de l'article 1641 du Code civil,
Condamner la société B. Frères à lui verser la somme de 7 475 euros en remboursement des factures payées à M. T., 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de trésorerie, 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais de constat,
statuer ce que de droit sur l'appel en garantie de la société B. Frères contre la société E..
Elle fait valoir que le vice caché est avéré en ce que la machine n'a jamais fonctionné selon ses attentes; elle conteste certains points de l'expertise.
Dans ses dernières écritures en date du 3 octobre 2016 auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses moyens et arguments, la SARL Jean Michel E. demande à la Cour de :
A titre principal
Dire et juger que la décavaillonneuse n'est pas affectée d'un vice caché ;
En conséquence,
Débouter la SARL B. Frères de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre;
Condamner la SARL B. Frères, ou toute partie succombant, à lui payer une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire
Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 7 juin 2013 par le Tribunal de Commerce de Libourne ;
En conséquence
Débouter la SARL B. Frères de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre;
Condamner la SARL B. Frères, ou toute partie succombant, à lui payer une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le fournisseur de la décavaillonneuse à la SARL B. Frères veut faire valoir que la machine livrée n'a pas eu de dysfonctionnements, qu'elle a bien été réceptionnée pour la quatrième fois dans ses ateliers le 20 juillet 2012 où il était constaté qu'elle fonctionnait normalement alors que son agent avait pu relever son dysfonctionnement en se rendant dans les locaux de la société Château les Garelles le 26 juin précédent.
Elle considère toutefois que le dysfonctionnement invoqué ne rend pas la machine impropre à sa destination, que tout au plus, elle en diminue son utilisation, qu'ainsi l'action sur le fondement du vice caché ne peut prospérer, que ces dysfonctionnements sont essentiellement dus à l'usage qu'en a fait l'acheteur Château les Garelles, que d'ailleurs cette dernière avait en avril 2012 refusé la résolution de la vente qui était proposée.
Elle conteste également devoir relever indemne la société B. frères à qui elle a livré une nouvelle décavaillonneuse pour remplacer celle livrée à Château les Garelles ce que B. n'a pas fait.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2016.
Expose des motifs
Si la société B. a relevé un appel total du jugement, dans le dispositif de ses écritures qui seul saisit la cour, elle se borne à demander la réformation des chefs du jugement qui ont rejeté sa demande en garantie à l'encontre de son propre fournisseur. Elle ne conclut pas à la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente. Elle n'expose d'ailleurs aucun moyen de réformation au titre des dispositions du jugement ayant statué sur la demande du Château les Garelles et prononcé la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés.
Les dispositions du jugement qui concernent les rapports entre l'acquéreur final (Château les Garelles) et son vendeur (B.) ne peuvent donc qu'être confirmées.
Le débat est celui de l'appel en garantie du vendeur à l'encontre de son propre fournisseur. Pour écarter l'appel en garantie le tribunal a retenu que B. était lui-même un professionnel de sorte que le défaut était présumé décelable.
Des constatations de l'expertise ordonnée par la cour il résulte que le matériel était affecté d'un défaut de réglage hydraulique concernant la hauteur de terrage gauche et que ce défaut limitait partiellement l'usage de l'engin. L'expert ajoutait que ce défaut n'était pas décelable par l'acheteur avant l'essai effectif de la décavaillonneuse qui ne pouvait avoir lieu qu'après livraison de l'engin neuf.
Il existait donc bien un vice caché et ce vice limitait l'usage de la chose, étant observé que si la décavaillonneuse a certes été malgré tout utilisée, il n'en demeure pas moins que le réglage hydraulique n'était pas fonctionnel et que cela provenait d'un défaut de conception. Du fait de cette limitation de l'usage de la chose, il existait donc bien un vice au sens de l'article 1641 du Code civil dans la mesure où s'il en avait été informé, l'acquéreur en aurait à tout le moins payé un prix moindre. E. ne saurait soutenir qu'il ne s'agissait que d'un défaut minime alors que l'expert a expressément indiqué (p.15) que le défaut diminuait sensiblement l'usage de l'engin.
Au surplus si E. dirige une partie de ses moyens à l'encontre du Château des Garelles il convient d'observer que ce dernier n'avait dirigé son action que contre son vendeur B., qui a lui-même appelé son propre vendeur en garantie. Aucune demande directe n'a été formée entre l'acquéreur final et E.. En toute hypothèse dans les rapports entre le Château les Garelles et B. l'existence d'un vice caché et la résolution qui en est la conséquence sont acquises.
Le débat demeure celui de l'action en garantie et de ce chef et la cour au vu des constatations de l'expert telles que retenues ci-dessus ne peut que constater qu'il existait bien un vice caché. Pour conclure à la réformation du jugement, l'appelant fait valoir que si la vente a été conclue entre professionnels il n'en demeure pas moins que le vice n'était pas décelable.
S'agissant d'une vente entre professionnels puisque B. a pour activité le commerce et la réparation d'équipements mécaniques le vice est présumé apparent. Il s'agit d'une présomption simple laquelle supporte la preuve contraire. Cependant, c'est sur B. qui invoque le caractère indécelable du vice que repose la charge de la preuve. Or, il résulte de l'ensemble des constatations techniques que le vice qui provenait de la conception ou de la fabrication de l'engin était décelable par un simple essai. En effet, des constatations de l'expert il résulte que l'essai effectif rendait le vice décelable. Il ne s'agissait donc pas d'un vice indécelable que seul un usage quelque peu prolongé de la chose aurait permis de constater mais d'un vice qui n'était certes pas apparent pour un profane mais était décelable par un simple essai pour un professionnel. Dès lors, B. ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère indécelable du vice et ne pouvait qu'être débouté de sa demande en garantie.
Compte tenu de la saisine de la cour et du mal fondé de l'appel en garantie, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions y compris quant à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.
L'appel étant mal fondé, B. sera condamné à payer à chacune des autres parties la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel et aux dépens.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SARL B. Frères à payer à la SARL Château les Garelles d'une part la somme de 2 000 euros et à la SARL E. d'autre part celle de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL B. Frères aux dépens.